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UE: accord définitif pour financer des projets communs d’armement

Les pays de l’Union européenne ont définitivement adopté mardi un accord de principe pour faciliter leurs achats en commun d’armement, dans le cadre d’un programme européen doté de quelque 150 milliards d’euros, a indiqué le Conseil de l’UE.Ce dernier, baptisé “Safe”, prévoit des prêts de 150 milliards d’euros pour financer, en commun, des achats et des projets d’armement dans les domaines où l’offre européenne reste insuffisante, comme la production de missiles, de munitions, de drones ou encore les systèmes de défense anti-aérienne.La décision, approuvée la semaine dernière par les ambassadeurs des 27, a été adopté définitivement par les ministres des Affaires européennes de l’UE, réunis à Bruxelles, a précisé la présidence polonaise du Conseil, instance qui rassemble les Etats membres.”Ce n’est qu’une étape et il faudra aller plus loin”, s’est félicité le ministre délégué français chargé de l’Europe Benjamin Haddad.Il est d’ores et déjà prévu que plusieurs pays non membres de l’UE puissent y participer, comme la Norvège ou l’Ukraine, car signataires d’un partenariat de défense et de sécurité. La Grande-Bretagne et l’UE ont signé la semaine dernière à Londres un accord de partenariat similaire, qui permettra, après d’ultérieures négociations, à Londres d’être pleinement intégré à ce programme européen.Il s’agit d’un élément important compte tenu de l’accent qui a été mis sur la nécessité d’encourager l’industrie de défense européenne alors que la majorité des achats actuels d’armement par les pays de l’UE se font hors d’Europe, essentiellement aux Etats-Unis.Défendu par plusieurs Etats membres, dont la France, ces projets devront ainsi être majoritairement réalisés par l’industrie de défense européenne, à hauteur de 65% des composants. Le reste pourra provenir de pays non membres du programme Safe, comme les Etats-Unis, à hauteur de 35%.Dans le souci d’éviter qu’un pays tiers ne puisse contrôler à distance l’armement produit grâce à l’un de ses composants, une autorité centrale sera chargée de s’assurer que cela restera impossible.L’idée est par exemple d’empêcher que le fabricant américain d’un logiciel intégré à un drone européen, développé grâce à ce programme “Safe”, ne puisse être contrôlé à distance depuis les Etats-Unis, a-t-on expliqué de source européenne.”Safe” fait partie d’un programme plus global présenté fin mars par la Commission européenne, qui ambitionne de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour réarmer le continent européen.

Les députés votent sur la création d’un droit à l’aide à mourir

Réforme sociétale majeure du second quinquennat d’Emmanuel Macron, la création d’un droit à l’aide à mourir pourrait franchir mardi une étape cruciale, en étant adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.Les députés voteront en fin d’après-midi sur deux textes: une proposition de loi d’Annie Vidal (Renaissance) relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, et une autre d’Olivier Falorni (groupe MoDem) créant un “droit à l’aide à mourir”, après des explications de vote communes.Si la première devrait être approuvée à l’unanimité, le vote de la seconde est plus incertain, même si la ministre de la Santé Catherine Vautrin “s’attend à ce qu’elle soit adoptée”, selon son entourage.Une dichotomie illustrée par François Bayrou, historiquement réticent à l’aide à mourir: sur RMC et BFMTV mardi matin, le Premier ministre a affirmé avoir toujours des “interrogations” sur le texte de M. Falorni et indiqué que s’il était député, il “s’abstiendrai(t)”.”J’ai confiance dans la démarche parlementaire pour que toutes les interrogations soient levées”, a-t-il ajouté, évoquant le passage du texte au Sénat, dominé par la droite et le centre et nettement moins acquis à cette réforme.A l’Assemblée, chaque groupe laissera la liberté de vote à ses membres, mais l’hémicycle devrait grosso modo se partager entre d’un côté la gauche et le “bloc central”, favorables au texte, de l’autre la droite et l’extrême droite, qui y sont hostiles.La proposition de loi de M. Falorni crée un “droit à l’aide à mourir” consistant à “autoriser et à accompagner une personne qui a exprimé la demande à recourir à une substance létale”, qu’elle devra s’administrer ou se faire administrer “lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder”.Elle définit cinq critères cumulatifs, dont le fait d’être atteint “d’une affection grave et incurable” qui “engage le pronostic vital, en phase avancée” ou “terminale”, et présentant “une souffrance physique ou psychologique constante”.