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Trump annonce au moins 25% de surtaxe sur les produits de 14 pays, dont le Japon

Le président américain Donald Trump a promis lundi une surtaxe douanière d’au moins 25% à plusieurs pays, dont le Japon et la Corée du Sud, nouvelle étape dans son offensive bouleversant les échanges économiques internationaux.Le dirigeant a distillé pendant la journée, sur sa plateforme Truth Social, 14 lettres quasiment identiques envoyées à des pays essentiellement asiatiques. Trump avait précédemment programmé l’entrée en vigueur de ces droits de douane additionnels à mercredi, mais a repoussé l’échéance au 1er août via un décret présidentiel publié lundi soir. Nouvelle échéance sur laquelle il a aussitôt laissé planer un doute: “Je dirais qu’elle est ferme, mais pas ferme à 100%”, a-t-il répondu aux journalistes qui l’interrogeaient sur cette date lors du dîner avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.Le montant de la surtaxe qu’il menace d’appliquer sur les produits de ces 14 pays, à compter du 1er août, varie: de 25% (Japon, Corée du Sud, Tunisie notamment) à 40% (Laos et Birmanie) en passant par 36% (Cambodge et Thaïlande). Parmi les quatre pays non asiatiques destinataires d’un courrier, l’Afrique du Sud est visée par une surtaxe de 30%.  Les lettres soulignent que si des biens sont estampillés en provenance de ces pays, mais proviennent en réalité d’ailleurs, une surtaxe “plus élevée” s’appliquera. Il n’a donné aucun montant ni cité aucun pays directement, mais les produits chinois transitant par ces pays semblent être visés. Il a aussi assuré que toute riposte serait sanctionnée par une surtaxe additionnelle de même ampleur.Pressé de dire si les lettres constituaient son offre finale, Trump s’est également montré évasif : “Je dirais finale, mais s’ils appellent avec une autre offre et qu’elle me plaît, alors nous le ferons”.Les droits de douane, payés par les importateurs, renchériront vraisemblablement les prix sur le sol américain.Donald Trump avait annoncé qu’il enverrait lundi une première série de 12 à 15 lettres, à autant de partenaires commerciaux, mentionnant la surtaxe qu’il compte mettre en place sur leurs produits.Une partie des annonces ont été faites alors que la Bourse de New York était ouverte. Wall Street a terminé en baisse sans pour autant s’effondrer.- Sus aux déficits -Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le milliardaire républicain a fait des droits de douane un axe central de sa politique économique: levier de négociation pour obtenir des concessions de l’extérieur, moyen de défendre l’industrie nationale ou encore source de nouvelles recettes publiques.Il déteste l’idée que les Etats-Unis aient des déficits commerciaux, c’est-à-dire qu’ils importent plus de marchandises en provenance d’un pays qu’ils n’exportent vers ce pays.Il menace ainsi, depuis avril, des dizaines de partenaires commerciaux de droits de douane punitifs pour rééquilibrer les échanges. Et il a déjà instauré une surtaxe plancher de 10% sur la plupart des produits entrant aux Etats-Unis, et des droits de douane spécifiques sur certains secteurs (50% sur l’acier et l’aluminium, 25% sur l’automobile).- Pas “d’empereur” -Le ministre américain des Finances Scott Bessent, en première ligne des négociations à Washington, a assuré sur la chaîne de télévision CNBC que “plusieurs accords” seraient annoncés “dans les prochaines 48 heures”.”Ma messagerie était pleine de nouvelles propositions” des partenaires commerciaux des Etats-Unis dimanche soir, a-t-il affirmé lundi.Lors d’une réunion à Washington lundi entre le secrétaire d’Etat Marco Rubio et le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale Wi Sung-lac, les Etats-Unis ont dit espérer qu’un accord commercial soit conclu avec Séoul avant le 1er août grâce à une “communication étroite”, selon un communiqué de la présidence sud-coréenne.Le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a pour sa part indiqué mardi qu’il souhaitait un “meilleur accord” avec les Etats-Unis, qui menacent d’appliquer une surtaxe de 36% sur les produits thaïlandais.L’Union européenne (UE) a  rapporté lundi qu’un “bon échange” téléphonique s’était tenu la veille entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et Donald Trump.L’Indonésie a annoncé de son côté qu’elle s’engageait à importer au moins un million de tonnes de blé américain par an pendant les cinq prochaines années, pour un montant de 1,25 milliard de dollars.Elle risque malgré tout de voir ses produits frappés d’une surtaxe de 32%, prévue par Washington depuis avril et confirmée lundi dans la lettre de Donald Trump.Celui-ci avait annoncé la semaine dernière un accord avec Hanoï, présenté comme favorable aux intérêts américains: surtaxe de 20% sur les produits vietnamiens (au lieu des 46% affichés en avril) entrant aux Etats-Unis, et en échange “zéro” droit de douane au Vietnam sur les biens en provenance des Etats-Unis.Le président américain a par ailleurs menacé les pays des Brics (dont Brésil, Chine, Inde, Russie et Afrique du Sud), réunis à Rio de Janeiro, d’une surtaxe supplémentaire de 10%, après qu’ils eurent critiqué son offensive douanière.Les Brics ne veulent pas d’un “empereur”, a réagi le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.Les pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), réunis dans la capitale malaisienne, Kuala Lumpur, devraient euxexprimer leur “préoccupation” vis-à-vis des droits de douane américains, selon un projet de déclaration consulté mardi par l’AFP.

