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Procès sans précédent en Espagne: le procureur général sur le banc des accusés

Pour la première fois dans l’histoire moderne de l’Espagne, le Procureur général de l’Etat est jugé à partir de lundi dans une affaire de fuites qui embarrasse le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, déjà cerné par les scandales judiciaires.Álvaro García Ortiz, le plus haut magistrat du parquet espagnol, est accusé d’avoir transmis aux médias un courrier électronique confidentiel lié à une enquête visant le conjoint de la présidente de la région de Madrid Isabel Díaz Ayuso, l’étoile montante du Parti populaire (PP, opposition de droite).Cette affaire représente une nouvelle épreuve pour M. Sánchez, dont le gouvernement de gauche avait nommé M. García Ortiz à son poste en 2022, et qui fait face depuis l’an dernier à une série de scandales judiciaires affectant son entourage.Le Premier ministre, qui dénonce une campagne de déstabilisation ourdie par le PP et par l’extrême droite, a lui-même été entendu jeudi par une commission d’enquête sénatoriale sur une affaire de corruption visant notamment deux personnes qui furent ses hommes de confiance au sein du Parti socialiste. En parallèle, son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée prochainement dans une autre affaire pour corruption et trafic d’influence, tandis que son frère David le sera pour trafic d’influence dans un troisième dossier.Dans le cas de M. García Ortiz, le Tribunal suprême (plus haute institution judiciaire espagnole) devra déterminer d’ici au 13 novembre si le procureur général a sciemment violé le secret de l’instruction afin de nuire à l’image de Mme Díaz Ayuso.- Fraude fiscale -L’affaire remonte à début 2024, alors que la justice enquêtait sur Alberto González Amador, un homme d’affaires et le conjoint de Mme Díaz Ayuso.Les enquêteurs le soupçonnaient d’avoir fraudé l’administration fiscale pour un montant de 350.000 euros entre 2020 et 2021, pendant la pandémie de Covid-19, à la tête de son entreprise qui effectuait des prestations dans le domaine de la santé.En mars 2024, plusieurs médias publiaient le contenu d’un mail envoyé le mois précédent au parquet par l’avocat de M. González Amador, qui lui proposait un accord de plaider-coupable par lequel son client était prêt à reconnaître deux délits de fraude fiscale afin d’échapper en contrepartie à une peine de prison.La révélation de cette offre pouvait faire naître des doutes sur l’innocence de M. González Amador, qui a saisi immédiatement la justice, convaincu que le Procureur général avait organisé cette fuite aux médias pour nuire à Mme Díaz Ayuso.Pour sa part, la présidente de la région de Madrid et son parti avaient accusé l’entourage du Premier ministre d’être à l’origine de ce coup bas présumé et d’avoir pour cela utilisé M. García Ortiz.Après huit mois d’enquête, M. García Ortiz a été mis en examen en janvier, un fait sans précédent dans l’histoire judiciaire de l’Espagne. Dans sa défense écrite, il s’est dit victime d’une campagne orchestrée par le gouvernement régional de Madrid afin de détourner l’attention de la fraude fiscale présumée de M. González Amador et de protéger l’image de Mme Díaz Ayuso.- Jusqu’à six ans de prison -Il a toujours proclamé son innocence et a refusé de démissionner.”Nous croyons en son innocence”, a affirmé en juillet M. Sánchez. A l’instar du bureau de l’Avocat général de l’Etat, qui défendra M. García Ortiz, le procureur du Tribunal suprême, chargé de l’accusation, demande la relaxe, estimant qu’il n’a pas commis de délit.  De son côté, M. González Amador réclame contre lui une peine de quatre ans de prison et 300.000 euros de dommages et intérêts au titre du “préjudice moral causé”.Pour leur part, cinq  associations et le parti d’extrême-droite Vox, qui se sont constitués partie civile, réclament entre quatre et six ans de prison contre l’accusé.M. González Amador témoignera mardi, alors que M. García Ortiz sera le dernier à prendre la parole le 12 novembre. Une quarantaine de témoins, dont 12 journalistes, ont été appelés à la barre.S’il est déclaré coupable, il devra quitter ses fonctions, déclenchant une crise au sein du parquet. Ce serait surtout un revers politique majeur pour M. Sánchez.

