Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

Mizan Hossain découpait une pièce en métal sur le pont supérieur d’un bateau sur la plage de Chittagong quand les vibrations l’ont déséquilibré, l’entraînant dans une chute de dix mètres.C’était en novembre sur un chantier de démolition non conforme aux normes internationales, comme la plupart des sites de démantèlement de navires au Bangladesh où la majorité finissent leur parcours.Tombé sans harnais, Mizan Hossain, 31 ans, a eu le dos broyé. “Je ne peux pas me lever le matin”, raconte-t-il assis devant la modeste maison où il vit avec sa femme, ses trois enfants et ses parents. Celui qui avait commencé gamin à découper des pans de bateaux sans protection ni assurance ne peut plus subvenir aux besoins des siens ni se soigner. “Pour être honnête, on mange un repas sur deux et je ne vois pas d’issue à ma situation”, confie-t-il.Depuis son village, en retrait de la plage au nord de Chittagong, les grues géantes des chantiers se dessinent à l’horizon. Ici, beaucoup d’hommes travaillent dans le secteur et partagent le même destin: peu avant la rencontre avec l’AFP en février, un des voisins de Mizan Hossain a eu les doigts de pied écrasés sur un autre chantier.A Chittagong, ville portuaire du sud du Bangladesh, le secteur de la démolition et du recyclage des navires fait travailler 20.000 à 30.000 personnes, en comptant les emplois indirects. Au prix de trop nombreux dégâts humains et environnementaux.Pour réguler cette industrie, l’une des plus dangereuses et polluantes, la convention internationale de Hong Kong sur le démantèlement des bateaux doit entrer en vigueur le 26 juin.Les règles strictes qu’elle doit imposer sur la protection des ouvriers et le traitement des déchets toxiques suffiront-elles pour changer la donne ?Les armateurs occidentaux ne risquent-ils pas d’en profiter pour envoyer leurs rebuts en Asie du Sud avec bonne conscience ? La majorité de leurs bateaux sont basés en Asie, centre névralgique du commerce maritime mondial.- Sur le sable – Ces dernières années, sur plus de 100.000 navires en circulation, environ 500 sont partis annuellement à la casse, certains vieux de plus de 80 ans.Près d’un tiers des 409 démantelés dans le monde en 2024 ont fini à Chittagong, d’après la coalition d’ONG Shipbreaking Platform. Les autres ont en majorité terminé en Inde, au Pakistan, en Turquie.Les chantiers bangladais offrent le meilleur prix pour le rachat des bateaux en fin de vie en raison d’un coût du travail dérisoire (salaire minimum mensuel de 115 euros). Le long de la plage de 25 km, des carcasses géantes de pétroliers ou de méthaniers sont alignées dans la vase, sous un soleil de plomb, minutieusement démontées par des ouvriers au chalumeau-coupeur.Dans les années 2000, “quand j’ai commencé, c’était extrêmement dangereux, les accidents étaient courants, les morts et les blessés réguliers”, se rappelle Mohammad Ali, leader syndical, qui a longtemps Å“uvré sans protection à démembrer des blocs de bateaux qui s’écroulaient sur le sable.Lui-même a été frappé à la tête par un morceau de métal, laissé des mois en incapacité. “Quand il y a un accident, vous êtes soit mort, soit handicapé”, affirme l’homme de 48 ans.Depuis 2009, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, 470 ouvriers sont morts, 512 gravement blessés sur de tels chantiers, selon Shipbreaking Platform.Récemment, notamment depuis la ratification par Dacca de la convention de Hong Kong en 2023, il y a eu un mieux, relève Mohamed Ali Sahin, fondateur d’un centre d’assistance aux ouvriers du secteur.Entre 2018 et 2022, il a recensé entre 10 et 20 morts par an à Chittagong, avec un pic à 22 en 2019. En 2023, cinq ouvriers sont morts dans des accidents du travail, sept en 2024, d’après son décompte – les autorités ne communiquent pas de bilans officiels.”Je rencontre des ouvriers tous les jours et ils me disent que la sécurité s’est améliorée”, dit-il. Mais des progrès restent à faire tant dans ce domaine que dans l’environnement, admet-il.Cette industrie est accusée d’avoir provoqué d’importants dégâts au Bangladesh, notamment sur la mangrove, avec le rejet en mer directement depuis la plage de boules d’hydrocarbures et le déversement dans des décharges à ciel ouvert d’amiante, matériau couramment utilisé dans les salles des machines.D’après une étude parue en 2024 dans le Journal of Hazardous Materials, le démantèlement des bateaux est responsable de niveaux de pollution aux métalloïdes (silicium, arsenic…) anormalement élevés dans les sols, le riz et les légumes de la région.- Millions d’euros – Concrètement, les nouvelles règles prévoient de former les ouvriers, de les équiper (casques, harnais, combinaisons) et imposent un protocole précis pour la décontamination des navires (amiante, gaz, eau de cale contaminée…). Chaque chantier doit posséder des infrastructures pour stocker les déchets dangereux.A Chittagong, sur une trentaine de chantiers en activité, seuls sept répondent aux nouveaux critères.Parmi eux, PHP, le plus moderne avec ses quelque 250 ouvriers. Son patron, Mohammed Zahirul Islam, accueille avec bonhomie sur le site où l’odeur de métal brûlé contraste avec les parterres de fleurs.Un méthanier japonais de 8.000 tonnes, le Surya Aki, y est démantelé, la proue reposant sur une plateforme de cale fixe et sèche en béton coulé au bord du rivage, surplombée de grues modernes.Des ouvriers casqués découpent la ferraille au chalumeau, une visière en plastique sur le visage qui les protège des éclats de métal – mais pas d’en respirer les fibres. Les critiques des ONG sur les conditions de travail et la pollution au Bangladesh agacent Mohammed Zahirul Islam: “Simplement parce que nous sommes d’Asie du Sud, avec la peau foncée, nous ne sommes pas capables d’exceller dans un domaine ?””Les bateaux sont fabriqués dans les pays développés (…)  Ensuite, ils sont utilisés par les Européens, les Occidentaux pendant 20 ou 30 ans et nous on les récupère (à la fin) pour quatre mois. Mais tout est de notre faute ! Il devrait y avoir une responsabilité partagée”, s’indigne le volubile quarantenaire.Mettre un chantier aux normes coûte des millions d’euros – près de neuf pour moderniser PHP.Mais les investisseurs nationaux et étrangers sont frileux, relève John Alonso de l’Organisation maritime internationale (OMI). Le secteur est en crise, avec deux fois moins de bateaux envoyés à la casse qu’avant le Covid, et le pays en proie à l’instabilité depuis que l’ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations en août.- Amiante solidifiée – En attendant, à Chittagong, il n’y a toujours pas d’usine de traitement et de stockage des matières dangereuses présentes dans les bateaux (amiante, plomb, gaz, hydrocarbures). A PHP, l’amiante est retirée puis stockée sur place. Liton Mamudzer, expert en matières dangereuses pour le chantier, montre les cartons d’amiante solidifiée avec du ciment entreposés dans une salle dédiée. “Je pense qu’on a à peu près six à sept ans de capacité de stockage devant nous”, anticipe-t-il grossièrement.Une affirmation qui laisse sceptiques des ONG spécialisées comme Shipbreaking Platform ou Robin des Bois: certains bateaux contiennent des dizaines de tonnes d’amiante à bord.Quand aux contrôles laissés à la charge des autorités de chaque pays et au maintien des standards une fois la certification obtenue, ils sont questionnés par Walton Pantland de la confédération de syndicats IndustriALL.En septembre, un accident sur le chantier SN Corporation, pourtant déclaré conforme à la convention de Hong Kong, a coûté la vie à six ouvriers qui découpaient de la tuyauterie avec des chalumeaux à oxygène. Comme souvent la présence de gaz a provoqué une explosion.C’est symptomatique du “manque de réglementations internationales et nationales adéquates, de supervision et de protection des travailleurs” au Bangladesh malgré la convention de Hong Kong, a alors réagi Shipbreaking Platform.- A bon prix – Pour la directrice de cette ONG, Ingvild Jenssen, “la convention de l’OMI est une tentative de plusieurs armateurs de se débarrasser de la convention de Bâle” qui interdit aux Etats membres de l’OCDE d’exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement. Il s’agit, d’après elle, de leur permettre de se défaire de leurs navires toxiques à bon prix dans des chantiers d’Asie du Sud sans craindre de poursuites, en utilisant si nécessaire un pavillon de complaisance ou un intermédiaire.En Europe, les chantiers doivent être certifiés selon les règles de la Ship Recycling Regulation (SRR), plus contraignante que la convention de Hong Kong. Les armateurs ont l’obligation d’y faire dépecer les bateaux basés sur le continent ou battant pavillon européen. En bordure du canal de Gand-Terneuzen en Belgique, le directeur de la démolition navale du chantier Galloo, Peter Wyntin, balaye du regard son site surplombé de montagnes de ferraille.Un ancien patrouilleur de la marine irlandaise s’y fait désosser en ce début mai. Ici, tout est mécanisé, avec système d’égout et tri des déchets. Seuls cinq à six ouvriers travaillent à la démolition des bateaux, avec casque, visière et masque pour filtrer l’air empli de particules de métal. Une éolienne fournit l’électricité.Galloo a investi une dizaine de millions d’euros juste pour le traitement des eaux, à base de charbon actif et de bactéries biologiques, au gré du relèvement des normes année après année.”Nous, si on a un mort, on a l’inspection du travail qui débarque aussitôt et on est bons pour mettre la clef sous la porte.”- “25.000 pages” – Peter Wyntin voit d’un mauvais Å“il l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong alors que les chantiers de démolition européens (6% du total en 2024) peinent à survivre.Déjà, la certification de chantiers turcs, à Aliaga, a fait perdre une part conséquente de son activité aux entreprises de l’UE.”Le document, pour être conforme à la SRR pour les pays tiers, il doit faire 25 pages, pas plus. Nous, en tant que chantier agréé dans l’UE, on a peut-être 25.000 pages de législation” à respecter, critique-t-il.”On peut agréer des chantiers en Turquie, en Asie, mais ça reste toujours du +beaching+. Et le +beaching+, c’est une activité qu’on n’accepterait jamais ici en Europe”, peste-t-il. Le “beaching” désigne une technique utilisée par les chantiers d’Asie du Sud pour démonter les navires à même la plage. En avril, le chantier Galloo a ainsi vu rafler par un chantier turc un ferry de 13.000 tonnes, le Moby Drea basé à Gènes en Italie, qu’il convoitait pour le recycler. “Les chantiers approuvés par l’UE en Turquie aspirent pour des raisons économiques beaucoup de navires battant un pavillon européen”, confirme Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois.- Décharges sauvages – Et pourtant. L’Observatoire de la santé et de la sécurité au travail turc a recensé huit décès depuis 2020 dans les chantiers d’Aliaga, spécialisés dans le démantèlement des bateaux de croisière.En mai, la municipalité d’Aliaga a dit constater que “les déchets dangereux étaient stockés d’une manière nocive pour l’environnement et que, dans certaines zones, ils étaient recouverts de terre”.”On estime que 15.000 tonnes de déchets dangereux sont dispersées dans la région d’une manière qui met en danger la santé humaine et environnementale en raison de méthodes de stockage sauvages”, a-t-elle posté sur son compte X avec des photos de décharges sauvages.Au Bangladesh, “des matières toxiques provenant des navires, dont de l’amiante, sont (…) dans certains cas revendues sur le marché de l’occasion”, relevaient dans un rapport de 2023 Shipbreaking Platform et Human Rights Watch.Sur la route qui longe la plage de Chittagong, tout se recycle. Les magasins débordent de mobilier, toilettes, générateurs, escaliers… directement tirés des carcasses démantelées à quelques mètres de là. Pendant ce temps, Rekha Akter, 24 ans et deux petits orphelins, pleure son mari mort les voies respiratoires brûlées dans l’explosion de septembre sur le chantier de SN Corporation où il était responsable de la sécurité. 

