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Un deuxième avion vénézuélien saisi par les Etats-Unis sous la houlette de Rubio

“Saisi”: le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, qui a clôturé en République dominicaine sa première tournée en Amérique latine, a assisté jeudi à la saisie sur le tarmac de l’aéroport de Saint-Domingue d’un deuxième avion appartenant au gouvernement vénézuélien en moins d’un an.Cette saisie survient moins d’une semaine après la visite fructueuse, d’après les Américains, d’un émissaire de Donald Trump à Caracas, alors que Washington ne reconnaît pas la réélection du président vénézuélien Nicolas Maduro, entachée de fraude selon l’opposition.”La saisie de cet avion vénézuélien, utilisé pour échapper aux sanctions américaines et pour le blanchiment d’argent, est un exemple puissant de notre détermination à tenir le régime illégitime de Maduro responsable de ses actions illégales”, a écrit M. Rubio sur X”Nous continuerons à contrecarrer toute manÅ“uvre visant à échapper aux sanctions américaines”, a-t-il ajouté. La saisie, “c’est du marketing politique américain”, a estimé à Caracas une source diplomatique sous couvert de l’anonymat, rappelant que cet avion était bloqué en République dominicaine depuis des mois. D’origine cubaine, M. Rubio est un fervent opposant aux pouvoirs de gauche en Amérique latine. Lors de son premier mandat, le président Trump avait cherché sans succès à évincer M. Maduro du pouvoir. Les autorités dominicaines avaient immobilisé l’avion Dassault Falcon 200 l’année dernière en application des sanctions américaines en vigueur contre le Venezuela. Elles avaient déjà saisi un premier avion Dassault 900 en septembre 2024, peu après la réélection de M. Maduro en juillet et alors que le président Joe Biden était encore au pouvoir.Des officiels vénézuéliens ont utilisé l’appareil pour se rendre aux Emirats Arabes Unis, en Grèce, en Turquie, en Russie, au Nicaragua et à Cuba, et l’ont conduit en République dominicaine pour maintenance, selon le département d’Etat américain. Le 31 janvier, un émissaire spécial de M. Trump, Richard Grenell, s’est rendu à Caracas pour rencontrer M. Maduro et a obtenu la libération de six prisonniers américains. Il a aussi obtenu que le Venezuela accepte le retour depuis les Etats-Unis d’immigrants illégaux, et notamment de membres du gang vénézuélien du Tren de Aragua, selon Donald Trump.Le président Nicolas Maduro s’était lui félicité de la rencontre, proposant de “construire un agenda zéro” et un “nouveau départ” dans les relations bilatérales entre les deux pays. “Je peux dire que cela a été positif. Il y a des questions sur lesquelles nous sommes parvenus à des accords initiaux”, avait-il dit sans donner de détails. Les Etats-Unis, qui promettent ne pas avoir changé de position sur le Venezuela, ont assuré n’avoir rien donné en échange.- Sécurité nationale -M. Rubio a déclaré que le Venezuela demeurait un sujet de préoccupation pour la sécurité nationale des Etats-Unis, soulignant que l’implosion de l’économie vénézuélienne était synonyme d’émigration. “Le Venezuela est une question de sécurité nationale, et pas seulement d’absence de démocratie”, a déclaré M. Rubio à la presse mercredi au Guatemala. “Il s’agit d’un gouvernement – d’un régime – qui a fait du tort à plus de sept millions de Vénézuéliens et à tous les pays voisins qui ont dû faire face à la réalité de cette migration massive”, a-t-il dit en faisant référence au nombre important de Vénézuéliens qui ont quitté le pays d’après des chiffres de l’ONU.Toutefois, des observateurs notent que le président Trump, qui a pris de nombreuses mesures spectaculaires depuis son investiture le 20 janvier, n’a pas révoqué les licences pétrolières octroyées notamment à Chevron (mais aussi à l’Espagnol Repsol et au Français Maurel et Prom) permettant d’exploiter le brut vénézuélien malgré les sanctions. La licence de Chevron – qui produit quelque 200.000 barils-jour – permet notamment au gouvernement vénézuélien de recevoir légalement une manne financière importante, jugée vitale par des spécialistes.  Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé Nicolas Maduro vainqueur en juillet avec 52% des voix mais sans publier les procès-verbaux, se disant victime d’un piratage informatique, une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs.L’opposition, qui a publié les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs, assure que son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 67% des voix. Outre les Etats-Unis, une grande partie de la communauté internationale dont l’Europe et de nombreux pays d’Amérique latine, ne reconnaissent pas la victoire de M. Maduro, au pouvoir depuis 2013. Les troubles post-électoraux suivant l’annonce de la victoire de M. Maduro se sont soldés par 28 morts, 200 blessés et 2.400 arrestations. Près de 2.000 prisonniers ont été libérés, selon Caracas. Trois personnes sont mortes en détention.

