L’agence de notation S&P maintient la note et la perspective de la France
L’agence de notation S&P a maintenu vendredi la note de la France à “AA-” ainsi que sa perspective à stable, soulignant les efforts du gouvernement pour tenter de réduire le déficit public, malgré l’instabilité politique.”Malgré l’incertitude politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme – avec un délai – au cadre budgétaire européen et consolide progressivement ses finances publiques à moyen terme”, a indiqué l’agence américaine dans un communiqué, soulignant le caractère “ouvert” et “diversifié” de l’économie française. Si le maintien de la perspective stable signifie que la note ne devrait pas bouger dans un avenir proche, S&P souligne ne pas exclure une dégradation “si le gouvernement ne se montre pas capable de réduire son important déficit public ou si la croissance économique tombe en deçà de nos projections pour une longue période”. Le ministre français de l’Economie, Antoine Armand, a salué la décision de S&P, qui selon lui “témoigne du crédit accordé au gouvernement pour réduire le déficit et redresser nos finances publiques”. “L’agence souligne toutefois le risque associé à l’incertitude politique qui viendrait remettre en cause cette trajectoire”, a-t-il ajouté dans une réaction écrite transmise à la presse.La décision de S&P, qui avait abaissé la note de la France en mai, survient alors que le gouvernement français, minoritaire, multiplie les compromis pour tenter d’échapper à une motion de censure, qui pourrait intervenir dès la semaine prochaine sur le budget de la Sécurité sociale s’il recours au 49.3 pour le faire adopter sans vote. Le gouvernement a accepté de ne pas augmenter une taxe sur l’électricité au-delà de son niveau d’avant-bouclier tarifaire, afin de satisfaire le Rassemblement national (RN) qui menace de s’allier à la gauche pour le renverser.  Malgré les “ajustements” opérés au projet de budget, qui prévoit 60 milliards d’euros d’effort en 2025, le Premier ministre Michel Barnier a assuré faire “tout pour rester autour de 5%” de déficit public par rapport au PIB, après un dérapage attendu à 6,1% en 2024. La France repasserait sous le plafond européen de 3% en 2029, une trajectoire validée par Bruxelles. La cheffe de file du RN, Marine Le Pen, ne semblait toutefois pas vendredi disposée à renoncer à censurer le gouvernement la semaine prochaine, lui reprochant des concessions “pas financées par des économies structurelles” et de “précipiter la crise financière”. En octobre, Moody’s et Fitch avaient maintenu la note française en l’assortissant d’une perspective négative.
Déficit des hôpitaux: les 32 présidents de CHU alertent Barnier
Les présidents des conseils de surveillance des 32 CHU ont écrit vendredi au Premier ministre Michel Barnier pour l’alerter sur “la situation financière inquiétante” de ces établissements hospitaliers et lui demander de “préserver” leur capacité d’action.Le déficit cumulé des centres hospitaliers universitaires, qui était encore de “200 millions d’euros” en 2021, “devrait atteindre environ 1,1 milliard d’euros en 2024, en progression beaucoup plus rapide que les autres hôpitaux publics”, assurent ces responsables, parmi lesquels Anne Hidalgo (Paris), Christian Estrosi (Nice), Christophe Bechu (Angers), Martine Aubry (Lille)… Selon eux cette dégradation “ne tient pas à une dérive de gestion” mais à “de nouvelles charges exceptionnelles” au moment où les établissements “étaient eux-mêmes fragilisés par les effets induits par la crise Covid”.Ils mettent en garde contre les effets “majeurs” de cette dégradation financière, notamment parce que des projets de rénovation de grandes infrastructures “sont désormais à risque d’être au mieux décalés de plusieurs années et au pire abandonnés”.”Les financements qui manqueraient à nos CHU ces prochaines années auraient un impact sur la vie de nos concitoyens, la prise en charge des malades, les équilibres économiques et sociaux de nos territoires sans commune mesure avec l’économie engagée”, avertissent-ils.C’est pourquoi ils en appellent à “l’arbitrage” du Premier ministre pour que, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), “la capacité d’action” des CHU “soit préservée et que les investissements nécessaires à leur avenir ne puissent être remis en cause”.