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

Mizan Hossain découpait une pièce en métal sur le pont supérieur d’un bateau sur la plage de Chittagong quand les vibrations l’ont déséquilibré, l’entraînant dans une chute de dix mètres.C’était en novembre sur un chantier de démolition non conforme aux normes internationales, comme la plupart des sites de démantèlement de navires au Bangladesh où la majorité finissent leur parcours.Tombé sans harnais, Mizan Hossain, 31 ans, a eu le dos broyé. “Je ne peux pas me lever le matin”, raconte-t-il assis devant la modeste maison où il vit avec sa femme, ses trois enfants et ses parents. Celui qui avait commencé gamin à découper des pans de bateaux sans protection ni assurance ne peut plus subvenir aux besoins des siens ni se soigner. “Pour être honnête, on mange un repas sur deux et je ne vois pas d’issue à ma situation”, confie-t-il.Depuis son village, en retrait de la plage au nord de Chittagong, les grues géantes des chantiers se dessinent à l’horizon. Ici, beaucoup d’hommes travaillent dans le secteur et partagent le même destin: peu avant la rencontre avec l’AFP en février, un des voisins de Mizan Hossain a eu les doigts de pied écrasés sur un autre chantier.A Chittagong, ville portuaire du sud du Bangladesh, le secteur de la démolition et du recyclage des navires fait travailler 20.000 à 30.000 personnes, en comptant les emplois indirects. Au prix de trop nombreux dégâts humains et environnementaux.Pour réguler cette industrie, l’une des plus dangereuses et polluantes, la convention internationale de Hong Kong sur le démantèlement des bateaux doit entrer en vigueur le 26 juin.Les règles strictes qu’elle doit imposer sur la protection des ouvriers et le traitement des déchets toxiques suffiront-elles pour changer la donne ?Les armateurs occidentaux ne risquent-ils pas d’en profiter pour envoyer leurs rebuts en Asie du Sud avec bonne conscience ? La majorité de leurs bateaux sont basés en Asie, centre névralgique du commerce maritime mondial.- Sur le sable – Ces dernières années, sur plus de 100.000 navires en circulation, environ 500 sont partis annuellement à la casse, certains vieux de plus de 80 ans.Près d’un tiers des 409 démantelés dans le monde en 2024 ont fini à Chittagong, d’après la coalition d’ONG Shipbreaking Platform. Les autres ont en majorité terminé en Inde, au Pakistan, en Turquie.Les chantiers bangladais offrent le meilleur prix pour le rachat des bateaux en fin de vie en raison d’un coût du travail dérisoire (salaire minimum mensuel de 115 euros). Le long de la plage de 25 km, des carcasses géantes de pétroliers ou de méthaniers sont alignées dans la vase, sous un soleil de plomb, minutieusement démontées par des ouvriers au chalumeau-coupeur.Dans les années 2000, “quand j’ai commencé, c’était extrêmement dangereux, les accidents étaient courants, les morts et les blessés réguliers”, se rappelle Mohammad Ali, leader syndical, qui a longtemps Å“uvré sans protection à démembrer des blocs de bateaux qui s’écroulaient sur le sable.Lui-même a été frappé à la tête par un morceau de métal, laissé des mois en incapacité. “Quand il y a un accident, vous êtes soit mort, soit handicapé”, affirme l’homme de 48 ans.Depuis 2009, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, 470 ouvriers sont morts, 512 gravement blessés sur de tels chantiers, selon Shipbreaking Platform.Récemment, notamment depuis la ratification par Dacca de la convention de Hong Kong en 2023, il y a eu un mieux, relève Mohamed Ali Sahin, fondateur d’un centre d’assistance aux ouvriers du secteur.Entre 2018 et 2022, il a recensé entre 10 et 20 morts par an à Chittagong, avec un pic à 22 en 2019. En 2023, cinq ouvriers sont morts dans des accidents du travail, sept en 2024, d’après son décompte – les autorités ne communiquent pas de bilans officiels.”Je rencontre des ouvriers tous les jours et ils me disent que la sécurité s’est améliorée”, dit-il. Mais des progrès restent à faire tant dans ce domaine que dans l’environnement, admet-il.Cette industrie est accusée d’avoir provoqué d’importants dégâts au Bangladesh, notamment sur la mangrove, avec le rejet en mer directement depuis la plage de boules d’hydrocarbures et le déversement dans des décharges à ciel ouvert d’amiante, matériau couramment utilisé dans les salles des machines.D’après une étude parue en 2024 dans le Journal of Hazardous Materials, le démantèlement des bateaux est responsable de niveaux de pollution aux métalloïdes (silicium, arsenic…) anormalement élevés dans les sols, le riz et les légumes de la région.- Millions d’euros – Concrètement, les nouvelles règles prévoient de former les ouvriers, de les équiper (casques, harnais, combinaisons) et imposent un protocole précis pour la décontamination des navires (amiante, gaz, eau de cale contaminée…). Chaque chantier doit posséder des infrastructures pour stocker les déchets dangereux.A Chittagong, sur une trentaine de chantiers en activité, seuls sept répondent aux nouveaux critères.Parmi eux, PHP, le plus moderne avec ses quelque 250 ouvriers. Son patron, Mohammed Zahirul Islam, accueille avec bonhomie sur le site où l’odeur de métal brûlé contraste avec les parterres de fleurs.Un méthanier japonais de 8.000 tonnes, le Surya Aki, y est démantelé, la proue reposant sur une plateforme de cale fixe et sèche en béton coulé au bord du rivage, surplombée de grues modernes.Des ouvriers casqués découpent la ferraille au chalumeau, une visière en plastique sur le visage qui les protège des éclats de métal – mais pas d’en respirer les fibres. Les critiques des ONG sur les conditions de travail et la pollution au Bangladesh agacent Mohammed Zahirul Islam: “Simplement parce que nous sommes d’Asie du Sud, avec la peau foncée, nous ne sommes pas capables d’exceller dans un domaine ?””Les bateaux sont fabriqués dans les pays développés (…)  Ensuite, ils sont utilisés par les Européens, les Occidentaux pendant 20 ou 30 ans et nous on les récupère (à la fin) pour quatre mois. Mais tout est de notre faute ! Il devrait y avoir une responsabilité partagée”, s’indigne le volubile quarantenaire.Mettre un chantier aux normes coûte des millions d’euros – près de neuf pour moderniser PHP.Mais les investisseurs nationaux et étrangers sont frileux, relève John Alonso de l’Organisation maritime internationale (OMI). Le secteur est en crise, avec deux fois moins de bateaux envoyés à la casse qu’avant le Covid, et le pays en proie à l’instabilité depuis que l’ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations en août.