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Pour Fabien Roussel, “la première menace” pour les agriculteurs, c’est l’Ukraine

Le patron du Parti communiste français Fabien Roussel a jugé mardi que “la première menace pour les agriculteurs français était “l’Ukraine”, et appelé à “entendre la demande de la Russie” de ne pas intégrer l’Ukraine dans l’Otan.Fabien Roussel, venu au Salon de l’agriculture en compagnie d’une délégation d’élus PCF pour apporter son “soutien au monde agricole”, a estimé lors d’une conférence de presse que “pour l’agriculture, la première menace ce n’est pas les Etats-unis, c’est l’Ukraine”, l’un des principaux producteurs de céréales au monde.”C’est pour cette raison que l’intégration de l’Ukraine en Europe pose problème”, a-t-il ajouté.Concernant le conflit en Ukraine, Fabien Roussel espère que “la paix puisse arriver mais il faut qu’elle soit durable”.”Il faut un accord de paix solide qui apporte des garanties à chaque partie”, a-t-il insisté, évoquant la nécessité “d’apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine”, mais appelant aussi à “entendre ce que demande la Russie: la non-intégration de l’Ukraine dans l’Otan”.”Il faut que chacun accepte de concéder du terrain”, a souligné le secrétaire national des communistes, qui “demande au président de la République d’envisager que l’Ukraine ne rentre pas dans l’Otan”. En visite également au salon, l’ex-député insoumis François Ruffin, désormais intégré au groupe des Ecologistes à l’Assemblée, a lui aussi dit son opposition à l’ouverture des marches européens à l’Ukraine.Il a rappelé qu’au début de la guerre en Ukraine, “on a ouvert les vannes pour les Å“ufs, pour la volaille, pour les céréales et l’Ukraine, ne trouvant pas ses marchés qu’elle avait auparavant en Afrique du Nord, s’est retournée vers l’intérieur de l’Union européenne, ce qui a produit quand même une crise agricole”. “Là est en discussion le fait que, comme ça bloque sur le terrain militaire, géopolitique, diplomatique, il y ait, en compensation, une ouverture des marchés européens pour la production agricole ukrainienne. Je dis pour ma part que c’est non”, a-t-il expliqué à l’AFP, précisant s’être engagé en ce sens auprès des syndicats agricoles. “Je dis oui à un appui diplomatique” et “politique à l’Ukraine et je dis non” à “l’ouverture des marchés européens aux fermes usines ukrainiennes”, a-t-il insisté. “Sinon c’est tuer l’agriculture française”.

Deux mois après Chido, la loi sur la reconstruction de Mayotte entre en vigueur

Deux mois après le passage du dévastateur cyclone Chido sur Mayotte, le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de l’archipel, définitivement adopté au Parlement mi-février, est entré en vigueur mardi avec sa parution au Journal officiel.”Jusqu’au 31 décembre 2027, l’État (…) peut assurer la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des écoles publiques (…) au regard des dégâts subis par les écoles à la suite du cyclone Chido (…)”, indique le texte de la loi datée du 24 février.Mayotte, département le plus pauvre de France, dans l’océan Indien, a été frappé le 14 décembre par le meurtrier cyclone Chido, qui a causé des dégâts considérables – le “coût des destructions” est évalué autour de 3,5 milliards d’euros, selon le ministre des Outre-mer, Manuel Valls.Cette loi d’urgence prévoit principalement des assouplissements aux règles d’urbanisme et de commande publique, ainsi que quelques mesures sociales, comme des facilités fiscales.Il ne s’agit que d’une “première réponse”, a commenté M.Valls, lors de son adoption au Parlement. “Après le temps de l’urgence et celui de la reconstruction, viendra celui de la refondation” a-t-il ajouté.Un second texte, visant à “permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases” est déjà en préparation, et sera présenté “d’ici quelques semaines”, a indiqué le ministre.Cette loi d’urgence est le premier projet de loi mené à son terme et de bout en bout par le gouvernement de François Bayrou – le budget de l’État ayant été préparé par son prédécesseur Michel Barnier.Le projet de loi prévoit la création d’un nouvel établissement public chargé de la reconstruction. Le texte comprend également une mesure pour les propriétaires, qui pourront souscrire un prêt à taux zéro pour réhabiliter leur logement, jusqu’à 50.000 euros.

