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A Jakarta, des “hommes d’argent” qui en voient rarement la couleur

Par un après-midi pluvieux à Jakarta, trois hommes le corps recouvert de peinture argentée font la manche auprès des automobilistes: partout sur l’île de Java, les “manusia silver” n’ont souvent pas d’autre choix que de mendier pour gagner à peine de quoi survivre.”Je veux trouver un vrai travail, plus digne, j’ai honte de gagner de l’argent comme ça”, témoigne Ari Munandar, 25 ans.”Mais la gêne disparaît quand vous vous souvenez que votre fille et votre femme sont à la maison”, ajoute l’homme.Pieds nus, vêtus seulement d’un short et enduits d’une peinture irritante, Ari, son frère Keris et leur ami Riyan Ahmad Fazriyansah, vont passer cinq heures à une intersection du nord de la gigantesque capitale.Chaque fois que la file de voitures s’arrête, ils se figent et se déplacent en gestes saccadés, tels des robots.”Je fais ça parce qu’un jour, j’ai vu un ami gagner plus d’argent en imitant un robot”, explique Ari, qui tend sa sébile aux automobilistes.Rien d’anormal à Jakarta, où de nombreux hommes sans emploi s’improvisent agents de circulation ou gardiens de parking, contre un petit billet de 2000 ou 5000 roupies (0,10 à 0,20 euro).Les meilleurs jours, Ari peut gagner jusqu’à 200.000 roupies (10 euros), mais sa recette quotidienne dépasse rarement 120.000 roupies (6,4 euros), juste de quoi nourrir sa famille.Un maigre revenu loin du salaire minimum mensuel de Jakarta, qui s’élève à cinq millions de roupies (260 euros) selon l’Agence indonésienne des statistiques.”Je ne vais pas déjeuner, mais juste me désaltérer et fumer une cigarette”, dit Ari, dans un pays où la population se plaint du coût de la vie.Le prix du kilo de riz, aliment de base dans l’archipel, a bondi de 27% entre 2015 et 2025, selon l’agence des statistiques.- Au chômage depuis 2019 -Le peu d’offres d’emploi est la principale raison pour laquelle des jeunes, hommes ou femmes, doivent se résoudre à faire la manche.”Depuis que j’ai été licencié en 2019, je mendie”, raconte Ari. “Avant cela, je nettoyais des toilettes”.Selon les données officielles, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 595.000 roupies par mois, soit 31 euros) dans la métropole de 11 millions d’habitants est passé de 362.000 en 2019 à 449.000 en septembre 2024.”A Jakarta (…) de nombreux jeunes de 20 à 40 ans avec peu de qualifications se sont retrouvés au chômage”, relève Bhima Yudistira, directeur du Centre d’études économiques et juridiques de Jakarta.”Même s’il n’existe pas de décompte national, il y a eu une énorme augmentation de la mendicité à Jakarta après la pandémie (de Covid) de 2021″, ajoute-t-il.Après cinq heures à tourner sur le même carrefour, les trois compagnons d’infortune rentrent chez eux. Entassés à l’arrière d’un tuk-tuk, ils comptent leurs maigres gains et allument une cigarette qu’ils se partagent.Bien loin des rutilants gratte-ciel du centre-ville, ils regagnent leur bidonville coincé entre une voie de chemin de fer et une rivière à l’eau crasseuse et nauséabonde.Des enfants jouent sur les rails au rythme des trains qui sifflent.Leurs modestes habitations, qui ne font pas plus 15 m2, sont faites de toile et de bois abîmés par le temps. A la nuit tombée, Ari, accroupi, s’asperge le corps d’eau, éclairé par une lampe torche que tient son épouse, Wahyu Ningsih.Sous le regard de leur fille d’un an, il se frotte énergiquement la peau pour effacer les dernières traces de la peinture huileuse et collante.”Au début, la peinture me brûlait, j’ai gardé une cloque dans le cou. Aujourd’hui, ça ne me pique plus que les yeux”, confie Ari. Une fois séché, il file chez lui et joue avec sa fille. “Dès que je suis ici, j’oublie toute la fatigue”, sourit-il, avant de confier un dernier voeu, le regard plein d’amour pour son enfant: “J’espère qu’elle ne fera jamais ce que je fais”.

