Montrer les corps des momies et regarder la vie en face

Les momies, ces témoins du passé qui fascinent même sans les fameuses bandelettes égyptiennes, sont au cœur d’une exposition au Musée de l’Homme qui place les vivants face aux corps des défunts pour mieux en retracer la vie.Comment ne pas avoir envie de tout savoir sur l’homme Chachapoya, aux genoux et aux coudes repliés contre le torse, et à la bouche entrouverte dans un cri qui probablement a inspiré le tableau d’Edvard Munch? C’est l’extraordinaire opportunité qu’offre l’exposition “Momies”, à Paris à partir du 19 novembre.”Notre souhait est de déconstruire un peu le cliché de la momie, évidemment égyptienne dans la tête des gens. De montrer qu’il y en a de plus anciennes, qu’il y en a partout, et encore maintenant”, explique à l’AFP Pascal Sellier, directeur de recherche émérite au CNRS, et co-commissaire de l’exposition.S’approcher d’une momie, c’est s’approcher d’un défunt et questionner notre rapport à la mort et à la décomposition des corps.”Il y a un petit challenge à aller au-devant de cette discussion de la monstration des restes humains”, reconnaît Pascal Sellier.”On sait qu’on préserve plusieurs milliers de restes humains au sein de nos institutions. Leur rendre leur dignité, c’est aussi leur rendre un peu leur histoire, leur identité, leur parcours, plutôt que de les laisser cachés quelque part”, abonde Éloïse Quétel, co-commissaire et responsable des collections médicales et d’anatomie pathologique de Sorbonne université. Les momies sont “tout cadavre humain ou animal préservé de la décomposition, que ce soit totalement ou partiellement, de façon accidentelle ou délibérée”, expliquent-ils à l’AFP. Ici, ce sont les interventions intentionnelles qui ont intéressé les chercheurs, “même si celles-ci peuvent conduire à laisser faire un processus naturel”, comme les +bog bodies+, ces corps enfouis et conservés dans les tourbières.- Des Chinchorros à Lénine -Techniques, rites, croyances sont présentés au long du parcours, illustrés par des défunts momifiés.La jeune fille de Strasbourg, la jeune femme Guanche, l’enfant Chancay, Petearmosnouphis… Les organisateurs ont exclu toute mise en scène spectaculaire préférant par exemple un éclairage uniforme, sans spot ciblé.L’exposition est ouverte à tout public, et conseillée à partir de 8 ans. Un voile est installé sur le côté d’arrivée du spectateur avant chaque momie, lui offrant la possibilité de ne pas regarder s’il le souhaite.Ce serait dommage, car en plus d’un livret présentant leur fiche d’identité, le contexte de collecte, leur parcours muséal, ces momies ont bénéficié d’une campagne de restauration et de nettoyage.C’est particulièrement impressionnant pour la momie de Myrithis, découverte dans la nécropole d’Antinoë en Egypte. “On a pu retrouver la coupe de cheveux d’origine. Et les textiles ont retrouvé un positionnement beaucoup plus naturel et respectueux sur le corps”, souligne Éloïse Quétel.Un respect actuel à mille lieux de l’époque où l’on réduisait des momies sous forme de poudre ou d’onguent, car on leur prêtait des vertus pharmaceutiques. On partait du principe qu’en consommant “un corps qui va vivre éternellement, on va nous-mêmes vivre éternellement”, rappelle la chercheuse.On retrouvera jusqu’à la fin du XIXe siècle de la poudre de momie sous forme de pigments dans la peinture, d’engrais pour les champs, ou de combustible pour les trains à vapeur. Avant qu’elles ne deviennent des objets de curiosité scientifique.”Avec le défunt momifié, sont préservés de nombreux tissus mous jusqu’à la peau, les cheveux, les ongles. Chacun de ces éléments nous apporte des informations sur les types d’alimentation, certaines pathologies ou la couleur de cheveux”, explique Éloïse Quétel.Ce sont aussi des archives culturelles sur les pratiques funéraires mais aussi la “mode à travers les vêtements, les coiffures”, et parfois de spectaculaires tatouages, abonde Pascal Sellier.Présente sur tous les continents, la momification a traversé les siècles pour perdurer encore dans certaines régions du monde, y compris en Europe.Les premières traces sont apparues il y a 9.000 ans, en Amérique du Sud chez les Chinchorros, entre Pérou et Chili. Depuis, la plupart des papes, Lénine, Eva Peron ont été momifiés… Toutes ont leur mot à dire sur notre rapport à la mort, mais aussi de nombreuses choses à nous apprendre sur la vie.