- Amiante solidifiée – En attendant, à Chittagong, il n’y a toujours pas d’usine de traitement et de stockage des matières dangereuses présentes dans les bateaux (amiante, plomb, gaz, hydrocarbures). A PHP, l’amiante est retirée puis stockée sur place. Liton Mamudzer, expert en matières dangereuses pour le chantier, montre les cartons d’amiante solidifiée avec du ciment entreposés dans une salle dédiée. “Je pense qu’on a à peu près six à sept ans de capacité de stockage devant nous”, anticipe-t-il grossièrement.Une affirmation qui laisse sceptiques des ONG spécialisées comme Shipbreaking Platform ou Robin des Bois: certains bateaux contiennent des dizaines de tonnes d’amiante à bord.Quand aux contrôles laissés à la charge des autorités de chaque pays et au maintien des standards une fois la certification obtenue, ils sont questionnés par Walton Pantland de la confédération de syndicats IndustriALL.En septembre, un accident sur le chantier SN Corporation, pourtant déclaré conforme à la convention de Hong Kong, a coûté la vie à six ouvriers qui découpaient de la tuyauterie avec des chalumeaux à oxygène. Comme souvent la présence de gaz a provoqué une explosion.C’est symptomatique du “manque de réglementations internationales et nationales adéquates, de supervision et de protection des travailleurs” au Bangladesh malgré la convention de Hong Kong, a alors réagi Shipbreaking Platform.- A bon prix – Pour la directrice de cette ONG, Ingvild Jenssen, “la convention de l’OMI est une tentative de plusieurs armateurs de se débarrasser de la convention de Bâle” qui interdit aux Etats membres de l’OCDE d’exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement. Il s’agit, d’après elle, de leur permettre de se défaire de leurs navires toxiques à bon prix dans des chantiers d’Asie du Sud sans craindre de poursuites, en utilisant si nécessaire un pavillon de complaisance ou un intermédiaire.En Europe, les chantiers doivent être certifiés selon les règles de la Ship Recycling Regulation (SRR), plus contraignante que la convention de Hong Kong. Les armateurs ont l’obligation d’y faire dépecer les bateaux basés sur le continent ou battant pavillon européen. En bordure du canal de Gand-Terneuzen en Belgique, le directeur de la démolition navale du chantier Galloo, Peter Wyntin, balaye du regard son site surplombé de montagnes de ferraille.Un ancien patrouilleur de la marine irlandaise s’y fait désosser en ce début mai. Ici, tout est mécanisé, avec système d’égout et tri des déchets. Seuls cinq à six ouvriers travaillent à la démolition des bateaux, avec casque, visière et masque pour filtrer l’air empli de particules de métal. Une éolienne fournit l’électricité.Galloo a investi une dizaine de millions d’euros juste pour le traitement des eaux, à base de charbon actif et de bactéries biologiques, au gré du relèvement des normes année après année.”Nous, si on a un mort, on a l’inspection du travail qui débarque aussitôt et on est bons pour mettre la clef sous la porte.”- “25.000 pages” – Peter Wyntin voit d’un mauvais Å“il l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong alors que les chantiers de démolition européens (6% du total en 2024) peinent à survivre.Déjà, la certification de chantiers turcs, à Aliaga, a fait perdre une part conséquente de son activité aux entreprises de l’UE.”Le document, pour être conforme à la SRR pour les pays tiers, il doit faire 25 pages, pas plus. Nous, en tant que chantier agréé dans l’UE, on a peut-être 25.000 pages de législation” à respecter, critique-t-il.”On peut agréer des chantiers en Turquie, en Asie, mais ça reste toujours du +beaching+. Et le +beaching+, c’est une activité qu’on n’accepterait jamais ici en Europe”, peste-t-il. Le “beaching” désigne une technique utilisée par les chantiers d’Asie du Sud pour démonter les navires à même la plage. En avril, le chantier Galloo a ainsi vu rafler par un chantier turc un ferry de 13.000 tonnes, le Moby Drea basé à Gènes en Italie, qu’il convoitait pour le recycler. “Les chantiers approuvés par l’UE en Turquie aspirent pour des raisons économiques beaucoup de navires battant un pavillon européen”, confirme Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois.- Décharges sauvages – Et pourtant. L’Observatoire de la santé et de la sécurité au travail turc a recensé huit décès depuis 2020 dans les chantiers d’Aliaga, spécialisés dans le démantèlement des bateaux de croisière.En mai, la municipalité d’Aliaga a dit constater que “les déchets dangereux étaient stockés d’une manière nocive pour l’environnement et que, dans certaines zones, ils étaient recouverts de terre”.”On estime que 15.000 tonnes de déchets dangereux sont dispersées dans la région d’une manière qui met en danger la santé humaine et environnementale en raison de méthodes de stockage sauvages”, a-t-elle posté sur son compte X avec des photos de décharges sauvages.Au Bangladesh, “des matières toxiques provenant des navires, dont de l’amiante, sont (…) dans certains cas revendues sur le marché de l’occasion”, relevaient dans un rapport de 2023 Shipbreaking Platform et Human Rights Watch.Sur la route qui longe la plage de Chittagong, tout se recycle. Les magasins débordent de mobilier, toilettes, générateurs, escaliers… directement tirés des carcasses démantelées à quelques mètres de là. Pendant ce temps, Rekha Akter, 24 ans et deux petits orphelins, pleure son mari mort les voies respiratoires brûlées dans l’explosion de septembre sur le chantier de SN Corporation où il était responsable de la sécurité. 

