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Première rencontre attendue entre Ukrainiens et Russes à Istanbul

Moscou et Kiev doivent tenir vendredi à Istanbul de premières négociations directes sur l’invasion russe de l’Ukraine depuis les premières semaines de cette guerre en 2022, mais en l’absence des présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, les espoirs de progrès sont jugés minces à ce stade.Cette première réunion entre Ukrainiens et Russes depuis le printemps 2022 doit démarrer à 09H30 GMT sous médiation turque, selon des sources au sein du ministère turc des Affaires étrangères, d’autres sources au fait des négociations estimant qu’elle pourrait être décalée à plus tard, selon les agendas des délégations.”Un cessez-le-feu inconditionnel: c’est notre priorité”, a martelé sur Telegram Andriï Iermak, le bras de droit du président ukrainien Volodymyr Zelensky.Avant cette rencontre très attendue, Turcs, Ukrainiens et Américains ont entamé dans la matinée une réunion trilatérale dans le palais de Dolmabahçe, à Istanbul, sur les rives du Bosphore, selon des sources turques.Peu avant, le chef de la délégation ukrainienne Roustem Oumerov, accompagné notamment de M. Iermak, avait échangé avec des représentants sécuritaires européens, ainsi qu’avec l’émissaire américain Keith Kellogg, selon une source ukrainienne.Le négociateur en chef russe avait, de son côté, dit plus tôt qu’il attendrait la délégation ukrainienne à partir de 07H00 GMT.Le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, arrivé à Istanbul, a cependant minimisé les espoirs la veille, disant ne pas nourrir “de grandes attentes” concernant la réunion russo-ukrainienne et reconnaissant que l’équipe russe n’est “pas au niveau que nous espérions”.- “Mandat pour un cessez-le-feu” -Le président américain Donald Trump a lui dit vendredi être prêt à rencontrer Vladimir Poutine “dès qu’il sera possible d’organiser” un sommet, sans quoi “rien ne se passera” concernant le règlement du conflit, avait-il prévenu la veille.Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui avait lui aussi dit vouloir rencontrer en face-à-face M. Poutine à Istanbul, a accusé Moscou de ne pas prendre “au sérieux” ces pourparlers.La délégation russe est emmenée par un conseiller présidentiel de second plan, Vladimir Medinski, ex-ministre de la Culture.Vladimir Poutine avait proposé des négociations directes entre les deux pays. Mais, mis au défi par Volodymyr Zelensky de se rendre “en personne” à Istanbul pour négocier avec lui, le président russe n’a pas fait le déplacement.Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky a délégué pour les discussions son ministre de la Défense Roustem Oumerov, qui aura “un mandat pour un cessez-le-feu”, alors que l’armée russe occupe toujours près de 20% du territoire ukrainien.La journée de jeudi a vu un échange d’invectives entre Kiev et Moscou. Volodymyr Zelensky a qualifié de “pure façade” la délégation russe. Il a été traité en retour de “clown” par la diplomatie russe.M. Medinski a, lui, martelé que son pays considérait que les nouveaux pourparlers devaient s’inscrire dans “la suite” des négociations bilatérales avortées de 2022.Il a assuré être prêt à de “possibles compromis”, sans toutefois les détailler.Le Kremlin maintient depuis le début de l’invasion des revendications maximalistes: que l’Ukraine renonce à rejoindre l’Otan, abandonne quatre de ses régions partiellement contrôlées par la Russie, en plus de la Crimée annexée en 2014, et que cessent les livraisons d’armes occidentales.- Moscou “ne veut pas la paix” -La diplomatie européenne et Kiev avaient réclamé un cessez-le-feu préalable avant toute discussion entre Kiev et Moscou. Une demande rejetée par Vladimir Poutine, au motif qu’une trêve prolongée permettrait aux forces ukrainiennes de se renforcer en recevant des armes occidentales, alors que l’armée russe a l’avantage sur le front.Il est “clair” que la Russie “ne veut pas la paix”, a déploré vendredi à Tirana la cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas, tandis que le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a assuré que Moscou avait fait une “erreur” en envoyant à Istanbul une équipe de “second rang”.La Chine, proche partenaire de Moscou, a de son côté répété son envie de voir un accord de paix “juste” et “durable”.Dans cette effervescence diplomatique, le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, absent en Turquie, est arrivé vendredi à Minsk pour échanger avec le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko.