- Un modèle “strict et encadré” -Mme Vautrin a défendu ce week-end dans La Tribune Dimanche une loi ouvrant la voie à un “modèle français” d’aide à mourir, “strict et encadré”.Le gouvernement a obtenu au cours des débats l’approbation d’un certain nombre d’amendements, de sorte que “le texte est revenu dans son esprit originel”, se félicite l’entourage de la ministre.La proposition de loi de M. Falorni est en effet issue d’un projet de loi dont les grandes lignes avaient été présentées par Emmanuel Macron en mars 2024. Défendu à l’Assemblée par Mme Vautrin, son examen avait été interrompu par la dissolution.Soumis à une forte pression des députés, François Bayrou a remis l’ouvrage sur le métier, scindant le texte en deux de manière à laisser la liberté aux députés de voter pour un texte mais pas pour l’autre.Un amendement du gouvernement a refait de l’auto-administration du produit létal la règle, et de l’administration par un médecin ou un infirmier l’exception, alors que la commission des Affaires sociales avait décidé de laisser le libre choix au patient.Le gouvernement a aussi fait préciser un des critères d’éligibilité. Tenant compte d’un avis de la Haute Autorité de Santé, le texte affirme désormais que la phase “avancée” d’une maladie se caractérise par “l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie”.Les députés ont également approuvé un amendement du président de la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons), renforçant la collégialité de la procédure, et un autre du gouvernement rétablissant un délai minimum de deux jours pour que le malade confirme sa décision.- Le texte au Sénat à l’automne ? -“C’est un texte qui est profondément équilibré” avec des “critères strictement définis”, a défendu devant la presse mardi M. Falorni, soulignant que certains parlementaires avaient pu trouver pendant les débats la loi “trop restrictive” et d’autres “trop permissive”.La droite continue à y être farouchement opposée, s’alarmant que les malades recourent au “suicide assisté” faute de pouvoir accéder aux soins palliatifs, alors que seule la moitié des besoins sont couverts.”La loi prétend être sur la fin de vie: c’est faux ! Certaines personnes éligibles peuvent vivre des décennies. On dit qu’il y a des critères stricts, c’est faux. Les malades psychiatriques ne seront pas exclus d’emblée”, a dénoncé dans le JDD le député LR et médecin Philippe Juvin. Une position qui augure mal de l’accueil de la proposition de loi au Sénat, où Mme Vautrin espère qu’elle sera examinée “cet automne, avec un retour à l’Assemblée nationale début 2026”.

Devant les étudiants vietnamiens, la leçon de Macron sur la “désinhibition des superpuissances”

“Par la désinhibition des superpuissances, tout peut basculer”: Emmanuel Macron a exposé mardi sa troisième voie devant des étudiants vietnamiens, s’en prenant aux taxes douanières de Donald Trump “qui changent selon les matins”, autant qu’aux revendications de Pékin en mer de Chine méridionale.Le président français décline ce message depuis le début dimanche soir de sa tournée de six jours en Asie du Sud-Est, qui doit aussi le mener mardi soir en Indonésie puis à Singapour.”La conflictualité qu’il y a entre la Chine et les Etats-Unis d’Amérique est un fait géopolitique qui fait peser l’ombre portée du risque d’un conflit beaucoup plus large dans cette région majeure”, a-t-il jugé à l’Université des sciences et techniques d’Hanoï, au Vietnam.Tous en ont pris pour leur grade.”Nous avons des grandes puissances du monde qui ont décidé de ne plus respecter le droit international et de ne plus vouloir la paix”, “la souveraineté des peuples et l’intégrité territoriale deviennent contestées, y compris par des grandes puissances membres permanents du Conseil de sécurité” de l’ONU, a-t-il professé, notamment à l’adresse de la Russie.