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A Paris, Mohamed Amra garde le silence sur son évasion meurtrière devant les juges

Le narcotrafiquant Mohamed Amra, extrait mercredi matin sous haute sécurité de la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne), n’a pas répondu aux questions des juges spécialisés sur son évasion meurtrière en mai 2024, ont indiqué à la presse ses avocats à l’issue de son premier interrogatoire au tribunal de Paris.Entendu pendant trois heures par les trois juges de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco) chargés des investigations, ouvertes notamment pour meurtres en bande organisée en récidive, M. Amra a fait “de simples déclarations” sans répondre sur le fond, a indiqué son avocat Lucas Montagnier. Le suspect a notamment évoqué “ses conditions” de détention “au quotidien”, a précisé son autre avocat, Benoît David.”Ce choix ne résulte pas d’un procédé, ni d’une défiance vis-à-vis de l’institution judiciaire, mais d’un constat inquiétant”: “Nous n’avons pas pu préparer cet interrogatoire dans des conditions sereines et conformes aux droits de la défense”, a affirmé Me Montagnier.Lors de leurs entretiens, un surveillant, posté derrière une porte vitrée, “peut entendre les échanges, voir les documents”, s’est indigné Me Montagnier, dénonçant une “absence de confidentialité” et une “atteinte grave” aux droits de la défense. Constamment “menotté”, Amra ne peut non plus pas “prendre de notes” pour suivre son dossier et n’a accès “qu’une fois par jour au téléphone fixe” pour appeler ses conseils.L’audition du jour devait permettre de le questionner sur la préparation de son évasion, sur le jour J de l’opération puis sur sa longue cavale. “M. Amra répondra aux questions des juges lorsque la confidentialité de nos échanges sera pleinement garantie”, a assuré Me Montagnier.”Si les juges doivent pouvoir exercer leur fonction sereinement et sans aucune pression, nous voulons rappeler qu’il en va de même pour la défense”, a-t-il insisté.- Casque antibruit et bandeau -Au moins quarante autres personnes sont mises en examen dans cette affaire tentaculaire qui a mobilisé des moyens exceptionnels pour interpeller les suspects, dont certains étaient en fuite en Thaïlande, en Allemagne et au Maroc.L’évasion de celui qui est surnommé “La Mouche” s’était déroulée le 14 mai 2024 dans l’Eure lors d’une précédente extraction qui s’est transformée en véritable guet-apens, coûtant la vie à deux agents pénitentiaires et en blessant grièvement trois autres. Mohamed Amra se trouvait dans un fourgon pénitentiaire au péage d’Incarville quand un commando l’a libéré dans une attaque ultraviolente. Il est ensuite parti en cavale pendant neuf mois, mais a été arrêté le 22 février à Bucarest avant d’être remis à la France.Mercredi, cette nouvelle extraction a été réalisée sous haute sécurité, avec à la manoeuvre le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), unité d’élite spécialisée dans la gestion de crises et les missions dangereuses.Peu après 07h30, Mohamed Amra a été extrait par hélicoptère de sa prison dans l’Orne. A bord, il était équipé d’un casque antibruit, avec un bandeau sur les yeux “pour l’empêcher de mémoriser le trajet”, selon une source proche du dossier.- “Pression” -Puis il a été conduit de la base aérienne de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) au tribunal de Paris où il est arrivé vers 09H30, escorté par un convoi de quatre véhicules et deux motards, a constaté une journaliste de l’AFP.La révélation par la presse de cette extraction avait auparavant suscité l’indignation de syndicats pénitentiaires, appelant à une audition en visioconférence ou à un déplacement des magistrats au sein même de la prison de Condé, pour minimiser les risques.Cette “pression” mise pour “empêcher une quelconque extraction” est “un réel problème”, a souligné son autre avocat, Benoît David. “Une bonne justice a certes un coût, mais elle n’a pas de prix dans une société démocratique”, a insisté Me David.Si les juges ont choisi de le faire venir, c’est “parce qu’ils veulent désormais que le dossier avance vite”, avait justifié la procureure de Paris, Laure Beccuau, sur RMC/BFM.”On va peut-être lui opposer des pièces de procédure, des scellés. (…) Vous n’imaginez évidemment pas trois magistrats instructeurs se déplacer avec l’intégralité des scellés. Et puis il faut aussi des conditions d’audition sur un interrogatoire qui va durer longtemps”, avait-elle relevé.