Trump annonce au moins 25% de surtaxe sur les produits de 14 pays, dont le Japon

Le président américain Donald Trump a promis lundi une surtaxe douanière d’au moins 25% à plusieurs pays, dont le Japon et la Corée du Sud, nouvelle étape dans son offensive bouleversant les échanges économiques internationaux.Le dirigeant a distillé pendant la journée, sur sa plateforme Truth Social, 14 lettres quasiment identiques envoyées à des pays essentiellement asiatiques. Trump avait précédemment programmé l’entrée en vigueur de ces droits de douane additionnels à mercredi, mais a repoussé l’échéance au 1er août via un décret présidentiel publié lundi soir. Nouvelle échéance sur laquelle il a aussitôt laissé planer un doute: “Je dirais qu’elle est ferme, mais pas ferme à 100%”, a-t-il répondu aux journalistes qui l’interrogeaient sur cette date lors du dîner avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.Le montant de la surtaxe qu’il menace d’appliquer sur les produits de ces 14 pays, à compter du 1er août, varie: de 25% (Japon, Corée du Sud, Tunisie notamment) à 40% (Laos et Birmanie) en passant par 36% (Cambodge et Thaïlande). Parmi les quatre pays non asiatiques destinataires d’un courrier, l’Afrique du Sud est visée par une surtaxe de 30%.  Les lettres soulignent que si des biens sont estampillés en provenance de ces pays, mais proviennent en réalité d’ailleurs, une surtaxe “plus élevée” s’appliquera. Il n’a donné aucun montant ni cité aucun pays directement, mais les produits chinois transitant par ces pays semblent être visés. Il a aussi assuré que toute riposte serait sanctionnée par une surtaxe additionnelle de même ampleur.Pressé de dire si les lettres constituaient son offre finale, Trump s’est également montré évasif : “Je dirais finale, mais s’ils appellent avec une autre offre et qu’elle me plaît, alors nous le ferons”.Les droits de douane, payés par les importateurs, renchériront vraisemblablement les prix sur le sol américain.Donald Trump avait annoncé qu’il enverrait lundi une première série de 12 à 15 lettres, à autant de partenaires commerciaux, mentionnant la surtaxe qu’il compte mettre en place sur leurs produits.Une partie des annonces ont été faites alors que la Bourse de New York était ouverte. Wall Street a terminé en baisse sans pour autant s’effondrer.- Sus aux déficits -Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le milliardaire républicain a fait des droits de douane un axe central de sa politique économique: levier de négociation pour obtenir des concessions de l’extérieur, moyen de défendre l’industrie nationale ou encore source de nouvelles recettes publiques.Il déteste l’idée que les Etats-Unis aient des déficits commerciaux, c’est-à-dire qu’ils importent plus de marchandises en provenance d’un pays qu’ils n’exportent vers ce pays.Il menace ainsi, depuis avril, des dizaines de partenaires commerciaux de droits de douane punitifs pour rééquilibrer les échanges. Et il a déjà instauré une surtaxe plancher de 10% sur la plupart des produits entrant aux Etats-Unis, et des droits de douane spécifiques sur certains secteurs (50% sur l’acier et l’aluminium, 25% sur l’automobile).- Pas “d’empereur” -Le ministre américain des Finances Scott Bessent, en première ligne des négociations à Washington, a assuré sur la chaîne de télévision CNBC que “plusieurs accords” seraient annoncés “dans les prochaines 48 heures”.”Ma messagerie était pleine de nouvelles propositions” des partenaires commerciaux des Etats-Unis dimanche soir, a-t-il affirmé lundi.Lors d’une réunion à Washington lundi entre le secrétaire d’Etat Marco Rubio et le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale Wi Sung-lac, les Etats-Unis ont dit espérer qu’un accord commercial soit conclu avec Séoul avant le 1er août grâce à une “communication étroite”, selon un communiqué de la présidence sud-coréenne.Le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a pour sa part indiqué mardi qu’il souhaitait un “meilleur accord” avec les Etats-Unis, qui menacent d’appliquer une surtaxe de 36% sur les produits thaïlandais.L’Union européenne (UE) a  rapporté lundi qu’un “bon échange” téléphonique s’était tenu la veille entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et Donald Trump.L’Indonésie a annoncé de son côté qu’elle s’engageait à importer au moins un million de tonnes de blé américain par an pendant les cinq prochaines années, pour un montant de 1,25 milliard de dollars.Elle risque malgré tout de voir ses produits frappés d’une surtaxe de 32%, prévue par Washington depuis avril et confirmée lundi dans la lettre de Donald Trump.Celui-ci avait annoncé la semaine dernière un accord avec Hanoï, présenté comme favorable aux intérêts américains: surtaxe de 20% sur les produits vietnamiens (au lieu des 46% affichés en avril) entrant aux Etats-Unis, et en échange “zéro” droit de douane au Vietnam sur les biens en provenance des Etats-Unis.Le président américain a par ailleurs menacé les pays des Brics (dont Brésil, Chine, Inde, Russie et Afrique du Sud), réunis à Rio de Janeiro, d’une surtaxe supplémentaire de 10%, après qu’ils eurent critiqué son offensive douanière.Les Brics ne veulent pas d’un “empereur”, a réagi le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.Les pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), réunis dans la capitale malaisienne, Kuala Lumpur, devraient euxexprimer leur “préoccupation” vis-à-vis des droits de douane américains, selon un projet de déclaration consulté mardi par l’AFP.