Medinski, historien nationaliste et négociateur en chef de Poutine à Istanbul

Ancien ministre de la Culture et historien aux vues nationalistes, le conseiller de Vladimir Poutine, Vladimir Medinski, emmène la délégation russe aux négociations de paix avec l’Ukraine à Istanbul, un rôle qu’il a déjà joué en mars 2022, au tout début du conflit.Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait mis au défi son homologue russe de se rendre “en personne” à cette rencontre, mais Vladimir Poutine y a envoyé une délégation composée de responsables de second rang et dirigée par M. Medinski.Ce conseiller du Kremlin avait déjà pris part en mars 2022 aux premières négociations infructueuses entre Russes et Ukrainiens, organisées au Bélarus et en Turquie. Les négociations avaient échoué et le conflit a fait depuis des dizaines de milliers de morts civils et militaires des deux côtés en un peu plus de trois ans. Moscou avait accusé l’Occident d’avoir fait pression sur Kiev pour faire avorter ces entretiens, aux cours desquels les Russes avaient campé sur des positions maximalistes, et assurant que l’Ukraine était sur le point de conclure un accord.M. Medinski a martelé jeudi que son pays considérait que les nouveaux pourparlers devaient s’inscrire dans “la suite” des négociations bilatérales avortées de 2022.Il a assuré être prêt à de “possibles compromis”, sans les détailler, et précisé que sa délégation avait “toutes les prérogatives” pour prendre des décisions.Vladimir Medinski, 54 ans, a gravi les échelons pour devenir l’un des principaux idéologues et homme de confiance de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 25 ans. Il n’est généralement pas considéré comme un décideur en politique étrangère.Depuis le début de l’offensive russe lancée contre l’Ukraine en 2022, M. Medinski a joué un rôle clé dans la propagande russe, en promouvant la rhétorique du Kremlin, notamment par le biais de manuels d’histoire diffusés dans les écoles et qu’il a cosignés.Vladimir Medinski est connu pour ses positions ultra-patriotiques sur l’histoire russe, sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages, remis en cause par de nombreux historiens pour leur révisionnisme.Ses écrits nient l’existence de l’Ukraine en tant que nation et avancent des revendications radicales sur son territoire. L’Ukraine fait “partie de la terre russe”, affirmait-il ainsi dans un entretien en 2023.- Bustes de Staline -Né à l’époque de l’URSS à Smila, une petite ville dans la région ukrainienne de Tcherkassy, fils d’un militaire soviétique, M. Medinski a fait ses études à la prestigieuse université des relations internationales MGIMO à Moscou où il s’est pris de passion pour l’histoire militaire russe.Il ouvre en 1992 son agence de publicité, puis poursuit sa carrière dans les services fiscaux, avant d’être élu en 2003 député du parti pro-Kremlin “Russie Unie” à la Douma (chambre basse du Parlement).Il occupe ensuite de 2012 à 2020 le poste de ministre de la Culture. M. Medinski est alors critiqué pour ses positions très conservatrices.Il souligne que la Russie doit “protéger” sa culture des errements supposés de la culture contemporaine européenne.Sous son mandat, des bustes du dictateur soviétique Staline sont érigés dans plusieurs villes de Russie, y compris à Moscou en 2017, à l’initiative de la Société russe d’Histoire militaire, une organisation que Medinski dirige.La même année, des historiens portent plainte contre lui, exigeant que son diplôme d’histoire, obtenu en 2011, lui soit retiré. Sa thèse portant sur la Russie médiévale fourmille, selon eux, d’erreurs et d’inexactitudes.M. Medinski a fait de la glorification de l’histoire russe son cheval de bataille, multipliant les financements publics de projets allant dans ce sens.Promu depuis 2020 au poste de conseiller du président russe, il apparaît rarement dans les médias.Fin janvier, il avait présenté un nouveau manuel scolaire consacré à “l’histoire militaire de la Russie” destiné à apprendre aux adolescents que l’offensive en Ukraine a été lancée pour “défendre la population du Donbass”, région russophone de l’est de l’Ukraine. 