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

Mizan Hossain découpait une pièce en métal sur le pont supérieur d’un bateau sur la plage de Chittagong quand les vibrations l’ont déséquilibré, l’entraînant dans une chute de dix mètres.C’était en novembre sur un chantier de démolition non conforme aux normes internationales, comme la plupart des sites de démantèlement de navires au Bangladesh où la majorité finissent leur parcours.Tombé sans harnais, Mizan Hossain, 31 ans, a eu le dos broyé. “Je ne peux pas me lever le matin”, raconte-t-il assis devant la modeste maison où il vit avec sa femme, ses trois enfants et ses parents. Celui qui avait commencé gamin à découper des pans de bateaux sans protection ni assurance ne peut plus subvenir aux besoins des siens ni se soigner. “Pour être honnête, on mange un repas sur deux et je ne vois pas d’issue à ma situation”, confie-t-il.Depuis son village, en retrait de la plage au nord de Chittagong, les grues géantes des chantiers se dessinent à l’horizon. Ici, beaucoup d’hommes travaillent dans le secteur et partagent le même destin: peu avant la rencontre avec l’AFP en février, un des voisins de Mizan Hossain a eu les doigts de pied écrasés sur un autre chantier.A Chittagong, ville portuaire du sud du Bangladesh, le secteur de la démolition et du recyclage des navires fait travailler 20.000 à 30.000 personnes, en comptant les emplois indirects. Au prix de trop nombreux dégâts humains et environnementaux.Pour réguler cette industrie, l’une des plus dangereuses et polluantes, la convention internationale de Hong Kong sur le démantèlement des bateaux doit entrer en vigueur le 26 juin.Les règles strictes qu’elle doit imposer sur la protection des ouvriers et le traitement des déchets toxiques suffiront-elles pour changer la donne ?Les armateurs occidentaux ne risquent-ils pas d’en profiter pour envoyer leurs rebuts en Asie du Sud avec bonne conscience ? La majorité de leurs bateaux sont basés en Asie, centre névralgique du commerce maritime mondial.- Sur le sable – Ces dernières années, sur plus de 100.000 navires en circulation, environ 500 sont partis annuellement à la casse, certains vieux de plus de 80 ans.Près d’un tiers des 409 démantelés dans le monde en 2024 ont fini à Chittagong, d’après la coalition d’ONG Shipbreaking Platform. Les autres ont en majorité terminé en Inde, au Pakistan, en Turquie.Les chantiers bangladais offrent le meilleur prix pour le rachat des bateaux en fin de vie en raison d’un coût du travail dérisoire (salaire minimum mensuel de 115 euros). Le long de la plage de 25 km, des carcasses géantes de pétroliers ou de méthaniers sont alignées dans la vase, sous un soleil de plomb, minutieusement démontées par des ouvriers au chalumeau-coupeur.Dans les années 2000, “quand j’ai commencé, c’était extrêmement dangereux, les accidents étaient courants, les morts et les blessés réguliers”, se rappelle Mohammad Ali, leader syndical, qui a longtemps Å“uvré sans protection à démembrer des blocs de bateaux qui s’écroulaient sur le sable.Lui-même a été frappé à la tête par un morceau de métal, laissé des mois en incapacité. “Quand il y a un accident, vous êtes soit mort, soit handicapé”, affirme l’homme de 48 ans.Depuis 2009, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, 470 ouvriers sont morts, 512 gravement blessés sur de tels chantiers, selon Shipbreaking Platform.Récemment, notamment depuis la ratification par Dacca de la convention de Hong Kong en 2023, il y a eu un mieux, relève Mohamed Ali Sahin, fondateur d’un centre d’assistance aux ouvriers du secteur.Entre 2018 et 2022, il a recensé entre 10 et 20 morts par an à Chittagong, avec un pic à 22 en 2019. En 2023, cinq ouvriers sont morts dans des accidents du travail, sept en 2024, d’après son décompte – les autorités ne communiquent pas de bilans officiels.”Je rencontre des ouvriers tous les jours et ils me disent que la sécurité s’est améliorée”, dit-il. Mais des progrès restent à faire tant dans ce domaine que dans l’environnement, admet-il.Cette industrie est accusée d’avoir provoqué d’importants dégâts au Bangladesh, notamment sur la mangrove, avec le rejet en mer directement depuis la plage de boules d’hydrocarbures et le déversement dans des décharges à ciel ouvert d’amiante, matériau couramment utilisé dans les salles des machines.D’après une étude parue en 2024 dans le Journal of Hazardous Materials, le démantèlement des bateaux est responsable de niveaux de pollution aux métalloïdes (silicium, arsenic…) anormalement élevés dans les sols, le riz et les légumes de la région.- Millions d’euros – Concrètement, les nouvelles règles prévoient de former les ouvriers, de les équiper (casques, harnais, combinaisons) et imposent un protocole précis pour la décontamination des navires (amiante, gaz, eau de cale contaminée…). Chaque chantier doit posséder des infrastructures pour stocker les déchets dangereux.A Chittagong, sur une trentaine de chantiers en activité, seuls sept répondent aux nouveaux critères.Parmi eux, PHP, le plus moderne avec ses quelque 250 ouvriers. Son patron, Mohammed Zahirul Islam, accueille avec bonhomie sur le site où l’odeur de métal brûlé contraste avec les parterres de fleurs.Un méthanier japonais de 8.000 tonnes, le Surya Aki, y est démantelé, la proue reposant sur une plateforme de cale fixe et sèche en béton coulé au bord du rivage, surplombée de grues modernes.Des ouvriers casqués découpent la ferraille au chalumeau, une visière en plastique sur le visage qui les protège des éclats de métal – mais pas d’en respirer les fibres. Les critiques des ONG sur les conditions de travail et la pollution au Bangladesh agacent Mohammed Zahirul Islam: “Simplement parce que nous sommes d’Asie du Sud, avec la peau foncée, nous ne sommes pas capables d’exceller dans un domaine ?””Les bateaux sont fabriqués dans les pays développés (…)  Ensuite, ils sont utilisés par les Européens, les Occidentaux pendant 20 ou 30 ans et nous on les récupère (à la fin) pour quatre mois. Mais tout est de notre faute ! Il devrait y avoir une responsabilité partagée”, s’indigne le volubile quarantenaire.Mettre un chantier aux normes coûte des millions d’euros – près de neuf pour moderniser PHP.Mais les investisseurs nationaux et étrangers sont frileux, relève John Alonso de l’Organisation maritime internationale (OMI). Le secteur est en crise, avec deux fois moins de bateaux envoyés à la casse qu’avant le Covid, et le pays en proie à l’instabilité depuis que l’ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations en août.