Elections agricoles: avec une large percée, la CR bouscule l’hégémonie FNSEA-JA

La Coordination rurale a effectué une large percée aux élections aux chambres d’agriculture, bousculant l’hégémonie historique de l’alliance majoritaire FNSEA-JA, qui reste la première force syndicale du monde agricole, selon des données provisoires.Les “bonnets jaunes” de la CR, qui avaient appelé à un vote dégagiste contre la FNSEA, se sont félicités jeudi dans un communiqué d’une “victoire historique”. Selon des résultats provisoires rapportés par les Chambres d’agriculture, ils ont remporté une majorité des voix parmi les chefs d’exploitation dans 14 départements, dont le Cher, les Ardennes, la Lozère, la Charente, l’Indre-et-Loire et le Gers. Dans son fief du Lot-et-Garonne, la CR triomphe avec près de 70%.”Les agriculteurs ont dit stop à la cogestion, responsable de la disparition d’un million de vaches et de 150.000 fermes en 10 ans”, a clamé le syndicat.Avec des “listes arrivées en tête dans plus de 80% des départements”, l’alliance FNSEA-JA reste “la première force syndicale du monde agricole”, a souligné lors d’une conférence de presse le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.Mais la victoire est “sans aucun triomphalisme”, a-t-il ajouté en prenant acte du “basculement d’une quinzaine de chambres d’agriculture”.En Gironde, où la CR revendique la victoire avec six voix d’écart devant la liste FNSEA-JA, le président de la FDSEA Jean-Samuel Eynard accusait le coup: “Les agriculteurs de Gironde ont fait leur choix… Nous avons 3 élus”, contre 12 à la CR du fait du mode de scrutin favorisant la liste arrivée en tête.L’alliance FNSEA-JA a conforté son ancrage dans ses fiefs historiques du nord du pays, de Bretagne et du sud-est, perdant du terrain dans des départements qualifiés d'”intermédiaires”, durement frappés par la crise des derniers mois, selon des résultats provisoires publiés par les chambres d’agriculture et le site spécialisé Terre-net.En Haute-Garonne, c’est la liste indépendante soutenue par Jérôme Bayle, figure du mouvement de protestation des agriculteurs début 2024, qui s’est imposée devant l’alliance majoritaire sortante.”Le monde agricole a besoin de changement. On veut casser le système. Il y a une fracture entre le terrain et le syndicalisme. Nous sommes une région oubliée, on ne se sentait plus représentés”, a déclaré à l’AFP Jérôme Bayle, éleveur dans ce département durement frappé par la sécheresse et les maladies animales.- Recours possibles -La Confédération paysanne, syndicat qui plaide pour une “réelle transition agroécologique”, devrait s’imposer en Ardèche, selon les résultats provisoires publiés par les chambres.Il y a six ans, moins d’un agriculteur sur deux avait voté et l’alliance FNSEA-JA avait vu son hégémonie confortée.Cette dernière s’était retrouvée, avec 55,55% des voix, à la tête de 97 chambres sur 101, tandis que la CR (21,5% des suffrages) ne détenait que trois chambres. Avec 20% des voix, la Confédération paysanne n’en avait qu’une, Mayotte, qu’elle conserve pour le moment, le scrutin y ayant été reporté après le cyclone Chido.Quelque 2,2 millions d’électeurs, dont près de 400.000 chefs d’exploitation mais aussi des retraités, salariés ou propriétaires fonciers, étaient appelés à élire leurs représentants — par voie électronique ou postale — du 15 au 31 janvier.Les opérations de dépouillement ont eu lieu jeudi dans la plupart des départements.Le ministère de l’Agriculture communiquera des résultats une fois l’ensemble des résultats départementaux proclamés.Dans la dernière ligne droite de la campagne, les syndicats ont tous dénoncé des “dysfonctionnements” voire des “irrégularités”, laissant présager de nombreux recours.La campagne a été rude, de l’avis de tous.Les bonnets jaunes de la CR, adeptes des opérations coup de poing, avaient dénoncé sans relâche la FNSEA. Porteurs d’un discours anti-normes, réclamant la suppression de l’Office français de la biodiversité, ils espéraient ravir 10 à 15 chambres.En glanant une majorité des chambres départementales en Nouvelle-Aquitaine, la CR pourrait ravir la chambre régionale en mars: ce serait la première en France à échapper au couple FNSEA-JA.La FNSEA a vu s’exprimer un “vote de la colère” qui “a prospéré sur les promesses non tenues depuis près d’un an par les pouvoirs publics, alimentant ainsi un sentiment d’abandon”, selon les morts d’Arnaud Rousseau, président du syndicat.Acteurs clés, les chambres d’agriculture sont des établissements publics qui conseillent et offrent des prestations aux exploitants, tout en représentant les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics.