A Jakarta, des “hommes d’argent” qui en voient rarement la couleur

Par un après-midi pluvieux à Jakarta, trois hommes le corps recouvert de peinture argentée font la manche auprès des automobilistes: partout sur l’île de Java, les “manusia silver” n’ont souvent pas d’autre choix que de mendier pour gagner à peine de quoi survivre.”Je veux trouver un vrai travail, plus digne, j’ai honte de gagner de l’argent comme ça”, témoigne Ari Munandar, 25 ans.”Mais la gêne disparaît quand vous vous souvenez que votre fille et votre femme sont à la maison”, ajoute l’homme.Pieds nus, vêtus seulement d’un short et enduits d’une peinture irritante, Ari, son frère Keris et leur ami Riyan Ahmad Fazriyansah, vont passer cinq heures à une intersection du nord de la gigantesque capitale.Chaque fois que la file de voitures s’arrête, ils se figent et se déplacent en gestes saccadés, tels des robots.”Je fais ça parce qu’un jour, j’ai vu un ami gagner plus d’argent en imitant un robot”, explique Ari, qui tend sa sébile aux automobilistes.Rien d’anormal à Jakarta, où de nombreux hommes sans emploi s’improvisent agents de circulation ou gardiens de parking, contre un petit billet de 2000 ou 5000 roupies (0,10 à 0,20 euro).Les meilleurs jours, Ari peut gagner jusqu’à 200.000 roupies (10 euros), mais sa recette quotidienne dépasse rarement 120.000 roupies (6,4 euros), juste de quoi nourrir sa famille.Un maigre revenu loin du salaire minimum mensuel de Jakarta, qui s’élève à cinq millions de roupies (260 euros) selon l’Agence indonésienne des statistiques.”Je ne vais pas déjeuner, mais juste me désaltérer et fumer une cigarette”, dit Ari, dans un pays où la population se plaint du coût de la vie.Le prix du kilo de riz, aliment de base dans l’archipel, a bondi de 27% entre 2015 et 2025, selon l’agence des statistiques.- Au chômage depuis 2019 -Le peu d’offres d’emploi est la principale raison pour laquelle des jeunes, hommes ou femmes, doivent se résoudre à faire la manche.”Depuis que j’ai été licencié en 2019, je mendie”, raconte Ari. “Avant cela, je nettoyais des toilettes”.Selon les données officielles, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 595.000 roupies par mois, soit 31 euros) dans la métropole de 11 millions d’habitants est passé de 362.000 en 2019 à 449.000 en septembre 2024.”A Jakarta (…) de nombreux jeunes de 20 à 40 ans avec peu de qualifications se sont retrouvés au chômage”, relève Bhima Yudistira, directeur du Centre d’études économiques et juridiques de Jakarta.”Même s’il n’existe pas de décompte national, il y a eu une énorme augmentation de la mendicité à Jakarta après la pandémie (de Covid) de 2021″, ajoute-t-il.Après cinq heures à tourner sur le même carrefour, les trois compagnons d’infortune rentrent chez eux. Entassés à l’arrière d’un tuk-tuk, ils comptent leurs maigres gains et allument une cigarette qu’ils se partagent.Bien loin des rutilants gratte-ciel du centre-ville, ils regagnent leur bidonville coincé entre une voie de chemin de fer et une rivière à l’eau crasseuse et nauséabonde.Des enfants jouent sur les rails au rythme des trains qui sifflent.Leurs modestes habitations, qui ne font pas plus 15 m2, sont faites de toile et de bois abîmés par le temps. A la nuit tombée, Ari, accroupi, s’asperge le corps d’eau, éclairé par une lampe torche que tient son épouse, Wahyu Ningsih.Sous le regard de leur fille d’un an, il se frotte énergiquement la peau pour effacer les dernières traces de la peinture huileuse et collante.”Au début, la peinture me brûlait, j’ai gardé une cloque dans le cou. Aujourd’hui, ça ne me pique plus que les yeux”, confie Ari. Une fois séché, il file chez lui et joue avec sa fille. “Dès que je suis ici, j’oublie toute la fatigue”, sourit-il, avant de confier un dernier voeu, le regard plein d’amour pour son enfant: “J’espère qu’elle ne fera jamais ce que je fais”.