En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l’océan

De l’eau jusqu’aux genoux, Hassan Kargbo montre l’immensité de l’océan devant lui, au large de la Sierra Leone: “Ici, c’était ma maison et là le terrain de foot et tellement d’autres habitations… L’océan a tout détruit”, lâche-t-il. En à peine cinq ans, ce pêcheur a tout perdu de sa vie passée, engloutie par le réchauffement climatique qui menace des millions de personnes dans le pays. “Je ne crois pas du tout que Nyangai va survivre”, lance M. Kargbo, 35 ans, contemplant avec résignation ce qui reste de son île. “L’île est engloutie, morceaux par morceaux…”   Nyangai, dans l’archipel des Tortues, est inéluctablement en train de disparaître face à la montée des eaux, qui frappe de plein fouet ses habitants exténués. Considérés comme les premiers déplacés climatiques de Sierra Leone, ils ont déjà plusieurs fois perdu leurs biens et déménagé à l’intérieur de l’île.  Une équipe de l’AFP a pu se rendre dans plusieurs îles de cet archipel des Tortues pour constater les ravages de la montée des eaux.  A sept heures de pirogue et de mer agitée de Freetown, la capitale sierra-léonaise, ce qui demeure de l’île en sursis de Nyangai apparaît finalement, cernée par l’océan et des colonies de pélicans. Le paysage de plage de sable blanc et mer turquoise semble paradisiaque. Mais il porte aussi en lui la désolation: palmiers arrachés jusqu’aux racines par la force du vent et des vagues, branchages et débris jonchant la plage, sacs de sable servant de dérisoires remparts, meubles abandonnés par des déplacés.  En moins de 10 ans, la surface de l’île a été divisée par trois et ne mesure plus qu’environ 200 mètres de long sur 100 mètres de large. Depuis trois ans, la majeure partie a été submergée. Vu du ciel, l’inexorable engloutissement est édifiant: il ne reste qu’un îlot entouré de pirogues de pêcheurs, où des cabanes faites de tôles et de chaume sont agglutinées. – “Vulnérable” -Des centaines de personnes ont dû quitter l’île ces dernières années à cause des inondations.Il y a dix ans, Nyangai comptait encore un millier d’habitants. Les chefs communautaires estiment à moins de 300 aujourd’hui le nombre d’habitants qui s’entassent sur ce qu’il reste de l’île.Plus de deux millions de personnes vivant le long des côtes de Sierra Leone sont menacées par la montée du niveau des océans, selon une étude menée en juin 2024 par l’Agence nationale sierra-léonaise de gestion des catastrophes (NDMA) et l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), principal organisme international de surveillance des déplacements internes. Ce pays d’Afrique de l’Ouest aux huit millions d’habitants est l’un des plus menacés au monde par le réchauffement, et sa zone côtière “est très vulnérable”, souligne cette étude, qui pointe aussi un appauvrissement des populations, dont la sécurité alimentaire et la santé se sont dégradées avec la promiscuité grandissante.A Nyangai, l’eau potable fait défaut à cause de la salinité des sols. Des dizaines de jeunes enfants désoeuvrés sillonnent l’île ou jouent sur la plage.”Cette île était très grande, elle allait jusque là-bas”, se lamente Amidou Bureh, 60 ans, pêcheur et chef communautaire à Nyangai, en montrant l’océan depuis la plage. “On avait beaucoup de manguiers, de cocotiers, on avait une forêt, mais ces dernières années l’océan a tout détruit…”  “L’eau avance et nous détruit, nous et nos biens! Cela devient très difficile de vivre ici, on souffre beaucoup, nous avons besoin d’aide!”, crie-t-il soudain à pleins poumons, déplorant que les visites d’officiels et d’organisations internationales n’aient pas apporté d’aide concrète, à part recommander aux habitants de partir ailleurs. Par deux fois, Hassan Kargbo et sa famille ont tout perdu et dû reconstruire leur maison à Nyangai. Mais la mer menace à nouveau. “Je ne gagne pas beaucoup avec mon métier de pêcheur, et cela m’a coûté beaucoup trop d’argent d’acheter du bois et de la tôle ondulée à chaque fois que j’ai dû construire une nouvelle maison. Vivre sur cette île, c’est très stressant… je ne veux plus continuer comme cela”, dit-il. Alors, il a pris sa décision, et se prépare à déménager sur l’île de Sei, où le relief est moins plat.- “Une catastrophe” -Un matin à Nyangai, l’habitation de Mohamed Kamara, 19 ans, en première ligne sur la plage, a encore subi les assauts du climat lors d’une nuit de vents, pluies violentes et vagues submergeant la plage constatée par l’équipe de l’AFP.Les cabanes autour de sa maison sont presque toute éventrées, les trous comblés avec des bâches et des planches. Des aliments et instruments de cuisine sont posés en hauteur sur les avancées des toits pour éviter d’être emportés. Dans la petite cour de la famille de M. Kamara, au sol de sable détrempé, plusieurs femmes s’affairent à ranger le désordre de la nuit: bassines renversées, vêtements détrempés, objets en plastique cassés, morceaux de filets de pêche.Fin février, des arbres arrachés par la tempête sont même tombés, sans faire de blessés. “On a perdu tellement de choses, de biens, d’argent; on a fait appeler une équipe d’urgence à Freetown mais personne n’est venu… alors on a fait de notre mieux pour nous sauver nous-mêmes”, lâche le jeune père de famille.Après sept ans de lutte contre l’océan, Mohamed Kamara et sa famille sont épuisés. Ils ont décidé de partir “cette année”, vers la capitale ou une autre grande ville. “On a trop souvent souffert ici”, confie-t-il.   “Ce qui est en train de se passer dans ces îles est une catastrophe, et c’est bien au-delà de l’urgence”, souligne dans un entretien à l’AFP le ministre sierra-léonais de l’Environnement et du Changement climatique Jiwoh Abdulai. “C’est très douloureux parce que nos concitoyens sont en première ligne et gravement touchés par quelque chose dont ils ne sont en aucun cas responsables”. A plusieurs heures de pirogue de Nyangai, l’érosion des côtes de Plantain, une autre île de l’archipel des Tortues déjà en grande partie emportée par l’océan, est impressionnante. Le 23 juillet 2023, la montée des eaux a failli provoquer une tragédie: tôt ce matin-là, la mer et les vagues ont littéralement emporté une partie du bâtiment abritant l’école, située en bordure de plage et où les enfants étudiaient la veille.  L’école est toujours dangereusement perchée sur la berge ravagée. Des classes ont été condamnées mais les 355 élèves ont encore cours dans ce bâtiment. “Nous n’avons pas d’autre option pour les enfants”, raconte avec beaucoup d’émotion Ousmane Kamara, directeur de l’école et également imam dans l’île. – Survie -Se tenant sur la berge effondrée, il montre à l’horizon un petit îlot bordé par l’océan: jusqu’à un passé récent, les deux îles n’en formait qu’une. “Ici, il y avait plus de 300 maisons avant, mais tout a été emporté”, renchérit Moussa Kanu, chef communautaire, en montrant l’océan séparant désormais les deux îlots. “Notre communauté se bat avec courage pour sa survie!”, crie presque le directeur.Face à lui, une forme noyée par l’eau surnage: le sommet du minaret de l’ancienne mosquée, elle aussi submergée.Le bâtiment investi comme nouvelle mosquée juste à côté sur la plage est remblayé régulièrement de blocs de pierres et de bois pour prévenir son grignotage – des efforts bien dérisoires face aux assauts de l’océan.    “Tous les jours, on se demande si la mosquée ne va pas s’effondrer sur nous”, souffle M. Kamara. Plantain, qui hébergeait des milliers de personnes, a perdu de la terre et des habitants depuis des décennies à cause de la montée des eaux. L’île a été un carrefour pour le commerce, l’agriculture, la pêche et le transport maritime, ainsi qu’un lieu touristique, notamment pour la visite de ruines témoignant de la traite des esclaves. Mais les écoles, marchés et maisons ont été peu à peu submergés. Ceux qui n’ont pu partir faute d’argent ont dû se replier à l’intérieur de l’île et y sont aujourd’hui à nouveau menacés. Mais nombre d’habitants continuent d’espérer que le gouvernement trouvera une solution pour sauver leur île et leur histoire.”Beaucoup d’îles sont gravement menacées” par la montée des eaux à travers le pays, souligne l’expert environnemental sierra-léonais Joseph Rahall, fondateur de l’ONG Green Scenery. Il ne donne “pas plus de dix à quinze ans” à l’archipel des Tortues “pour disparaître complètement”. – Disparition d’une culture -Cette crise climatique engendre aussi des conséquences sociales et culturelles dramatiques pour la Sierra Leone. “Ces pêcheurs qui vont être relocalisés ne pourront peut-être plus exercer leur activité, ils ne transmettront plus cette culture de la mer”, regrette M. Rahall. “Le changement climatique n’affecte pas seulement les gens, leurs vies, l’économie, mais aussi les traditions, la culture, la manière de faire du commerce: tout disparaît”. Pour le ministre de l’Environnement, il est clair que “ces populations ont besoin d’aide”. “Nous devons évacuer ces populations de ces îles et nous essayons de mobiliser des ressources pour le faire”, martèle-t-il. Mais il pointe le défi financier que représente cette relocalisation dans un pays déjà très fragile au niveau économique et sanitaire, où le changement climatique a aussi “un effet dévastateur sur le budget” de l’État. Nombre d’habitants de Nyangai et Plantain ont dit à l’AFP se sentir “abandonnés” par les autorités face à l’inéluctable, loin au milieu de l’océan. “Nous n’avons reçu aucune aide financière pour déménager”, déplore ainsi Hassan Kargbo.L’appel mélodieux du muezzin pour la prière de fin d’après-midi résonne sur la petite île de Nyangai.Amidou Bureh contemple l’océan qui engloutit sa vie. “Je suis né à Nyangai, j’ai grandi ici, c’est le seul endroit que je connaisse”, confie-t-il. “On a peur que l’océan nous détruise, mais moi, je n’ai l’intention d’aller nulle part ailleurs, parce qu’ici c’est chez moi.”   

