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En Ethiopie, confronté à un pompage massif, le lac Dembel meurt à petit feu
Tout autour du lac Dembel, à 120 kilomètres d’Addis Abeba, un son revient en permanence : celui des groupes électrogènes reliés à des pompes qui aspirent son eau petit à petit, menaçant de l’assécher, illustration des défaillances dans la gestion de la précieuse ressource en Ethiopie. Ces pompes ronronnantes irriguent des milliers de parcelles agricoles qui nourrissent des centaines de milliers de personnes autour du vaste lac de 255 km2. A trop puiser d’eau, elles mettent pourtant leur propre survie en danger. “Si les choses continuent ainsi, le lac pourrait, à long terme, disparaître”, sa profondeur étant passée à “environ 2 mètres”, contre 4 en moyenne en 1990, s’inquiète Desalegn Regassa, un cadre de Wetlands International, une ONG militant pour la préservation de l’environnement.Les pompes tournent “24 heures sur 24”, sans aucune régulation, constate, dépité, M. Desalegn. “L’année dernière, nous en avons recensé 6.000, et il pourrait y en avoir davantage aujourd’hui”, s’attriste-t-il. Durant la visite de l’AFP, deux énormes camions citernes sont en outre venus remplir leurs cuves pour un projet d’autoroute à proximité.Une bonne gestion de l’eau est pourtant essentielle pour l’Ethiopie, géant d’Afrique de l’Est d’environ 130 millions d’habitants, qui connait une forte croissance démographique.Malgré des pluies plutôt abondantes dans le centre et l’est du pays, certaines régions, notamment dans le Sud-Ouest où vit la majorité de la population éthiopienne, sont régulièrement touchées par des sécheresses.- “Encadrement politique médiocre” -“Les défis liés à l’eau en Éthiopie ont été aggravés par un encadrement politique médiocre” ainsi que des “arrangements institutionnels inefficaces” pour la gestion de la ressource, pointe le Stockholm international water institute.Et cette ONG suédoise travaillant sur la gouvernance de l’eau, active depuis des années dans le pays, de pointer des “exemples flagrants d’échecs” en la matière, avec notamment la disparition du lac Alemaya (à 500 km à l’est d’Addis Abeba) du fait, déjà , d’un pompage excessif.Si l’agriculture assèche petit à petit le lac Dembel, elle est aussi responsable de la dégradation de la qualité de l’eau, à cause de l’utilisation de produits chimiques. A quelques dizaines de mètres du lac, Habib Bobasso remplit un pulvérisateur qu’il met ensuite sur son dos. Le fermier de 35 ans actionne une petite pompe avant de répandre abondamment des pesticides sur sa petite parcelle d’oignons. Une odeur âcre s’en dégage. “Il y a beaucoup de vers qui peuvent endommager les plantes”, justifie l’homme à la fine moustache, qui ne porte pas de gants, hormis un châle qui lui cache le nez. Sans produits chimiques, “nous pourrions perdre l’intégralité de la récolte”, affirme-t-il.Mais M. Habib reconnaît que les pesticides et engrais sont “préjudiciables aussi bien pour les humains que pour le lac”. Ils “dégradent également le sol. Aujourd’hui, la qualité de notre récolte n’est pas la même que les années précédentes” et les rendements sont “faibles”, regrette-t-il.- Faune extrêmement riche -La dégradation de l’environnement touche également les pêcheurs, qui constatent une raréfaction de la ressource halieutique. Dès l’aube, Belachew Derib prend place dans son petit bateau et pagaie plusieurs centaines de mètres pour remonter ses filets.Et tous les jours, son constat est identique. Depuis trente ans, du fait du “nombre croissant d’activités sur les rives” et de l’augmentation de la population, les prises sont en diminution, observe ce pêcheur de 60 ans, casquette vissée sur la tête, qui exerce cette activité depuis 1988.”Autrefois, nous pouvions attraper 20 à 30 poissons par jour. Aujourd’hui, les jeunes pêcheurs ont la chance d’en attraper deux ou trois”, déplore le sexagénaire, à qui le lac a permis de “gagner (sa) vie toutes ces années”, “construire (sa) maison” et “subvenir aux besoins de ses trois enfants”.Face à cette situation, les autorités fédérales tentent de réagir. Une loi été votée en mai au Parlement éthiopien pour faire payer l’extraction de l’eau et doit encore être appliquée.”L’objectif est de faire en sorte que tous les utilisateurs paient pour les ressources en eau, qu’ils les utilisent de manière responsable”, explique Andualem Gezahegne, en charge à Batu, grande ville située près du lac, de l’administration du bassin de la vallée du Rift.Tous les matins, avant que le cagnard ne frappe, de nombreux pêcheurs rament sur le lac pour remonter leurs filets, au milieu d’une faune extrêmement riche, où hippopotames cohabitent avec canards et autres marabouts, de grands oiseaux. Et toujours, en permanence, le bruit des pompes.