Dans la gare de Jammu, des centaines d’Indiens en fuite

Partir loin, vite, à tout prix. Ce samedi, la gare de Jammu (nord-ouest) déborde de milliers d’habitants de la ville et des environs en quête d’un aller simple pour la sécurité, loin des violents combats qui opposent l’Inde et le Pakistan.Le train spécial affrété par le gouvernement vient d’entrer en gare. Destination la capitale New Delhi à 600 km plus au sud, loin du front.Sur le quai, c’est une indescriptible cohue. Ça pousse, ça tire, ça crie. Et ni les sifflets, ni les matraques des quelques policiers chargés de ramener l’ordre n’y changent rien.”Nous n’avons pas d’autre choix que de partir”, souffle Karan Verma. Même s’il vit depuis vingt ans à Akhnoor, le maçon de 41 ans n’a pas hésité longtemps à quitter sa maison.”La nuit, on entend tout le temps de fortes explosions”, justifie-il, paniqué.Ces deux derniers soirs, Jammu et ses environs ont été la cible de plusieurs vagues de drones pakistanais. Ils ont visé la base de l’armée de l’air toute proche, mais aussi des infrastructures civiles, accusent les autorités de New Delhi.Jusqu’au cessez-le-feu conclu samedi, les combats ont fait rage cette semaine le long de la frontière qui coupe la région du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan.Les deux pays revendiquent depuis leur indépendance en 1947 l’entière souveraineté de cette région à majorité musulmane, à l’origine de plusieurs guerres et de multiples crises entre eux.- “Piège” -L’armée indienne a tiré mercredi une volée de missiles sur des camps pakistanais qui abritent des membres et des infrastructures du groupe jihadiste qu’elle accuse d’avoir assassiné 26 civils le 22 avril dans la ville de Pahalgam.Islamabad a fermement démenti toute implication dans cette attaque et a aussitôt riposté en procédant à des attaques de drones, des tirs d’artillerie ou des frappes de missiles sur l’Inde.Ces combats ont causé la mort d’une soixantaine de civils dans les deux pays.Dans la gare de Jammu, les candidats au départ ont pris le train spécial d’assaut. Ceux qui sont restés à quai tentent de faire passer un enfant ou un bagage à leurs proches déjà à bord.”Il devrait y avoir plus de train”, rouspète Suresh Kumar, 43 ans en éloignant son frère, qui était prêt à en venir aux mains avec un autre homme pour grimper dans un wagon.Nisha Devi, son mari et ses trois enfants non plus n’ont pas réussi à se frayer une petite place dans un compartiment. Tant pis, elle patientera encore un peu pour rejoindre sa famille dans l’Etat du Bihar, dans le nord-est du pays.”Si j’étais monté dans ce train, j’aurais eu l’impression de m’être précipitée dans un piège avec mes enfants”, philosophe-t-elle.Teklal Padmani Lala a eu plus de chance. Les deux mains solidement accrochés aux barres de métal qui encadrent la porte du wagon, elle attend avec détermination les premiers tours de roue du train.”Je resterai là jusqu’à mon arrivée à Delhi”, assure-t-elle, “je ne bougerai pas”.