En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l’océan

De l’eau jusqu’aux genoux, Hassan Kargbo montre l’immensité de l’océan devant lui, au large de la Sierra Leone: “Ici, c’était ma maison et là le terrain de foot et tellement d’autres habitations… L’océan a tout détruit”, lâche-t-il. En à peine cinq ans, ce pêcheur a tout perdu de sa vie passée, engloutie par le réchauffement climatique qui menace des millions de personnes dans le pays. “Je ne crois pas du tout que Nyangai va survivre”, lance M. Kargbo, 35 ans, contemplant avec résignation ce qui reste de son île. “L’île est engloutie, morceaux par morceaux…”   Nyangai, dans l’archipel des Tortues, est inéluctablement en train de disparaître face à la montée des eaux, qui frappe de plein fouet ses habitants exténués. Considérés comme les premiers déplacés climatiques de Sierra Leone, ils ont déjà plusieurs fois perdu leurs biens et déménagé à l’intérieur de l’île.  Une équipe de l’AFP a pu se rendre dans plusieurs îles de cet archipel des Tortues pour constater les ravages de la montée des eaux.  A sept heures de pirogue et de mer agitée de Freetown, la capitale sierra-léonaise, ce qui demeure de l’île en sursis de Nyangai apparaît finalement, cernée par l’océan et des colonies de pélicans. Le paysage de plage de sable blanc et mer turquoise semble paradisiaque. Mais il porte aussi en lui la désolation: palmiers arrachés jusqu’aux racines par la force du vent et des vagues, branchages et débris jonchant la plage, sacs de sable servant de dérisoires remparts, meubles abandonnés par des déplacés.  En moins de 10 ans, la surface de l’île a été divisée par trois et ne mesure plus qu’environ 200 mètres de long sur 100 mètres de large. Depuis trois ans, la majeure partie a été submergée. Vu du ciel, l’inexorable engloutissement est édifiant: il ne reste qu’un îlot entouré de pirogues de pêcheurs, où des cabanes faites de tôles et de chaume sont agglutinées. – “Vulnérable” -Des centaines de personnes ont dû quitter l’île ces dernières années à cause des inondations.Il y a dix ans, Nyangai comptait encore un millier d’habitants. Les chefs communautaires estiment à moins de 300 aujourd’hui le nombre d’habitants qui s’entassent sur ce qu’il reste de l’île.Plus de deux millions de personnes vivant le long des côtes de Sierra Leone sont menacées par la montée du niveau des océans, selon une étude menée en juin 2024 par l’Agence nationale sierra-léonaise de gestion des catastrophes (NDMA) et l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), principal organisme international de surveillance des déplacements internes. Ce pays d’Afrique de l’Ouest aux huit millions d’habitants est l’un des plus menacés au monde par le réchauffement, et sa zone côtière “est très vulnérable”, souligne cette étude, qui pointe aussi un appauvrissement des populations, dont la sécurité alimentaire et la santé se sont dégradées avec la promiscuité grandissante.A Nyangai, l’eau potable fait défaut à cause de la salinité des sols. Des dizaines de jeunes enfants désoeuvrés sillonnent l’île ou jouent sur la plage.”Cette île était très grande, elle allait jusque là-bas”, se lamente Amidou Bureh, 60 ans, pêcheur et chef communautaire à Nyangai, en montrant l’océan depuis la plage. “On avait beaucoup de manguiers, de cocotiers, on avait une forêt, mais ces dernières années l’océan a tout détruit…”  “L’eau avance et nous détruit, nous et nos biens! Cela devient très difficile de vivre ici, on souffre beaucoup, nous avons besoin d’aide!”, crie-t-il soudain à pleins poumons, déplorant que les visites d’officiels et d’organisations internationales n’aient pas apporté d’aide concrète, à part recommander aux habitants de partir ailleurs. Par deux fois, Hassan Kargbo et sa famille ont tout perdu et dû reconstruire leur maison à Nyangai. Mais la mer menace à nouveau. “Je ne gagne pas beaucoup avec mon métier de pêcheur, et cela m’a coûté beaucoup trop d’argent d’acheter du bois et de la tôle ondulée à chaque fois que j’ai dû construire une nouvelle maison. Vivre sur cette île, c’est très stressant… je ne veux plus continuer comme cela”, dit-il. Alors, il a pris sa décision, et se prépare à déménager sur l’île de Sei, où le relief est moins plat.- “Une catastrophe” -Un matin à Nyangai, l’habitation de Mohamed Kamara, 19 ans, en première ligne sur la plage, a encore subi les assauts du climat lors d’une nuit de vents, pluies violentes et vagues submergeant la plage constatée par l’équipe de l’AFP.Les cabanes autour de sa maison sont presque toute éventrées, les trous comblés avec des bâches et des planches. Des aliments et instruments de cuisine sont posés en hauteur sur les avancées des toits pour éviter d’être emportés. Dans la petite cour de la famille de M. Kamara, au sol de sable détrempé, plusieurs femmes s’affairent à ranger le désordre de la nuit: bassines renversées, vêtements détrempés, objets en plastique cassés, morceaux de filets de pêche.Fin février, des arbres arrachés par la tempête sont même tombés, sans faire de blessés. “On a perdu tellement de choses, de biens, d’argent; on a fait appeler une équipe d’urgence à Freetown mais personne n’est venu… alors on a fait de notre mieux pour nous sauver nous-mêmes”, lâche le jeune père de famille.Après sept ans de lutte contre l’océan, Mohamed Kamara et sa famille sont épuisés. Ils ont décidé de partir “cette année”, vers la capitale ou une autre grande ville. “On a trop souvent souffert ici”, confie-t-il.   “Ce qui est en train de se passer dans ces îles est une catastrophe, et c’est bien au-delà de l’urgence”, souligne dans un entretien à l’AFP le ministre sierra-léonais de l’Environnement et du Changement climatique Jiwoh Abdulai. “C’est très douloureux parce que nos concitoyens sont en première ligne et gravement touchés par quelque chose dont ils ne sont en aucun cas responsables”. A plusieurs heures de pirogue de Nyangai, l’érosion des côtes de Plantain, une autre île de l’archipel des Tortues déjà en grande partie emportée par l’océan, est impressionnante. Le 23 juillet 2023, la montée des eaux a failli provoquer une tragédie: tôt ce matin-là, la mer et les vagues ont littéralement emporté une partie du bâtiment abritant l’école, située en bordure de plage et où les enfants étudiaient la veille.  