- Amiante solidifiée – En attendant, à Chittagong, il n’y a toujours pas d’usine de traitement et de stockage des matières dangereuses présentes dans les bateaux (amiante, plomb, gaz, hydrocarbures). A PHP, l’amiante est retirée puis stockée sur place. Liton Mamudzer, expert en matières dangereuses pour le chantier, montre les cartons d’amiante solidifiée avec du ciment entreposés dans une salle dédiée. “Je pense qu’on a à peu près six à sept ans de capacité de stockage devant nous”, anticipe-t-il grossièrement.Une affirmation qui laisse sceptiques des ONG spécialisées comme Shipbreaking Platform ou Robin des Bois: certains bateaux contiennent des dizaines de tonnes d’amiante à bord.Quand aux contrôles laissés à la charge des autorités de chaque pays et au maintien des standards une fois la certification obtenue, ils sont questionnés par Walton Pantland de la confédération de syndicats IndustriALL.En septembre, un accident sur le chantier SN Corporation, pourtant déclaré conforme à la convention de Hong Kong, a coûté la vie à six ouvriers qui découpaient de la tuyauterie avec des chalumeaux à oxygène. Comme souvent la présence de gaz a provoqué une explosion.C’est symptomatique du “manque de réglementations internationales et nationales adéquates, de supervision et de protection des travailleurs” au Bangladesh malgré la convention de Hong Kong, a alors réagi Shipbreaking Platform.- A bon prix – Pour la directrice de cette ONG, Ingvild Jenssen, “la convention de l’OMI est une tentative de plusieurs armateurs de se débarrasser de la convention de Bâle” qui interdit aux Etats membres de l’OCDE d’exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement. Il s’agit, d’après elle, de leur permettre de se défaire de leurs navires toxiques à bon prix dans des chantiers d’Asie du Sud sans craindre de poursuites, en utilisant si nécessaire un pavillon de complaisance ou un intermédiaire.En Europe, les chantiers doivent être certifiés selon les règles de la Ship Recycling Regulation (SRR), plus contraignante que la convention de Hong Kong. Les armateurs ont l’obligation d’y faire dépecer les bateaux basés sur le continent ou battant pavillon européen. En bordure du canal de Gand-Terneuzen en Belgique, le directeur de la démolition navale du chantier Galloo, Peter Wyntin, balaye du regard son site surplombé de montagnes de ferraille.Un ancien patrouilleur de la marine irlandaise s’y fait désosser en ce début mai. Ici, tout est mécanisé, avec système d’égout et tri des déchets. Seuls cinq à six ouvriers travaillent à la démolition des bateaux, avec casque, visière et masque pour filtrer l’air empli de particules de métal. Une éolienne fournit l’électricité.Galloo a investi une dizaine de millions d’euros juste pour le traitement des eaux, à base de charbon actif et de bactéries biologiques, au gré du relèvement des normes année après année.”Nous, si on a un mort, on a l’inspection du travail qui débarque aussitôt et on est bons pour mettre la clef sous la porte.”- “25.000 pages” – Peter Wyntin voit d’un mauvais Å“il l’entrée en vigueur de la convention de Hong Kong alors que les chantiers de démolition européens (6% du total en 2024) peinent à survivre.Déjà, la certification de chantiers turcs, à Aliaga, a fait perdre une part conséquente de son activité aux entreprises de l’UE.”Le document, pour être conforme à la SRR pour les pays tiers, il doit faire 25 pages, pas plus. Nous, en tant que chantier agréé dans l’UE, on a peut-être 25.000 pages de législation” à respecter, critique-t-il.”On peut agréer des chantiers en Turquie, en Asie, mais ça reste toujours du +beaching+. Et le +beaching+, c’est une activité qu’on n’accepterait jamais ici en Europe”, peste-t-il. Le “beaching” désigne une technique utilisée par les chantiers d’Asie du Sud pour démonter les navires à même la plage. En avril, le chantier Galloo a ainsi vu rafler par un chantier turc un ferry de 13.000 tonnes, le Moby Drea basé à Gènes en Italie, qu’il convoitait pour le recycler. “Les chantiers approuvés par l’UE en Turquie aspirent pour des raisons économiques beaucoup de navires battant un pavillon européen”, confirme Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois.- Décharges sauvages – Et pourtant. L’Observatoire de la santé et de la sécurité au travail turc a recensé huit décès depuis 2020 dans les chantiers d’Aliaga, spécialisés dans le démantèlement des bateaux de croisière.En mai, la municipalité d’Aliaga a dit constater que “les déchets dangereux étaient stockés d’une manière nocive pour l’environnement et que, dans certaines zones, ils étaient recouverts de terre”.”On estime que 15.000 tonnes de déchets dangereux sont dispersées dans la région d’une manière qui met en danger la santé humaine et environnementale en raison de méthodes de stockage sauvages”, a-t-elle posté sur son compte X avec des photos de décharges sauvages.Au Bangladesh, “des matières toxiques provenant des navires, dont de l’amiante, sont (…) dans certains cas revendues sur le marché de l’occasion”, relevaient dans un rapport de 2023 Shipbreaking Platform et Human Rights Watch.Sur la route qui longe la plage de Chittagong, tout se recycle. Les magasins débordent de mobilier, toilettes, générateurs, escaliers… directement tirés des carcasses démantelées à quelques mètres de là. Pendant ce temps, Rekha Akter, 24 ans et deux petits orphelins, pleure son mari mort les voies respiratoires brûlées dans l’explosion de septembre sur le chantier de SN Corporation où il était responsable de la sécurité. 