Dans la gare de Jammu, des centaines d’Indiens en fuite

Partir loin, vite, à tout prix. Ce samedi, la gare de Jammu (nord-ouest) déborde de milliers d’habitants de la ville et des environs en quête d’un aller simple pour la sécurité, loin des violents combats qui opposent l’Inde et le Pakistan.Le train spécial affrété par le gouvernement vient d’entrer en gare. Destination la capitale New Delhi à 600 km plus au sud, loin du front.Sur le quai, c’est une indescriptible cohue. Ça pousse, ça tire, ça crie. Et ni les sifflets, ni les matraques des quelques policiers chargés de ramener l’ordre n’y changent rien.”Nous n’avons pas d’autre choix que de partir”, souffle Karan Verma. Même s’il vit depuis vingt ans à Akhnoor, le maçon de 41 ans n’a pas hésité longtemps à quitter sa maison.”La nuit, on entend tout le temps de fortes explosions”, justifie-il, paniqué.Ces deux derniers soirs, Jammu et ses environs ont été la cible de plusieurs vagues de drones pakistanais. Ils ont visé la base de l’armée de l’air toute proche, mais aussi des infrastructures civiles, accusent les autorités de New Delhi.Jusqu’au cessez-le-feu conclu samedi, les combats ont fait rage cette semaine le long de la frontière qui coupe la région du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan.Les deux pays revendiquent depuis leur indépendance en 1947 l’entière souveraineté de cette région à majorité musulmane, à l’origine de plusieurs guerres et de multiples crises entre eux.- “Piège” -L’armée indienne a tiré mercredi une volée de missiles sur des camps pakistanais qui abritent des membres et des infrastructures du groupe jihadiste qu’elle accuse d’avoir assassiné 26 civils le 22 avril dans la ville de Pahalgam.Islamabad a fermement démenti toute implication dans cette attaque et a aussitôt riposté en procédant à des attaques de drones, des tirs d’artillerie ou des frappes de missiles sur l’Inde.Ces combats ont causé la mort d’une soixantaine de civils dans les deux pays.Dans la gare de Jammu, les candidats au départ ont pris le train spécial d’assaut. Ceux qui sont restés à quai tentent de faire passer un enfant ou un bagage à leurs proches déjà à bord.”Il devrait y avoir plus de train”, rouspète Suresh Kumar, 43 ans en éloignant son frère, qui était prêt à en venir aux mains avec un autre homme pour grimper dans un wagon.Nisha Devi, son mari et ses trois enfants non plus n’ont pas réussi à se frayer une petite place dans un compartiment. Tant pis, elle patientera encore un peu pour rejoindre sa famille dans l’Etat du Bihar, dans le nord-est du pays.”Si j’étais monté dans ce train, j’aurais eu l’impression de m’être précipitée dans un piège avec mes enfants”, philosophe-t-elle.Teklal Padmani Lala a eu plus de chance. Les deux mains solidement accrochés aux barres de métal qui encadrent la porte du wagon, elle attend avec détermination les premiers tours de roue du train.”Je resterai là jusqu’à mon arrivée à Delhi”, assure-t-elle, “je ne bougerai pas”.

Dans la gare de Jammu, des centaines d’Indiens en fuite

Partir loin, vite, à tout prix. Ce samedi, la gare de Jammu (nord-ouest) déborde de milliers d’habitants de la ville et des environs en quête d’un aller simple pour la sécurité, loin des violents combats qui opposent l’Inde et le Pakistan.Le train spécial affrété par le gouvernement vient d’entrer en gare. Destination la capitale New …

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En Inde, Poonch pleure la mort de ses jumeaux sous les obus pakistanais