Face aux “dérives mafieuses”, les autonomistes corses contre les réformes juridiques

Face “aux dérives mafieuses” qui gangrènent la Corse, le pouvoir politique autonomiste local va proposer 30 mesures jeudi, refusant cependant les principales réformes juridiques envisagées pour lutter contre la criminalité organisée, à la stupéfaction des deux collectifs antimafia insulaires.Ce rapport de 81 pages du président autonomiste du conseil exécutif, Gilles Simeoni, consulté par l’AFP, doit être officiellement présenté jeudi lors d’une session spéciale de l’assemblée de Corse consacrée aux “dérives mafieuses”, à laquelle assistera le ministre de la Justice Gérald Darmanin, au lendemain d’une réunion de travail avec les autorités judiciaires de l’île.A cette occasion, l’assemblée de Corse accueillera également l’ancien maire de Palerme, Leoluca Orlando, qui viendra témoigner de son combat contre la mafia en Sicile.Cette session interviendra dans un climat très lourd, après le meurtre d’un jeune pompier avant Noël à Ajaccio, puis celui d’une étudiante de 18 ans, vraisemblablement ciblée par erreur, le 15 février à Ponte-Leccia (Haute-Corse), dans une île où le nombre d’homicides rapporté à la population est le plus élevé de France métropolitaine.Parmi les principales propositions des élus autonomistes corses, issues de deux ans d’échanges avec associations et collectifs, figurent la création d’une “instance consultative spécifique à la lutte contre les dérives mafieuses” et la volonté de “combattre les clichés positifs associés à la mafia”.Mais, dans ce qui est surtout un plaidoyer pour l’autonomie de l’île, Gilles Simeoni, ex-avocat pénaliste notamment d’Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998 et décédé en 2022 après avoir été agressé par un codétenu à la prison d’Arles, fait part de son “désaccord” avec plusieurs mesures inspirées du droit italien et retenues dans la proposition de loi contre le narcotrafic adoptée à l’unanimité par le Sénat.Ces mêmes mesures pourtant demandées haut et fort par les collectifs antimafia.M. Simeoni se positionne ainsi contre la création d’un “délit d’association mafieuse” et réaffirme son “attachement au principe du jury populaire”, rejetant l’idée de “juridictions d’exception” et d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). “La plupart des comportements incriminés par le droit italien sont également prévus et réprimés par le droit français”, argumente l’élu dans son rapport, craignant que ces réformes puissent “ouvrir la porte à l’arbitraire”.- “Il faut se réveiller” -A cette lecture, “les bras nous en sont tombés”, a confié à l’AFP Léo Battesti, du collectif “a Maffia no, a Vita ié” (Non à la mafia, oui à la vie).”Il n’y a presque plus personne qui pense comme ça en Corse, où même les plus grands humanistes ont compris que le plus liberticide ce sont les mafieux qui tuent, qui rackettent et menacent”, a-t-il regretté.Il s’agit de “réflexes pavloviens d’avocat” et “d’un vieux réflexe nationalo-nationaliste corse de défiance des juridictions d’exception”, a estimé celui qui est, lui-même, un ancien cadre du Front de libération national corse (FLNC), condamné en 1979 à neuf ans de prison pour une tentative d’attentat. “On est au XXIe siècle, il faut se réveiller”, a martelé le septuagénaire.”Déception indéniable et incompréhension” également pour le collectif Massimu Susini, qui regrette “d’abord un refus de considérer les mesures proposées par les associations et collectifs concernant les déchets, l’urbanisme et les différents secteurs soumis à l’emprise mafieuse”, a détaillé à l’AFP Lisandru Laban-Giuliani, membre du collectif.Concernant “les marchés publics”, cet assistant parlementaire de 24 ans pointe certes “des avancées minimes” et salue “la sensibilisation dans les établissements scolaires” aux logiques mafieuses.”Mais surtout il y a des reculs” sur les réformes pénales, qui ont pourtant été “défendues et votées par le sénateur autonomiste Paul-Toussaint Parigi”, issu du parti de Gilles Simeoni, souligne-t-il.Pire, il juge “honteux” que ce rapport veuille “que l’Assemblée de Corse puisse empêcher l’amélioration de l’arsenal juridique contre la mafia dans l’île” en empêchant que des mesures “votées à Paris s’appliquent en Corse”. “On marche complètement sur la tête”: “Nous, ce qu’on cherche, c’est le bien de la Corse face aux appétits mafieux. Les gens en Corse sont assez désespérés. (…) Et là, l’engagement politique est très loin d’être rempli”, conclut-il.