Budget britannique: le gouvernement mise sur la défense et la santé

Des milliards injectés dans la santé ou la défense mais des coupes dans les Affaires étrangères et les Transports: la ministre britannique des Finances Rachel Reeves a présenté mercredi ses choix budgétaires, qui engageront son pays pour les années à venir.La priorité est “d’investir dans la sécurité du Royaume-Uni, dans la santé et dans la croissance de l’économie”, a martelé Mme Reeves dans un discours en milieu de journée devant les députés britanniques.Grâce à des hausses d’impôts annoncées à l’automne (notamment des cotisations patronales), les budgets courants du gouvernement augmenteront de 2,3% par an d’ici la fin de la décennie en termes réels (taux de croissance en valeur moins  taux de croissance des prix), a indiqué Mme Reeves.Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne: après un passage en revue détaillé des dépenses et des recettes, amorcé dès le retour au pouvoir des travaillistes en juillet dernier, la priorité est clairement donnée à la défense et la santé.Des hausses de budget pour la défense étaient déjà actées. Londres prévoit de porter son budget militaire au-delà de 2,6% du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2027 (une augmentation qui prend aussi en compte les agences de renseignement), et jusqu’à 3% à horizon 2034, au détriment du budget dédié à l’aide internationale au développement.Le service public de santé (NHS), sous-financé depuis des années mais extrêmement coûteux, s’est quant à lui vu promettre mercredi une rallonge record de 29 milliards de livres (34 milliards d’euros) d’ici 2028-29, soit une hausse de 3% par an.- Demandeurs d’asile -Si Mme Reeves ne s’est pas appesantie dans son discours sur les ministères les moins bien lotis, elle a tout de même annoncé un milliard de livres d’économies sur le budget alloué aux demandeurs d’asile, tandis que la police devra se contenter d’une progression annuelle de 2,3%, soit la hausse moyenne.Selon un document publié sur le site du gouvernement à l’issue de son discours, les ministères qui voient leur budget courant le plus raboté sont les Affaires étrangères (un recul de presque 7% d’ici 2029) et les Transports (-5%).Ces coupes sont d’autant plus délicates que la Chancelière de l’Echiquier (titre officiel de Mme Reeves) a déjà tranché dans les dépenses à hauteur de plusieurs milliards de livres lors d’une présentation budgétaire en mars, rognant dans les aides pour les personnes handicapées et les coûts de fonctionnement de l’administration centrale, réduits de 15%.Elle a en revanche accepté cette semaine de revenir sur la suppression d’une aide au chauffage universelle pour les retraités, décision impopulaire jusque dans son propre camp travailliste.Mais si la Chancelière vise l’équilibre des recettes et des dépenses de fonctionnement, elle s’est donné davantage de marges de manoeuvre sur l’investissement, s’autorisant à emprunter plus dans ce but grâce à un changement des règles budgétaires.Conséquence: une manne de 113 milliards de livres (134 milliards d’euros) supplémentaires sur cinq ans est venue s’ajouter aux près de 120 milliards annuels d’investissements déjà prévus.- Des milliards investis -“Les investissements publics devraient être à des niveaux historiquement élevés dans les années à venir”, selon le très respecté Institut des études budgétaires (IFS). “Bien dépensé, cet argent devrait contribuer à la croissance et à de meilleurs services publics”, note-t-il.La plupart des investissements avaient été distillés par le gouvernement ces derniers jours: 86 milliards de livres d’ici 2030 dans les sciences et technologies ou la défense, 30 milliards de livres pour le nucléaire, plus de 15 milliards pour les transports publics dans les régions urbaines d’Angleterre.Mme Reeves a aussi annoncé l’octroi de 39 milliards de livres sur dix ans à “un programme de logements abordables” et un investissement pouvant aller jusqu’à 750 millions dans un nouveau “superordinateur” national à Edimbourg.Le gouvernement du Premier ministre Keir Starmer, dont la popularité est en berne, espère que cela l’aidera à relancer une activité économique atone, pénalisée aussi par la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis.Mais “si la croissance ne se confirme pas, (Mme Reeves) devra soit réduire davantage les dépenses publiques, soit augmenter à nouveau les impôts” lors de son budget d’automne, prévient Joe Nellis, du cabinet de conseil MHA.