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal de “retour en France”, annonce son comité de soutien

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qui se trouvait en Allemagne depuis sa libération de prison en Algérie mercredi, est de “retour en France” mardi, a annoncé son comité de soutien dans un communiqué.”Le Comité de soutien international à Boualem Sansal salue avec une profonde émotion le retour en France de notre ami et compatriote”, indique le communiqué sans donner plus de précision. A ce stade, les autorités françaises n’ont pas publiquement réagi à cette annonce. Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position, Boualem Sansal, 81 ans, avait retrouvé la liberté mercredi après avoir été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui avait répondu favorablement à une demande des autorités allemandes. L’écrivain, qui se trouvait au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, avait alors été transféré à Berlin pour des soins médicaux et résidait depuis à la résidence de l’ambassadeur français en Allemagne. Son retour était, depuis, guetté en France où un comité de soutien réclamait depuis plusieurs mois sa libération. En Algérie, Boualem Sansal purgeait une peine de cinq ans de prison notamment pour “atteinte à l’unité nationale”. “Nous envoyons un salut fraternel à Boualem Sansal, ainsi qu’à sa famille qui a traversé avec dignité et courage cette épreuve longue, injuste et douloureuse”, indique ce comité dans son communiqué. “Il appartiendra désormais à l’écrivain de choisir le moment et les formats dans lesquels il souhaitera s’exprimer”, poursuit le comité, qui appelle de nouveau à la “libération immédiate” du journaliste sportif Christophe Gleizes, détenu en Algérie où il doit être jugé en appel début décembre notamment pour “apologie du terrorisme”.

A close-up of a stack of newspapers resting on a desk, symbolizing information and media.

En Inde, la sécheresse menace l’éducation des filles

Chaque matin, Ramati Mangla, 17 ans, parcourt des kilomètres, pieds nus et une cruche sur la tête, pour aller chercher de l’eau dans une source éloignée de chez elle, dans le Maharashtra, un Etat indien frappé par la sécheresse.De retour dans son village, les cours ont déjà commencé et elle n’a pas eu d’autre choix que d’abandonner l’école. “J’ai gardé mes livres”, explique l’adolescente qui s’inquiète de savoir ce qui se passera si elle n’a “jamais l’occasion de retourner à l’école” Les autorités locales estiment que près de deux millions d’habitants du district de Nashik, dans l’Etat du Maharashtra (ouest), connaissent chaque jour des pénuries d’eau. Les puits s’assèchent en raison de précipitations de plus en plus irrégulières. Les habitants n’ont donc pas d’autre choix que de s’adapter à des conditions de vie toujours plus difficiles. Les hommes sont contraints de quitter leur village pour trouver un travail.De leur côté, les filles comme Ramati ont la lourde responsabilité d’aller chercher l’eau. Cette tâche quotidienne peut prendre des heures, ce qui leur laisse peu de temps pour fréquenter les bancs de l’école. Dans un rapport publié en 2021, l’Unesco estime que les bouleversements liés au changement climatique pourraient contraindre des millions de filles à travers la planète à abandonner leurs études. C’est déjà une réalité dans les régions rurales du pays le plus peuplé de la planète, avec 1,4 milliard d’habitants. Ces dernières années, les enseignants ont observé une nette baisse de la fréquentation scolaire des filles, particulièrement durant la saison sèche.  Beaucoup de familles, qui luttent pour leur survie, n’ont pas d’autre choix que de garder leurs filles à la maison ou de les marier précocement.  Les enfants sont les premières victimes de la sécheresse, selon une rapport de l’Unicef, qui soulignait que quand les puits s’assèchent, ce sont les enfants qui manquent l’école pour aller chercher de l’eau.Ce reportage accompagne les photos prises par Shefali Rafiq lauréate du Marai Photo Grant 2025, un concours destiné aux photographes d’Asie du Sud âgés de 25 ans ou moins. Le thème était “le changement climatique” et les participants devaient illustrer ses conséquences sur leur vie quotidienne et leur communauté. Organisée par l’Agence France Presse, cette bourse rend hommage à Shah Marai, ancien chef photographe de l’AFP à Kaboul, qui a tragiquement perdu la vie dans un attentat-suicide, le 30 avril 2018, à l’âge de 41 ans. 

A close-up of a stack of newspapers resting on a desk, symbolizing information and media.