L’attaque israélienne sur l’Iran, énième démonstration des capacités du Mossad
Au-delà de la seule opération militaire, l’attaque d’Israël sur l’Iran s’est appuyée, affirment des analystes, sur un méticuleux travail du Mossad, son service de renseignement extérieur, capable depuis des années d’infiltrer le pouvoir de la République islamique.L’histoire dira si l’opération “Lion dressé” privera l’Iran de sa capacité à se doter de l’arme nucléaire, ce qu’elle-même …
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L’attaque israélienne sur l’Iran, énième démonstration des capacités du Mossad
Au-delà de la seule opération militaire, l’attaque d’Israël sur l’Iran s’est appuyée, affirment des analystes, sur un méticuleux travail du Mossad, son service de renseignement extérieur, capable depuis des années d’infiltrer le pouvoir de la République islamique.L’histoire dira si l’opération “Lion dressé” privera l’Iran de sa capacité à se doter de l’arme nucléaire, ce qu’elle-même dément convoiter. Mais elle fera date dans la liste des campagnes majeures des espions israéliens.”Cela montre la supériorité opérationnelle et en termes de renseignement d’Israël sur l’Iran”, affirme sans détour à l’AFP Danny Citrinowicz, de l’Institut des études de sécurité nationale de Tel-Aviv.En juillet dernier, l’Iran avait déjà été humilié par l’assassinat, à Téhéran, d’Ismaïl Haniyeh, chef politique du mouvement islamiste palestinien Hamas. Depuis, l’Iran “n’a pas été capable de colmater les failles de son système”, estime-t-il.- “Des centaines d’agents” -L’offensive, selon des médias israéliens et américains, a associé des drones, préalablement introduits en Iran, à des missiles et avions de chasse. Selon le journaliste israélien spécialisé Barak Ravid, “des centaines d’agents du Mossad, à la fois à l’intérieur de l’Iran et au siège, ont été impliqués, y compris une unité spéciale d’opérateurs iraniens travaillant pour le Mossad”.Dans le centre du pays, des commandos “avaient positionné des systèmes d’armes guidées en plein air près des lanceurs de missiles sol-air iraniens”. Le service a aussi “déployé secrètement des systèmes d’armes et des technologies sophistiquées cachées dans des véhicules”.Ce déploiement a détruit la défense aérienne iranienne, ouvrant la voie aux avions de chasse et missiles israéliens, ainsi que les batteries susceptibles de viser Israël en riposte.- Ciblage des hauts responsables  -Selon les médias israéliens, l’opération – qui rappelle la récente attaque ukrainienne de drones en Russie – a été préparée pendant entre 8 mois et deux ans. Mais s’est appuyée sur une infiltration israélienne bien plus ancienne.”Cela fait plus de 15 ans qu’Israël suit le programme nucléaire” iranien, relève Michael Horowitz, géopoliticien israélien. Les frappes constituent “l’aboutissement d’années de collecte de renseignements et de pénétration de la République islamique”.La liste des victimes iraniennes de premier plan est prestigieuse: chef d’état-major, patron des Gardiens de la révolution et l’ensemble de son service aérospatial, et neuf scientifiques du nucléaire. Entre autres. “C’est assez chirurgical”, souffle une source sécuritaire européenne, même si l’opération a fait des victimes collatérales: “Il y un impressionnant degré de précision et de maîtrise”.