Zian Khan, 12 ans, et sa jumelle Urwa Fatima ont été tués par un obus pakistanais. Pour tous les habitants de la ville indienne de Poonch (nord-ouest), ils sont le visage de la guerre qui a changé à jamais le cours de leurs vies.  Le frère et la sÅ“ur ont été fauchés mercredi matin tout près de leur maison, alors que l’artillerie du Pakistan ripostait aux frappes ordonnées par l’Inde après l’attentat meurtrier de Pahalgam.Leur mère, Urusa Khan, 30 ans, n’a été que légèrement blessée par les éclats. Leur père, Rameez Khan, 46 ans, a été grièvement touché et hospitalisé entre la vie et la mort.Ce matin-là, c’est un déluge de feu qui a plu sur Poonch, le long de la “ligne de contrôle” qui sépare le Cachemire entre les deux pays.Le bilan est lourd, très lourd. Au moins 12 morts, 49 blessés et des dizaines de maisons éventrées.Jusqu’au cessez-le-feu immédiat signé samedi, les bombardements n’ont pas cessé. La nuit, le jour, entrecoupés de quelques heures de répit. La plupart de ses 60.000 habitants en ont profité pour fuir vers l’arrière.Cousin des jumeaux, Sarfaraz Mir, 40 ans, n’a pas rejoint cet exode. Il fait partie des quelques milliers restés dans les ruines de la ville-fantôme.”Aucun d’entre nous n’avait jamais imaginé que notre ville ou une autre zone civile puisse un jour être prise pour cible comme ça”, confie-t-il. “Mais il semble que notre ville a été visée délibérément. Les gens ont encore très peur…”Sarfaraz Mir décrit avec précision les instants qui ont précédé la mort des deux adolescents.La famille venait juste de franchir le seuil de la maison, tout près de l’école d’Urwa et Zian, pour échapper aux obus. Leur mère a alors brusquement fait demi-tour pour prendre à l’intérieur quelque chose qu’elle avait oublié.”A cet instant précis, un obus a explosé juste à côté de leur logement”, se souvient le cousin. Urwa est morte instantanément, son frère peu après.- “Un choc impensable” -“Les gens ne se sont occupés du père que plus tard”, poursuit Sarfaraz. “Il avait perdu beaucoup de sang, il est toujours dans un état critique”.Avec la mort des deux enfants est venu pour la famille le temps du regret. Celui d’avoir quitté le village de Chaktroo où elle habitait pour emménager près de leur école.”Leur mort a été un choc impensable”, soupire Fiaz Diwan, 30 ans, un proche.”Ils seraient encore en vie si leurs parents n’avaient pas voulu leur donner la meilleure éducation et le meilleur avenir”, continue-t-il, “je ne peux m’empêcher de penser à leur détresse”.De nombreux habitants la partagent, eux aussi touchés dans leur chair par la brutale vague de violence qui s’est abattue sur la ville.Poonch “est un bouquet de communautés – Hindous, Sikhs, Musulmans – qui vivent harmonieusement ensemble”, souligne Sarfaraz Mir. “On dirait qu’ils (les Pakistanais) ont voulu s’en prendre à ça”, regrette-t-il.Un temple sikh et un autre hindou ont été endommagés par les bombardements.Le secrétaire du ministère indien des Affaires extérieures, Vikram Misri, a publiquement accusé l’armée pakistanaise d’avoir frappé ces lieux de culte “dans un but précis”. “Le Pakistan n’était jamais tombé aussi bas”, a-t-il lâché.New Delhi a accusé Islamabad de soutenir le groupe jihadiste qu’il soupçonne d’avoir assassiné 26 civils le 22 avril dernier. Le Pakistan a démenti fermement toute implication dans l’attaque.Depuis la mort de Zian et Urwa, leur cousin reste inconsolable. Seul le courage de leur mère lui a redonné un peu d’espoir.Sitôt ses deux enfants enterrés, elle est retournée à l’hôpital au chevet de son mari, qui ignore toujours leur mort. “Dieu lui a donné des nerfs d’acier pour traverser tout ça avec autant de calme et de dignité”, salue Sarfaraz Mir.