Appels au calme après une deuxième nuit d’émeutes en Irlande du Nord

Les dirigeants d’Irlande du Nord ont lancé un appel au calme mercredi après une deuxième nuit d’émeutes visant des immigrés dans la province britannique, des violences qualifiées d'”insensées” par le Premier ministre travailliste Keir Starmer.Dix-sept policiers ont été blessés mardi soir dans ces heurts survenus principalement dans la ville de Ballymena. La veille déjà, des violences y avaient éclaté, après l’inculpation de deux adolescents pour la tentative de viol d’une jeune fille. La police, qui évoque des violences “motivées par des considérations raciales”, ne souhaite pas communiquer sur l’origine des deux jeunes de 14 ans inculpés pour cette tentative de viol. Selon les médias britanniques, ils se sont exprimés par l’intermédiaire d’un interprète roumain lors de leur comparution lundi au tribunal.Mardi soir, des centaines d’individus ont à nouveau pris pour cible des habitations et commerces et jeté des briques, fusées et cocktails Molotov sur la police. Ces incidents se sont produit principalement à Ballymena, localité à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Belfast, selon la police.Des “troubles sporadiques” ont aussi eu lieu dans d’autres villes nord-irlandaises, notamment Belfast.”Je condamne fermement les violences observées cette nuit à Ballymena et dans d’autres endroits d’Irlande du Nord, notamment contre des agents de police”, a déclaré Keir Starmer devant le Parlement, évoquant des “attaques insensées”.Les représentants du gouvernement nord-irlandais, composé de quatre partis politiques et dirigé par l’élue républicaine du Sinn Fein Michelle O’Neill, ont condamné ces “violences à caractère raciste” et lancé “un appel urgent au calme” mercredi.”Rien ne saurait justifier ces violences, au cours desquelles des habitants ont été traumatisés et de nombreux policiers blessés”, ont fustigé les membres de l’exécutif, au sein duquel nationalistes du Sinn Fein et unionistes du DUP gouvernent de concert.Ces émeutes ont notamment visé des zones où vivent des immigrés roumains à Ballymena.- “Division et désordre”.A Ballymena, un habitant interrogé mardi par l’AFP avait indiqué avoir accroché un drapeau britannique devant sa maison “par précaution, pour que les gens sachent que ce n’est pas un étranger qui vit ici”. Des habitants avaient souligné que les émeutiers s’en prenaient “aux étrangers”. “À ceux qui ont été menacés ou affectés par ces violences, je dis: nous sommes avec vous (…) Les actes motivés par la haine et la loi de la foule ne font que déchirer le tissu de notre société: ils ne résolvent rien et ne servent à personne”, a assuré mercredi le commissaire Jon Boutcher.Mardi soir, des commerces et habitations ont été pris pour cible comme la veille, et des véhicules ont été incendiés. La police a utilisé des canons à eau pour disperser les émeutiers.Cinq personnes ont été arrêtées pour troubles à l’ordre public et placées en garde à vue. Certains des 17 policiers blessés ont été hospitalisés.Des incidents ont également été rapportés à Belfast ainsi que dans deux villes à proximité, Carrickfergus et Newtownabbey, où un homme a été interpellé.Les premières violences ont éclaté lundi soir à l’issue d’un rassemblement en soutien à la jeune victime de la tentative de viol présumée et à sa famille.”Ces actes criminels mettent non seulement des vies en danger, mais risquent également de compromettre la procédure pénale en cours”, a souligné Jon Boutcher.”Ceux qui instrumentalisent la situation pour attiser les tensions raciales se moquent de la justice et n’ont rien à offrir à leurs communautés, si ce n’est de la division et du désordre”, ont renchéri les membres de l’exécutif dans leur communiqué commun.L’Irlande du Nord a été secouée à l’été dernier, comme d’autres endroits du Royaume-Uni, par des émeutes anti-immigration. Ces violences avaient été déclenchées par les meurtres de trois fillettes dans une attaque au couteau, dans le nord-ouest de l’Angleterre, après la diffusion en ligne de fausses rumeurs sur l’identité de l’assaillant.