TotalEnergies, un géant face à de multiples litiges

“Greenwashing”, “climaticide”, atteintes aux droits humains… Le géant pétrolier français TotalEnergies fait face ces dernières années à plusieurs procédures judiciaires en France lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux. – Une nouvelle plainte sur le Mozambique  – Lundi, l’ONG European Center for Constitutional and Human Rights a saisi le parquet national antiterroriste à Paris d’une plainte pour “complicité de crimes de guerre, de torture et de disparitions forcées” pour des faits datant de 2021 sur le site d’un méga-projet gazier, alors à l’arrêt après une attaque jihadiste en mars cette année-là.L’annonce intervient alors que le groupe, qui en est l’opérateur, s’est dit prêt fin octobre à redémarrer le projet en vue d’un début de production en 2029.La multinationale est accusée d'”avoir directement financé et soutenu matériellement” une unité militaire, composée de forces armées mozambicaines, qui aurait commis des exactions sur des civils à l’été 2021, sur fond de conflit entre l’armée et une milice affiliée au groupe EI.TotalEnergies est par ailleurs visé depuis mars 2025 par une enquête de juges d’instruction à Nanterre pour “homicide involontaire” après une plainte de survivants et proches de victimes de l’attaque jihadiste qui l’accusent d’avoir négligé la sécurité de ses sous-traitants. – Le projet pétrolier Eacop-Tilenga attaqué  -Autre projet contesté: le forage “Tilenga”, 419 puits en Ouganda, dont un tiers dans le parc naturel des Murchison Falls, associé au EACOP (East African Crude Oil Pipeline), le plus long oléoduc chauffé au monde, destiné à transporter les hydrocarbures jusqu’à l’Océan indien en traversant la Tanzanie.Vingt-six Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises (dont les Amis de la Terre France et Ouganda) ont lancé en juin 2023 une action civile pour demander “réparation” devant le tribunal de Paris de divers préjudices: expropriations abusives, compensations insuffisantes, harcèlement…Les associations Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda ont également déposé en janvier 2025 à Nanterre une plainte avec constitution civile, au pénal, pour qu’un juge d’instruction enquête sur ce projet jugé “climaticide”. Celle-ci est “à l’étude”, indique le parquet. – Condamné pour “greenwashing” -TotalEnergies a été condamné le 23 octobre au civil à Paris pour “pratiques commerciales trompeuses” en vantant à tort ses engagements vers la neutralité carbone d’ici 2050 sur son site commercial. Le groupe, qui était poursuivi par plusieurs associations, n’a pas fait appel. A Nanterre, il est aussi visé depuis 2021 par une enquête préliminaire du parquet après une plainte au pénal d’associations (Wild Legal, Sea Shepherd France et Darwin Climax Coalitions) qui l’accusent de “pratiques commerciales trompeuses” dans ses communications sur sa politique climatique. – Accusations de pollution pétrolière au Yémen -En janvier 2024, une cinquantaine de ressortissants yéménites ont assigné en référé TotalEnergies devant le tribunal de Nanterre en l’accusant de polluer une région désertique de l’Hadramaout, où le groupe a exploité des puits pétroliers des années 1990 jusqu’en 2015. Dans un référé similaire, le tribunal de Paris a jugé irrecevable le 3 décembre 2024 la demande de 8 plaignants yéménites.- Devoir de vigilance: audience en 2026 -Au nom d’une loi sur la vigilance sociale et environnementale des multinationales, une coalition de six ONG et 16 collectivités, dont Paris et New York, avait accusé en 2020 l’entreprise d'”inaction climatique”. Après une décision d’irrecevabilité en juillet 2023 du tribunal de Paris, la cour d’appel a déclaré en juin 2024 leur assignation recevable. L’affaire est renvoyée à une audience au tribunal prévue le 29 janvier 2026.- Des plaintes rejetées – Le 7 février, la justice a classé une plainte pénale déposée à Paris en mai 2024 par trois ONG (Bloom, Alliance Santé Planétaire, Nuestro Futuro) et huit personnes qui accusaient d’homicides involontaires et d’atteintes à la biodiversité du fait de l’activité du groupe dans les énergies fossiles.Par deux fois en 2022 et en 2023, la justice a écarté une plainte pour “complicité de crimes de guerre russes en Ukraine” déposée par deux associations qui reprochaient à TotalEnergies d’avoir continué à exploiter un gisement en Russie après le début de la guerre en Ukraine.