Comment Trump a chamboulé les marchés mondiaux

En à peine quelques mois, la politique de Donald Trump a bouleversé les marchés mondiaux, provoquant une fuite des capitaux hors des Etats-Unis dont l’or et les Bourses européennes profitent. Retour sur ce basculement.Les actions américaines attirent moinsAprès des années de domination, les actions américaines sont désormais moins demandées que les autres. Le principal indice de Wall Street, le S&P 500, ne gagne que 2% depuis le début de l’année, contre 18% pour l’indice vedette à Francfort, 8% à Londres et 4% à Paris.En cause: un “fort niveau d’incertitude sur la politique douanière de Donald Trump, avec de nombreux revirements, et son impact potentiel sur la croissance” américaine, explique à l’AFP Kevin Thozet, de la société d’investissement Carmignac.Les capitaux délaissant les Etats-Unis se sont notamment dirigés vers l’Europe. Exemple le 7 avril, où Donald Trump avait annoncé une rafale de “droits de douane réciproques” sur presque tous ses partenaires commerciaux: Euronext, la société qui gère sept des grandes places boursières européennes, a enregistré ce jour-là “30 milliards d’euros de valeurs négociées, trois fois plus que d’habitude”, selon son patron Stéphane Boujnah.Le roi dollar chahutéDepuis six mois, le billet vert a perdu 10% de sa valeur par rapport à la monnaie européenne. Sa “pire performance depuis trente ans”, selon Robert Farago, analyste pour la plateforme d’investissement britannique Hargreaves Lansdown.Monnaie de réserve et d’échanges, le dollar souffre des incertitudes douanières mais aussi des craintes quant à l’ampleur de la dette américaine, exacerbées par la “grande et belle loi” budgétaire de Donald Trump en discussion au Congrès, jugée dispendieuse par les marchés.De là à menacer son hégémonie? Certains l’espèrent. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a appelé en mai à “ouvrir la voie à un rôle international accru pour l’euro”.Mais le chemin est long: “qui peut remplacer le dollar? Le yuan n’est pas convertible, l’euro est trop fragmenté”, pondère Jean Lemierre, président du conseil d’administration de BNP Paribas.Inquiétudes pour la dette américaineLa dette américaine est une clé de voute du système financier: le reste du monde prête aux États-Unis pour disposer de dollars et d’un placement sûr.Mais Jamie Dimon, le patron très écouté de la banque américaine JPMorgan Chase, s’est inquiété début juin du “gros problème” représenté par le niveau d’endettement américain, risquant une crise sur ce marché.Signe d’une perte de confiance, les taux d’intérêt de la dette américaine sur trente ans ont dépassé le cap symbolique des 5% fin mai.”J’ai toujours dit aux clients que, s’ils voulaient un actif qui reste intact, même en cas de catastrophe, il fallait de la dette américaine. Je pense que ce n’est plus le cas”, tranche Alexandre Hezez, stratégiste pour la banque Richelieu.Un tel mouvement de vente simultanée des actions, des dettes et de la monnaie d’un pays est rare. “Une baisse continuelle du dollar alors que les taux (…) augmentent est un signe que l’argent quitte les États-Unis”, explique à l’AFP Steve Sosnick, analyste chez Interactive Brokers.Or et cryptos, les gagnantsL’or, valeur refuge ultime, a bondi de près de 30% par rapport au début de l’année, avec un record en avril à plus de 3.500 dollars l’once.Les cours sont aussi portés par les achats des grandes banques centrales, qui remplacent dans leurs réserves des devises et notamment des dollars.Les cryptoactifs profitent de leur côté d’une politique de dérégulation et de légitimation, menée par le président américain. Le plus connu d’entre eux, le bitcoin, a dépassé pour la première fois les 100.000 dollars juste après l’élection américaine. Il affiche une hausse de près de 60% sur un an.L’inconnue du pétroleC’était une priorité du président Trump: faire baisser les prix du pétrole pour que l’inflation recule aux États-Unis.En avril, le brut est effectivement descendu sous 60 dollars le baril, une première depuis 2021. Mais c’est parce que les investisseurs anticipaient une plus faible demande, en raison des incertitudes sur la croissance suscitées par les droits de douane américains.Les cours ont toutefois remonté autour de 75 dollars avec l’escalade militaire entre Israël et l’Iran.

Face aux pressions américaines, le Vietnam a lancé la chasse aux contrefaçons

Chanel, Louis Vuitton, Gucci… Tran Le Chi aime la mode, mais l’offensive douanière américaine a semé la pagaille dans sa garde-robe, composée de contrefaçons “made in Vietnam” dans le collimateur de Washington.”Les vêtements m’aident à me donner un look branché”, explique cette femme de 53 ans, qui vend des tickets de loteries illégales dans la capitale Hanoï.”Qu’est-ce que ça me fait que ce soit en toc ou non?”, assume-t-elle.Chi n’a aucun mal à avouer qu’elle porte de la contrefaçon, qui ne lui ont jamais coûté plus d’un million de dongs (environ 30 euros) par pièce. “Les vrais produits ne sont pas pour des gens comme nous”, lance-t-elle.Le Vietnam a émergé comme l’un des plus grands ateliers de production de vêtements et de chaussures du monde, attirant des marques internationales grâce à sa main-d’oeuvre abondante et bon marché.Mais, revers de la médaille, le pays communiste est aussi un champion de la contrefaçon, ce qui n’a pas échappé à son principal client, les Etats-Unis, qui s’inquiète de l’afflux du “fake” sur son marché.Cette question occupe une place centrale dans les discussions en cours entre Hanoï et Washington, qui menace d’imposer une surtaxe douanière de 46% sur les produits importés du Vietnam, dans le cadre de son offensive protectionniste visant à rééquilibrer la balance commerciale à son profit.- Répression -“Je n’ai jamais trompé personne”, se défend Hoa, qui tient une boutique de ce type dans le vieux quartier de Hanoï, où elle vend des faux Nike, Lacoste et North Face fabriqués en Chine, mais estampillés “made in Vietnam” pour paraître authentiques.Ses clients achètent en pleine conscience de leurs actions, assure-t-elle, sous un pseudonyme.Le gouvernement communiste a depuis lancé une campagne de répression, qui doit durer jusqu’à mi-août, ayant conduit à la fermeture de sites de vente à Hanoï (nord) et Ho Chi Minh-Ville (sud).Parmi les cibles, le centre commercial Saigon Square, dans le centre touristique de Ho Chi Minh-Ville, que les autorités américaines ont identifié parmi les plus importants marchés physiques pour la contrefaçon dans le monde.Un rapport du représentant au Commerce de la Maison Blanche (USTR) pour l’année 2024 a noté que “les faibles sanctions avaient peu d’effet dissuasif” et que les contrefaçons “restaient très répandues”.Les autorités ont saisi environ 1.000 fausses montres Rolex sur les cinq premiers mois de l’année dans ce mall situé juste en face du moderne “Saigon Centre”, un centre commercial à l’américaine, avec boutiques, hôtel, restaurants et bureaux, qui représente son antithèse.En tout, de janvier à mai, le Vietnam a confisqué plus de 7.000 produits de contrefaçon pour une valeur totale de 8 millions de dollars, a déclaré mi-juin un responsable de l’agence nationale de surveillance des marchés. Quelque 53 cas ont été transférés à la police pour enquête, a-t-il affirmé.- Fausses enceintes -A Hanoï, les forces de l’ordre ont découvert plus de 25.000 fausses enceintes de la marque britannique Marshall, des montres connectées et des aspirateurs pseudo-japonais. Un homme qui a vendu plus de 200.000 chaussettes avec des logos Adidas, Nike et Uniqlo, pour moins de 20 centimes d’euros par paire, a été arrêté fin mai.Dans un autre cas, la police a interpellé un homme accusé d’avoir acheté six tonnes de confiseries en Chine, qu’il a remballées pour faire croire qu’elles venaient du Japon ou de Corée du Sud, en changeant la date de péremption.Le Vietnam a promis de renforcer le contrôle sur l’origine des marchandises vendues à l’étranger. Washington accuse Hanoï de laxisme sur les fraudes liées au transbordement, qui faciliterait l’entrée aux Etats-Unis de produits chinois soumis à un régime douanier plus strict.La répression de la contrefaçon “joue un rôle dans la stratégie adoptée par le Vietnam pour apaiser les Etats-Unis”, estime Nguyen Khac Giang, un chercheur vietnamien basé à Singapour.A Hanoï, la commerçante Hoa a dû fermer boutique il y a deux semaines face aux craintes de descentes de la police.”J’ai vendu ce genre de vêtements pendant une décennie, et je n’ai eu aucun problème”, dit-elle. “Maintenant, ils nous ciblent, et c’est difficile d’imaginer comment je vais continuer.”

