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En Guinée, un cirque offre un tremplin international à des jeunes défavorisés

Dans la chaleur humide d’un hangar de Conakry, cinq jeunes hommes virevoltent, se contorsionnent et jonglent au rythme des percussions de musiciens, comme un défi lancé aux lois de la gravité et de l’anatomie humaine.Chaque jour pendant plusieurs heures, ces Guinéens s’entraînent au centre d’art acrobatique Fodéba Keïta, une des écoles de cirque les plus réputées d’Afrique de l’Ouest, qui a formé des centaines de jeunes défavorisés et fait rayonner la Guinée à travers le monde.Malgré des moyens très limités, à la mesure de la pauvreté du pays, l’école constitue un véritable tremplin pour ces jeunes. Plus de 200 anciens élèves ont été recrutés dans des troupes à l’international, comme les prestigieux Cirque du Soleil, UniverSoul Circus, Kalabanté ou le Circus Baobab.Les saynètes répétées se succèdent. Sans effort, les corps s’empilent dans des postures vertigineuses. Certains enchaînent les saltos quand d’autres se perchent sur des trapèzes.Clou du spectacle, le corps désarticulé du contorsionniste Mohamed Fofana prend des positions invraisemblables à donner des haut-le-coeur.L’école, qui accueille une centaine d’élèves, a été créée par un ancien du mythique Circus Baobab, Ibrahim Bamba, dit maître BBL à la scène.Dans cette salle construite par l’ambassade de France en Guinée en 2000, le matériel défraîchi porte les traces des longues heures d’entraînements. Sous l’immense plafond, un drap rouge et des trapèzes permettent de pratiquer la voltige.Ce jour-là, de nombreux élèves sont partis en tournée en Turquie avec la troupe de l’école, le cirque Tinafan, qui veut dire “Demain est meilleur” en langue soussou.- Tremplin international -Cette année, le contorsionniste Papi Flex, ancien de l’école, a remporté un prix du Guinness des records. Le jeune homme s’est produit sur les plateaux télévisés et sur les scènes du monde entier.De quoi faire rêver les étudiants en quête d’un avenir meilleur.”Ceux que je vois en Europe, au Brésil, au Canada, en France, ça me pousse à travailler encore plus. Parce qu’un jour, moi aussi, je veux aller dans leurs compagnies”, confie à l’AFP Mamadou Saliou Diallo, voltigeur, jongleur et équilibriste de 26 ans.Dans ce pays dirigé par une junte militaire depuis un coup d’État en 2021, l’école offre des perspectives à ces jeunes qui pourraient, comme des milliers d’autres Guinéens depuis des années, être tentés de rejoindre l’Europe clandestinement par les voies périlleuses du désert ou de la mer.  “On souffre tellement ici… A cause de ça, beaucoup de jeunes partent pour tenter +l’aventure+” (terme courant chez les jeunes pour évoquer leur parcours migratoire), raconte Mamadou Saliou Diallo.- “Réinsertion” – Amadou Camara, administrateur général des lieux, met en avant les objectifs de “réinsertion socio-professionnelle” de l’école, qui recrute parmi des “jeunes en situation extrêmement difficile, qui sont dans la pauvreté”.”L’esprit de cette école, c’est permettre aux jeunes d’être dans un cadre de travail qui va leur éviter la délinquance, le banditisme”, explique-t-il. L’école propose également des ateliers de menuiserie, de couture ou encore de soudure pour apprendre un métier aux jeunes. Cela leur permet de créer eux-mêmes leurs costumes ou le matériel pour leurs spectacles.Une petite baraque à l’extérieur de la salle de l’école fait office d’internat, pour accueillir les élèves les plus défavorisés.Entré dans l’école à l’âge de 8 ans, Ibrahima Oularé est aujourd’hui un voltigeur chevronné. Né dans une famille pauvre, le jeune homme de 19 ans vit sur place et clame que l’école lui a “apporté beaucoup de choses”. “Quand je suis ici, il y a de l’espoir. J’aime ce travail”, confie le voltigeur qui a été invité à se produire aux États-Unis à l’automne. Faute de passeport, sa carrière à l’international est en suspens.L’école devrait bientôt connaître un second souffle. Elle sera déplacée pour être “intégrée à une nouvelle École nationale des arts du cirque de Guinée” (ENACIG), a indiqué à l’AFP le ministre guinéen de la Culture, Moussa Moïse Sylla.Nouveau bâtiment moderne adapté, chapiteau à quatre mâts, ateliers pour les métiers connexes: le ministre promet un nouveau centre “très éloigné des moyens de fortune” actuels.En attendant, les jeunes circassiens comme Mamadou Saliou Diallo croient en des lendemains meilleurs: “Si je continue de travailler, je vais gagner”. 