- Inquiétudes en mer de Chine méridionale -A l’intention de Pékin, opposé à Hanoï sur la souveraineté d’îlots au large du Vietnam, il a estimé qu’être obligé de rappeler “que la liberté de navigation, la liberté maritime est importante pour la mer de Chine méridionale, c’est bien que quelque chose se passe qui inquiète tout le monde”.Avant de déplorer l’attitude des Etats-Unis: “la première économie du monde décide de ne plus (…) respecter les règles” du commerce international et “met des tarifs qui changent selon les matins où l’on se réveille”.Une critique qui résonne au moment où les dirigeants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), réunis en sommet en Malaisie, affichent leur quête de partenaires pour diversifier leurs réseaux commerciaux face aux menaces douanières du président américain.Face à cette situation, Emmanuel Macron admet que la France, “grande puissance militaire, géopolitique”, n’est “pas une de ces deux grandes puissances au monde”. “Et le Vietnam non plus”, a-t-il ajouté.D’où selon lui la pertinence de sa “stratégie indopacifique”, qui consiste à proposer à cette partie du monde au coeur de la confrontation sino-américaine de “ne pas dépendre” de Washington et Pékin, et donc de bâtir ensemble “un chemin de liberté” et de “souveraineté”.- “Monde d’imbéciles” -Paris espère que ce positionnement se traduise en contrats pour les entreprises françaises. Au Vietnam, des accords pour neuf milliards d’euros ont été conclus, selon le président français, notamment par l’avionneur Airbus, tandis que des signatures sont prévues en Indonésie en matière de défense, d’énergie et de minerais critiques.Au passage, Emmanuel Macron a exhorté ces étudiants, parfois francophones, à ne pas sombrer dans le “monde d’imbéciles” qui règne à ses yeux sur les réseaux sociaux, où l’on peut critiquer à coups de messages courts “celui ou celle que dont vous ne comprenez pas la pensée”. “Pour moi, un des risques qu’il y a dans votre génération, c’est qu’on se dise: comme j’ai accès à Twitter et que je peux (…) dire au meilleur professeur de chimie du monde ou au meilleur philosophe +tu es un imbécile+ et avoir plus de gens qui likent mon tweet ou qui suivront mon Instagram, +je suis plus fort que lui+”. “Ce monde est affreux, ne pensez pas qu’il est désirable”, a-t-il lancé.”On ne doit pas être dans un monde de l’invective, on doit être dans un monde du doute”, a-t-il insisté, en exhortant les jeunes Vietnamiens à “apprendre la controverse respectueuse”, dans un pays où le parti communiste a intensifié la répression de messages critiques en ligne au mépris de la liberté d’expression, selon les groupes de défense des droits humains.

Le Népalais Kami Rita Sherpa atteint le sommet de l’Everest pour la 31e fois, battant son propre record

L’alpiniste népalais Kami Rita Sherpa a atteint le sommet de l’Everest pour la 31e fois mardi, battant son propre record d’ascensions de la plus haute montagne au monde, a annoncé l’organisateur de son expédition.”Félicitations au légendaire Kami Rita Sherpa pour sa 31e ascension réussie de l’Everest, le plus grand nombre d’ascensions de l’histoire”, a déclaré dans un communiqué Seven Summit Treks.Guide de montagne depuis plus de 20 ans, Kami Rita Sherpa, actuellement âgé de 55 ans, s’est hissé pour la première fois sur le “Toit du monde”, culminant à 8.849 mètres d’altitude, en 1994. C’était pour une expédition commerciale.Depuis, il a atteint le sommet de l’Everest presque chaque année, guidant des clients.”Kami Rita Sherpa n’a plus besoin d’être présenté”, a déclaré mardi l’organisateur de son expédition. “Il n’est pas seulement un héros national de l’escalade, mais un symbole mondial de l’Everest lui-même”.En 2024, l’alpiniste népalais est monté deux fois au sommet de l’Everest, battant à chaque fois un nouveau record.