A close-up of a stack of newspapers resting on a desk, symbolizing information and media.

Un “Emmaüs de la mer” à la recherche de trésors recyclables dans les cimetières de bateaux

Aux portes de la Camargue, des dizaines de coques percées, recouvertes de lichen, gisent sur un terrain vague au fond d’un port. Un cimetière de bateaux devenu le terrain de jeu d’une association qui recycle des pièces de navires de plaisance voués à la casse.”On est des pilleurs d’épaves”, lâche en souriant Guillaume Delaunay, l’un des trois bénévoles de La Tribu Maritime, affairé à dévisser un vieux tableau de bord qu’il imagine déjà en jouet pour enfants.Cette petite association, active sur la façade méditerranéenne, explore les bateaux promis à la destruction pour y dénicher des pièces détachées réutilisables ou recyclables qu’elle revend depuis peu à des particuliers, tel un “Emmaüs de la mer”.Elle est l’une des rares ressourceries en France spécialisée dans le matériel maritime et nautique, avec la Recyclerie Maritime au Croisic (Loire-Atlantique).Depuis janvier, elle estime avoir permis d’éviter 3,3 tonnes de déchets en intervenant en amont de la déconstruction des navires. Environ un tiers provient du cimetière de port Napoléon, à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), avec qui l’association a signé un partenariat. Le reste a été récupéré sur les bateaux de propriétaires volontaires.Ce jour-là, la collecte est fructueuse: trois portes en bois exotique, des caillebotis et deux longs hublots en métal, “réutilisables sur un bateau, mais aussi dans un camping-car ou même une salle de bain…”, s’enthousiasme le co-fondateur de La Tribu, Thomas Bekkers.Conséquence de l’essor de la navigation de plaisance depuis les années 1950, la France compterait actuellement quelque 150.000 bateaux en fin de vie, selon le site du ministère de la Transition écologique, citant des chiffres de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).Au port Napoléon, le directeur Emmanuel Juste voit les épaves s’accumuler depuis son arrivée, il y a huit ans. Un “empêchement à son activité économique” selon lui, puisque sur 1.000 places à sec (et 250 à flot), 50 bateaux ont déjà acquis le statut d’épave et 20 à 50 sont en passe de l’acquérir.Un navire de plaisance “est vendu neuf, donc cher, à quelqu’un qui en a les moyens. Puis il est revendu d’occasion (…) à des propriétaires qui ont de moins en moins les moyens. Et avec le temps, le bateau se dégrade. Au bout de 40 ans, les propriétaires ne peuvent plus assumer le rattrapage des travaux coûteux”, analyse-t-il.  Ces navires deviennent d’abord des “bateaux ventouses”: ils ne naviguent plus, se détériorent lentement, puis finissent souvent abandonnés à la suite d’un événement de la vie, comme un décès ou une faillite.- 5 euros le compas de navigation -Or pendant longtemps, ce stock d’épaves n’a pas été anticipé, regrette M. Juste, car ce n’est que depuis 2019 que la déconstruction des bateaux de plaisance est gratuite pour les propriétaires.Gérée par l’APER (Association pour la Plaisance Eco–Responsable), éco-organisme labellisé, la filière de déconstruction, qui applique le principe de “pollueur-payeur”, est financée par une éco-contribution sur la vente de bateaux neufs.Depuis 2019, plus de 13.100 bateaux ont été détruits, dont 2.500 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, selon les chiffres de l’APER, qui a signé une convention avec La Tribu Maritime fin 2024 pour développer la filière du réemploi. Reste, pour le directeur de port Napoléon, le problème des coûts non pris en charge: le transport jusqu’au centre de déconstruction – jusqu’à 10.000 euros pour les plus grands navires – et surtout la destruction des bateaux sous pavillon étranger – environ 1.000 euros la tonne. Alors “chaque kilo recyclé, ce sont des coûts en moins”, assure Emmanuel Juste. D’où l’intérêt pour tous de développer cette filière.Un constat partagé par les plaisanciers venus chiner de bonnes affaires vendredi à la ressourcerie ouverte fin octobre par La Tribu, à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Oscar Damaso, éducateur spécialisé proche de la retraite et co-fondateur de l’association, accueille dans le petit hangar spartiate.À la recherche d’un nouveau compas vertical pour leur bateau, Peggy Barroso et son amie lorgnent sur le prix scotché sur le bac: cinq euros. “Neuf, ça coûte entre 100 et 150 euros”.