Cinq ans après la disparition de Delphine Jubillar, son mari condamné à 30 ans de prison

Epilogue d’un procès hors normes, Cédric Jubillar a été condamné vendredi à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse Delphine, disparue fin 2020 dans le Tarn et dont le corps n’a jamais été retrouvé.Le peintre-plaquiste de 38 ans a regardé, impassible, la présidente de la cour Hélène Ratinaud énoncer le verdict, mains serrées sur l’ouverture vitrée de son box et les jambes agitées de mouvements nerveux, comme souvent lors des quatre semaines d’audience.Il a ensuite regagné la maison d’arrêt de Seysses-Toulouse, où il vient de passer quatre ans et demi à l’isolement, à bord d’un véhicule de l’administration pénitentiaire.”Moi, je ne peux pas comprendre qu’on condamne un homme sans corps, sans scène de crime, sans preuves, avec un faisceau d’indices” qui “ne sont a minima pas convergents”, a lancé après la lecture de la décision Alexandre Martin, l’un de ses avocats.Le verdict est conforme aux réquisitions des avocats généraux. La défense a annoncé qu’elle fera appel de cette décision.Au terme d’environ six heures de délibéré, au moins sept des neuf membres de la cour, composée de trois magistrats et six jurés, ont répondu oui, par bulletin secret, à la question: “Est-il coupable d’avoir, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines donné volontairement la mort à Delphine Aussaguel, épouse Jubillar?”A l’énoncé du verdict, la famille et les proches de Delphine se sont étreints, certains en pleurs, sur les quatre bancs des parties civiles qu’ils occupaient en rangs serrés. Un oncle et une cousine de Delphine ont fait un malaise.”Ça fait quatre ans et demi qu’on s’égosille à dire que ce dossier n’est pas vide, que dans ce dossier il y a des preuves, il y a une scène de crime”, a souligné Mourad Battikh, pour les parties civiles, devant les dizaines de journalistes ayant couvert ce procès ultramédiatisé.- “Mots simples” -Dispute du couple juste avant la disparition rapportée par leur fils, lunettes de Delphine retrouvées brisées, utilisation de sa 207 bleu nuit pendant la nuit… Lors du réquisitoire, le ministère public s’est appuyée sur un faisceau d’indices, ainsi que sur la personnalité de l’accusé, décrit unanimement par la cohorte de proches et d’amis du couple comme impulsif et violent avec son fils.”Trente ans, c’est la rétribution d’un meurtre accompli dans des conditions détestables pour un mobile futile, c’est-à-dire empêcher l’autre d’accéder à une liberté absolument légitime”, alors que l’infirmière de 33 ans s’apprêtait à refaire sa vie avec un autre homme, a estimé Me Laurent Boguet, qui représente avec Me Malika Chmani les intérêts des enfants du couple Jubillar.Il faudra annoncer cette condamnation à Louis, 11 ans, et Elyah, 6 ans, avec des “mots simples”, expliquer que “des juges et des jurés ont estimé qu’ils avaient assez d’éléments pour dire que papa était coupable du meurtre de maman”, a confié à l’AFP Me Chmani.Juste avant que la cour d’assises du Tarn se retire pour délibérer peu après 09H00, Cédric Jubillar, le visage blême et les yeux cernés, a redit n’avoir “absolument rien fait à Delphine”.”Nous allons nous remettre au travail pour préparer cet appel”, a affirmé Me Martin, évoquant un “homme abattu”.”Je pense qu’il s’est imaginé que l’absence du corps de Delphine le protégerait”, a analysé Laurent de Caunes, avocat des frères et soeur de la disparue. “Il n’a pas réalisé à quel point au contraire, ça pourrait le pénaliser. Donc peut-être qu’en appel, son raisonnement va évoluer.”Lors de leurs plaidoiries jeudi, les deux avocats qui défendent Cédric Jubillar depuis sa mise en examen et son placement en détention, en juin 2021, s’étaient efforcés de semer le doute dans l’esprit des jurés.Pour les parties civiles et l’accusation, sa culpabilité ne faisait en revanche aucun doute. L’avocat général Pierre Aurignac avait estimé que “pour défendre l’idée de l’innocence de M. Jubillar, il faut écarter quatre experts, faire taire 19 témoins et tuer le chien pisteur” qui a établi que la mère de famille n’a pas quitté son domicile la nuit de sa disparition.”Le crime parfait attendra, avait-il ajouté, le crime parfait, ce n’est pas le crime sans cadavre mais celui pour lequel on n’est pas condamné, et vous allez être condamné M. Jubillar”.bur-chv-vgr/ap/dmc/dch   