- L’obsession iranienne -En septembre, le Mossad avait stupéfié le monde en attaquant le Hezbollah libanais avec des bipeurs chargés d’explosifs. Selon les autorités libanaises, le bilan s’est élevé à 39 morts et des milliers de blessés, dont un grand nombre de civils, valant à Israël une pluie de condamnations.Auparavant, la liste des assassinats ciblés d’ennemis d’Israël avait déjà forgé depuis des années la réputation du Mossad.Après l’opération bipeurs, Alain Chouet, ex-numéro trois des renseignements extérieurs français (DGSE), était “persuadé qu’Israël (avait) sous le coude une demi-douzaine de structures capables d’agir à n’importe quel moment” en Iran.Samedi, il a confirmé, arguant que le Mossad pouvait “mobiliser beaucoup d’agents sur peu de sujets, quand les services Occidentaux sont censés avoir une couverture planétaire”. En face, “le contre-espionnage iranien est un service de sécurité surtout concentré sur les menaces intérieures”.D’où une désastreuse infiltration israélienne, dont se sont émus publiquement de hauts responsables iraniens, et que ne compensent pas les exécutions régulières de condamnés présentés comme des agents d’Israël.- Le rôle de Washington -Quant au rôle de l’administration américaine, allié indéfectible d’Israël, il demeure aujourd’hui très flou. Mais il semble réel, volontairement ou pas.Les relations entre le président américain et le Premier ministre israélien ont été récemment décrites comme dégradées. Donald Trump a récemment réservé quelques camouflets à Benjamin Netanyahu: accord signé sans lui avec les rebelles Houthis du Yémen, discussions en direct avec le Hamas palestinien, voyage dans le Golfe sans passer par Tel-Aviv, levée des sanctions contre la Syrie.La veille de l’opération, Trump avait appelé son allié à ne pas frapper l’Iran, jugeant “proche” un accord sur le nucléaire qu’il ne voulait pas voir “capoter”. A Téhéran, comme d’ailleurs à Washington – sommet de l’Etat mis à part -, la surprise a été totale, relèvent des observateurs.Reste une autre leçon: la guerre moderne fait la part belle au renseignement et opérations clandestines. Pour sidérer et paralyser son adversaire, analyse Benjamin Jensen, du think tank CSIS à Washington, il faut “associer la puissance aérienne avec des opérations spéciales, pour générer des effets simultanés dans la profondeur du champ de bataille”.
“Un combat acharné”: en Irlande, vers l’exhumation de 796 bébés morts dans un foyer religieux
“Quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter”, se remémore Catherine Corless. En 2014, elle révélait que 796 enfants avaient été inhumés anonymement dans un foyer en Irlande. Plus de dix ans plus tard, les premières exhumations vont commencer.”Ce fut un combat acharné”, se souvient cette femme aujourd’hui âgée de 71 ans que l’AFP à rencontré à Tuam, dans l’Ouest de l’Irlande, près de site où les exhumations vont se dérouler. Lundi, des experts boucleront le périmètre de l’ancienne fosse sceptique du foyer St Mary des sÅ“urs du Bon Secours. Objectif: procéder aux recherches dès le mois de juillet.Tout commence en 2014. Cette année-là , Catherine Corless met au jour des preuves attestant du décès de 796 enfants – des nouveau-nés jusqu’à l’âge de neuf ans – dans ce foyer située dans une petite ville située à 220 kilomètres de Dublin.Ses recherches ont conduit à une découverte macabre : une fosse commune.”Il n’y avait aucun registre d’enterrement, pas de cimetière, pas de statue, pas de croix, absolument rien”, se rappelle-t-elle.Surtout “quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter (…) je suppliais: sortez ces bébés de ces égouts, offrez-leur l’enterrement chrétien digne qu’on leur a refusé”, raconte-t-elle. En vain.L’institution a été rasée en 1972 et a laissé place à un lotissement. La fosse sceptique, elle, est restée intacte.