Quelques arrestations à Los Angeles sous couvre-feu

La nuit de mardi à mercredi est restée plutôt calme dans le centre-ville de Los Angeles, même si la police a interpellé plusieurs personnes qui violaient le couvre feu instauré au cinquième jour de manifestations parfois violentes contre la politique migratoire du gouvernement Trump De nombreux policiers, à pied, en voiture ou à cheval, quadrillent la ville survolée par des hélicoptères, a constaté l’AFP, tandis que des ouvriers posent des panneaux de bois pour protéger des vitrines. Des centaines de Marines, envoyés en renfort par de Donald Trump, devraient se déployer mercredi.”Des groupes multiples continuent de se rassembler… et des arrestations massives sont en cours. Le couvre-feu est en vigueur”, a indiqué mardi soir la police de la mégapole californienne, deuxième plus grande ville américaine. Vingt-cinq personnes ont été arrêtées, selon le Los Angeles Times, qui affirme que la ville a connu “sa nuit la plus calme depuis une semaine”.Quelques heures plus tôt, la maire démocrate de cette ville à forte population d’origine hispanique, Karen Bass, avait annoncé instaurer “un couvre-feu dans le centre de Los Angeles pour mettre fin aux actes de vandalisme et de pillage” de 20H00 locales (03H00 GMT mercredi) à 06H00 du matin.Depuis vendredi, des heurts sporadiques opposent des protestataires dénonçant des raids de la police fédérale de l’immigration (ICE) contre les clandestins aux forces de l’ordre en tenue anti-émeute. – “Anarchie” -Dans cet épisode devenu un enjeu de rivalité politique intense entre l’administration Trump et les dirigeants démocrates, le poids lourd républicain Greg Abbott, gouverneur du Texas, grand état du Sud, frontalier du Mexique, où vit une forte population latino-américaine, a annoncé mardi soir qu’il ordonnait le déploiement de la Garde nationale. “Manifester dans le calme est légal. S’en prendre aux personnes ou aux biens est illégal et déclenchera des arrestations”, a-t-il dit, alors qu’au fil des jours, des manifestations et heurts ont éclaté dans d’autres points des Etats-Unis, comme à Chicago ou San Francisco.Mardi en début de soirée, quelques milliers de personnes ont marché dans le sud de Manhattan à New York. “Je suis ici pour défendre ceux qui ne peuvent pas faire entendre leur voix”, a expliqué à l’AFP une jeune femme née aux Etats-Unis d’une mère mexicaine clandestine.Dans la banlieue d’Atlanta, en Géorgie, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés également mardi en brandissant des pancartes dénonçant la police fédérale de l’immigration (ICE). “La contribution des latinos à ce pays est tellement significative que nous ne devrions pas être traités de cette manière”, confiait Victoria Hernandez, 48 ans, qui travaille dans le milieu associatif. En Californie, le gouverneur démocrate Gavin Newsom, devenu la figure de proue de l’opposition et considéré comme un candidat potentiel à la Maison Blanche pour 2028, tire à boulet rouge contre Donald Trump et veut contester dans les prétoires sa décision de déployer l’armée dans son Etat, bastion démocrate.Dans une allocution télévisée mardi soir, il a dénoncé un “abus de pouvoir éhonté”.”Déployer dans la rue des combattants entraînés pour la guerre est sans précédent et menace le fondement même de notre démocratie”, a-t-il dénoncé dans un communiqué, ajoutant : “Donald Trump se comporte comme un tyran, pas comme un président.”Le président républicain, qui agonit régulièrement d’injures et de quolibets M. Newsom, a déjà déployé en Californie la Garde nationale, force de réserve, contre la volonté des autorités locales.”Cette anarchie ne se poursuivra pas. Nous ne permettrons pas que des agents fédéraux soient attaqués et ne laisserons pas une ville américaine être envahie et conquise par des ennemis étrangers”, a lancé mardi Donald Trump lors d’un discours sur une base militaire.Il a menacé de recourir à l’Insurrection Act, régime d’état d’urgence qui confère au président le pouvoir d’utiliser les forces armées dans des missions de maintien de l’ordre sur le territoire américain.Quelque 700 Marines, un corps d’élite normalement utilisé comme force de projection extérieure, doivent rejoindre 4.000 militaires réservistes de la Garde nationale déjà mobilisés par Donald Trump.Jusqu’à quand ce déploiement de militaires, d’un coût estimé à 134 millions de dollars par le Pentagone, durera-t-il ? “Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de danger”, a répondu Donald Trump.