Trump reçoit Zelensky après avoir relancé son dialogue avec Poutine

Volodymyr Zelensky aura fort à faire vendredi pour convaincre Donald Trump de livrer à l’Ukraine des missiles Tomahawk, alors que le président américain et Vladimir Poutine viennent de relancer leur dialogue, en convenant d’un prochain sommet à Budapest.Le président ukrainien sera reçu à la Maison Blanche pour la troisième fois depuis le retour au pouvoir du républicain. La rencontre est prévue à 13H00 (17H00 GMT).Lors de leur première entrevue en février, Donald Trump avait asséné brutalement à Volodymyr Zelensky qu’il n’avait “pas les cartes en main”. La seconde, en août, avait été beaucoup plus cordiale.Cette fois, le président ukrainien arrive à la Maison Blanche au lendemain d’un coup de fil surprise entre Donald Trump et Vladimir Poutine, dont le dirigeant russe a profité pour avertir qu’une livraison de missiles Tomahawk “nuirait considérablement” à la relation russo-américaine.Le président américain, interrogé jeudi après sa conversation avec Vladimir Poutine, s’est montré très réservé. “Nous ne pouvons pas appauvrir (les réserves de Tomahawk) notre propre pays”, a-t-il estimé.- 1.600 kilomètres -“Moscou se précipite pour reprendre le dialogue dès qu’ils entendent parler de Tomahawk”, a commenté sur X Volodymyr Zelensky, à son arrivée jeudi à Washington.Le président ukrainien a rencontré des représentants du fabricant américain des systèmes de missiles Tomahawk et Patriot, pour discuter entre autres de la “perspective d’une production conjointe ukraino-américaine”.Le BGM-109 Tomahawk vole jusqu’à 1.600 kilomètres, à 880 km/h, à quelques dizaines de mètres du sol.Ces missiles permettraient à l’Ukraine de frapper en profondeur en Russie, au moment où Moscou, à l’entrée de l’hiver, intensifie ses attaques sur les infrastructures énergétiques ennemies.Vendredi, la Russie a aussi revendiqué la prise de trois villages ukrainiens dans les régions de Kharkiv et Dnipropetrovsk (Est).Le président américain a dit jeudi espérer “mettre fin à cette guerre +sans gloire+” lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine, prévue selon lui “dans les deux prochaines semaines.”- “Très productif” -Les dirigeants américain et russe ont eu jeudi un entretien “très productif”, a jugé le républicain de 79 ans, tandis que Moscou a salué un échange “extrêmement franc et empreint de confiance”.Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a toutefois relevé vendredi qu’il fallait résoudre de “nombreuses questions” avant la rencontre de Budapest. Serguei Lavrov et Marco Rubio, les chefs des diplomaties russe et américaine, se rencontreront pour tenter d’y répondre.Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjarto, a assuré que le président russe pourrait faire le déplacement sans encombres. Vladimir Poutine est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre présumés, mais la Hongrie a annoncé son retrait de la CPI, qui sera effectif le 2 juin 2026. Le dernier sommet entre les deux présidents, le 15 août en Alaska, s’était conclu sans perspective concrète de paix.Cet échec a irrité Donald Trump, qui s’est dit plusieurs fois “très déçu” de Vladimir Poutine et qui a même estimé que la Russie pourrait perdre la guerre.- “Il n’a pas aimé” -Le président américain s’est toutefois cantonné depuis cette rencontre dans un rôle d’observateur, sans mettre à exécution ses menaces de lourdes sanctions contre la Russie.Donald Trump a rompu l’isolement dans lequel les puissances occidentales maintenaient Moscou depuis l’invasion russe de février 2022 et remis en cause l’aide militaire accordée à l’Ukraine par l’administration de son prédécesseur, Joe Biden.Refusant d’attribuer la responsabilité du conflit le plus meurtrier en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale, le président américain renvoie volontiers dos à dos Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. “Ils ne s’entendent pas très bien, ces deux-là”, a-t-il remarqué jeudi, sur un ton désinvolte.Puis il a plaisanté sur son échange téléphonique avec Vladimir Poutine.”Je lui ai dit +Cela vous dérangerait si je donnais quelques milliers de Tomahawk à votre adversaire?” (…). Il n’a pas aimé cette idée”, a lancé le président américain en s’esclaffant, pendant un échange avec la presse dans le Bureau ovale.