- “Illégitimes” -Lorsque les recherches de Catherine Corless ont été publiées, elles ont provoqué une onde de choc en Irlande, révélant de manière brutale le traitement réservé aux enfants nés hors mariage.Pendant des décennies, la société, l’État et l’Église catholique – qui a historiquement eu une main de fer sur les comportements en Irlande –  ont relégué les femmes enceintes non mariées dans des “maisons mère et enfant”. Après l’accouchement dans ces institutions, les enfants étaient séparés de leur mère, puis souvent adoptés.A la suite des révélations de Mme Corless, des enquêtes ont été lancées dans le pays. Elles ont établi que 56.000 femmes célibataires et 57.000 enfants sont passés par 18 foyers de ce type entre 1922 et 1998. Parmi eux, environ 9.000 enfants sont morts.Certaines de ces maisons étaient financées et gérées par les autorités sanitaires locales, d’autres par les ordres religieux catholiques. Le foyer de Tuam, lui, était administré par les sÅ“urs du Bon Secours.”Tous ces bébés étaient baptisés, et pourtant l’Église a détourné le regard. Pour elle, cela ne comptait pas : ils étaient illégitimes, point final”, accuse-t-elle.- “Sales petits secrets” -Malgré la découverte de premiers restes humains en 2016 et 2017, il a fallu attendre 2022 pour qu’une loi autorise officiellement les fouilles.Une lenteur que dénonce Anna Corrigan, étrillant ce qu’elle appelle une “justice à l’irlandaise”. Elle avait une cinquantaine d’années lorsqu’elle a découvert que sa mère, décédée en 2012, avait donné naissance à Tuam à deux garçons: John et William.Aucun certificat de décès n’a été établi pour William, et celui de John n’a pas fait l’objet d’une supervision médicale. Les rares documents auxquels Anna a pu accéder laissent planer de nombreuses zones d’ombre.Dans sa cuisine, elle montre à l’AFP un rapport de 1947, qui indique que John était “un enfant triste et émacié”, alors qu’il était né en bonne santé un an plus tôt.William,lui, aurait pu faire l’objet d’une adoption illégale à l’étranger.”Il y a en Irlande de sales petits secrets qu’on préfère cacher. Le pays a une image vertueuse à l’étranger, mais il a aussi un côté sombre, sinistre”, lâche-t-elle, accusant les autorités de “tergiversations”.En 2023, une équipe a enfin été nommée pour mener les opérations à Tuam. Sa mission: retrouver, identifier et inhumer dignement les restes qui seront exhumés.Des échantillons ADN seront prélevés auprès de personnes capables d’attester un lien familial avec les bébés morts dans ce foyer.”Je n’aurais jamais cru voir ce jour arriver. Tant d’obstacles ont été franchis”, confie Catherine Corless.Mais, lucide, elle sait, que les fouilles ne fourniront pas toutes les réponses. “Même si on parvient à identifier quelques restes, cela n’apportera pas la paix à tout le monde”, souffle-t-elle.
“Un combat acharné”: en Irlande, vers l’exhumation de 796 bébés morts dans un foyer religieux
“Quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter”, se remémore Catherine Corless. En 2014, elle révélait que 796 enfants avaient été inhumés anonymement dans un foyer en Irlande. Plus de dix ans plus tard, les premières exhumations vont commencer.”Ce fut un combat acharné”, se souvient cette femme aujourd’hui âgée de 71 ans que l’AFP à rencontré …
“Un combat acharné”: en Irlande, vers l’exhumation de 796 bébés morts dans un foyer religieux
“Quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter”, se remémore Catherine Corless. En 2014, elle révélait que 796 enfants avaient été inhumés anonymement dans un foyer en Irlande. Plus de dix ans plus tard, les premières exhumations vont commencer.”Ce fut un combat acharné”, se souvient cette femme aujourd’hui âgée de 71 ans que l’AFP à rencontré à Tuam, dans l’Ouest de l’Irlande, près de site où les exhumations vont se dérouler. Lundi, des experts boucleront le périmètre de l’ancienne fosse sceptique du foyer St Mary des sÅ“urs du Bon Secours. Objectif: procéder aux recherches dès le mois de juillet.Tout commence en 2014. Cette année-là , Catherine Corless met au jour des preuves attestant du décès de 796 enfants – des nouveau-nés jusqu’à l’âge de neuf ans – dans ce foyer située dans une petite ville située à 220 kilomètres de Dublin.Ses recherches ont conduit à une découverte macabre : une fosse commune.”Il n’y avait aucun registre d’enterrement, pas de cimetière, pas de statue, pas de croix, absolument rien”, se rappelle-t-elle.Surtout “quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter (…) je suppliais: sortez ces bébés de ces égouts, offrez-leur l’enterrement chrétien digne qu’on leur a refusé”, raconte-t-elle. En vain.L’institution a été rasée en 1972 et a laissé place à un lotissement. La fosse sceptique, elle, est restée intacte.- “Illégitimes” -Lorsque les recherches de Catherine Corless ont été publiées, elles ont provoqué une onde de choc en Irlande, révélant de manière brutale le traitement réservé aux enfants nés hors mariage.Pendant des décennies, la société, l’État et l’Église catholique – qui a historiquement eu une main de fer sur les comportements en Irlande –  ont relégué les femmes enceintes non mariées dans des “maisons mère et enfant”. Après l’accouchement dans ces institutions, les enfants étaient séparés de leur mère, puis souvent adoptés.A la suite des révélations de Mme Corless, des enquêtes ont été lancées dans le pays. Elles ont établi que 56.000 femmes célibataires et 57.000 enfants sont passés par 18 foyers de ce type entre 1922 et 1998. Parmi eux, environ 9.000 enfants sont morts.Certaines de ces maisons étaient financées et gérées par les autorités sanitaires locales, d’autres par les ordres religieux catholiques. Le foyer de Tuam, lui, était administré par les sÅ“urs du Bon Secours.”Tous ces bébés étaient baptisés, et pourtant l’Église a détourné le regard. Pour elle, cela ne comptait pas : ils étaient illégitimes, point final”, accuse-t-elle.- “Sales petits secrets” -Malgré la découverte de premiers restes humains en 2016 et 2017, il a fallu attendre 2022 pour qu’une loi autorise officiellement les fouilles.Une lenteur que dénonce Anna Corrigan, étrillant ce qu’elle appelle une “justice à l’irlandaise”. Elle avait une cinquantaine d’années lorsqu’elle a découvert que sa mère, décédée en 2012, avait donné naissance à Tuam à deux garçons: John et William.Aucun certificat de décès n’a été établi pour William, et celui de John n’a pas fait l’objet d’une supervision médicale. Les rares documents auxquels Anna a pu accéder laissent planer de nombreuses zones d’ombre.Dans sa cuisine, elle montre à l’AFP un rapport de 1947, qui indique que John était “un enfant triste et émacié”, alors qu’il était né en bonne santé un an plus tôt.William,lui, aurait pu faire l’objet d’une adoption illégale à l’étranger.”Il y a en Irlande de sales petits secrets qu’on préfère cacher. Le pays a une image vertueuse à l’étranger, mais il a aussi un côté sombre, sinistre”, lâche-t-elle, accusant les autorités de “tergiversations”.En 2023, une équipe a enfin été nommée pour mener les opérations à Tuam. Sa mission: retrouver, identifier et inhumer dignement les restes qui seront exhumés.Des échantillons ADN seront prélevés auprès de personnes capables d’attester un lien familial avec les bébés morts dans ce foyer.”Je n’aurais jamais cru voir ce jour arriver. Tant d’obstacles ont été franchis”, confie Catherine Corless.Mais, lucide, elle sait, que les fouilles ne fourniront pas toutes les réponses. “Même si on parvient à identifier quelques restes, cela n’apportera pas la paix à tout le monde”, souffle-t-elle.