Ressortissants détenus: la France dépose plainte contre l’Iran devant la CIJ, annonce Barrot

La France dépose plainte vendredi contre l’Iran devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour “violation de son obligation de donner droit à la protection consulaire” concernant ses deux ressortissants français encore détenus dans ce pays, a annoncé le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot.Cécile Kohler et Jacques Paris “sont retenus otages depuis trois ans en Iran, détenus dans des conditions indignes qui sont assimilables à de la torture et qui sont privés de ce qu’on appelle les visites consulaires”, a dénoncé M. Barrot sur la chaîne de télévision France 2.Le ministre des Affaires étrangères français avait déjà indiqué début avril que Paris s’apprêtait à saisir la CIJ faute d’avancée. Cette annonce avait été saluée comme un “tournant majeur” par la soeur de Cécile Kohler.La plainte devant la CIJ intervient alors que des négociateurs iraniens rencontrent vendredi en Turquie retrouvent leurs homologues du Royaume-Uni, de France et d’Allemagne pour des pourparlers sur le nucléaire iranien.Cécile Kohler, enseignante, et son compagnon, Jacques Paris, que Paris qualifie d'”otages d’Etat”, ont été arrêtés en mai 2022 pour “espionnage” et sont emprisonnés depuis dans des conditions extrêmement dures, à l’isolement, dans la prison d’Evine de Téhéran.Ils sont officiellement les deux derniers Français détenus en Iran. Olivier Grondeau, qui était détenu depuis octobre 2022, a été libéré en mars.Une vingtaine d’Occidentaux sont détenus en Iran, le pays étant accusé par les chancelleries européennes et des ONG de pratiquer une “diplomatie des otages”.

Les Uruguayens ont dit un dernier adieu à leur ex-président “Pepe” Mujica

La veillée funèbre en hommage à l’ancien président de l’Uruguay José “Pepe” Mujica, décédé mardi, s’est clôturée jeudi soir à Montevideo, avec une participation estimée à 100.000 personnes, parmi lesquelles le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et son homologue chilien Gabriel Boric.Ancien guérillero et adepte d’un mode de vie austère, José Mujica, dit “Pepe”, charismatique président de l’Uruguay entre 2010 et 2015, est mort d’un cancer à l’âge de 89 ans dans sa modeste ferme de la périphérie de Montevideo, là même où doivent reposer ses cendres. Après un cortège funèbre mercredi dans le centre-ville de la capitale du pays sud-américain de 3,4 millions d’habitants, la veillée s’est poursuivie jusqu’à jeudi soir dans la salle des pas perdus du Palais législatif, bâtiment qui abrite le Parlement.”Je ne pars pas, j’arrive”, pouvait-on lire sur une banderole géante déployée sur l’esplanade du bâtiment par le Mouvement pour la participation populaire (MPP), la formation politique fondée par M. Mujica.A l’émotion témoignée par des dizaines de milliers d’Uruguayens s’est ajoutée celle des présidents chilien et brésilien dans l’après-midi, représentants comme José Mujica de la gauche latino-américaine.Les deux chefs d’Etat ont salué leur homologue uruguayen Yamandu Orsi, héritier politique de “Pepe” Mujica, et serré dans leurs bras la veuve de l’ex-dirigeant, Lucia Topolansky, avant de s’approcher en silence du cercueil. Lula a loué devant la presse un “être humain supérieur, une personne qui a essayé de changer le monde avec sa singularité, sa compétence politique, avec la capacité de dialoguer surtout avec la jeunesse”.- Chants -Des dizaines de milliers d’Uruguayens ont fait la queue pour rendre un dernier hommage à l’ex-dirigeant. Certains avec des fleurs à la main, d’autres avec des drapeaux sur les épaules.Peu après 17H00 heure locale (20H00 GMT), une salve d’applaudissements de plusieurs minutes a précédé la clôture de la veillée.L’émotion s’est transformée en chansons. Des milliers de personnes ont entonné a cappella “A don José”, un hymne de la culture populaire étroitement lié à la gauche et surtout à “Pepe” Mujica.”Aujourd’hui, c’était incroyable. Ca va laisser une empreinte” et “restera dans l’histoire pour toujours”, a déclaré à l’AFP Julio Laner, un retraité de 62 ans.Par sa façon d’être, “il nous a laissé un héritage ici et au niveau mondial et il laisse un très grand vide”, a déclaré, ému, à l’AFP, Roberto Pérez, un autre retraité.Pour Aurea Nascimento, une touriste brésilienne qui s’est présentée fleur à la main devant le cercueil recouvert du drapeau uruguayen, José Mujica “n’était pas un politicien ordinaire, c’était un philosophe, un humaniste, il véhiculait des valeurs universelles et différentes de celles que nous avons l’habitude de voir chez les gens de pouvoir”.

