Turquie: un mois après, le vent de fronde souffle toujours

L’arrestation le 19 mars du maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu a débarrassé Recep Tayyip Erdogan de son plus coriace opposant. Mais un mois plus tard, le président turc peine à se défaire d’une contestation portée par la jeunesse.Les grandes manifestations de la première semaine, quand des dizaines de milliers de personnes déferlaient chaque soir devant l’hôtel de ville d’Istanbul, et que des Turcs de tous âges descendaient dans les rues de dizaines de villes, sont révolues.Les fêtes de la fin du ramadan ont ramené le calme, mais la contestation, inédite depuis le grand mouvement de Gezi parti de la place Taksim d’Istanbul en 2013, a repris depuis dix jours dans des universités d’Istanbul et d’Ankara.Ces derniers jours, la fronde s’est répandue à des dizaines de lycées du pays où une décision du gouvernement AKP (islamo-conservateur) d’y remplacer certains enseignants, interprétée comme une tentative de reprise en main de ces établissements par le pouvoir, a mis le feu aux poudres.”Le malaise (de la jeunesse) était déjà latent, mais il s’est cristallisé en un rejet plus explicite de l’AKP depuis la mi-mars”, explique à l’AFP Demet Lüküslü, professeure de sociologie à l’université stambouliote de Yeditepe, selon laquelle une partie des jeunes “rejette le conservatisme et l’islamisation de la société” et réclame davantage de “droits et de libertés”.- “Briser le silence” -L’arrestation d’Ekrem Imamoglu, investi candidat du principal parti de l’opposition (CHP, social-démocrate) à la présidentielle de 2028 le jour-même de son incarcération pour “corruption”, a été le déclencheur d’une colère plus large, dans un pays dirigé depuis 2002 par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan.”C’est l’accumulation d’une colère, chez des millions de jeunes qui n’ont connu que l’AKP et qui ne sont pas pris en compte”, confie Eda, 17 ans, en classe de terminale dans un lycée d’Istanbul où des blocages ont eu lieu cette semaine.”Nous voulons briser le silence sur lequel le gouvernement a bâti son hégémonie”, ajoute la lycéenne, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, rappelant que plusieurs dizaines des 300 jeunes placés en détention depuis le début du mouvement de contestation demeurent incarcérés.Vendredi, le procès de 189 personnes accusées d’avoir participé à des rassemblements interdits, dont de nombreux étudiants, s’est ouvert à Istanbul. Leurs soutiens – camarades, professeurs, députés de l’opposition – s’étaient réunis devant le tribunal. “Nous n’avons pas peur”, a martelé auprès de l’AFP Sümeyye Belentepe, une étudiante visée par un procès, qui aura lieu en septembre. “Désormais, nous sommes plus forts, plus unis” dans la lutte, souffle à ses côtés un autre élève, Ahmetcan Kaptan.- Répercussions économiques -L’arrestation du maire d’Istanbul, qualifiée de “coup d’Etat” par l’opposition, a aussi eu des répercussions économiques.Outre les appels au boycott visant des entreprises proches du pouvoir, la Bourse d’Istanbul a reculé de presque 14% sur un mois, et la livre turque a perdu environ 4% face au dollar et presque 8% face à l’euro, atteignant un niveau historiquement bas malgré 50 milliards de dollars injectés par la banque centrale turque pour soutenir la devise.Jeudi, la banque centrale a ainsi été contrainte de relever son taux directeur pour la première fois depuis mars 2024, de 42,5% à 46%.Cette semaine, Devlet Bahçeli, le principal allié du président Erdogan, a exhorté la justice à juger le maire d’Istanbul dans les plus brefs délais, inquiet selon certains observateurs que l’agitation autour du sort de l’opposant N.1 ne perturbe les efforts entamés par le pouvoir turc pour parvenir au désarmement et à la dissolution du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).Le chef du CHP, Özgür Özel, a réclamé à nouveau des élections anticipées, et appelé à un grand rassemblement samedi à Yozgat (centre), chef-lieu d’une province rurale du centre du pays. Début avril, des agriculteurs y avaient écopé d’amendes pour avoir protesté contre l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, à bord de leurs tracteurs.
