Scinder en deux parties la loi “fin de vie”, avec d’un côté les soins palliatifs, de l’autre l’aide active à mourir? L’idée, confirmée par le Premier ministre, passe très mal à l’Assemblée nationale, où 240 députés issus de 9 groupes politiques craignent d’être “dupés” et veulent éviter tout “abandon”.”La scission des deux textes est un véritable risque de diversion pour masquer une volonté d’abandon. Et ça, nous n’en voulons pas”, a martelé mardi lors d’un point presse le député (MoDem) Olivier Falorni, auteur d’une proposition de loi sur le sujet déposée en septembre à l’Assemblée et co-signée à ce jour par 239 de ses collègues. “Nous ne sommes pas des députés qui sommes prêts à être dupés. Nous ne voulons pas de stratégie dilatoire pour reporter aux calendes grecques un texte qui est attendu par 240 députés et par des millions de Français”, a insisté M. Falorni, qui s’exprimait au côté de neuf de ses pairs, issus chacun d’un groupe politique différent – seuls le RN et l’UDR, le petit parti d’Eric Ciotti, n’étaient pas représentés.Le texte de M. Falorni est un copié-collé de celui issu des débats parlementaires du printemps, brutalement interrompus par la dissolution du 9 juin. Le projet devait favoriser le développement des soins palliatifs et légaliser le suicide assisté – et, dans certains cas, l’euthanasie – avec de strictes conditions et sans employer ces termes, préférant parler d'”aide active à mourir”.Le Premier ministre François Bayrou a confirmé lundi soir vouloir scinder ce projet, pour distinguer les “deux sujets”, afin que chacun puisse éventuellement voter “différemment” sur l’un et sur l’autre. “On touche là à quelque chose qui tient (…) à la vie et au sens de la vie”, a développé M. Bayrou, catholique pratiquant mais qui s’est toujours positionné pour la séparation stricte du politique et du religieux.- La “gifle” de Charles Biétry -Sur ce point, M. Falorni lui a rétorqué qu’un “homme d’Etat” devait “surtout tenir compte des besoins de ses concitoyens et ne pas imposer ses propres convictions”.”François Bayrou a ses convictions. Nous les respectons. En revanche, nous n’acceptons pas que nous soyons privés de ce débat”, a-t-il insisté.Le sujet a fait réagir jusqu’à la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, qui a vu dans le projet de scission une “erreur”, et a appelé à ne pas “tergiverser”. “Il ne faut pas distinguer” les deux questions car “c’est bien souvent les mêmes personnes” qui sont confrontées à la nécessité de soins palliatifs, d’une part, et au désir d’une éventuelle aide à mourir, a insisté Mme Braun-Pivet, qui fait partie des co-signataires de la proposition de loi.”C’est bien parce qu’il y a cet équilibre dans un même texte que je (le) voterai”, a souligné pour sa part la députée macroniste Brigitte Liso, présente au côté de M. Falorni. Lors du point presse, les intervenants ont pris soin de souligner qu’ils ne s’exprimaient pas au nom de leur groupe politique, et que sur ce sujet sensible, chaque groupe laisserait à ses membres sa liberté de vote.De fait, le sujet n’est pas consensuel, et les clivages transcendent presque tous les groupes. Chez les Républicains, la députée Frédérique Meunier est la seule à avoir signé la proposition de loi. Au groupe Horizons, si le président du groupe Paul Christophe a critiqué mardi la position de Matignon, le député et ancien ministre Frédéric Valletoux avait déclaré la semaine dernière au Figaro que “tout le monde se sentira plus à l’aise avec une scission du texte initial”.Pour avancer, ce sujet a besoin d’un “sursaut (des) gouvernants”, a estimé dimanche sur TF1 l’ancien journaliste Charles Biétry, condamné par la maladie de Charcot, et qui n’exclut pas d’aller “se suicider en Suisse”. “Quelle claque pour la classe politique!”, a commenté M. Falorni à propos de ce témoignage. “Cette gifle (doit être) reçue par tous”, a-t-il espéré.