Expiration de la trêve entre Afghanistan et Pakistan, sans décision sur l’après

Le cessez-le-feu entre l’Afghanistan et le Pakistan, qui avait mis un terme à plusieurs jours d’affrontements meurtriers, est arrivé à échéance vendredi soir, sans visibilité sur l’étape d’après.A l’annonce de la trêve mercredi à 13H00 GMT, Islamabad avait souligné qu’elle devait durer 48 heures.A l’expiration de ce délai, aucune partie n’avait fait état d’un prolongement, ni annoncé formellement de négociations bilatérales à son sujet.”Attendons que les 48 heures soient passées et nous verrons si le cessez-le-feu tient”, a déclaré dans l’après-midi Shafqat Ali Khan, le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, disant “essayer de travailler par la voie diplomatique pour la rendre durable”.Jeudi, le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif avait estimé que la balle était “dans le camp” des autorités de Kaboul, dénonçant une nouvelle fois le fait que “des terroristes opèrent du côté afghan de la frontière avec impunité”.”Le Pakistan attend des actions concrètes et vérifiables du régime taliban contre ces éléments terroristes”, a dit Shafqat Ali Khan, au cours d’une conférence de presse.Sollicitées par l’AFP, les autorités talibanes n’ont pas dit si des négociations étaient en cours. Mercredi, elles avaient fait savoir que la trêve resterait en vigueur jusqu’à sa violation par la partie adverse.”Nous avons dit aux soldats: +N’attaquez pas, sauf si les forces pakistanaises le font. Si elles le font, alors vous avez tous les droits de défendre votre pays+”, a déclaré vendredi soir le porte-parole du gouvernement taliban Zabihullah Mujahid, dans un entretien à la chaîne de télévision afghane Ariana.”Des négociations peuvent résoudre les problèmes”, a-t-il dit, sans détailler.- “Réponse défensive” -Le cessez-le-feu a tenu depuis son annonce, ramenant le calme dans les régions frontalières et à Kaboul, après une flambée de violences d’une rare intensité.La confrontation a débuté la semaine dernière après des explosions dans la capitale afghane que les autorités talibanes ont imputées au voisin pakistanais. En représailles, elles ont déclenché samedi à la frontière une offensive, à laquelle Islamabad avait promis une “réponse musclée”.Les affrontements ont fait des dizaines de morts, dont des combattants, mais aussi des civils, surtout mercredi.”Notre réponse défensive ne ciblait pas des civils, nous faisons preuve d’une grande prudence pour éviter la perte de vies civiles, contrairement aux forces talibanes”, a affirmé Shafqat Ali Khan.La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) a recensé 37 civils tués et 425 blessés du côté afghan de la frontière en ces quelques jours, appelant les deux parties à mettre un terme aux hostilités “de façon durable”.- “Sentiments mitigés” -“Les gens éprouvent des sentiments mitigés”, dit à l’AFP Nematullah, 42 ans, un habitant de Spin Boldak, une ville afghane accolée à la frontière où se sont concentrés les affrontements.”Ils craignent que les combats ne reprennent mais sortent quand même de chez eux et vaquent à leurs occupations”.Le calme est également revenu à Kaboul où, peu de temps avant l’annonce de cessez-le-feu mercredi, de nouvelles explosions avaient retenti.Elles n’ont pas été revendiquées mais des sources de sécurité pakistanaises ont fait état de “frappes de précision” contre un groupe armé. Certaines sources afghanes ont expliqué que le Pakistan était responsable d’au moins l’une des explosions et qu’il s’agissait de bombardements aériens mais le gouvernement n’a pas accusé officiellement son voisin, cette fois-ci.La semaine dernière, les premières déflagrations avaient eu lieu au moment où débutait une visite inédite du chef de la diplomatie talibane en Inde, l’ennemi historique du Pakistan.L’escalade militaire s’inscrit dans des tensions bilatérales récurrentes, alimentées par des questions migratoires et sécuritaires. Le Pakistan, confronté à une résurgence d’attaques contre ses forces de sécurité, accuse inlassablement son voisin afghan d'”abriter” des groupes “terroristes”, ce que Kaboul dément.