L’arrestation le 19 mars du maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu a débarrassé Recep Tayyip Erdogan de son plus coriace opposant. Mais un mois plus tard, le président turc peine à se défaire d’une contestation portée par la jeunesse.Les grandes manifestations de la première semaine, quand des dizaines de milliers de personnes déferlaient chaque soir devant l’hôtel de ville d’Istanbul, et que des Turcs de tous âges descendaient dans les rues de dizaines de villes, sont révolues.Les fêtes de la fin du ramadan ont ramené le calme, mais la contestation, inédite depuis le grand mouvement de Gezi parti de la place Taksim d’Istanbul en 2013, a repris depuis dix jours dans des universités d’Istanbul et d’Ankara.Ces derniers jours, la fronde s’est répandue à des dizaines de lycées du pays où une décision du gouvernement AKP (islamo-conservateur) d’y remplacer certains enseignants, interprétée comme une tentative de reprise en main de ces établissements par le pouvoir, a mis le feu aux poudres.”Le malaise (de la jeunesse) était déjà latent, mais il s’est cristallisé en un rejet plus explicite de l’AKP depuis la mi-mars”, explique à l’AFP Demet Lüküslü, professeure de sociologie à l’université stambouliote de Yeditepe, selon laquelle une partie des jeunes “rejette le conservatisme et l’islamisation de la société” et réclame davantage de “droits et de libertés”.- “Briser le silence” -L’arrestation d’Ekrem Imamoglu, investi candidat du principal parti de l’opposition (CHP, social-démocrate) à la présidentielle de 2028 le jour-même de son incarcération pour “corruption”, a été le déclencheur d’une colère plus large, dans un pays dirigé depuis 2002 par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan.”C’est l’accumulation d’une colère, chez des millions de jeunes qui n’ont connu que l’AKP et qui ne sont pas pris en compte”, confie Eda, 17 ans, en classe de terminale dans un lycée d’Istanbul où des blocages ont eu lieu cette semaine.”Nous voulons briser le silence sur lequel le gouvernement a bâti son hégémonie”, ajoute la lycéenne, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, rappelant que plusieurs dizaines des 300 jeunes placés en détention depuis le début du mouvement de contestation demeurent incarcérés.Vendredi, le procès de 189 personnes accusées d’avoir participé à des rassemblements interdits, dont de nombreux étudiants, s’est ouvert à Istanbul. Leurs soutiens – camarades, professeurs, députés de l’opposition – s’étaient réunis devant le tribunal. “Nous n’avons pas peur”, a martelé auprès de l’AFP Sümeyye Belentepe, une étudiante visée par un procès, qui aura lieu en septembre. “Désormais, nous sommes plus forts, plus unis” dans la lutte, souffle à ses côtés un autre élève, Ahmetcan Kaptan.- Répercussions économiques -L’arrestation du maire d’Istanbul, qualifiée de “coup d’Etat” par l’opposition, a aussi eu des répercussions économiques.Outre les appels au boycott visant des entreprises proches du pouvoir, la Bourse d’Istanbul a reculé de presque 14% sur un mois, et la livre turque a perdu environ 4% face au dollar et presque 8% face à l’euro, atteignant un niveau historiquement bas malgré 50 milliards de dollars injectés par la banque centrale turque pour soutenir la devise.Jeudi, la banque centrale a ainsi été contrainte de relever son taux directeur pour la première fois depuis mars 2024, de 42,5% à 46%.Cette semaine, Devlet Bahçeli, le principal allié du président Erdogan, a exhorté la justice à juger le maire d’Istanbul dans les plus brefs délais, inquiet selon certains observateurs que l’agitation autour du sort de l’opposant N.1 ne perturbe les efforts entamés par le pouvoir turc pour parvenir au désarmement et à la dissolution du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).Le chef du CHP, Özgür Özel, a réclamé à nouveau des élections anticipées, et appelé à un grand rassemblement samedi à Yozgat (centre), chef-lieu d’une province rurale du centre du pays. Début avril, des agriculteurs y avaient écopé d’amendes pour avoir protesté contre l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, à bord de leurs tracteurs.