Jordan Bardella a démissionné de son mandat de conseiller régional d’ÃŽle-de-France

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a démissionné de son mandat de conseiller régional d’Ile-de-France, où il était élu depuis 2015, a-t-on appris mardi auprès de l’institution, confirmant des informations de Libération.”Il laisse sa place, ce qui est très commun dans le cadre de mandats multiples”, a commenté auprès de l’AFP son entourage.M. Bardella avait été élu conseiller régional dès 2015, son premier mandat électif, alors qu’il était âgé de 20 ans.Elu député européen à partir de 2019, il avait conservé son siège dans l’assemblée francilienne et s’était représenté lors des régionales de 2021, tête de liste dans le département de Seine-Saint-Denis.”Il était conseiller régional bénévole”, a souligné son entourage, en rappelant que ses indemnités d’élu à Strasbourg et en ÃŽle-de-France étaient “écrêtées”, ne pouvant être cumulées.Selon la Région présidée par Valérie Pécresse (LR), Jordan Bardella a quitté son siège le 19 février. “Jordan Bardella était invisible à la Région, il n’était quasiment jamais présent aux plénières”, a-t-on indiqué de source régionale.Il passe la main à Colette Lévêque, numéro deux sur la liste RN en Seine-Saint-Denis.

Après l’attentat de Mulhouse, le gouvernement français met la pression sur Alger

Deux jours après l’attentat de Mulhouse, François Bayrou a lancé lundi une charge contre l’Algérie, jugeant “inacceptable” son refus de reprendre l’assaillant et mettant en avant la “détermination” de la France, qui pourrait engager des mesures de rétorsion, notamment sur les visas.Les semaines se suivent et les tensions entre Paris et Alger ne cessent de s’aggraver.Lundi, le ton est encore monté d’un cran: le Premier ministre a jugé “inacceptable” le refus d’Alger de reprendre son ressortissant, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, avant qu’il ne tue un homme et en blesse sept autres samedi à Mulhouse.”Il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d’origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois, la réponse a été non”, a dénoncé François Bayrou en marge d’une visite au Salon de l’agriculture à Paris.Pourtant le suspect, interpellé en plein passage à l’acte, n’était pas à son premier fait d’arme: “arrivé illégalement” en France en 2014 selon le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, cet homme de 37 ans avait récemment purgé une peine d’emprisonnement pour apologie du terrorisme.”Imaginez la situation si elle était inversée (…) Qu’est-ce que diraient les autorités algériennes?”, a insisté le Premier ministre.”Je n’admets pas que la France soit humiliée”, a martelé M. Retailleau lundi soir. “Qui en France peut soutenir que la dureté n’est pas du côté du régime algérien ?”, s’est-il interrogé, pointant du doigt le cas de l’écrivain Boualem Sansal emprisonné en Algérie.François Bayrou a, lui, mis en avant “la détermination de la France” dans ce dossier promettant de prochaines “décisions”.Allusion au conseil interministériel de contrôle de l’immigration prévu mercredi. Une réunion programmée avant l’attentat, où l’Algérie devrait désormais s’imposer comme le sujet central.La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a évoqué certaines des mesures de rétorsion envisagées: “On n’est pas obligé d’avoir des visas en quantité aussi importante”, a-t-elle estimé sur RTL, suggérant aussi de “cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations (franco-algériennes) et ne plus leur donner de visas”.- Couac et surenchère -Abondant dans le même sens, le député macroniste David Amiel a estimé sur franceinfo que “la priorité absolue à court terme” était de “remettre en cause l’accord de 2007 qui prévoit que les dignitaires algériens peuvent se rendre en France sans visa”. Il s’agit de “faire pression sur le régime” en ciblant “la nomenklatura algérienne, pas les citoyens ordinaires”.Mais dans ce domaine, l’exécutif doit aussi composer avec la surenchère du Rassemblement national. Le parti considère qu’on pourrait envisager de ne plus du tout délivrer de visas, comme l’a fait savoir Sébastien Chenu sur BFMTV et RMC.Le vice-président du parti d’extrême droite a évoqué d’autres leviers concernant “les transferts de fonds, le fait de soigner des dirigeants algériens dans notre pays”, ainsi que la révision de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie – réclamée par le président Abdelmadjid Tebboune.Le président du parti, Jordan Bardella, réclame “un bras de fer diplomatique avec Alger”.Dès samedi soir à Mulhouse, Bruno Retailleau s’était prononcé pour “le rapport de force”.Mais des dissonances se font entendre au sein du gouvernement.”La diplomatie, c’est toute une palette d’outils”, a répliqué le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dimanche sur CNews et Europe 1. Et le locataire du Quai d’Orsay d’enfoncer le clou: “Ce qui nous intéresse, c’est la sécurité des Français, ce n’est pas le rapport de force pour le rapport de force”.Un couac que François Bayrou s’est empressé de minimiser lundi: “le gouvernement français est un” et “n’a qu’une ligne”. Celle-ci doit normalement être tracée par le chef de l’Etat, mais Emmanuel Macron ne s’est pour l’heure pas exprimé sur le sujet.Les relations entre Paris et Alger se sont détériorées depuis l’été 2024 avec l’annonce de l’appui de la France au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental.Et les rapports se sont encore tendus ces dernières semaines avec la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et l’arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens pour apologie de la violence.Le déplacement, mardi, du président du Sénat, Gérard Larcher, au Sahara occidental, ne devrait pas apaiser la colère d’Alger.gbh-bur-arz-sde/pab/dsa