Oil edges down, stocks mixed but Mideast war fears elevated

Oil prices slipped Wednesday following the previous day’s surge but investors remained on edge fearing a US intervention in the Israel-Iran conflict after Donald Trump called for Tehran’s “unconditional surrender”.Iran and Israel exchanged missile strikes for a sixth day, with the US president’s latest comments appearing to dent hopes that the crisis in the Middle East could be calmed.Leaving the G7 summit in Canada a day early on Monday, Trump said he was aiming for a “real end” to the conflict, not just a ceasefire.He later shared a series of social media posts that stoked speculation he could be planning to join Israel in its strikes on Iranian military and nuclear sites.Days after a senior US official said Trump had told Israel to back down from plans to assassinate top leader Ayatollah Ali Khamenei, Trump looked to reverse course.”We know exactly where the so-called ‘Supreme Leader’ is hiding. He is an easy target, but is safe there — We are not going to take him out (kill!), at least not for now,” he wrote on his Truth Social platform.Warning Iran against targeting US interests, he also posted: “But we don’t want missiles shot at civilians, or American soldiers. Our patience is wearing thin.”And in a later post wrote: “UNCONDITIONAL SURRENDER!”The comments sent oil prices spiking more than four percent Tuesday on fears an escalation of the conflict could hammer supplies from the crude-rich region.But while both main contracts slipped Wednesday, investors remain on edge over any negative developments.Of particular concern is the possibility of Iran shutting off the Strait of Hormuz, through which around an estimated fifth of global oil supply traverses, according to a Commerzbank note.”Iran is reportedly ready to target US regional bases should Trump greenlight strikes on Iranian nuclear facilities,” said Stephen Innes at SPI Asset Management. “Washington’s refuelling jets are already en route, and if Fordow gets hit, expect the Strait of Hormuz to become a maritime minefield, Houthi drones to swarm Red Sea shipping lanes, and every militia from Basra to Damascus to light up American forward outposts.”Equity markets Hong Kong, Sydney, Singapore, Mumbai, Wellington, Bangkok, Manila and Jakarta all sank, though Tokyo, Seoul and Taipei edged up.London gained in the morning even as data showed UK inflation slowed less than expected in May.Paris and Frankfurt also rose.The mixed day in Asian stocks followed a weak day on Wall Street, where a below-forecast reading on US retail sales for May — dragged by a slowdown in auto sales — revived fresh worries about the world’s top economy. That came as another report showed factory output fell unexpectedly.Still, they did provide a little hope the Federal Reserve will eventually cut interest rates, with traders betting on two by the end of the year, according to Bloomberg News.Investors will be keeping track of the bank’s latest meeting as it concludes later in the day, with most observers predicting it will stand pat.However, it is also due to release its rate and economic growth outlook for the rest of the year, which are expected to take account of the impact of Trump’s tariff war.”The Fed would no doubt be cutting again by now if not for the uncertainty regarding tariffs and a recent escalation of tensions in the Middle East,” said KPMG senior economist Benjamin Shoesmith.- Key figures at around 0810 GMT -West Texas Intermediate: DOWN 0.4 percent at $74.54 per barrelBrent North Sea Crude: DOWN 0.6 percent at $76.01 per barrelTokyo – Nikkei 225: UP 0.9 percent at 38,885.15 (close)Hong Kong – Hang Seng Index: DOWN 1.1 percent at 23,710.69 (close)Shanghai – Composite: FLAT at 3,388.81 (close)London – FTSE 100: UP 0.2 percent at 8,850.28Euro/dollar: UP at $1.1517 from $1.1488 on TuesdayPound/dollar: UP at $1.3460 from $1.3425Dollar/yen: DOWN at 144.99 yen from 145.27 yenEuro/pound: UP at 85.56 pence from 85.54 penceNew York – Dow: DOWN 0.7 percent at 42,215.80 (close)

La Bourse de Paris prudente face au conflit militaire entre Israël et l’Iran

La Bourse de Paris évolue en légère hausse mercredi, prudente face au conflit militaire entre Israël et l’Iran, les investisseurs espérant qu’il reste limité aux deux belligérants, après que Donald Trump a appelé à la reddition de Téhéran.L’indice boursier phare de la Bourse de Paris, le CAC 40, prenait 0,25% vers 09h40, soit 19,33 points à 7.703,06 points. La veille, rattrapé par les craintes géopolitiques et refroidi par une baisse de la consommation des ménages américains en mai, le CAC 40 a terminé en repli de 0,76%.”Pour les marchés, les dernières déclarations du président américain marquent un pas supplémentaire de la part des Etats-Unis vers un engagement dans la guerre contre l’Iran menée par Israël”, commente Sebastian Paris Horvitz, directeur de la recherche économique de LBP AM.Donald Trump a appelé mardi soir l’Iran à “une capitulation sans conditions”, après avoir annoncé que les Etats-Unis contrôlaient “désormais complètement et totalement l’espace aérien iranien”.Le locataire de la Maison Blanche a aussi déclaré que les Etats-Unis “savent exactement où se cache le soi-disant +guide suprême+” iranien, l’ayatollah Khamenei” mais ne comptent pas “l’éliminer (le tuer!), du moins pour le moment”.”L’implication directe des Etats-Unis viendrait sûrement exacerber les tensions dans la région, du moins à court terme”, ce qui pousse les investisseurs à éviter de se positionner sur des actifs jugés risqués, comme les actions, explique M. Paris Horvitz.”Le calme relatif qui règne en Bourse ne doit pas être interprété à tort comme le fait que les investisseurs ignorent le sujet” géopolitique, mais plutôt comme le fait qu’ils “continuent de penser qu’il y a un conflit limité” aux deux belligérants, jusqu’à preuve du contraire, commente Jochen Stanzl, analyste de CMC Market.Dans ce contexte, malgré la réunion de deux jours de la banque centrale américaine (Fed), qui a débuté mardi et devrait aboutir à un statu quo sur les taux mercredi soir, ainsi que les différentes négociations commerciales, “c’est le Moyen-Orient qui retient l’attention du marché en ce moment”, relève Adam Button, analyste de ForexLive.Airbus promet de choyer ses actionnairesAirbus (+2,55% à 164,84 euros vers 09H40) a annoncé mercredi qu’il comptait mieux rémunérer ses actionnaires, en portant jusqu’à 50% le taux de distribution de ses bénéfices sous forme de dividendes, contre un plafond précédent fixé à 40%.  “La société renforcera son engagement en faveur de l’augmentation des rendements pour les actionnaires, en visant une croissance durable du dividende”, déclare Airbus dans un communiqué.TF1 sera diffusé sur Netflix en FranceLes abonnés de Netflix en France pourront regarder les chaînes de TF1 et les contenus de TF1+ sur la plateforme américaine à compter de l’été 2026, en vertu d’un partenariat inédit annoncé mercredi par le géant du streaming et le groupe audiovisuel français.Cet accord de distribution, dont la durée et le montant n’ont pas été dévoilés, permettra d’accéder à la fois aux cinq chaînes en direct de TF1 (TF1, leader des audiences en France, LCI, TMC, TFX, TF1 Séries films) et aux programmes de sa plateforme TF1+, de la série “Brocéliande” au jeu Koh-Lanta en passant par les rencontres sportives, “sans jamais avoir à quitter l’environnement Netflix” et son système de recommandation, précise un communiqué.A la cote parisienne, TF1 prenait 0,83% à 8,50 euros.