“Je l’ai tuée. Et puis voilà”: le procès du meurtre de Lola s’est ouvert

“Je l’ai ramenée avec moi, je l’ai scotchée, je l’ai tuée. Et puis voilà”. Visage impassible, Dahbia Benkired écoute sans ciller le rappel de ses aveux glaçants et le récit insoutenable de ce 14 octobre 2022, devant les assises de Paris qui la jugent depuis vendredi pour avoir violé, torturé et tué Lola, 12 ans. Ce crime avait déclenché l’effroi et une tempête politique: cette ressortissante algérienne aujourd’hui âgée de 27 ans, était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au moment de ce crime commis dans l’appartement de sa soeur dans le XIXe arrondissement de Paris. Visage empâté par rapport aux photos de l’époque, d’une voix monocorde, elle dit “pardon à toute la famille” de Lola Daviet, dont les parents étaient gardiens de l’immeuble. “C’est horrible ce que j’ai fait. Je le regrette.”Il en faudra plus. Durant les six jours de procès jusqu’au verdict le 24 octobre, les proches attendront une réponse à cette question: pourquoi?- La vérité demandée, sans haine ni colère -Le frère de Lola, Thibaut, s’adresse directement à l’accusée sans réaction: “Au nom de toute la famille”, y compris le père, Johan Daviet décédé “à cause de la même personne” en 2024, “on voudrait que vous disiez toute la vérité et rien que la vérité, à toute la France et à nous”, dit-il d’une voix vierge de haine ou de colère.Les yeux rougis, ils se serrent, s’agrippent par la main, la bouche parfois entrouverte comme pour happer l’air, secoués par les sanglots. Ils sont vêtus d’un T-shirt blanc, avec le dessin d’une enfant souriante, les yeux immenses, cheveux blonds noués en queue de cheval, et cette inscription: “Tu étais le soleil de nos vies, tu seras l’étoile de nos nuits”.Dahbia Benkired n’a jamais clairement expliqué son mobile, évoquant un passe d’ascenseur refusé par la mère de Lola, un fantôme ou l’influence de djinns…Vers 16H40 ce jour d’automne, elle était filmée dans le hall d’entrée, chargée d’une imposante malle. Une heure et demie plus tôt, elle avait abordé Lola Daviet, 12 ans, la fille du gardien de l’immeuble, de retour du collège.Entre les deux, Dahbia Benkired a contraint la fillette terrorisée à la suivre dans l’appartement, lui a imposé des actes sexuels, l’a torturée. Enroulée d’adhésif, y compris sur l’ensemble du visage, la jeune Lola est morte asphyxiée. L’accusée avait alors placé son corps dans une malle, avant de fuir. Elle sera ensuite interpellée.- Cannabis et prostitution -Dans une chronologie de vie confuse et parfois incohérente, elle décrit une jeunesse déstructurée au sein d’une famille dysfonctionnelle, passée entre Algérie et France. Elle évoque des violences sexuelles dont elle aurait été victime, commises par un voisin à 14 ans ou “des hommes qui venaient chez ses tantes” en Algérie, avant son retour en France en 2013. Elle évoque aussi la violence d’un père.Et puis, en France, il y eut l’absence de domicile fixe, les petits boulots précaires et la prostitution, à l’instigation, notamment, d’un petit ami dealer qui ramenait son cannabis dans sa chambre et qu’elle consommait, raconte-t-elle: “Vingt joints par jour, ça me faisait du bien”. Après un arrêt, elle avait recommencé à fumer massivement la semaine avant le crime, affirme-t-elle.Les émotions transparaissent rarement, même si un sourire se dessine quand est évoqué son premier emploi après son CAP restauration ou qu’un rire est réprimé à la lecture d’une déposition d’une de ses deux soeurs, évoquant leur enfance.Selon les experts, qui ont relevé des “conduites manipulatoires”, l’accusée ne souffre pas de “pathologie psychiatrique majeure”. La mort de sa mère fut un “point de bascule”, comme le suggère l’enquête? Dahbia Benkired acquiesce mais a oublié la date, le 9 septembre 2020.  – “Que la justice soit rendue pour ma fille” -Quand elle n’entend ou ne comprend pas, elle fait répéter. Sa soeur l’a décrite comme la “mauvaise graine” de la famille. “C’est quoi +mauvaise graine+?”. Et qu’est-ce que cette vie d'”errance” évoquée par le président ?Avant le procès, le collectif identitaire Nemesis a déployé devant le Palais de justice une banderole “OQTF non appliquées. Je ne veux pas être la prochaine”. Un groupe de la même mouvance, Les Natifs, s’est filmé taguant un trottoir proche: “L’immigration tue nos femmes, nos mères et nos sœurs”.  En 2022, le parti d’Eric Zemmour avait dénoncé un “francocide” et organisé une manifestation. La famille de l’adolescente avait alors réclamé qu’on n’utilise plus son nom. A la barre vendredi, Delphine Daviet a juste dit: “J’attends que la justice soit faite”, qu’elle “soit rendue pour ma fille Lola”.