“Dernière influenceuse de ma famille?”: le meurtre d’une TikTokeuse inquiète les Pakistanaises
“Je suis la première influenceuse de ma famille, et peut-être la dernière”: depuis qu’elle a vu les milliers de commentaires justifiant le récent meurtre d’une TikTokeuse dans son pays, le Pakistan, Sunaina Bukhari hésite à abandonner les réseaux sociaux et ses 88.000 abonnés.La semaine dernière, Sana Yousaf, 17 ans, a été abattue chez elle par un homme dont elle avait, selon la police, refusé les avances et qui rôdait depuis plusieurs heures autour de la maison de sa famille à Islamabad.Depuis, sous la dernière vidéo partagée avec son million d’abonnés, où elle fêtait son anniversaire, les commentaires s’amoncellent: entre les “repose en paix”, de nombreux “on récolte ce que l’on sème” ou “c’est mérité, elle ne respectait pas l’islam”.En les lisant, Sunaina Bukhari, 28 ans, comme de nombreuses autres internautes, s’est demandée ce qu’il allait advenir de la communauté qu’elle a construite en ligne depuis six ans.”Dans ma famille, influenceuse n’était pas du tout un métier accepté mais j’avais réussi à les convaincre”, raconte-t-elle à l’AFP, alors que TikTok traîne une réputation sulfureuse au Pakistan après des mois d’interdiction pour “immoralité” selon les autorités de la République islamique. “Maintenant, ils ne vont plus me soutenir car cet événement traumatisant prouve qu’on n’est plus en sécurité même chez soi”, regrette-t-elle.Seules 30% des Pakistanaises possèdent un smartphone, contre le double pour les hommes (58%), selon le rapport sur l’égalité numérique(GSMA) 2025.Cet écart, le plus important au monde, s’explique parce que “les proches les découragent souvent d’être sur les réseaux sociaux de peur d’être jugés”, assure l’ONG de défense des droits numériques Digital Rights Foundation (DRF).- “Misogynie transposée en ligne” -Malgré tout, rappelle Farzana Bari, spécialiste des études de genre, les Pakistanaises avaient depuis plusieurs années “investi l’espace numérique pour contourner les nombreuses restrictions” imposées par une société rendue ultraconservatrice par des décennies d’islamisation décrétée par le pouvoir.Certaines y avaient même lancé un business dans un pays dernier du classement du Forum économique mondial de l’égalité homme-femme en 2025. Mais ces derniers mois, leurs activités virtuelles ont eu des conséquences mortelles.En janvier, à Quetta, au Baloutchistan où la loi tribale régit de nombreuses zones rurales, un homme avait avoué avoir orchestré l’assassinat de sa fille de 14 ans pour des vidéos TikTok portant atteinte à son “honneur”. En octobre, la police de Karachi, dans le Sud, avait annoncé avoir arrêté un homme ayant tué quatre femmes de sa famille pour des vidéos TikTok “indécentes”.Des meurtres qui chaque fois ravivent le souvenir du “crime d’honneur” de Qandeel Baloch, symbole des influenceuses pakistanaises, abattue par son propre frère en 2016 sans “aucun état d’âme”, avait-il dit à la presse.Et qui remettent régulièrement en lumière “le harcèlement et les commentaires haineux omniprésent, ainsi que les risques de voir son compte piraté ou ses contenus détournés” à des fins de chantages ou d’usurpation d’identité, détaille la DRF qui incite les femmes à porter plainte, captures d’écran à l’appui.”La misogynie de la société se transpose en ligne”, résume Usama Khilji, chef de l’organisation de défense des droits numériques Bolo Bhi, alors que 80% des Pakistanaises disent avoir été victimes de harcèlement dans des lieux publics.-“Toutes les Pakistanaises ont peur”-Et tous les contenus sont visés, même les plus anodins: Sana Yousaf promouvait des cosmétiques ou montrait ses repas toujours vêtue d’une longue tenue couvrante traditionnelle.”Toutes les Pakistanaises ont peur: sur TikTok ou sur un compte privé avec 50 abonnés, des hommes vont surgir dans les messages, les commentaires ou la rue où l’on vit”, dénonce sur Instagram Kanwal Ahmed, à la tête d’un groupe de 300.000 femmes sur Facebook. “Il ne s’agit pas d’+un fou+, mais de toute une culture”, poursuit celle qui a créé en 2013 son espace réservé aux femmes pour qu’elles échangent librement. Dans le cinquième pays le plus peuplé au monde où 60% des habitants ont moins de 30 ans, note M. Khilji, “de nombreuses femmes ne mettent pas leur photo en profil mais une fleur, un objet, très rarement leur visage”.Des précautions qui semblent s’appuyer sur l’expérience: ces quatre dernières années, selon les chiffres officiels, plus de 7.000 cyber-harceleurs arrêtés, seuls 3% ont été condamnés.Alors, en annonçant l’arrestation du meurtrier présumé de Sana Yousaf, le chef de la police de la capitale, Syed Ali Nasir Rizvi, a dit vouloir envoyer un “message clair” avant sa comparution le 18 juin.”Si nos soeurs ou nos filles veulent devenir influenceuses, professionnelles ou amateures, il faut les encourager”, a-t-il dit.