L’école est toujours dangereusement perchée sur la berge ravagée. Des classes ont été condamnées mais les 355 élèves ont encore cours dans ce bâtiment. “Nous n’avons pas d’autre option pour les enfants”, raconte avec beaucoup d’émotion Ousmane Kamara, directeur de l’école et également imam dans l’île. – Survie -Se tenant sur la berge effondrée, il montre à l’horizon un petit îlot bordé par l’océan: jusqu’à un passé récent, les deux îles n’en formait qu’une. “Ici, il y avait plus de 300 maisons avant, mais tout a été emporté”, renchérit Moussa Kanu, chef communautaire, en montrant l’océan séparant désormais les deux îlots. “Notre communauté se bat avec courage pour sa survie!”, crie presque le directeur.Face à lui, une forme noyée par l’eau surnage: le sommet du minaret de l’ancienne mosquée, elle aussi submergée.Le bâtiment investi comme nouvelle mosquée juste à côté sur la plage est remblayé régulièrement de blocs de pierres et de bois pour prévenir son grignotage – des efforts bien dérisoires face aux assauts de l’océan.    “Tous les jours, on se demande si la mosquée ne va pas s’effondrer sur nous”, souffle M. Kamara. Plantain, qui hébergeait des milliers de personnes, a perdu de la terre et des habitants depuis des décennies à cause de la montée des eaux. L’île a été un carrefour pour le commerce, l’agriculture, la pêche et le transport maritime, ainsi qu’un lieu touristique, notamment pour la visite de ruines témoignant de la traite des esclaves. Mais les écoles, marchés et maisons ont été peu à peu submergés. Ceux qui n’ont pu partir faute d’argent ont dû se replier à l’intérieur de l’île et y sont aujourd’hui à nouveau menacés. Mais nombre d’habitants continuent d’espérer que le gouvernement trouvera une solution pour sauver leur île et leur histoire.”Beaucoup d’îles sont gravement menacées” par la montée des eaux à travers le pays, souligne l’expert environnemental sierra-léonais Joseph Rahall, fondateur de l’ONG Green Scenery. Il ne donne “pas plus de dix à quinze ans” à l’archipel des Tortues “pour disparaître complètement”. – Disparition d’une culture -Cette crise climatique engendre aussi des conséquences sociales et culturelles dramatiques pour la Sierra Leone. “Ces pêcheurs qui vont être relocalisés ne pourront peut-être plus exercer leur activité, ils ne transmettront plus cette culture de la mer”, regrette M. Rahall. “Le changement climatique n’affecte pas seulement les gens, leurs vies, l’économie, mais aussi les traditions, la culture, la manière de faire du commerce: tout disparaît”. Pour le ministre de l’Environnement, il est clair que “ces populations ont besoin d’aide”. “Nous devons évacuer ces populations de ces îles et nous essayons de mobiliser des ressources pour le faire”, martèle-t-il. Mais il pointe le défi financier que représente cette relocalisation dans un pays déjà très fragile au niveau économique et sanitaire, où le changement climatique a aussi “un effet dévastateur sur le budget” de l’État. Nombre d’habitants de Nyangai et Plantain ont dit à l’AFP se sentir “abandonnés” par les autorités face à l’inéluctable, loin au milieu de l’océan. “Nous n’avons reçu aucune aide financière pour déménager”, déplore ainsi Hassan Kargbo.L’appel mélodieux du muezzin pour la prière de fin d’après-midi résonne sur la petite île de Nyangai.Amidou Bureh contemple l’océan qui engloutit sa vie. “Je suis né à Nyangai, j’ai grandi ici, c’est le seul endroit que je connaisse”, confie-t-il. “On a peur que l’océan nous détruise, mais moi, je n’ai l’intention d’aller nulle part ailleurs, parce qu’ici c’est chez moi.”   

Narbonne: 2.000 hectares parcourus par l’incendie, les habitants hébétés

Le paysage de Prat-de-Cets est noirci, quand les arbres ne sont pas encore en flammes: le hameau de la commune de Bages, près de Narbonne, s’est trouvé sur le passage du vaste incendie qui a parcouru depuis lundi 2.000 hectares de forêt près de Narbonne.Fermée depuis lundi après-midi, causant des dizaines de de kilomètres d’embouteillages sur l’autoroute et le réseau routier secondaire, le trafic devait progressivement reprendre progressivement à partir de 10H00 sur l’A9, axe très emprunté en ce début de vacances scolaires, a annoncé le préfet de l’Aude.Le crépitement de la végétation qui continue de brûler est couvert de temps à autre par le va-et-vient des camions de pompiers, applaudis par Martine Bou, les larmes aux yeux face au sinistre.Cette retraitée assure à l’AFP avoir vu les flammes s’approcher jusqu’à une vingtaine de mètres de sa maison. “On était tous dehors, tous au bord de la route, à surveiller. Et puis, ça s’est avancé, ça s’est avancé…”, raconte-t-elle au petit matin.Ensuite, le maire est arrivé, disant “qu’il fallait tout fermer”, alors elle a “commencé à sortir les caisses pour (s)es chats, récupérer (s)es tortues, mettre le chien dans la voiture”, avant d’évacuer vers Peyriac-de-Mer et de revenir au matin. Elle s’interrompt, la gorge bloquée par un sanglot.- “toujours pas maîtrisé” -Plus d’un millier de pompiers ont lutté toute la nuit contre les flammes et cinq d’entre eux ont été “très légèrement blessés”, indique dans un communiqué publié tôt mardi matin la préfecture de l’Aude, département déjà touché par trois feux de forêt en une semaine. Ils espèrent “fixer” le feu d’ici la fin de la journée.”L’incendie n’est toujours pas maîtrisé. C’est un incendie qui a progressé très vite, compte tenu du vent. Six maisons ont été partiellement touchées. Le feu est allé jusqu’à l’étang de Bages, aux portes du village. L’avant du feu ne progresse plus et il faut traiter les flancs, et veiller à ce qu’il ne s’élargisse pas”, a détaillé à l’AFP le préfet de l’Aude Christian Pouget.Les autorités maintiennent leur appel au confinement appliqué à plusieurs quartiers du sud de la ville de Narbonne, des villages de Bages et de Peyriac-de-Mer.Le mari de Martine Bou, Frédéric, est lui resté toute la nuit à Prat-de-Cets, arrosant les grands pins de l’autre côté de la route pour éviter que le feu ne se propage à leur maison. “Je n’ai jamais vu ça. Je n’avais jamais vécu d’aussi près un incendie aussi énorme”, lâche-t-il. “Des flammes de 50 ou 60 mètres de hauteur, facile.”