A Nouméa, Manuel Valls dévoile sa méthode pour sortir la Nouvelle-Calédonie de l’ornière

En déplacement en Nouvelle-Calédonie, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a présenté lundi sa méthode et ses principes pour relancer le dialogue entre indépendantistes et non indépendantistes, avant des négociations sur l’avenir institutionnel du territoire qui doivent débuter mercredi.C’est déjà un premier succès: en organisant lundi une “plénière de restitutions et de méthode” au congrès de Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls a réussi à rassembler autour d’une même table l’ensemble des forces politiques du territoire, malgré des mois de tensions et d’invectives.”Je pense que nous continuerons à discuter et à négocier ensemble, sous ce format, où toutes les formations acceptent de se parler entre elles et avec le gouvernement de la France”, a déclaré le ministre à l’issue de cette réunion, saluant “l’effort nécessaire” des participants tout en appelant chaque acteur à “prendre ses responsabilités”.L’ancien Premier ministre est arrivé samedi sur le territoire français du Pacifique sud, profondément meurtri par les émeutes de 2024 déclenchées par le projet gouvernemental de dégel du corps électoral calédonien qui ont fait 14 morts, causé plus de deux milliards d’euros de dégâts et laissé un territoire exsangue.Son objectif est de parvenir à un accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et, au préalable, de rétablir le dialogue entre des communautés “fracturées”.Sur la forme, Manuel Valls a proposé trois axes de travail: le “lien avec la France”, englobant les questions d’autodétermination, de citoyenneté et du corps électoral, la “gouvernance” visant à clarifier les compétences des institutions locales et la définition d’un “nouveau contrat social”, avec un accent particulier sur la jeunesse.Mais le ministre a aussi posé des principes jugés indispensables: une “souveraineté avec la France”, la “protection de tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie” et le respect de “la démocratie et l’état de droit”, a-t-il listé, évoquant aussi une Nouvelle-Calédonie “unie et indivisible”.- Calédoniens “épuisés” -Si les discussions de lundi se sont déroulées dans un climat jugé constructif, son arrivée à Nouméa, samedi, avait été plus mouvementée. Des militants non-indépendantistes et le député Nicolas Metzdorf l’avaient interpellé, lui reprochant une posture jugée trop conciliante avec les indépendantistes et un déni des référendums d’autodétermination de 2018, 2020 et 2021.Reste désormais le plus compliqué. Négocier et aboutir à “un accord, un compromis”, a poursuivi Manuel Valls, estimant que c’était aussi la demande des Calédoniens, “épuisés des atermoiements et des divisions”.Les négociations à proprement parler doivent débuter mercredi. À ce stade, un optimisme prudent domine. Le chef de la délégation de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), Jean-Pierre Djaiwé, s’est dit “très satisfait” de la méthode de Manuel Valls.”Ça ne va pas être facile, et il est difficile d’imaginer arriver à un accord d’ici à la fin de la semaine, mais tout le monde a envie de travailler et on peut peut-être arriver à un début de compromis”, a-t-il poursuivi.Même tonalité du côté de l’élu non-indépendantiste Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble), estimant qu’il restait “plus de sujets de convergences que de divergences”, même si ces dernières sont majeures.Mais une inconnue demeure: le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principal groupe indépendantiste, s’est dit satisfait de la méthode mais doit se réunir mardi avant de confirmer sa présence à la table des discussions.Les Loyalistes, le groupe de la cheffe de file non indépendantiste Sonia Backès, n’ont eux pas souhaité s’exprimer lundi soir.