Les députés s’apprêtent à baisser le rideau sur la partie “recettes” du budget de l’Etat

Les députés bouclent lundi huit jours de débats sur la partie “recettes” du budget de l’Etat, sans espoir de voter sur ce premier volet mardi comme initialement prévu. Mais à l’heure où chacun dresse un premier bilan, il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l’hémicycle.Au menu lundi, la poursuite des discussions sur la justice fiscale, avec notamment des amendements sur la taxation des plus-values immobilières, ou les droits de succession.La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin devrait dresser un bilan des mesures adoptées jusqu’à présent. Les députés s’empareront mardi en séance du budget de la Sécurité sociale, rejeté en commission vendredi.Celui-ci doit faire l’objet d’un vote solennel le 12 novembre, après lequel pourront reprendre les discussions sur le projet de loi de finances, jusqu’au plus tard le 23 novembre à minuit – les délais constitutionnels obligeant alors le gouvernement à transmettre le texte au Sénat. Le gouvernement tablait ces jours-ci sur un vote le 18 novembre pour la partie “recettes” du budget de l’Etat.Mais d’ores et déjà le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (LR), anticipe son rejet: “Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu’en fait elle ne va satisfaire personne”, a-t-il dit sur LCI dimanche.En cas de rejet de cette première partie, le projet de budget partirait au Sénat dans sa version initiale.- “Ecœurement” -L’adoption du texte nécessiterait l’abstention des socialistes et des écologistes (et le vote positif de la coalition gouvernementale). Or rien ne la laisse présager à ce stade.Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a ainsi fait part dans une interview à La Tribune Dimanche de son “écœurement”, après le rejet vendredi de la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, et alors que la gauche peine de manière générale à “mettre de la justice dans ce budget”.”Si on devait nous soumettre le budget aujourd’hui, nous voterions évidemment contre, en sachant tout ce que cela implique, à savoir la chute du gouvernement”, a ajouté celui dont le groupe avait décidé de laisser sa chance à Sébastien Lecornu en ne le censurant pas.Les écologistes se montrent eux aussi sévères, vis-à-vis du gouvernement mais aussi des socialistes, dont ils semblent critiquer une quête du compromis à tout prix: “Je ne comprends plus ce que fait le PS”, a déclaré la patronne des députés écolos Cyrielle Chatelain sur franceinfo vendredi soir.Mais le texte ne fait pas seulement des mécontents à gauche. Le gouvernement a lui aussi marqué ses réticences face à des votes souvent contraires à ses avis, qui ont abouti à alourdir la pression fiscale.”Je pense qu’il faut qu’on arrête de créer des impôts (…) Aujourd’hui, si je compte les mesures sur l’impôt des multinationales, sur les rachats d’actions, sur la taxe sur les super-dividendes et l’ensemble des amendements qui ont été votés, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait au moins (…) 45,1% du PIB, c’est plus qu’en 2013 où il était à 44,8%”, a fustigé Amélie de Montchalin vendredi soir.- “Sorcellerie fiscale” -Le ministre de l’Economie Roland Lescure a lui mis en garde contre la “sorcellerie fiscale” et le vote de mesures “totalement inopérantes”. Particulièrement dans son viseur, une “taxe Zucman” sur les multinationales censées rapporter 26 milliards d’euros, selon son initiateur Eric Coquerel, le président LFI de la commission des Finances.Montré du doigt par la droite pour son soutien à la mesure, le Rassemblement national a assumé son vote: le président du RN Jordan Bardella a défendu sur X un “mécanisme de lutte contre la fraude fiscale des grandes multinationales étrangères”.Sur France Inter dimanche, le vice-président du RN Sébastien Chenu a cependant fustigé un budget “de bric et de broc”, qui crée “beaucoup d’impôts” sans s’attaquer “aux dépenses toxiques”.Vendredi, reconnaissant les limites de la discussion budgétaire pour parvenir à une copie d’ensemble cohérente, le Premier ministre a demandé “à l’ensemble des ministres concernés” de réunir les représentants des groupes pour “essayer de se mettre d’accord sur les grands principes de l’atterrissage d’un texte pour la Sécurité sociale et pour le projet de loi de finances”.