- Risque toujours élevé -Depuis lundi, une forte tramontane, soufflant du nord-ouest vers le sud-est, attise le feu, “le vent va reprendre, ça va être compliqué dans l’après-midi”, anticipe le préfet de l’Aude.Lundi, les avions bombardiers d’eau et de produits retardants se sont relayés au-dessus du brasier jusqu’à la tombée de la nuit. Une reprise des rotations des moyens aériens était attendue d’ici la mi-journée par le préfet.Le feu, parti lundi vers 15H00, dans des circonstances inconnues, d’un domaine viticole près de la route départementale D613, dans le massif des Corbières, s’est vite propagé, avec des rafales soufflant à 90 km/h, selon un prévisionniste de Météo-France, Adrien Warnan.En outre, la végétation desséchée par un fort déficit pluviométrique atteignant 69% en juin, plus la période de canicule prolongée ces derniers jours, forme un cocktail incendiaire redoutable, a poursuivi M. Warnan.Une enquête a été ouverte par le parquet de Narbonne pour déterminer les causes de l’incendie.- automobilistes piégés -De nombreux automobilistes et chauffeurs de poids lourds ont passé la nuit dans leur véhicule. Quelque 150 personnes ont été hébergées au parc des expositions de Narbonne, d’autres dans des salles communales ou gymnases à Sigean, Ferrals-des-Corbières ou Portel-des-Corbières.L’Aude a connu trois incendies en une semaine. Le 29 juin, un feu a consumé 400 hectares sur la commune voisine de Bizanet, déclenché par le passage du véhicule d’un traiteur transportant sur sa remorque un barbecue mal éteint.Le week-end dernier, un nouvel incendie a parcouru 430 hectares à proximité du village de Douzens, parti d’une voiture ayant pris feu sur la bande d’arrêt d’urgence de l’A61 Toulouse-Narbonne.

Aux Pays-Bas, un village de pêcheurs à la recherche des disparus en mer

Le regard fixé sur les vagues, ses yeux bleus humides, Jan van den Berg, 70 ans, espère retrouver “ne serait-ce qu’un petit os” de son père, pêcheur néerlandais disparu en mer une semaine avant sa naissance.Pour tenter de retrouver ces pêcheurs qui, à l’image du père de Jan, ont disparu en mer, des villageois d’Urk, village côtier du nord des Pays-Bas, ont récemment relancé les recherches avec l’aide de moyens modernes comme l’intelligence artificielle (IA) ou la comparaison d’ADN.Dans cette bourgade où la vie est rythmée par la pêche, nombreux sont ceux qui ont perdu un être cher emporté par les flots.Les corps des disparus demeurent au fond de l’eau ou se sont échoués sur les côtes allemande et danoise, et enterrés dans des tombes anonymes.”On n’a jamais retrouvé le corps de mon père”, murmure sous son chapeau Jan van den Berg, retraité, dernier d’une fratrie de six enfants.Malgré le drame, il est lui-même devenu pêcheur, comme ses frères. A la grande tristesse de leur mère, terrifiée à l’idée que la mer du Nord lui prenne aussi ses fils.”Beaucoup de familles regardent toujours la porte d’entrée et espèrent que leur être cher passe le pas”, affirme à l’AFP Teun Hakvoort, porte-parole d’une nouvelle fondation qui oeuvre pour retrouver et identifier des pêcheurs disparus en mer, en collaboration avec la police.”Tous les bateaux qui ont coulé ont été cartographiés. Avec les moyens modernes, on regarde quelles étaient les conditions météorologiques et les courants au moment du naufrage pour estimer l’endroit où les pêcheurs ont pu échouer”, explique M. Hakvoort, 60 ans.- Retrouvé après 47 ans -Les nouvelles recherches ont déjà porté leurs fruits. Un corps a récemment été exhumé à Schiermonnikoog, petite île au nord des Pays-Bas, et rendu à la famille.”Cet homme était porté disparu depuis 47 ans. Après tout ce temps, l’ADN et cette méthode de travail ont permis de découvrir qu’il venait d’Urk”, déclare M. Hakvoort.Un autre Hakvoort, Frans, aidé par deux de ses frères, préside la fondation, Identiteit Gezocht (identité recherchée, en français) à Urk, qui abrite une communauté soudée et où certains noms de famille reviennent souvent.La fondation entend recenser les tombes inconnues sur les côtes de la mer du Nord et lance un appel aux particuliers. “Lors de vos vacances, faites un tour au cimetière et dites-nous s’il y a une tombe inconnue”, encourage Frans Hakvoort, 44 ans.Il a aussi perdu un proche en mer et passe son temps libre à chercher les disparus.”Avec l’IA, on recherche aussi des articles parus après l’échouage d’un corps, avec peut-être des caractéristiques spécifiques”, poursuit-il. “On saisit toutes ces informations dans une base de données. Si on peut établir un lien, on contacte les autorités locales pour voir si elles peuvent déterrer le corps”.Aux Pays-Bas, “environ 90% des morts inconnus ont été exhumés et tous les profils ADN sont dans une base de données européenne”, note Frans Hakvoort.Au vu des zones de pêche habituelles et du courant, les pêcheurs d’Urk sont plus susceptibles d’être enterrés sur les côtes allemandes ou danoises, relève-t-il.- Restes humains -Jan van den Berg passe ses doigts sur le nom de son père, gravé sur un monument surplombant la plage d’Urk, en hommage aux pêcheurs disparus.Une longue liste, plus de 300 noms: des pères, des frères, des fils. Les dates remontent jusqu’au XVIIIe siècle.Une statue de femme, dos à la mer, représente les mères et épouses espérant le retour de l’être aimé.”Mon père a disparu lors d’une tempête, une nuit glaciale d’octobre 1954″ alors que “j’étais sur le point de naître”, raconte Jan van den Berg.Son oncle, également à bord, racontera que son père était sur le pont lorsque le bateau a été renversé par des vagues déchaînées.Le drame hante toujours la famille van den Berg. “Quand ils remontaient les filets sur le pont avec du poisson, mes frères aînés avaient toujours peur qu’il y ait quelque chose qui ressemble à un humain”, se souvient Jan.En 1976, le bateau de son oncle disparait avec à bord deux de ses cousins, de 15 et 17 ans. Jan van den Berg est parmi ceux qui retrouvent la dépouille de Jan Jurie, l’aîné, quatre mois après. Les autres n’ont jamais été retrouvés.”Il ne se passe pas un jour sans que l’on pense à eux, à tous ces hommes, et c’est pourquoi je participe aux recherches et que je donne mon ADN, car ça reste une plaie ouverte”, confie le retraité.”J’aimerais avoir ne serait-ce qu’un petit os de mon père pour mettre dans la tombe de ma mère”. Et enfin vraiment pouvoir faire le deuil.