Après le budget, l’Assemblée restreint le droit du sol à Mayotte lors de débats houleux

Le budget de l’Etat à peine adopté, le gouvernement souhaitait embrayer sur des mesures d'”ordre” et d'”autorité”, mais a récolté tout le contraire dans l’hémicycle. Si les députés ont adopté jeudi une proposition de loi visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte, ils l’ont fait lors d’une séance particulièrement tumultueuse.Après de multiples suspensions de séance, rappels aux règlements, et invectives, la proposition de loi portée par la droite a finalement été adoptée en début de soirée avec les voix des macronistes et du Rassemblement national.Elle a été âprement combattue par la gauche, qui à défaut d’arriver à bloquer le texte a pu afficher une certaine unité, après de fortes divergences stratégiques sur les textes budgétaires — censurés par La France insoumise (LFI) mais négociés avec le Parti socialiste (PS). Au banc toute la journée, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s’est réjoui devant la presse que le texte ait pu être adopté face à “l’obstruction parlementaire” de LFI notamment.Se disant à titre personnel pour l’abrogation pure et simple du droit du sol à Mayotte, il a aussi estimé “que le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol dans notre pays”, et qu’il faut sur le sujet une réforme de la Constitution, que ce soit via un référendum ou à l’occasion de la présidentielle de 2027.Le président du groupe LR, Laurent Wauquiez, a lui salué un “premier pas”, souhaitant aller plus loin à Mayotte et sur le reste du territoire.- Le texte initial durci -Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte porté par les Républicains (LR) prévoit de conditionner l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, des “deux parents” (et non plus d’un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois).Le texte initial prévoyait d’étendre le délai de résidence nécessaire à un an, mais dans la confusion, des députés de gauche ont voté par inadvertance un amendement UDR (groupe d’Eric Ciotti) l’étendant à trois ans. Gérald Darmanin, qui représentait le gouvernement, a promis de corriger cette erreur au Sénat, face au risque de censure du Conseil constitutionnel.Mais il n’a pas souhaité provoquer une deuxième délibération, et la majorité des députés, dont LR et une partie des EPR, s’y est opposée.”C’est en ce genre d’après-midi que les choses évoluent et glissent vers l’innommable”, a fustigé le député LFI Eric Coquerel, dénonçant un texte “qui revient sur le droit républicain avec les voix de l’extrême droite.”Face à l’immigration en provenance des Comores voisines, le texte est “un signal pas suffisant”, a pour sa part jugé Marine Le Pen pour le RN. Il faut “faire cesser cet appel d’air de l’immigration clandestine.”Les Insoumis avaient déposé plusieurs dizaines d’amendements, certains visant ostensiblement à faire durer les débats. Car le texte était examiné lors de la journée réservée aux propositions du groupe LR, qui s’achève obligatoirement à minuit, comme toute “niche” parlementaire.Une tactique contrée par M. Darmanin, qui a utilisé l’article 44 de la Constitution permettant de faire tomber tous les amendements n’ayant pas préalablement été étudiés en commission, afin d’accélérer la discussion. – “Brèche” -Ce texte ouvre “une brèche”, a dénoncé la députée PS Colette Capdevielle. “Après Mayotte, ce sera la Guyane, puis Saint-Martin, puis un beau jour, l’ensemble du territoire français”, a abondé Aurélien Taché pour LFI. Le RN, favorable à l’abrogation du droit du sol à Mayotte, a de fait réaffirmé vouloir sa suppression en métropole.La députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe centriste Liot) a, elle, souligné souhaiter l’abrogation du droit du sol “uniquement pour Mayotte”. La proposition de loi avait été élaborée avant le passage du dévastateur cyclone Chido sur l’archipel. Mais celui-ci a ravivé les débats sur l’immigration dans le département de l’océan Indien.Une loi d’urgence sur la reconstruction à Mayotte doit être définitivement adoptée au Parlement rapidement, et une autre loi plus ambitieuse est prévue au printemps.Après le droit du sol à Mayotte, les députés doivent enchaîner sur une autre proposition prévue par LR: un texte visant à “prioriser les travailleurs” dans l’attribution de logements sociaux.