Assassinat de l’avocat corse Sollacaro en 2012: trois membres présumés du Petit Bar jugés

Trois membres présumés de la bande criminelle corse du Petit Bar sont jugés jusqu’à mi-décembre pour leur rôle supposé dans l’assassinat en 2012 de l’avocat Antoine Sollacaro à Ajaccio, un crime qui avait provoqué une onde de choc.Treize ans après les faits, ce procès s’ouvre à 14H00 devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, avec l’hypothèque d’une absence pour raisons de santé du principal accusé.Le 16 octobre 2012, Antoine Sollacaro, avocat notamment d’Yvan Colonna et de l’ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, était assassiné. Et la chasse à la mafia en Corse ouverte pour retrouver les auteurs de ce crime retentissant.Ce jour-là, l’ancien bâtonnier de 63 ans achète comme chaque matin son journal dans une station-service du bord de mer d’Ajaccio. Assis au volant de sa Porsche Carrera, il est exécuté de neuf balles, dont cinq dans la tête, par le passager d’une moto.Cet assassinat, le 15e en Corse en 2012 et le premier depuis 20 ans en France d’un avocat, bouleverse. “C’est la justice toute entière qui est touchée”, réagit la garde des Sceaux de l’époque, Christiane Taubira, parlant d'”onde de choc”.Le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers sont d’ailleurs partie civile. Et chaque 16 octobre depuis, des robes noires (avocats, magistrats, greffiers) se rassemblent sur les marches du tribunal d’Ajaccio en hommage.Cette année, à l’approche du procès, sa veuve y a pour la première fois pris la parole. “J’aimerais que la justice passe, vraiment”, a lancé Jeannine Farioli-Sollacaro. “Je ne voudrais pas que ce (procès) soit une mascarade.”D’autant que “ce sera pour lui sa dernière cour d’assises”, a ajouté sa fille, Anna-Maria Sollacaro, avocate comme son père.Si la famille exprime ses craintes, c’est que Jacques Santoni, tétraplégique décrit par la justice comme “le commanditaire” et le “cerveau” de l’assassinat d’Antoine Sollacaro, pourrait ne pas être jugé du fait de son état de santé.Poursuivi pour complicité d’assassinat et association de malfaiteurs, ainsi que, dans un dossier joint, pour complicité de tentative d’homicide volontaire en bande organisée la même année sur Charles Cervoni, réputé proche de l’ex-leader nationaliste Alain Orsoni, ce chef présumé du Petit Bar n’est pas en état de comparaître, a conclu une expertise rendue à quelques jours de l’ouverture du procès.- “C’est nous qui avons tapé” -L’accusation estime cependant que des aménagements sont possibles afin qu’il soit jugé en personne. Un débat qui devrait dominer les premières heures d’audience, avec à la clé une possible disjonction de son cas, voire un renvoi.Paul Sollacaro, fils du bâtonnier et également avocat, à quant à lui indiqué à l’AFP mettre “au défi Jacques Santoni de venir s’expliquer devant la cour d’assises”.L’une des quatre avocats de Jacques Santoni, Me Pauline Baudu-Armand, a précisé à l’AFP qu’elle et son client ne faisaient aucun commentaire avant l’audience.Autre membre présumé du Petit Bar, André Bacchiolelli sera jugé pour l’assassinat d’Antoine Sollacaro et la tentative sur Charles Cervoni.Contactée par l’AFP, son avocate Sondra Tabarki n’a pas souhaité communiquer.Enfin, Mickaël Ettori, présenté par l’accusation comme un “proche lieutenant de Jacques Santoni” et en fuite depuis 2020, sera jugé en son absence, notamment pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes. Tous nient les faits.Si l’arme du crime n’a pas été retrouvée et qu’aucun ADN n’a permis de confondre les auteurs, la juge d’instruction indique dans son ordonnance s’être notamment appuyée sur les déclarations de Patrick Giovannoni, une “petite main” de cette bande selon les enquêteurs, qui a obtenu en 2015 le statut de repenti et sera le 4e accusé au procès.Gestionnaire du stock d’armes du Petit Bar, il avait affirmé avoir reçu les confidences de Jacques Santoni, qui aurait déclaré après la mort de l’avocat: “C’est nous qui avons tapé”.Patrick Giovannoni est, lui-même, renvoyé pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de la tentative d’assassinat de Charles Cervoni.Contacté par l’AFP, son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, a indiqué qu’il allait “demander le huis-clos”.