- “Atteindre de nouveaux sommets” -“Je suis heureux de ce record, mais les records finissent par être battus”, avait-il déclaré à l’AFP le 12 mai 2024, après avoir atteint la cime de l’Everest pour la 29e fois.Seven Summit Treks a indiqué mardi qu’il guidait une expédition de l’armée indienne pour sa 31e ascension, soulignant qu’il avait “non seulement atteint le sommet lui-même, mais qu’il (avait) également conduit et guidé les derniers membres de l’équipe jusqu’au sommet”.Himal Gautam, directeur de la section alpinisme et aventure au sein du ministère du Tourisme népalais, a souligné que le record établi par Kami Rita Sherpa “contribue à permettre à l’alpinisme népalais d’atteindre de nouveaux sommets”.Surnommé “Monsieur Everest”, Kami Rita Sherpa est né en 1970 à Thame, un village de l’Himalaya, vivier d’alpinistes chevronnés.Il a grandi dans la vallée himalayenne à regarder son père, puis son frère, partir en expédition en tant que guides de montagne, avant de marcher sur leurs traces.En 2019, il était monté au sommet de l’Everest à deux reprises en l’espace de six jours.Un autre alpiniste népalais, Tashi Gyalzen Sherpa, 29 ans, est rentré mardi à Katmandou, la capitale du Népal, avec un record en poche.Il a réalisé 4 expéditions jusqu’au sommet de l’Everest en 15 jours, dont la dernière le 23 mai, selon 8K Expeditions.”Je suis fier — c’était un objectif très difficile,  mais j’ai réussi”, s’est félicité auprès de l’AFP Gyalzen Sherpa, à son retour à Katmandou, où sa famille et des fans de l’alpinisme étaient là pour l’accueillir. “Jusqu’à présent, des pionniers l’ont escaladé plusieurs fois, mais pas quatre fois en une saison”, a-t-il expliqué.- Plus de 1.100 permis -Cette année, Katmandou a accordé plus de 1.100 permis d’ascension pour la saison de printemps (avril-juin), dont 458 pour l’Everest, ce qui représente une manne financière de plus de 5 millions de dollars (4,38 millions d’euros) pour le pays.Plus de 500 alpinistes et leurs guides ont déjà atteint le sommet de l’Everest depuis le début de la saison des ascensions dans l’Himalaya, selon le département du tourisme du Népal. Cette année, le nombre de personnes décédées lors de l’ascension de l’Everest est moins élevé que les années précédentes.Deux alpinistes, un Philippin et un Indien, sont morts dans les camps de haute altitude.Kami Rita Sherpa compte d’autres sommets de plus de 8.000 mètres à son palmarès, dont le K2 au Pakistan, deuxième plus haute montagne au monde.Mi-mai, l’alpiniste britannique Kenton Cool, 51 ans, a gravi l’Everest pour la 19e fois, battant son propre record, celui de grimpeur non Népalais ayant réussi le plus grand nombre d’ascensions du sommet le plus haut de la planète.L’Everest a été officiellement vaincu pour la première fois le 29 mai 1953 par le Néo-Zélandais Sir Edmund Hillary et le sherpa népalais Tensing Norkay.L’année dernière, plus de 800 alpinistes l’ont atteint, dont 74 du côté nord du Tibet.

Le russe LockBit, ex-leader mondial de la cybercriminalité: anatomie d’une chute

Qui a voulu la peau de LockBit, prestataire majeur de la cybercriminalité mondiale? Son intenable fondateur russe est-il libre, détenu, mort? A quel jeu trouble se livre le Kremlin avec les cyber-escrocs, aux confins entre dark web et monde réel?Le 7 mai dernier, LockBit a été victime d’un craquage de son système et du vol d’une partie de ses données. Une humiliation pour l’ex-numéro un mondial du rançongiciel, ces logiciels malveillants qui pénètrent dans le système d’une entreprise, pillent ses contenus et permettent d’extorquer de l’argent à ses propriétaires.Sur son site est apparu un message moqueur: “Don’t do crime, crime is bad, xoxo from Prague” (Ne commettez pas de crime, le crime, c’est mal. Bisous de Prague). Depuis, dans le petit monde de la cyber threat intelligence (renseignement sur la menace cyber, CTI), l’anecdote fait ricaner et réfléchir.Car LockBit a été un grand prestataire de services, indispensable à ses “affiliés”, les rançonneurs eux-mêmes. Il fournissait notamment les logiciels d’attaque, le chiffrage pour approcher les victimes, l’hébergement des données volées, les méthodes de blanchiment.Comme un intermédiaire qui fournirait passeports, armes à feu et voiture à un groupe terroriste. Sauf que la transaction se règle en cryptomonnaies et qu’il n’y a ni patronyme, ni visage apparent, ni contact physique.Damien Bancal, expert en cybercriminalité depuis plus de 30 ans, pose le décor.Une crise comme celle-là secoue le milieu tout entier et provoque une multitude de commentaires et de dialogues, sur internet ou sur le dark, qui “permettent d’entrevoir les manipulations auxquelles ils (LockBit et les autres groupes, ndlr) se livrent ou dont ils font l’objet, qu’elles soient financières, techniques ou géopolitiques”, explique-t-il à l’AFP.