A close-up of a stack of newspapers resting on a desk, symbolizing information and media.

“Fini la pétrochimie”: à Bruxelles, des emballages à base de champignons

D’un blanc laiteux, légers et prêts à accueillir des savons, des emballages produits à partir de champignons attendent les visiteurs de la “première usine de mycomatériaux d’Europe”, revendique son PDG. Ceux-là sont “destinés à des hôtels”, explique Julien Jacquet, à la tête de la société belge Permafungi qui fabrique ces packagings entièrement biodégradables. Le fondateur ne s’en cache pas, il est du genre “idéaliste”, un David contre Goliath qui voudrait défier la montagne des polystyrènes polluants avec ses nouveaux produits durables.Mais la quête de rentabilité s’annonce rude. A ce stade, Permafungi reste dans une niche avec ses emballages sur mesure pour des savonneries plutôt haut-de-gamme.A Bruxelles, dans le petit milieu de l’économie circulaire, cette entreprise de 12 salariés s’est bâtie une notoriété depuis une dizaine d’années en recyclant le marc de café des bistrots pour produire des champignons comestibles.Afin de passer à la vitesse supérieure, elle vient d’ouvrir, après deux ans de travaux, une usine qui s’attaque au secteur ultra concurrentiel de l’emballage.Julien Jacquet critique les emballages industriels “produits à l’autre bout du monde” et dérivés du pétrole. Lui voudrait “rapprocher l’utilisateur du packaging”, grâce aux… champignons de la forêt de Soignes, qui jouxte la capitale belge.En pratique, l’entreprise récupère d’abord des déchets que des industries traditionnelles délaissent, comme la sciure de bois, et les place dans des moules.Puis le mycélium – considéré comme la racine du champignon – fait son travail. En se nourrissant des déchets, il se développe et prend la forme voulue par le client. La masse à la “texture de tofu” termine son parcours en salle de séchage avant d’être démoulée puis livrée.- “Beaucoup de promesses” -“Fini la pétrochimie. Ici les champignons poussent et on les aide grâce au recyclage de l’eau de pluie et à la coopération des machines” qui accélèrent la production, revendique l’entrepreneur.Panneaux solaires sur le toit, local à vélo en bois, le projet est dans l’air du temps. Il résonne avec une loi européenne qui prévoit que tous les emballages soient recyclables à partir de 2030.Permafungi a ainsi bénéficié d’une subvention de deux millions d’euros de l’Union européenne ainsi que d’aides régionales.La petite entreprise a en outre réussi à convaincre un investisseur privé, le fonds suisse Après-Demain – groupe pharmaceutique du milliardaire Thierry Mauvernay – qui a mis un million d’euros dans le projet.Ce fonds “veut soutenir une entreprise à impact” , qui utilise des ressources de proximité plus “respectueuses de l’environnement”, explique l’un de ses responsables Sébastien Beth. Mais “pour durer”, l’entreprise bruxelloise aura besoin “d’être rentable dans les deux à cinq ans”, reconnaît cet investisseur aguerri. Des développements sont annoncés avec deux vignobles, une marque de montres et une enseigne de bougies. Julien Jacquet table sur un chiffre d’affaires de trois millions d’euros dans trois ans.De l’Europe aux Etats-Unis, des projets à base de champignons sont régulièrement lancés depuis le milieu des années 2000.”Il y a eu beaucoup de promesses depuis très longtemps, y compris pour fabriquer des biocarburants”, mais le problème “c’est la mise à l’échelle et le coût”, explique Luc Vernet, du centre de réflexion Farm Europe, spécialiste de l’agriculture et de l’alimentation.”Le point du blocage” demeure “la concurrence des produits fossiles, portés par un prix du pétrole bas”, souligne-t-il.L’UE promet fin novembre une stratégie sur la bio-économie, dont un soutien aux biomatériaux.L’enjeu est crucial en matière d’emballages, source de pollution toujours plus grande. Selon les données de l’UE, chaque Européen produisait près de 190 kg de déchets d’emballages en 2021 et ce chiffre passera à 209 kg en 2030, sans mesures supplémentaires.Julien Jacquet souligne aussi que son projet permet d’ouvrir une usine en ville, dans une Europe qui a tant souffert de la désindustrialisation.Le nouveau site de Permafungi est installé à quelques centaines de mètres de l’usine automobile Audi, définitivement fermée depuis fin février et qui employait quelque 3.000 salariés à Bruxelles.