Attentat de Mulhouse: Bayrou juge “inacceptable” que l’Algérie ait refusé “dix fois” de reprendre l’assaillant

François Bayrou a jugé lundi “inacceptable” que l’Algérie ait refusé “dix fois” de reprendre “l’assassin de Mulhouse” avant qu’il ne commette une attaque mortelle au couteau samedi, alors qu’il était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).”L’assassin de Mulhouse, il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d’origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois la réponse a été non. Est-ce que c’est acceptable? Pour moi c’est parfaitement clair, c’est inacceptable”, a déclaré le Premier ministre en marge d’une visite au Salon de l’agriculture.L’assaillant, interpellé après avoir fait un mort et cinq blessés, était déjà connu de la police et de la justice: “arrivé illégalement” en France en 2014 selon le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, cet homme de 37 ans avait récemment purgé une peine de prison pour apologie du terrorisme.”Notre responsabilité c’est de ne pas l’accepter”, a insisté François Bayrou, avant d’ajouter: “Imaginez la situation si elle était inversée (…) Qu’est-ce que diraient les autorités algériennes?”Pour le Premier ministre, “il faut donc préparer les décisions, prendre les décisions pour que le gouvernement et les pouvoirs publics algériens comprennent quelle est la détermination de la France”.Une allusion au conseil interministériel de contrôle de l’immigration prévu mercredi, dont la tenue était programmée avant l’attentat de Mulhouse mais où des mesures visant l’Algérie et d’autres pays seront discutées.

Au Salon de l’agriculture, Bayrou reconnaît que “tous les problèmes ne sont pas résolus”

Après le vote de la loi d’orientation agricole, “tous les problèmes ne sont pas résolus”, a reconnu lundi François Bayrou en visite au Salon de l’agriculture, saluant toutefois “un climat très positif” avec les syndicats agricoles.”On a un climat très positif, même si tous les problèmes ne sont pas résolus, on en est loin”, a déclaré le Premier ministre après une réunion matinale avec les quatre principales organisations du secteur (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne).Ces syndicats “reconnaissent les très grands efforts et les décisions qui ont été prises, notamment avec le vote de cette grande loi d’orientation qu’on a réussi à faire adopter” la semaine dernière, a souligné M. Bayrou.”On a réussi à construire les bases de ce qu’ils considèrent comme nécessaire pour reprendre la marche en avant”, a-t-il ajouté, mais il reste encore “à résoudre les problèmes des prix, du revenu, qui est le problème le plus important”, ainsi que “les questions de l’eau, qui sont aussi essentielles”.La rencontre avec les syndicats a aussi été l’occasion d’évoquer les “propositions de loi qui vont être examinées”, en particulier celle votée fin janvier au Sénat afin notamment de lever l’interdiction de certains pesticides néonicotinoïdes, sur lequel “on a un équilibre à mon sens possible à trouver”, a estimé le Premier ministre.Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a lui aussi trouvé que “ça s’est bien passé” avec le chef du gouvernement, qui a “redit sa volonté de simplifier la vie des agriculteurs” et même promis “quelque chose de révolutionnaire” sans plus de détail.Du côté de la Coordination rurale, la vice-présidente Amélie Rebière a considéré que “parler de souveraineté, c’est bien, mais reste à voir concrètement comment on la rétablit”, et espéré que M. Bayrou et sa ministre de l’Agriculture Annie Genevard “ont pris la mesure de la situation”.A l’inverse, la Confédération paysanne s’est dite “extrêmement choquée par les propos du gouvernement sur la souveraineté alimentaire”, sa porte-parole Laurence Marandola jugeant “irresponsable d’appeler à +produire plus+ pour exporter plus en faisant fi de la capacité à produire, de la question des limites et du partage des ressources”.

