“Un système organisé par la direction du parti et pour servir les intérêts du parti”. En débutant leur réquisitoire au procès du RN, les procureurs ont détaillé mercredi matin comment Marine Le Pen avait bien été selon eux à la manÅ“uvre d’un détournement de fonds européens.Après un mois et demi d’audience, la triple candidate à la présidentielle sera fixée en fin de journée sur les peines réclamées par le parquet contre elle, son parti et 24 autres prévenus – cadres du parti, ex-eurodéputés et anciens assistants parlementaires.”Nous ne sommes pas ici aujourd’hui en raison d’un acharnement”, ni à cause d’une dénonciation “du Parlement européen”, mais au terme “d’une longue information judiciaire”, déclare d’emblée l’une des deux représentantes de l’accusation, Louise Neyton.”Vous prendrez votre décision au vu des pièces du dossier”, et après “six semaines d’audience” et des “débats particulièrement fournis”, poursuit la magistrate dans une salle d’audience pleine où Marine Le Pen s’est assise au premier rang au côté de Louis Aliot, actuel numéro 2 du RN.”Je suis dans le même état d’esprit que la semaine dernière, que la semaine d’avant. C’est le déroulé normal d’un procès, avec aujourd’hui une accusation qui accuse, ce n’est pas non plus très original”, avait déclaré la cheffe de l’extrême droite en arrivant au tribunal.En entamant leurs réquisitions qui doivent durer toute la journée, les deux magistrats détaillent l’architecture d’un “système” qui a selon eux été mis en place au Front national (devenu RN) entre 2004 et 2016, consistant à embaucher des assistants parlementaires européens “fictifs” qui travaillaient en réalité pour le parti.A l’époque, “le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l’allègement des charges va être utilisé de manière systématique”, que ce soit “légal ou pas”, affirme Louise Neyton, alors que Marine Le Pen fait des “non” vigoureux de la tête.Le Parlement européen ne fait que des “contrôles comptables”, pour le reste il fait “confiance” aux eurodéputés quant à l’utilisation de leur dotation mensuelle de 21.000 euros: “Alors, c’est trop tentant, ces enveloppes vont apparaître comme une aubaine et être utilisées comme telles”, insiste la magistrate.- “Fiction alternative” -Pour l’accusation, ce “système va encore se renforcer et prendre une nouvelle dimension” avec l’arrivée, en 2011, de Marine Le Pen à la tête du parti, avec un salarié chargé de la gestion des contrats européens, qui rend compte “seulement” à la présidente, la “donneuse d’ordres”.En 2014, après l’élection d’une vingtaine d’eurodéputés FN, le trésorier du parti Wallerand de Saint-Just écrit: “Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen”, rappelle la procureure.Et d’évoquer les mails – “pas tous, il y en a trop” – parlant de “montages financiers”, de “transferts” de tel assistant “sur” tel député en fonction de la disponibilité des enveloppes. L’un ou l’autre, “tu peux choisir”, est-il écrit dans un message.Elle aborde aussi cette fameuse réunion d’accueil des nouveaux députés, à l’été 2014, où Mme Le Pen aurait averti ceux fraîchement élus qu’ils ne devaient prendre qu’un assistant, le reste de l’enveloppe devant revenir au parti. Alors face à tout cela, “la fiction alternative qui vous est présentée en défense” n’est, elle, “corroborée par aucun élément”, estime la procureure.La suite du réquisitoire, qui reprendra à 14H00, doit s’attarder sur chacun des prévenus: les neuf ex-eurodéputés frontistes, leurs 12 anciens assistants parlementaires, les experts-comptables et le trésorier, et enfin le parti lui-même. Ils encourent des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende et une peine d’inéligibilité, qui pourrait sérieusement entraver les ambitions de Mme Le Pen à la présidentielle de 2027.En l’occurrence, cela se résume en une “question simple”: “l’assistant parlementaire travaillait-t-il pour son député ou pour un tiers ?”, a estimé le second procureur, Nicolas Barret. Concernant les “preuves” de leur activité pour leurs élus, “on n’a rien !”. “On a bien une capacité de conservation des documents, donc si la preuve n’est pas retrouvée, c’est qu’elle n’existe pas”, a-t-il ajouté.Le Parlement européen a évalué son préjudice financier à 4,5 millions d’euros, mais n’en réclame que 3,4 (une partie ayant été remboursée).Â