Italie: Gennaro Gattuso, combattant né

En prenant les commandes d’une Italie mal partie pour le Mondial-2026 et en quête de rachat, Gennaro Gattuso est dans son élément: le combat était sa marque de fabrique lorsqu’il était joueur, même s’il peine à le transmettre depuis ses débuts d’entraîneur.C’est un terme italien devenu concept international du foot: la grinta, cette détermination, rage de vaincre, agressivité même, dont le nouveau sélectionneur de la Nazionale, qui sera officiellement intronisé jeudi à Rome, a longtemps été l’incarnation sous le maillot de l’AC Milan.Ou, comme le disait Zlatan Ibrahimovic, un autre mort de faim des terrains et ancien coéquipier de Gattuso: “Pas besoin de lui expliquer ce qu’il faut faire pour gagner (…) Si tu dois partir à la guerre, le premier à qui tu penses, c’est Gattuso, il n’y en a pas beaucoup comme lui”.Au commencement donc, et sans doute jusqu’à la fin, il y eut le combat.Celui d’un gamin né le 9 janvier 1978 à Corigliano Calabro, une ville moyenne de Calabre où son père Franco, menuisier, joue dans l’équipe locale qui évolue en 4e division italienne.A douze ans, Gattuso junior connaît son premier échec: Bologne lui refuse l’entrée de son centre de formation, mais il rebondit dans un club moins prestigieux, à Pérouse.- Débuts à 18 ans en Serie B -Il fait ses débuts à 18 ans, en mars 1996, dans l’équipe première qui évolue alors en Serie B, puis découvre la saison suivante l’élite.Au printemps 1997, en infraction des règles Fifa de l’époque en matière de transferts, Gattuso file à l’anglaise aux Glasgow Rangers, attiré par un salaire mirobolant pour l’époque de deux milliards de lires (1 M EUR) sur quatre ans et un championnat correspondant encore plus à son style de jeu, un milieu de terrain agressif et sans concession.Son expérience écossaise, marquée aussi par la rencontre de Carla, sa femme et mère de leurs deux enfants, est abrégée lorsque le nouvel entraîneur des Rangers le fait jouer en défense. En octobre 1998, Gattuso retrouve la Serie A avec la Salernitana où en seulement 25 matchs, tout en hargne, il convainc l’AC Milan de lui donner sa chance.Avec le Milan entre 1999 et 2012, Gattuso a tout gagné: le Championnat d’Italie (2004, 2011), la Coupe d’Italie (2003), la Supercoupe d’Italie (2004, 2011), la Ligue des champions (2003, 2007), la Supercoupe d’Europe (2003, 2007) et la Coupe du monde des clubs (2007).Sous la conduite de Carlo Ancelotti, son mentor, Gattuso devient “Ringhio” (celui qui grogne), infatigable milieu défensif qui étouffe et agresse ses adversaires (90 avertissements en 15 saisons de Serie A mais “seulement” quatre expulsions), les exaspère aussi.- Champion du monde 2006 -Son face à face en Ligue des champions en février 2011, avec Joe Jordan, l’entraîneur-adjoint de Tottenham, qu’il saisit par la gorge lui vaudra cinq matchs de suspension.Des combats, Gattuso en a menés d’autres avec cette Nazionale qu’il va retrouver quinze ans après sa 73e et dernière sélection (un but). Sous le maillot azzuro, il remporte le Mondial-2006 face à la France de Zinédine Zidane (1-1 a.p., 5 tab à 3).Sa carrière d’entraîneur, débutée en 2013 dans le club suisse de Sion, fait pâle figure en comparaison: un seul titre (Coupe d’Italie 2020 avec Naples) et bien des désillusions, comme à Valence (2022-23) ou Marseille (2023-24) où, rapidement à bout de souffle, il est remercié. Même son retour au Milan, alors en pleine déconfiture, ne l’a pas fait décoller (2017-19).Gattuso n’a pas perdu son tempérament volcanique et reste capable, comme récemment, de s’en prendre en direct à un consultant d’une télévision croate lors de sa seule saison, là aussi décevante, aux commandes de l’Hajduk Split.C’est ce feu intérieur, cette foi dans le combat, que les dirigeants du football italien attendent qu’il instille à une Nazionale manquant cruellement de personnalité et de talent, et menacée de rater une troisième Coupe du monde de suite après 2018 et 2022.

Le procès de P. Diddy, terrain de jeu pour les influenceurs

La même scène se répète plusieurs fois par jour au pied du tribunal fédéral de Manhattan: au milieu des caméras des chaînes d’info, une ribambelle d’influenceurs se filment au smartphone, partageant anecdotes et impressions personnelles au procès pour trafic sexuel du magnat du hip-hop P. Diddy.A chaque pause des débats, les créateurs de contenus sur TikTok, Instagram ou YouTube se précipitent sur les trottoirs, calent leur téléphone sur un trépied, une perche et le spectacle commence: chacun raconte avec entrain, parfois une gestuelle exubérante, les moindres péripéties de la salle d’audience.Au 26e étage du tribunal, le rappeur et producteur qui a influencé le hip-hop de la “côte est” pendant trois décennies risque la prison à vie lors d’un procès fleuve où la violence et les récits d’abus sexuels sont omniprésents et parfois éprouvants.Mais c’est aussi un rendez-vous “people”: la semaine dernière, la venue en spectateur du sulfureux rappeur Kanye West a fait le miel de ces chroniqueurs et paparazzi en herbe qui captent l’arrivée des célébrités comme on le ferait à une Fashion week.- “Petits instants” -Présente sur Instagram, TikTok et substack, Emilie Hagen alimente plusieurs fois par jour ses comptes avec de courts clips vidéo dans lesquels elle commente les interrogatoires, relate les à-côtés du procès et pousse quelques coups de gueule en s’adressant avec assurance à ses auditeurs, son visage en gros plan à l’écran.Son point fort? “Je peux exploiter ces petits instants de l’affaire que les gens négligent parce que les médias traditionnels doivent se concentrer sur l’agenda du jour”, explique cette trentenaire, dont le compte Instagram, “emilieknowseverything” (“Emilie sait tout”) est suivi par 140.000 abonnés.Elle se targue notamment d’avoir révélé que des supposés soutiens du rappeur, arborant des sweat-shirts “Free Puff” au pied du tribunal, seraient payés pour le faire, une information qui lui a permis d’être citée dans un article du site The Hollywood Reporter. Certains youtubeurs se démènent à temps plein pour quelques milliers d’abonnés. “StephanieSoo”, une influenceuse connue des mordus d’affaires criminelles, en compte six millions sur TikTok, où elle décrit avec une forte dose d’intensité dramatique les moindres gestes et regards de P. Diddy.- “Compétition brutale” -La présence en force de ces créateurs lors d’un tel procès ne surprend pas Reece Peck, professeur de journalisme à l’Université de la ville de New York. “La compétition entre eux est brutale, ils doivent constamment créer plus de contenus que leurs concurrents. Dans cette logique, le cycle de l’information est une source de matériel très riche”, explique-t-il.Et le procès de P. Diddy “contient tous les ingrédients d’une bonne affaire de +tabloïd+ : il y a du sexe, de la violence, des célébrités, et, cerise sur le gâteau, il y a du hip-hop et de la musique”, poursuit-il.Selon le Pew Research Center, 17% des Américains disaient s’informer sur TikTok en 2024 contre seulement 3% en 2020. Et selon le rapport annuel de l’institut Reuters publié cette semaine, l’influence croissante des “podcasteurs, youtubeurs et tiktokeurs” vient “diminuer” celle du journalisme traditionnel.Pour Reece Peck, il y a un “effet miroir” entre la présence des influenceurs au procès de P. Diddy et au briefing quotidien de la Maison Blanche, sous l’impulsion de l’administration Trump, un autre signe de la “perte d’autorité” des médias plus anciens.Au procès de P. Diddy, les places dans la salle d’audience sont très précieuses et la file d’attente pour l’audience du jour se forme souvent la veille. Comme à d’autres grands procès, certains ont donc recours à des “gardiens de place” professionnels qui font la queue à leur place moyennant finances. Un service qu’Emilie Hagen dit pouvoir s’offrir grâce aux contributions de ses abonnés: “ils veulent que je sois à l’intérieur”, explique-t-elle. Un privilège car le procès n’est pas retransmis sur les chaînes de télévision.”Même si on ne peut pas entrer dans la salle d’audience, on peut aller dans une salle annexe” du tribunal où le public assiste aux débats sur un écran, explique un autre youtubeur, “Oota Ongo”. “Au moins, vous pouvez entendre par vous-même. Et vous pouvez dire: +J’étais là. J’étais au procès de Diddy+”, ajoute-t-il.