Cédric Jubillar condamné à 30 ans de réclusion pour le meurtre de sa femme Delphine

Cédric Jubillar a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle vendredi pour le meurtre de sa femme Delphine, dont le corps n’a jamais été retrouvé depuis sa disparition près d’Albi fin 2020.Le peintre-plaquiste de 38 ans a regardé impassible la présidente énoncer le verdict, mains serrées sur l’ouverture vitrée du box. La peine prononcée par la cour d’assises du Tarn est conforme aux réquisitions des avocats généraux. Sa défense a immédiatement annoncé qu’elle faisait appel.Epilogue d’un procès hors normes de quatre semaines, cette décision est tombée au terme d’environ six heures de délibéré.  “Est-il coupable d’avoir, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines donné volontairement la mort à Delphine Aussaguel épouse Jubillar?”. Au moins sept des neuf membres de la cour, composée de trois magistrats et six jurés, ont répondu oui à cette question.A l’énoncé du verdict, la famille et les proches de Delphine se sont étreints et embrassés sur les quatre bancs des parties civiles qu’ils occupaient en rangs serrés. Certains pleuraient également, tandis qu’un oncle de Delphine a fait un malaise. “On est tous sous le choc après quatre ans de procédure”, s’est réjoui un avocat des parties civiles, Me Philippe Pressecq. “Les jurés ont été à la hauteur de l’enjeu pendant ces quatre semaines”, a-t-il dit, “c’est parce qu’ils ont bien suivi et bien compris le dossier qu’ils ont pris une décision incontestable.”Juste avant que la cour d’assises du Tarn se retire pour délibérer vendredi peu après 09H00, Cédric Jubillar avait réaffirmé, comme il n’a eu de cesse de le clamer, n’avoir “absolument rien fait à Delphine”. Visage blême et yeux cernés, il avait lancé cette seule phrase, après quelques regards vers la salle et avoir été invité par la présidente Hélène Ratinaud à s’exprimer une dernière fois, comme le prévoit le Code de procédure pénale.Au bout de quatre semaines de ce procès ultramédiatisé, le ministère public avait requis 30 ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’ouvrier en bâtiment. Sa défense réclamait son acquittement. – “Tapis rouge à l’erreur judiciaire” -Lors de leurs plaidoiries jeudi, les deux avocats toulousains qui défendent Cédric Jubillar depuis sa mise en examen et son placement en détention en juin 2021, s’étaient efforcés de semer le doute dans l’esprit des jurés. Alors que parties civiles et avocats généraux estimaient qu’un “pétage de plomb” de l’accusé a pu conduire au meurtre de l’infirmière de 33 ans, Me Emmanuelle Franck avait souligné qu'”un pétage de plomb, c’est ce qu’on appelle un crime pulsionnel, un crime passionnel, celui qui laisse le plus de traces, parce qu’on ne contrôle rien, on éclabousse tout”. Or, avait-elle insisté, il n’y a aucune trace.”La conviction des gendarmes dès le premier jour” a empêché la manifestation de la vérité et le procès n’a fait que dérouler un “tapis rouge à l’erreur judiciaire”, avait plaidé Me Alexandre Martin.Depuis sa première prise de parole le 22 septembre au premier jour du procès, l’accusé, stoïque dans son box mais secoué de mouvements nerveux, avait invariablement martelé qu’il n’avait rien à voir avec la disparition de la mère de ses deux enfants.- “Le crime parfait attendra” -Pour les parties civiles et l’accusation, sa culpabilité ne faisait en revanche aucun doute. L’avocat général Pierre Aurignac avait estimé que “pour défendre l’idée de l’innocence de M. Jubillar, il faut écarter quatre experts, faire taire 19 témoins et tuer le chien pisteur” qui a établi que la mère de famille n’a pas quitté son domicile la nuit de sa disparition.”Le crime parfait attendra, avait-il ajouté, le crime parfait, ce n’est pas le crime sans cadavre mais celui pour lequel on n’est pas condamné, et vous allez être condamné M. Jubillar.”