En Inde, Poonch pleure la mort de ses jumeaux sous les obus pakistanais

Zian Khan, 12 ans, et sa jumelle Urwa Fatima ont été tués par un obus pakistanais. Pour tous les habitants de la ville indienne de Poonch (nord-ouest), ils sont le visage de la guerre qui a changé à jamais le cours de leurs vies.  Le frère et la sÅ“ur ont été fauchés mercredi matin tout près de leur maison, alors que l’artillerie du Pakistan ripostait aux frappes ordonnées par l’Inde après l’attentat meurtrier de Pahalgam.Leur mère, Urusa Khan, 30 ans, n’a été que légèrement blessée par les éclats. Leur père, Rameez Khan, 46 ans, a été grièvement touché et hospitalisé entre la vie et la mort.Ce matin-là, c’est un déluge de feu qui a plu sur Poonch, le long de la “ligne de contrôle” qui sépare le Cachemire entre les deux pays.Le bilan est lourd, très lourd. Au moins 12 morts, 49 blessés et des dizaines de maisons éventrées.Jusqu’au cessez-le-feu immédiat signé samedi, les bombardements n’ont pas cessé. La nuit, le jour, entrecoupés de quelques heures de répit. La plupart de ses 60.000 habitants en ont profité pour fuir vers l’arrière.Cousin des jumeaux, Sarfaraz Mir, 40 ans, n’a pas rejoint cet exode. Il fait partie des quelques milliers restés dans les ruines de la ville-fantôme.”Aucun d’entre nous n’avait jamais imaginé que notre ville ou une autre zone civile puisse un jour être prise pour cible comme ça”, confie-t-il. “Mais il semble que notre ville a été visée délibérément. Les gens ont encore très peur…”Sarfaraz Mir décrit avec précision les instants qui ont précédé la mort des deux adolescents.La famille venait juste de franchir le seuil de la maison, tout près de l’école d’Urwa et Zian, pour échapper aux obus. Leur mère a alors brusquement fait demi-tour pour prendre à l’intérieur quelque chose qu’elle avait oublié.”A cet instant précis, un obus a explosé juste à côté de leur logement”, se souvient le cousin. Urwa est morte instantanément, son frère peu après.- “Un choc impensable” -“Les gens ne se sont occupés du père que plus tard”, poursuit Sarfaraz. “Il avait perdu beaucoup de sang, il est toujours dans un état critique”.Avec la mort des deux enfants est venu pour la famille le temps du regret. Celui d’avoir quitté le village de Chaktroo où elle habitait pour emménager près de leur école.”Leur mort a été un choc impensable”, soupire Fiaz Diwan, 30 ans, un proche.”Ils seraient encore en vie si leurs parents n’avaient pas voulu leur donner la meilleure éducation et le meilleur avenir”, continue-t-il, “je ne peux m’empêcher de penser à leur détresse”.De nombreux habitants la partagent, eux aussi touchés dans leur chair par la brutale vague de violence qui s’est abattue sur la ville.Poonch “est un bouquet de communautés – Hindous, Sikhs, Musulmans – qui vivent harmonieusement ensemble”, souligne Sarfaraz Mir. “On dirait qu’ils (les Pakistanais) ont voulu s’en prendre à ça”, regrette-t-il.Un temple sikh et un autre hindou ont été endommagés par les bombardements.Le secrétaire du ministère indien des Affaires extérieures, Vikram Misri, a publiquement accusé l’armée pakistanaise d’avoir frappé ces lieux de culte “dans un but précis”. “Le Pakistan n’était jamais tombé aussi bas”, a-t-il lâché.New Delhi a accusé Islamabad de soutenir le groupe jihadiste qu’il soupçonne d’avoir assassiné 26 civils le 22 avril dernier. Le Pakistan a démenti fermement toute implication dans l’attaque.Depuis la mort de Zian et Urwa, leur cousin reste inconsolable. Seul le courage de leur mère lui a redonné un peu d’espoir.Sitôt ses deux enfants enterrés, elle est retournée à l’hôpital au chevet de son mari, qui ignore toujours leur mort. “Dieu lui a donné des nerfs d’acier pour traverser tout ça avec autant de calme et de dignité”, salue Sarfaraz Mir.

