Les dirigeants de Credit Suisse sont responsables du naufrage de la banque mais le gendarme suisse des marchés financier s’est montré “inefficace” pour empêcher la débâcle qui a failli déclencher une crise financière mondiale en 2023. Ce sont deux des principales conclusions d’une commission d’enquête parlementaire, qui a publié vendredi un rapport très attendu dans lequel elle évalue la façon dont les autorités suisses ont géré le sauvetage de l’ex-deuxième banque du pays alpin, rachetée dans l’urgence par sa concurrente UBS en 2023 pour éviter sa faillite. Dans ce document de 500 pages, la commission explique n’avoir trouvé “aucun comportement fautif” de la part des autorités suisses, qui ont même permis “d’éviter une crise financière internationale”. Elle a néanmoins émis de sévères critiques, en particulier à l’égard de la Finma, l’autorité de surveillance du secteur bancaire. La commission “a pu constater des manquements et proposer des améliorations”, a déclaré sa présidente, la sénatrice Isabelle Chassot, à l’AFP en marge d’une conférence de presse à Berne. Mais “c’est la banque elle-même et ses responsables qui portent la responsabilité de la chute du Credit Suisse”, a-t-elle souligné. Selon le rapport, le conseil d’administration et les dirigeants sont les “responsables de la perte de confiance” dans cette banque qui avait accumulé les scandales et dû “débourser environ 15 milliards de francs pour des amendes, des règlements ou des indemnités” entre 2010 et 2022.- Réticences de la banque -Le rapport a mis en cause “de vastes allègements de fonds propres” accordés en 2017 par la Finma, sans lesquels la banque aurait “déjà eu de la peine à satisfaire aux exigences réglementaires” quatre ans plus tard, en 2021, et “en aurait été absolument incapable dès 2022”.Mais la commission, qui recommande de renforcer les pouvoirs de l’autorité de surveillance, souligne que la Finma avait également lancé de nombreuses procédures, avertissements et émis des critiques concernant les rémunérations des cadres dirigeants durant les années précédant la crise.Elle s’est toutefois “heurtée aux réticences de la banque, et c’est une façon polie de le dire”, a déclaré le député Roger Nordmann, un des quatorze membres de la commission, lors de la conférence de presse au Parlement.Cette commission, qui a auditionné 79 personnes et analysé plus de 30.000 pages de documents durant ses près de 18 mois d’enquête, a aussi fustigé la mise en œuvre “hésitante” des règles applicables aux banques considérées comme trop grosses pour faire faillite. Si la Suisse était en avance par rapport à d’autres pays jusqu’en 2015, la tendance s’est ensuite infléchie pour “préserver la compétitivité des grandes banques suisses”, note le rapport, qui regrette que le gouvernement ait fait des “concessions” qui ont permis aux grandes banques d’obtenir de délais dans la mise en oeuvre des nouvelles normes internationales pour les banques dites d’importance systémique.- Travaux dès 2022 -Les autorités suisses avaient par précaution amorcé des travaux dès octobre 2022 lorsque la situation de la banque s’est dégradée. Mais elles ont été prises par surprise lorsqu’un mouvement de panique s’est emparé des marchés en mars 2023 après la mise en faillite de trois banques américaines. “À ce moment-là, elles n’avaient pas encore terminé leurs analyses des différents scénarios”, retrace le rapport qui note que ces travaux ont permis de réagir rapidement. Le document déplore cependant des écueils dans la communication entre les autorités durant ces préparatifs. La commission a formulé 20 recommandations, estimant qu’il faut “impérativement” tirer les leçons de cette crise, non seulement parce que l’Etat avait déjà dû venir en aide à UBS lors de la crise financière de 2008 mais aussi parce que la Suisse “ne compte désormais plus qu’une seule banque d’importance systémique mondiale”. Elle suggère de donner à la Finma le pourvoir d’infliger des amendes. Dans un communiqué séparé, la Finma dit pouvoir “comprendre les critiques” mais salue aussi les recommandations concernant les “compétences supplémentaires”. Le Conseil fédéral (gouvernement) considère de son côté que ces travaux “confirment en grande partie le bien-fondé des mesures” qu’il avait proposé en avril pour renforcer le droit bancaire. De son côté, UBS juge que “ce rapport confirme que l’effondrement de Credit Suisse a été entraîné par des années d’erreurs stratégiques”. Mais le géant bancaire demande un ajustement “ciblé” des règles, pour préserver la compétitivité de la place financière suisse.
Fri, 20 Dec 2024 16:34:55 GMT