Immigration: des discours tranchants, mais des Français plus nuancés

Les Français sont-ils très majoritairement pour une politique plus ferme sur l’immigration, comme le martèle le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau? Les études d’opinion témoignent d’une réalité beaucoup plus nuancée, selon des experts. Sur l’immigration, “70% des Français sont d’accord avec moi”, a répété le ministre LR, vendredi à Valence, lors d’un échange avec un pharmacien qui lui a rétorqué, sans animosité: “Je fais partie des 30%…”Ce refrain des “70%”, Bruno Retailleau le décline depuis son arrivée à Beauvau, en septembre, en affirmant s’appuyer sur “plusieurs sondages, plusieurs publications, plusieurs instituts”.Seule trace de ce chiffre: un sondage du 6 décembre 2022, réalisé par l’institut CSA pour la chaîne CNews, qui indique que “Sept Français sur dix (70%) estiment que le gouvernement doit durcir sa politique d’immigration”.D’autres études plus récentes vont dans le même sens, mais dans une moindre proportion. Le baromètre annuel du Cevipof sur la confiance politique, publié début février, rapporte que 63% des personnes interrogées (+2 points par rapport à l’année dernière) sont “d’accord” pour dire qu'”il y a trop d’immigrés en France”. Si on leur demande si, “sur le plan migratoire, il faudrait se fermer davantage”, ils sont 64% (+2 points) à dire “oui”.Des chercheurs interrogés par l’AFP soulignent cependant que l’opinion est bien moins tranchée, alors que la question migratoire occupe le devant de la scène politique, alimentée par la place centrale du ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Bayrou et l’ascension électorale du Rassemblement national.- “Temps long” -“Si on regarde les études plus globalement, pas seulement les réponses à une seule question, on voit que l’immigration n’est pas un des premiers sujets de préoccupation, très loin de là”, affirme Antoine Bristielle, docteur en sciences politiques et directeur de l’observatoire de l’opinion de la Fondation Jean Jaurès.Selon un sondage Ipsos pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese), en octobre, la santé constitue le premier sujet de préoccupation des Français en 2024 (40%, +3 points par rapport à 2023). L’immigration arrive sixième (18%, stable).Comme pour tout sondage, les réponses peuvent dépendre de la façon dont sont posées les questions, si la réponse est proposée ou selon le moment où il est mené, par exemple après un faits divers, rappelle le sociologue Hugo Touzet.”Sur le temps long, il y a moins d’hostilité et plus de tolérance” sur l’immigration, relève l’universitaire, préférant utiliser comme boussole l'”indice longitudinal de tolérance” (ILT).Construit à partir de données de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), cet indice vise à mesurer l’évolution des préjugés en France métropolitaine, 100 étant l’indice maximal de tolérance. En 2023, il s’élevait à 62, en recul de trois points sur un an. Il était de 52 en 1990.”L’acceptation de la diversité des religions et des origines dans la société est de moins en moins un problème, particulièrement dans les jeunes générations”, commente Vincent Tiberj, professeur en sociologie politique, qui a créé l’ILT.- “Stratégie” électorale -“La société française est beaucoup plus ouverte que ce qu’on en dit et surtout ce qu’on en montre”, insiste le chercheur, contestant les propos du Premier ministre sur un “sentiment” de “submersion migratoire” en France. Dans ce baromètre, en 2023, les sondés sont 69,1% à penser que “la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel” et 68,9 % à estimer “qu’il n’y a pas de raison” de faire la différence entre un Français et un étranger en situation régulière en matière d’emploi, logement, aides sociales. Pour autant, 55,6% des répondants sont d’accord pour dire “qu’il y a trop d’immigrés en France” et 60,8% “que de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale”. En 2014, sur ces mêmes questions, ils étaient 72% à penser qu’il y avait “trop d’immigrés en France”, 77% “que de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale” et 63% que “la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel”.”On voit clairement, en posant toujours les mêmes questions, que la situation aujourd’hui est beaucoup moins tendue” dans l’opinion, observe M. Tiberj.Pour Antoine Bristielle, les positions marquées de M. Retailleau, candidat à la présidence de LR, tiennent d’une “stratégie” pour “élargir le socle électoral des Républicains vers celui du Rassemblement national qui est celui qui est le plus préoccupé par l’immigration”.

