Craignant pour leur survie, les agriculteurs sortent à nouveau de leur ferme

“Demain nous voulons encore exister”: emmenés par les syndicats majoritaires, les agriculteurs ont manifesté lundi un peu partout en France, une mobilisation présentée comme le prélude d’un nouveau cycle de mobilisations dirigées notamment contre un accord de libre-échange avec le Mercosur.Moins d’un an après une mobilisation historique, qui avait abouti en janvier à des blocages de sections d’autoroutes dans le pays, les syndicats agricoles estiment que le compte n’y est pas. Ils ont à nouveau appelé leurs troupes à manifester mais en ordre dispersé, à l’approche des élections professionnelles qui se tiendront en janvier. Ce scrutin à distance, auquel moins d’un agriculteur sur deux a participé en 2019, détermine la gouvernance des chambres d’agriculture et le financement public dévolu aux syndicats.Lundi, l’alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) a annoncé “85 points de manifestation” à travers le pays, mais sans aucun blocage autoroutier. Dans la soirée, des “feux de la colère” devaient être allumés.Toute la journée, ces organisations ont multiplié les symboles.Elles ont planté des croix dans le Var pour évoquer le péril selon eux mortel que court l’agriculture française. Elles ont bloqué le pont de l’Europe qui relie Strasbourg à l’Allemagne pour lancer un message à la Commission européenne, qui semble déterminée à conclure rapidement un accord de libre-échange avec des pays latino-américains du Mercosur.Négocié depuis plus de 20 ans, ce traité prévoit notamment des quotas d’importation de viande bovine avec des droits de douane réduits ou nuls.- “Des petites miettes” -Sur le pont de l’Europe d’Orléans, un barrage filtrant a provoqué quelques embouteillages. Des tracts, des pommes et du sucre ont été distribués aux automobilistes, a constaté l’AFP. “C’est une action symbolique, le but n’est pas de pénaliser les Français mais de les inciter à consommer local et les sensibiliser sur nos revendications”, a expliqué Damien Sagot, des JA du Loiret.”Demain nous voulons encore exister”, pouvait-on lire sur une pancarte accroché à l’avant d’un tracteur, dans le Bas-Rhin.Pour l’éleveuse de bovins Ghislaine Fourcade, les manifestations de l’hiver dernier n’ont apporté que “des petites miettes”. “Les gens ont toujours des problèmes de trésorerie, on n’a aucune simplification administrative, on a toujours des problèmes sanitaires, et nous on demande un accompagnement profond du gouvernement”, a-t-elle déclaré à l’AFP lors d’une manifestation à Auch.La FNSEA se présente comme un syndicat “responsable”, soucieux de ne “pas ennuyer les Français”, cherchant ainsi à se démarquer de la Coordination rurale (CR, 2e syndicat agricole), coutumière des actions coup de poing et qui a beaucoup gagné en visibilité l’hiver dernier. La Coordination rurale attend la tenue de son congrès (mardi et mercredi) pour amplifier sa mobilisation. Elle promet “une révolte agricole” avec un “blocage du fret alimentaire” dès mercredi dans le Sud-Ouest si “aucune avancée” n’est constatée sur le dossier du Mercosur.La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, a de son côté déposé lundi des panneaux solaires devant la chambre d’agriculture de Corrèze pour dénoncer le grignotage des terres par des projets énergétiques.Fragilisés par la pire moisson de blé en 40 ans et des maladies animales émergentes, les agriculteurs estiment n’avoir pas récolté les fruits de la colère de l’hiver dernier: la concrétisation des 70 engagements alors pris par le gouvernement Attal a été ralentie par la dissolution de l’Assemblée nationale.Les manifestations étaient à l’époque dirigées contre la hausse du prix du carburant agricole (GNR) ou le Pacte vert européen. Cette fois-ci, c’est l’aboutissement attendu du projet d’accord de libre-échange avec des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui enflamme les campagnes.”Nous allons continuer de nous opposer” à l’accord, a assuré dimanche le président de la République Emmanuel Macron, en déplacement en Argentine avant le sommet du G20, cherchant à “rassurer les agriculteurs”.La France explique depuis des semaines “chercher des alliés” dans l’UE pour repousser une signature. Lundi, le ministre italien de l’Agriculture Francesco Lollobrigida a fait savoir qu’il considérait que le traité avec le Mercosur n’était, “sous sa forme actuelle, “pas acceptable”.