- “Une marque” -En 2023, LockBit était à l’origine de 44% des attaques par rançongiciel dans le monde, selon l’expert. Pourchassé par les polices occidentales, il subit une première vague d’arrestations, coordonnée par Londres et Washington, dans une dizaine de pays en février 2024, qui écorne sa crédibilité.En France, la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête contre LockBit, ainsi que plusieurs dossiers distincts impliquant des affiliés et des membres d’autres groupes cybercriminels.Rien qu’en 2024, la section a été saisie de plaintes sur 450 attaques par rançongiciels, parmi lesquels LockBit était le groupe le plus actif. “LockBit, c’était vraiment une marque”, confirme à l’AFP le parquet de Paris.La toute récente intrusion sauvage – et étrangement non revendiquée – dans le système de la bête à moitié morte a fini de l’achever.”LockBit était le numéro un. Aujourd’hui, il était en mode survie et a encore subi un coup avec cette divulgation”, explique Vincent Hinderer, en charge de la CTI chez Orange Cyberdéfense (OCD).Son activité persiste tant bien que mal. Mais l’observation des discussions en ligne, négociations et portefeuilles de monnaie virtuelle montrent des “attaques avec des petites rançons, donc un retour sur investissement relativement faible”.- Mafia 3.0 -Dans l’univers de la cybercriminalité, les rapports de force peuvent basculer en l’espace d’un double-clic. “Certains groupes obtiennent une position dominante puis tombent en désuétude”, explique Vincent Hinderer. “Conti était leader, puis LockBit, puis RansomHub. Aujourd’hui, d’autres reprennent le leadership”.”On peut faire un parallèle avec l’antiterrorisme”, admet un fonctionnaire français de la cyberdéfense, sous couvert de l’anonymat. “On coupe une tête, d’autres repoussent”.Première certitude: le secteur est dominé par le monde russe. Dans le top 10 des prestataires du cybercrime, “il y a deux groupes chinois, tout les autres sont russophones, la plupart encore physiquement localisés en Russie ou ses satellites”, assure une pointure du domaine opérant dans le secteur privé, qui lui aussi requiert l’anonymat.Vendredi, Europol et Eurojust ont revendiqué un nouveau coup de filet. Vingt mandats d’arrêt visant “en grande majorité des ressortissants russes”, selon le parquet général de Francfort et la police fédérale allemande. 300 serveurs mis hors service, dont 50 se trouvaient en Allemagne. Saisie de 3,5 millions d’euros en cryptomonnaies.Deuxième certitude: l’Etat russe joue un jeu complexe avec ces gangs. Le fonctionnaire français décrit ainsi la “porosité avec les services de l’Etat” de cette “mafia 3.0″.”On ne peut pas dire que les groupes soient commandités par l’Etat russe, mais la complaisance et l’impunité dont ils bénéficient suffisent à le rendre complice”.- Wanted: 10 millions de dollars -La fuite des données de LockBit, abondamment commentée par la communauté des cyber-observateurs a permis d’apprendre qu’un de ses affiliés avait attaqué une ville russe de 50.000 habitants.Mauvaise pioche: son fondateur, un certain Dimitri Khorochev, vit en Russie. Or, “on n’attaque pas dans son propre pays si on ne veut pas avoir de soucis judiciaires”, résume Vincent Hinderer.LockBit a immédiatement proposé à la municipalité attaquée un logiciel de décryptage, comme un antidote au poison qui la rongeait. Mais ce dernier n’a pas fonctionné. “C’est remonté au FSB qui a réglé le problème” en catimini, assure le fonctionnaire français.La même source évoque aussi le cas de Maxime Yakubets, membre du groupe Evil Corp, recherché par Washington et qui affiche sans vergogne une somptueuse collection de voitures de luxe, avec des immatriculations dont certaines lettres sont réservées en principe aux fonctionnaires de haut rang.Quant à