Ce que l’on sait de l’attaque au couteau dans un train en Angleterre

Un seul des deux hommes arrêtés après l’attaque à l’arme blanche dans un train dans l’est de l’Angleterre, qui a fait au moins 10 blessés, est considéré dimanche soir comme suspect par la police, qui assure n’avoir pas d’indication “à ce stade” d’un acte “terroriste”.Voici les principaux éléments connus.- Le déroulement de l’attaque -L’attaque s’est produite dans un train parti à 18H25 (locales et GMT) de Doncaster (nord de l’Angleterre) vers la gare londonienne de King’s Cross. La police a été alertée d’un incident à bord vers 19H40, et est intervenue en gare de Huntingdon, près de Cambridge, à environ 120 kilomètres au nord de Londres.La British Transport Police (BTP) a indiqué que des agents de la police locale avait arrêté deux personnes. Un seul est considéré comme suspect à ce stade, a-t-elle précisé dimanche soir.Le secrétaire général du syndicat des transports RMT, Eddie Dempsey, a affirmé que le conducteur du train avait “dévié” sa route pour permettre à la police et aux secours d’intervenir.- Dix blessés dont cinq toujours hospitalisés -Sur les dix personnes blessées dans l’attaque et hospitalisées, cinq avaient quitté l’hôpital dimanche, et le pronostic vital de l’une d’entre elles reste engagé, selon la BTP.Il s’agit d’un employé de la compagnie ferroviaire qui “a essayé d’arrêter l’assaillant”, a-t-elle précisé, saluant son comportement “héroïque”.Selon un passager cité par Sky News, les policiers ont utilisé un pistolet à impulsion électrique sur le quai pour maîtriser l’homme armé d’un grand couteau. Le roi Charles III s’est dit dimanche “absolument horrifié et choqué” par cette attaque.La veille, le Premier ministre Keir Starmer avait qualifié l’incident d'”extrêmement préoccupant”. – “Du sang partout” -Un témoin cité par plusieurs médias a indiqué avoir vu un homme courir dans le wagon, le bras ensanglanté, en criant: “Ils ont un couteau!”. Un autre a rapporté avoir vu “du sang partout”.Olly Foster, cité par la BBC, a raconté avoir d’abord cru à une plaisanterie liée à Halloween lorsqu’il a entendu des passagers crier: “Fuyez! Il y a un type qui poignarde tout le monde”.Il a décrit des sièges couverts de sang et un passager tentant de protéger une fillette lors de l’incident.- Un suspect: un Britannique de 32 ans -Le responsable de la BTP John Loveless a rappelé dimanche que les services antiterroristes collaborent à l’enquête, mais qu'”à ce stade, rien ne suggère qu’il s’agit d’un incident terroriste”.Le suspect est un Britannique de 32 ans, né au Royaume-Uni, qui était monté dans le train à Peterborough, où il réside, a détaillé la BTP. Un couteau a été retrouvé sur les lieux de l’attaque.Une passagère, Dayna Arnold, a raconté à plusieurs journaux s’être retrouvée face à lui, le suppliant de ne pas la tuer, et qu’il lui a répondu: “Le diable ne gagnera pas”.Un second homme, âgé de 35 ans et arrêté samedi soir, a été relâché dimanche car “pas impliqué” dans l’attaque selon la police.Une forte présence policière a été déployée dans les gares du pays et sera maintenue pendant plusieurs jours.- Hausse des violences à l’arme blanche -En Angleterre et au Pays de Galles, où la législation sur les armes à feu est très stricte, les violences à l’arme blanche ont fortement augmenté ces 15 dernières années, selon des chiffres officiels. Le Premier ministre a qualifié par le passé la situation de “crise nationale” et son gouvernement a durci l’accès à ces armes.Cette attaque intervient un mois après celle au couteau contre une synagogue au nord de Manchester, où deux personnes avaient été tuées, l’une d’une balle tirée par la police intervenue sur les lieux.A l’été 2024, un jeune Britannique d’origine rwandaise avait tué trois fillettes à l’arme blanche dans un cours de danse à Southport, dans le nord de l’Angleterre. Dix autres personnes, dont huit enfants, avaient été blessées.Et un réfugié afghan de 22 ans a été inculpé cette semaine après une attaque au couteau qui a fait un mort et deux blessés lundi près de Londres.