Immobilier, environnement: le Sénat continue d’imprimer sa marque sur le budget de l’État
Les sénateurs ont poursuivi vendredi l’examen du budget de l’État, enrichi de nouvelles taxes et exonérations concernant la fiscalité environnementale et l’immobilier, dont une baisse des droits de successions censée relancer un marché du logement atone.Cette nouvelle niche fiscale prévoit d’exonérer les dons d’argent jusqu’à 100.000 euros en faveur d’un descendant (enfant, petit-enfant, neveu ou nièce), à condition que cet argent serve à construire, acheter ou rénover une habitation, qu’il devra s’engager à conserver ensuite pendant au moins trois ans.L’objectif de ce dispositif, limité à 2025 et 2026, est de “favoriser l’acquisition de logements au regard de la situation de blocage dans laquelle se trouve globalement le marché de l’immobilier”, a expliqué le rapporteur général du budget Jean-François Husson (LR).Son amendement a été adopté contre l’avis du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, qui aurait préféré réduire le nombre de bénéficiaires potentiels et restreindre la mesure à l’acquisition d’un logement neuf, afin de minimiser le coût budgétaire pour les finances publiques.Même scénario un peu plus tard, quand les sénateurs ont choisi de généraliser le prêt à taux zéro à tout le territoire, à la fois pour les logements neufs et anciens, quand le gouvernement ne souhaitait l’étendre qu’aux constructions neuves.La chambre haute est également passée outre l’opposition du ministre pour relever la déduction fiscale sur les locations non meublées et revoir de fond en comble la taxation des plus-values sur les ventes immobilières, dans les deux cas afin d’inciter les propriétaires à mettre davantage de biens sur le marché.- Taxe plastique -Engagés dans une longue discussion sur les “recettes” du projet de budget 2025, qui ne devrait prendre fin que dimanche, les sénateurs ont aussi balayé le champ de la fiscalité environnementale.Ils ont notamment décidé d’appliquer la taxe foncière aux méthaniseurs agricoles, mais aussi créé un crédit d’impôt plafonné à 4.500 euros par exploitation pour l’entretien des haies.Avec l’accord de l’exécutif, la chambre haute a par ailleurs suspendu pour 5 à 10 ans la taxe sur les activités polluantes dans les départements d’outre-mer, pour y favoriser les investissements dans le tri des déchets – plutôt que l’enfouissement qui y largement privilégié. À cette même fin, la Corse a obtenu un rabais provisoire jusqu’en 2029, contre l’avis du ministre cette fois.Dans la foulée, les parlementaires ont fait passer une nouvelle “éco-contribution” sur les produits non-recyclables, visant principalement les “produits en plastique de grande consommation”, mais aussi la vaisselle et les “textiles sanitaires” comme les lingettes, couches ou les draps médicaux.Une nouvelle taxe de 5 centimes d’euros par “unité mise sur le marché” a ainsi été adoptée, dans le but de tarir les quantités commercialisées et d’abonder les caisses de l’État d’environ 500 millions.Cette initiative portée à la fois par la droite, les centristes et les communistes, fait écho à la hausse de TVA sur les eaux en bouteille votée plus tôt cette semaine, sur fond de scandale à propos des pratiques des industriels de l’eau minérale.Preuve que le Sénat ne se prive pas d’augmenter les impôts, après avoir déjà relevé plusieurs prélèvements sur le capital comme la “flat tax” et l'”exit tax”, et élargi l’assiette de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière rebaptisé à cette occasion “impôt sur la fortune improductive”).Une “folie fiscale”, a critiqué vendredi le patron des députés UDR, Éric Ciotti, dans un communiqué.