Château fort de Guédelon: un chantier à remonter le temps, tourné vers l’avenir

“Construire pour comprendre”. Depuis 28 ans, le château fort de Guédelon (Yonne) est érigé avec les matériaux et techniques du XIIIe siècle, un chantier fou pour préserver un savoir-faire médiéval et réapprendre à bâtir un habitat écologique.”Et voilà, nous sommes en 1256″, lance fièrement Florian Renucci, maître d’œuvre du chantier, en franchissant l’entrée monumentale de Guédelon, flanquée de tours ventrues aux toits encore inachevés. Sur la passerelle surplombant les douves, les lourds pas d’un cheval de trait annoncent l’arrivée d’une charrette à bois transportant les matériaux jusque dans la cour du château.À l’intérieur de l’enceinte entourée de murs épais de 3 mètres, pas de grue d’acier mais une “cage à écureuils” typique du Moyen-Âge, où des hommes tournant dans des roues en bois lèvent des charges d’un poids impressionnant. Ici, c’est l'”huile de coude”: les charpentiers équarrissent les chênes à la hache, sans aucune scie; les carriers fendent à la main des blocs de pierre de plusieurs tonnes ; les gâcheurs mélangent argile et chaux pour sceller les moellons…La conformité des techniques et matériaux utilisés est certifiée par un comité scientifique. La quarantaine d'”oeuvriers”, comme on les appelait au Moyen-Âge, pousse le zèle jusqu’à porter des vêtements de l’époque, même si un portable peut parfois se glisser dans une poche.Maçons, ferronniers et autres gâcheurs font revivre un savoir-faire ancestral devant 300.000 visiteurs par an, soit l’équivalent du château d’Angers ou du salon de l’Auto à Paris.- “Pas un rond” -“On était des fous animés d’une idée”, se souvient auprès de l’AFP Marilyne Martin, cofondatrice du projet qui a démarré autour d’une discussion entre trois amateurs de vieilles pierres, dont le propriétaire du Château de Saint-Fargeau, juste à côté, alors en cours de rénovation. Mais la fine équipe voulait aller plus loin et construire “à neuf” un château du XIIIe, avec ses six tours, dont la maîtresse culminera à 31 mètres, sa chapelle, son logis seigneurial…”On n’avait pas un rond”, se rappelle Mme Martin. Le choix du site se porte alors sur une modeste carrière oubliée d’un hectare, en pleine forêt de Guédelon (d’où le nom). Elle est rachetée 6.500 francs (1.474 euros actuels) et, six mois après, en 1997, le chantier démarre. “Pourquoi construire un château fort alors qu’il y a tellement de châteaux en ruines en France?”, avoue-t-elle. “L’idée c’était de construire pour comprendre, de se mettre en situation de bâtisseur au Moyen-Âge, de la première pierre à la dernière tuile”.”Préserver ce patrimoine immatériel pour les prochaines centaines d’années est important”, estime Florian Hémery, référent historique sur le chantier: “si un bâtiment à rénover est fait à partir de chaux aériennes, il faut le refaire avec la chaux aérienne mais à condition qu’on sache encore la faire.” Une nécessité qui a trouvé tout son sens lors de la restauration de Notre-Dame de Paris, où de nombreux artisans formés à Guédelon, qui les appellent des “passeurs de savoir”, sont allés poser leur pierre.- “Circuit court” -Ressuscitant le passé, le chantier a aussi un air de retour vers le futur car il devient l’exemple même de construction durable, à tel point que le groupe de BTP Bouygues est venu en 2022 étudier à Guédelon des techniques sobres dans un contexte de dérèglement climatique.”Sous prétexte de construire un château fort, on s’est rendu compte qu’on était très moderne: on est dans l’habitat écologique”, explique Marilyne Martin. “Guédelon est une réflexion sur comment construire plus sobrement”, renchérit Florian Renucci. “On parle aujourd’hui de circuits courts: Guédelon est peut-être le seul chantier au monde où les circuits de matériaux sont les plus courts: la carrière est au pied même du château, la forêt de chênes directement dans l’environnement, la chaux est cuite sur place avec beaucoup moins d’énergie” (à 900°C et pas à 1.450°C comme les ciments)…”En redécouvrant comment avec de simples moyens, nos mains, notre huile de coude, on arrive à bâtir une architecture monumentale, on peut tout à fait l’utiliser pour des maisons d’habitation”, dit-il. À condition de prendre son temps, le chantier de Guédelon ne sera pas fini avant des années, voire des décennies.