Le récit de persécution divise les fermiers afrikaners à la plus grande foire du pays

Dans les allées de la foire agricole de Bothaville bondées de bétail, tracteurs démesurés et “bakkies” –comme on appelle les pick-ups ici– les fermiers afrikaners étaient divisés jeudi sur le récit de persécutions à leur encontre porté par Donald Trump.Ils sont des centaines à déambuler dans les mêmes chemisettes et shorts kaki, tenue traditionnelle des Boers, mais sont loin de partager le même avis sur le récit d’un prétendu “génocide” envers eux, descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud.Pour John Potgieter, cultivateur de maïs de 31 ans, “l’existence d’un génocide en Afrique du Sud ne fait aucun doute”. Il a fait le déplacement depuis Bloemfontein, la capitale de la province de l’Etat Libre située à 200 km au sud-ouest de Bothaville, bourgade elle-même éloignée de 200 km de Johannesburg dans la même direction.Le teint tanné de ceux travaillant au grand air, il rappelle l’existence du mur du Souvenir en montrant un  monument érigé dans l’enceinte du parc des expositions en hommage aux fermiers tués. Un mémorial devant lequel le vice-président Paul Mashatile s’est recueilli jeudi en assurant aux agriculteurs: “Nous sommes à vos côtés.”Vingt-cinq noms, classés par province, y ont été gravés l’année passée.Devant les chiffres, y compris ceux du groupe identitaire afrikaner Afriforum (49 meurtres en 2023), John Potgieter, qui n’imagine pas quitter le pays, convient: “Evidemment, le terme génocide est employé au sens large, ce n’est pas un génocide de masse comme l’Holocauste.”Avec 75 meurtres par jour en moyenne, l’Afrique du Sud affiche l’un des taux d’homicides les plus élevés de la planète. Mais il concerne surtout les zones urbaines et les jeunes hommes noirs.- “Je n’irai nulle part ailleurs” -“On est bien plus en sécurité dans une ferme qu’en ville”, assure Eduard van der Westhuizen, éleveur de moutons et de chèvres qui s’est installé à l’orée de la province de Johannesburg.”Il y a des problèmes, des meurtres parfois, mais ils ne sont pas ciblés. Je n’irai nulle part ailleurs, c’est mon pays, je l’aime”, lâche-t-il en brassant l’air de son bâton de berger.Un commercial en équipements agricoles à la moustache blanche, qui souhaite conserver l’anonymat, qualifie de “farce” l’initiative de Donald Trump d’accueillir 49 Afrikaners comme des réfugiés.Au contraire, pour l’agriculteur en devenir de 18 ans Danny Snyman, le président américain a le mérite d'”aider un peu en faisant peur et en faisant prendre conscience de ce qu’il se passe”.Même s’il reconnaît qu’il n’a “pas entendu parler de beaucoup de meurtres” autour des plantations de banane et d’agrume de sa famille à Nelspruit, dernière grande ville avant le parc Kruger.”Il y a plus de vols que de meurtres (…) Des vols de carburant, de tracteurs de temps en temps et de panneaux solaires.”Au milieu des champs de maïs, tournesol et sorgho, ce salon agricole, baptisé Nampo et étalé sur 40 hectares, est le plus grand du pays.Il a lieu tous les ans à Bothaville, dans la province de l’Etat Libre, ces terres où ont pris racine les Boers au XIXe siècle après avoir quitté la région du Cap, passée sous domination britannique.Les organisateurs du Nampo se revendiquent le salon numéro un dans l’hémisphère sud, forts de plus de 900 exposants cette année. Parmi eux: des revendeurs d’armes de poing et même de fusils automatiques AR15.”Dans certaines régions du pays, lorsqu’il y a une augmentation des attaques de fermes, les ventes augmentent”, observe auprès de l’AFP Willem Jordaan en charge du marketing de Dave Sheer Guns (DSG). “Il est important d’avoir un moyen d’autodéfense”. Désigné jeune fermier de l’année par l’organisation patronale des céréaliers, Dwayne Kaschula, 38 ans, ne se sent “pas du tout” menacé. “Si vous travaillez avec de l’argent liquide, ça fait immédiatement de vous une cible. Il y a donc beaucoup de façons de minimiser les risques.””La situation est calme depuis un certain nombre d’années”, observe cet exploitant aux 3.000 hectares dans le sud-est du pays.”Ma grand-mère elle-même a été attaquée à la ferme”, raconte Hanle Visser, une enseignante de 33 ans qui retourne dès qu’elle le peut sur l’exploitation familiale, près de la frontière avec le Botswana. “Heureusement, elle n’a pas été trop blessée. Ces choses font partie de la vie et peuvent arriver partout. On peut toujours faire partie des statistiques.”