Tchad et Sénégal: Paris trébuche de nouveau dans sa “réorganisation” militaire en Afrique
En annonçant, à quelques heures d’intervalle, le départ des militaires français de leur sol, Sénégal et Tchad ont officialisé une “réorganisation” que Paris préparait depuis longtemps. Mais la forme est catastrophique et, une fois encore, profite à l’influence russe.Jeudi, ces deux partenaires historiques ont exprimé leur volonté de voir l’armée française non pas réduire la voilure sur leur territoire respectif, mais bien quitter les lieux.Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a déclaré à l’AFP que la “souveraineté” de son pays ne “(s’accommodait) pas de la présence de bases militaires”, réclamant un “partenariat dépouillé” des soldats français. Peu après, alors que le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot venait de quitter N’Djamena dans le cadre d’une tournée africaine, son homologue tchadien Abderaman Koulamallah annonçait “mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense” signé avec Paris.Une décision qui a pris Paris au dépourvu. Ce n’est que vendredi soir que la France a déclaré “prendre acte” de la décision tchadienne.La France “prend acte” mais “entend poursuivre le dialogue” avec le Tchad, a fait savoir le Quai d’Orsay.Après le départ forcé ces dernières années des soldats français du Mali, du Burkina Faso puis du Niger, où se sont installées des juntes hostiles, le Tchad était le dernier pays sahélien à en abriter encore.Ces deux déclarations interviennent alors que l’envoyé du président Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, avait remis lundi son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, prônant un partenariat “renouvelé” et “co-construit”. – “Les Français font l’autruche” -Le rapport “recommandait une réduction drastique de la présence. Ce n’est pas nécessairement ce qui était demandé initialement par les partenaires. Mais les décisions s’orientant dans cette direction, ils ont préféré annoncer que la décision était la leur”, commente pour l’AFP Elie Tenenbaum, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Les autorités tchadiennes ne sont pas satisfaites “parce que les recommandations (de Jean-Marie Bockel, ndr) ne prennent pas en compte leurs attentes”, juge ainsi Yamingué Bétinbaye, docteur en géographie politique à l’Université de N’Djamena.”Une fois de plus, les Africains ont avancé plus vite que les Français”, ajoute Elie Tenenbaum. Ce faisant, ils offrent à la Russie, en pleine poussée d’influence sur le continent, un joli cadeau.”Aussi bien le Tchad que le Sénégal ont resserré les échanges avec Moscou ces derniers mois. Si la Russie n’a pas d’intérêts majeurs dans ces pays, c’est une bonne manière pour elle de porter un coup aux Français”.Une analyse qui rappelle les déclarations à l’AFP, la semaine dernière, de l’opposant tchadien Succès Masra. “Il y a, à la présidence, beaucoup de gens ouvertement pro-russes. Wagner est déjà là ”, assurait-il, évoquant les mercenaires russes en Afrique du groupe de feu Evguéni Prigojine, désormais regroupés au sein de l’Africa Corps.Les dirigeants tchadiens “peuvent dégager les Français à tout moment, mais tout le monde fait semblant que ça n’existe pas. Les Français eux même font l’autruche”, estimait-il, relevant qu’à un mois des premières législatives dans le pays depuis 2015, l’annonce peut aider M. Deby à “reconquérir l’opinion populaire”.- “Une gifle” -Ironie suprême, l’Elysée annonçait début octobre que le président français et son homologue tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, étaient convenus de “renforcer la coopération” bilatérale. Pour Wolfram Lacher, du think tank allemand SWP, “c’est une page qui se tourne” pour l’ex-puissance coloniale “après des années de soutien militaire et alors que la France a sauvé à plusieurs reprises le pouvoir” du père du dirigeant tchadien, Idriss Déby.”C’est une surprise (…), il n’y avait aucune nécessité pour Déby de franchir ce pas. Il avait une position confortable avec Paris”. Et désormais, il “aura besoin d’un autre soutien extérieur pour assurer la sécurité de son régime”, même s’il pourrait “éviter une relation de dépendance avec Moscou” en diversifiant ses soutiens.La séquence renvoie à l’incapacité de la France à sortir de l’impasse et de l’opprobre des opinions africaines, même depuis qu’a été annoncée en 2022 par Paris la fin de l’opération anti-jihadiste Barkhane au Sahel.En janvier, le chef d’état-major des armées Thierry Burkhard admettait que le “dispositif militaire” français produisait “notamment dans le champ des perceptions des effets négatifs qui finissent par peser plus lourd que les effets positifs”.Et d’ajouter: “Il faut impérativement que nous prenions la peine de laisser les pays partenaires souverains communiquer sur leurs actions”. C’est chose faite pour encore deux d’entre eux. “On peut décrire ça comme une gifle”, estime Wolfram Lacher. “En 24 heures, Sénégal et Tchad… Ca montre l’échec de la politique française en Afrique”.cf-Dt-mra-dla-str/dab/blb