“Cessez-le-feu immédiat” entre l’Inde et le Pakistan, annonce Trump

Après plusieurs jours d’attaques meurtrières de drones, de tirs d’artillerie et de frappes de missiles, le Pakistan et l’Inde ont accepté samedi un “cessez-le-feu immédiat”, a annoncé à la surprise générale le président américain Donald Trump, saluant le “bon sens” des deux puissances nucléaires.Depuis mercredi, les deux voisins, nés d’une douloureuse partition en 1947 au départ du colonisateur britannique, étaient sourds aux appels  à la retenue des capitales étrangères qui redoutaient le point de non-retour.”Après une longue nuit de discussions sous la médiation américaine, je suis heureux d’annoncer que l’Inde et le Pakistan ont accepté un CESSEZ-LE-FEU TOTAL ET IMMEDIAT”, a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social, adressant ses “félicitations aux deux pays” pour leur “bon sens et grande intelligence”.Dans la foulée à Islamabad, le ministre pakistanais des Affaires étrangères Ishaq Dar a confirmé que le Pakistan et l’Inde avaient accepté “un cessez-le-feu avec effet immédiat” dans un message sur X.Confirmant aussi un accord de cessez-le-feu, à Delhi, une source gouvernementale indienne indiquait toutefois qu’il avait été directement négocié entre l’Inde et le Pakistan et que les deux pays voisins n’avaient pas prévu de discuter d’autre chose que du cessez-le-feu.Le secrétaire d’État américain Marco Rubio venait de déclarer sur X que l’accord faisait suite à des négociations approfondies entre lui-même et le vice-président JD Vance avec les Premiers ministres indiens et pakistanais Narendra Modi et Shehbaz Sharif, ainsi que d’autres hauts responsables.”Je suis heureux d’annoncer que les gouvernements de l’Inde et du Pakistan ont accepté un cessez-le-feu immédiat et de commencer des pourparlers sur un large éventail de questions dans un lieu neutre”, a aussi déclaré M. Rubio. – “Vengé les morts innocents ” -Tout avait commencé le 22 avril avec un attentat qui a choqué l’Inde: des hommes armés ont abattu 26 hommes sur un site touristique au Cachemire indien. New Delhi a accusé Islamabad de soutenir le groupe jihadiste qu’elle soupçonne de l’attaque, ce que son voisin a démentu fermement.Après des sanctions diplomatiques, des menaces sur le partage des eaux du fleuve Indus, les deux pays sont entrés mercredi dans leur pire confrontation militaire depuis des décennies.Ce jour-là, l’Inde a mené des frappes sur plusieurs villes pakistanaises assurant y détruire des “camps terroristes” et entraînant une spirale d’attaques et de contre-attaques. Samedi matin encore, le Pakistan annonçait lancer sa riposte après des tirs de missiles indiens sur des bases militaires, dont l’une aux portes d’Islamabad.Le Premier ministre pakistanais affirmait qu'”avec l’opération ‘Edifice compact'”, le Pakistan avait “donné à l’Inde une réponse adéquate et vengé les morts innocents” –une “vengeance” qu’il avait promise dans une adresse à la nation mercredi.L’Inde a confirmé avoir subi une série d’attaques, notamment de drones, contre plusieurs cibles militaires situées dans toute la partie nord-ouest de son territoire.La principale ville du Cachemire indien, Srinagar, a été plusieurs fois secouée samedi par de violentes détonations, ont constaté des journalistes de l’AFP.Touchée au petit matin, la base aérienne d’Awantipora, près de Srinagar, a encore été frappée à la mi-journée, selon une source policière s’exprimant sous couvert de l’anonymat.Marco Rubio avait alors exhorté ses homologues indien et pakistanais “à rétablir une communication directe pour éviter toute erreur de calcul”, tandis que la Chine haussait le ton, en appelant “fermement” les deux voisins à la retenue.- “Dégâts limités” -Selon le bilan officiel des deux camps, les violences ont tué une soixantaine de civils depuis mercredi.Cet état de guerre a suscité d’importants mouvements de population de part et d’autre de la “ligne de contrôle” qui sépare la région contestée du Cachemire entre les deux pays. Dans la partie indienne, la gare de la ville de Jammu, visée par des attaques de drones pakistanais les deux dernières nuits, était prise d’assaut samedi par des habitants en quête d’un train.”Il y a eu des fortes explosions toute la nuit”, a confié à l’AFP sur un quai l’un des candidats au départ, Karan Varma, un maçon de 41 ans. “Il n’y a pas d’autre choix que de partir”.De l’autre côté de la frontière de facto, Mohammed Hussain a raconté à l’AFP une nuit de violence qui a tué, selon les autorités du Cachemire pakistanais, 11 civils.”Ma maison a été fortement endommagée dans les tirs, j’essaie d’évacuer ma famille vers un endroit plus sûr”, a-t-il dit.Après l’annonce du cessez-le-feu, le Pakistan a rouvert son espace aérien alors que côté indien, 32 aéroports du quart nord-ouest du pays restaient fermés.burs-pa-sbh/pt    Â