Khorochev, sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars par le département d’Etat américain. En avril 2024, le site du ministère affichait la photo de ce Russe fringant de 32 ans, visage fin et regard acéré. Mais son poids, sa taille, la couleur de ses cheveux et de ses yeux étaient décrits comme inconnus.”Depuis janvier 2020, LockBit a mené des attaques contre plus de 2.500 victimes à travers le monde, dont environ 1.800 aux États-Unis, (…) recevant au moins 150 millions de dollars en paiements de rançon effectués sous forme de monnaie numérique”, précisait le département d’Etat.Une somme qui, selon les experts, ne représente que sa seule part du butin, soit 20% des volumes dégagés par les intrusives opérations de ses affiliés. Le jeune trublion est, de fait, sous sanction du Trésor américain.On le sait grandiloquent, provocateur, égocentré, comme lorsqu’il offre de l’argent à qui tatouera son logo sur son corps, ou à qui trouvera une faille dans son serveur. – “Tu vas travailler pour nous” -Pour le reste, mystère absolu. “Tant qu’il ne sort pas de Russie, il ne sera pas arrêté”, tranche l’expert du secteur privé. Mais “on n’est pas sûr qu’il soit vivant”.Toutes les sources interrogées par l’AFP décrivent le comportement ambivalent des autorités russes, entre surveillance en bride courte, laxisme calculé et manipulation politique.”L’Etat russe laisse faire les groupes, il est très content de cette forme de harcèlement continu” auquel les cybercriminels se livrent, assure le même expert. Surtout lorsqu’ils ciblent l’Ukraine ou des pays occidentaux.Damien Bancal cite le cas de Sodinokibi, un groupe de pirates informatiques, aussi connu sous le nom de REvil, démantelé en janvier 2022.”Le FBI (police fédérale américaine) avait donné un coup de main au FSB pour arrêter le groupe. Lors des arrestations, ils avaient trouvé des lingots d’or et leurs matelas étaient remplis de billets”, raconte-t-il.Depuis, l’invasion russe en Ukraine est passée par là, et “plus personne ne coopère avec qui que ce soit”.Interrogé par l’AFP lundi sur l’existence d’une demande officielle par Washington d’informations sur Dimitri Khorochev, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré ne disposer d'”aucune information”.Selon lui, “des contacts existent entre les services spéciaux (russe et américain, ndlr). Mais on ne peut pas parler pour l’heure d’une coopération d’ampleur”.De fait, Moscou tire largement profit de ces extorsions. “Arrêter aujourd’hui des rançonneurs, des professionnels de la prise d’otage d’entreprises, c’est mettre la main sur toutes les données qu’ils ont pu voler. C’est une manne providentielle”, explique Damien Bancal.Outre l’argent liquide et les cryptomonnaies, “ce sont des dizaines, si ce n’est des centaines de millions d’informations, qui ont été volées aux entreprises par des groupes de rançongiciels”, dit-il. En novembre 2024 est entrée en vigueur une loi russe permettant l’usage de cryptomonnaies comme moyen de contournement des sanctions occidentales, tout en encadrant strictement leur fabrication. Le texte prévoit que seules des entreprises inscrites dans un registre spécial ont le droit d’en produire massivement.Mais la répression est à géométrie variable. En août dernier, un cybercriminel russe a été rendu à son pays lors d’un échange de prisonniers avec plusieurs pays occidentaux.Et si la justice russe juge régulièrement des hackeurs à des peines de prison, Damien Bancal suppute un rapport de force loin du strict cadre légal: “Je t’arrête, je te fais quelques câlins à la mode russe et je te libère. Mais tu vas travailler pour nous”, résume-t-il. Les criminels jouent le jeu, contraints et forcés, parfois satisfaits de servir la patrie en étant passés “du bon côté de la force”.Le fondateur de LockBit, Dimitri Khorochev – ou quiconque se ferait passer pour lui – essaye pour sa part de rester debout. Il a d’abord minimisé l’importance des données piratées le 7 mai. Et offert une récompense à qui l’aiderait à retrouver son tourmenteur.”Donnez des infos sur lui, qui il est — je paierai si l’info est authentique”, a-t-il écrit sur son site. En attendant, bon baisers de Prague.burs-dla/dab/sva/cls