A close-up of a stack of newspapers resting on a desk, symbolizing information and media.

Droits de douane et taxe carbone, des barrières aux négociations de la COP30

À Belém, ville qui accueille les négociations climat de la COP30, difficile de manquer la BYD Dolphin Mini, une citadine électrique chinoise qui domine le marché automobile au Brésil. Alors qu’elle est rare en Europe et introuvable en Amérique du Nord.Les barrières aux échanges commerciaux sont un sujet qui pèse sur ce sommet de l’ONU, alors que la Chine pousse pour exporter plus librement ses technologies vertes. De grandes économies remettent aussi en cause l’Europe pour sa “taxe carbone” sur des produits comme l’acier ou les engrais.Des pays en développement, non concernés par ce Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), craignent que le dispositif n’en inspire d’autres.”Le commerce international, dans cette COP, contrairement aux précédentes, est déjà promu au rang des préoccupations”, explique à l’AFP Li Shuo, expert du climat et de la Chine à l’Asia Society. “On peut déjà s’attendre à ce qu’il soit la partie la plus prépondérante du résultat”.Traditionnellement, l’ambition politique et la finance dominent les discussions des COP: de combien réduire les émissions de gaz à effet de serre, quels montants apporter aux pays en développement pour se détourner des énergies fossiles…Outre la Chine, des pays comme l’Inde ou le Brésil ont tenté les années précédents d’imposer le commerce international comme sujet, en vain jusqu’à cette année. Mardi, une ébauche d’accord final publié par la présidence brésilienne de la COP30 consacre un paragraphe au commerce, dans lequel plusieurs options concurrentes, plus ou moins fortes, sont présentées.Le ton avait été donné lors de la venue des chefs d’État et de gouvernement à Belem, où le vice-Premier ministre chinois Ding Xuexiang avait exhorté à “lever les barrières au commerce et assurer la libre circulation des produits verts de qualité”.- “Décarbonation radicale” -L’UE impose de lourds droits de douane aux véhicules chinois, pouvant monter au-delà de 45%, en fonction du constructeur. Le Canada et les États-Unis plus encore, dépassant 100%.Un négociateur d’un pays du Sud-Est asiatique explique à l’AFP que dans cette région on s’appuie sur des technologies chinoises à coût réduit, dont on trouvait “illogique” et “incohérent” que les Occidentaux se privent.”Il nous faut mener une décarbonation radicale de l’économie mondiale dans les deux prochaines décennies si nous voulons atteindre les objectifs de températures de l’accord de Paris. Dans la mesure où les politiques commerciales posent des barrières à notre réussite, c’est un sujet légitime”, estime Alden Meyer, analyste du groupe de réflexion E3G, interrogé par l’AFP à Belém.Le MACF, censé éviter la concurrence déloyale d’entreprises soumises à des normes environnementales moins strictes que dans l’Union européenne, est sévèrement critiqué par des pays émergents.”Les pays du Nord, après avoir utilisé des industries fortement carbonées pour se développer, baissent leur rideau face aux pays du Sud”, résume Mohamed Adow, du centre de réflexion Power Shift Africa.- Objectifs strictement climatiques -L’inquiétude va au-delà des industries concernées. Un négociateur d’un pays africain exportateur de cacao se montre préoccupé par le futur règlement anti-déforestation de l’UE, qui exigera une preuve qu’un produit ne vient pas d’une terre récemment gagnée sur la forêt.Les 27 insistent pour dire que le MACF vise bien des objectifs strictement climatiques, et non économiques.”Mettre un prix sur le carbone est une voie que nous devons explorer avec autant de monde que possible, dès que possible”, a martelé lundi le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra.”Certains pays disent une chose ici dans les négociations, et une autre quand on leur parle en bilatérale”, précisait à l’AFP l’ambassadeur suédois au Climat, Mattias Frumerie. Pour lui, ces pays reconnaissent en privé que la taxe carbone est une incitation efficace.La Russie a attaqué le Mécanisme devant l’Organisation du mondiale du commerce, mais ses instances de contentieux sont paralysées depuis 2019. Et le Royaume-Uni et le Canada réfléchissent à leur propre taxe carbone.Personne n’attend que la COP de Belém ne résolve ” par magie” ces différends, souligne David Waskow, du centre de recherche World Resources Institute. “On veut les faire remonter à la surface, on veut se titiller. Parfois ça peut amener à repenser des politiques”.