Attaque au couteau à Mulhouse: Retailleau doit “agir ou partir”, estime Bardella

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a estimé dimanche, au lendemain d’une attaque mortelle au couteau à Mulhouse, que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau “fait énormément de communication”, mais qu’il devait maintenant “agir ou partir”.”A chaque fois, ce sont systématiquement les mêmes personnalités, les mêmes profils, des gens qui sont fichés, qui sont suivis pour leur proximité avec le fondamentalisme islamiste et que nous n’expulsons pas du territoire français”, a fait observer l’eurodéputé en marge d’une visite au Salon de l’agriculture à Paris.Le député RN, Jean-Philippe Tanguy, s’en est également pris sur France Inter au ministre de l’Intérieur, selon lui une “caution verbale pour une politique macroniste qui ne change pas”.”Bruno Retailleau fait preuve d’une grande détermination, d’une grande volonté en matière de maintien de l’ordre. (…) Le RN peut-être a peur” de lui, a réagi sur France 3 la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.Il n’y a “aucune raison” qu’il démissionne, a-t-elle ajouté, estimant que Jordan Bardella était “dans une campagne politique, politicienne”.Quatre personnes étaient en garde à vue dimanche dans l’enquête sur l’attentat perpétré samedi près d’un marché à Mulhouse, dont l’assaillant qui a tué un passant et blessé des agents et policiers municipaux.Le principal suspect, âgé de 37 ans, né en Algérie et en situation irrégulière en France, est également fiché au “FSPRT”, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.Il est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais l’Algérie a “refusé à dix reprises” de le reprendre sur son territoire, selon Bruno Retailleau.Jordan Bardella a appelé sur TF1 à “remettre en cause l’accord de 1968 qui facilite l’arrivée de ressortissants algériens sur notre sol”, et suggéré qu'”aucun visa ne (soit) donné à l’Algérie tant que l’Algérie refuse de récupérer ses ressortissants”.”Il faut couper l’aide publique au développement et l’argent de l’impôt des Français qui est donné chaque année par la France à un régime qui multiplie les provocations et qui multiplie l’hostilité à l’égard de la France”, a-t-il ajouté.- “amateurisme” – A propos des OQTF non-exécutées, Sophie Primas a reconnu “la difficulté avec l’Algérie de renvoyer effectivement un certain nombre de personnes”, “qui ont tous les papiers pour rentrer” dans leur pays, dont “on a les preuves de leur nationalité”, mais que “l’Algérie refuse”.L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin a, de son côté, porté une violente charge contre Bruno Retailleau, dans “la surenchère” et “l’amateurisme”, selon lui.”Il veut croire que le rapport de force (avec l’Algérie, NDLR) va tout arranger (…) Nous savons que, dans ces situations de crise, loin de débloquer, cela conduit a une impasse encore plus grande”, a taclé l’ancien locataire du Quai d’Orsay. S’il y a “un message de fermeté” à porter, il doit l’être par “le président de la République et le ministre des Affaires étrangères”, a-t-il ajouté.