Un “coup de poignard dans le dos”: l’industrie canadienne de l’acier dans la tourmente

Quand Shale Tobe a appris que le président américain Donald Trump prévoyait d’imposer des droits de douane massifs sur l’acier canadien, un produit qui fait vivre sa famille depuis des décennies, il était “en train de dépenser de l’argent aux États-Unis” en vacances à New York.”Je vais y réfléchir à deux fois” à l’avenir, confie à l’AFP le propriétaire de North York Iron. Cette entreprise de distribution d’acier à Toronto a été créée par son grand-oncle, il y a plus de 60 ans, et a des liens étroits avec les Etats-Unis. “Ils sont comme des frères pour nous”, dit-il. “Depuis des décennies, les choses se passent sans problème, dans les deux sens, de part et d’autre de la frontière… J’ai l’impression qu’on nous poignarde un peu dans le dos”, lâche l’homme de 61 ans.Les annonces du président américain n’ont cessé de varier ces dernières semaines, suscitant colère et incertitude au Canada.Des droits de douane de 25% devaient être imposés le 4 février sur tous les produits canadiens avant que Donald Trump ne fasse volte-face en accordant un sursis de 30 jours au Canada.Mais quelques jours plus tard, il a annoncé des droits de douane de 25% sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de tous les pays.Si ces taxes entrent en vigueur comme prévu le 12 mars, elles frapperont le Canada plus durement que les autres pays, estime Fraser Johnson, spécialistes des chaînes d’approvisionnement à la Western University’s Ivey Business School.”Cela va tout perturber”, souligne-t-il auprès de l’AFP, expliquant que 90% des exportations canadiennes d’acier et d’aluminium partent aux Etats-Unis. Mais les clients américains seront également touchés de manière rapide et durable, dit-il.”Le préjudice se fera sentir presque immédiatement parce que les Etats-Unis n’ont pas la capacité nationale de répondre à l’ensemble de leurs besoins”, ajoute-t-il, expliquant qu’il faudrait des “décennies” aux fournisseurs américains pour s’adapter.- En attente d’une “décision finale” -Les droits de douane sur l’acier et l’aluminium sont “totalement injustifiés”, a réagi mardi le Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui a promis une réponse “ferme et claire” de son pays.Mais le Canada “ne fera rien avant que les Américains ne prennent leur décision finale”, et “nous avons un certain nombre de semaines pour travailler ensemble”, a expliqué mercredi le ministre des Finances, Dominic LeBlanc, lors d’une visite à Washington. Pour Fraser Johnson, le contexte troublé et changeant doit inciter les entreprises canadiennes à se diversifier et aussi vendre davantage au Canada même.Toutefois, pour les produits à base de métaux lourds, sortir de la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis et s’orienter vers d’autres marchés est “facile à dire d’un point de vue théorique, mais difficile à mettre en œuvre”, estime-t-il.- “Dégoûté” -Pour Shale Tobe, il est trop tôt pour évaluer l’impact éventuel d’une guerre commerciale sur son entreprise, qu’il s’agisse des conséquences des droits de douane sur les exportations canadiennes vers les Etats-Unis ou des possibles taxes qui seraient infligées en représailles par Ottawa sur les importations américaines au Canada.L’un de ses produits les plus populaires est une poutre d’acier largement utilisée dans la construction de maisons, qu’il achète à un fournisseur de l’Etat de Géorgie, dans le sud des Etats-Unis.Ces poutres ne sont pas disponibles au Canada donc il s’attend à ce que ce produit ne fasse pas partie des mesures de représailles que prépare Ottawa.Mais au-delà de ses craintes pour l’entreprise familiale, les menaces de Donald Trump d’annexer le Canada l’ont affecté.”J’ai été dégoûté d’entendre ça”, dit-il. “Nous devons combattre le feu par le feu… Nous devons sortir de notre dépendance à l’égard des États-Unis”.
Wed, 12 Feb 2025 20:40:06 GMT