La Birmanie, la Thaïlande et la Chine ont débuté jeudi une opération d’envergure visant à rapatrier des centaines de Chinois exploités dans des centres d’arnaques en ligne sur le territoire birman.Ces centres criminels se sont multipliés en Birmanie, notamment près de la frontière avec la Thaïlande. Ils fonctionnent souvent avec une main-d’oeuvre captive, notamment des Chinois, contraints d’escroquer leurs compatriotes.Un premier groupe de dizaines de travailleurs avait embarqué jeudi matin dans un avion à l’aéroport de Mae Sot (nord-ouest de la Thaïlande), d’où il a décollé vers 11H30 (04H30 GMT). L’appareil est arrivé à Nankin (est de la Chine) dans l’après-midi, a indiqué la télévision étatique chinoise CCTV. “Dans les prochains jours, plus de 800 ressortissants chinois suspectés de fraude devraient être reconduits en Chine”, a-t-elle précisé.Ces personnes étaient passées de la Birmanie à la Thaïlande jeudi matin, sous haute sécurité. Le rapatriement de toutes les personnes concernées pourrait prendre des semaines. Aucun détail n’a été donné sur ce qui les attend en Chine. Interrogé jeudi, Pékin a renvoyé la presse vers les “autorités compétentes”.”La lutte contre les jeux d’argent en ligne et les fraudes par téléphone ou en ligne est une manifestation concrète de la mise en oeuvre d’une philosophie de développement centrée sur l’humain”, a déclaré Guo Jiakun, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.”C’est un choix crucial afin de sauvegarder les intérêts communs des pays de la région”, a-t-il ajouté lors d’un point presse régulier. – “Esprit humanitaire” -La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra a indiqué mercredi que près de 7.000 personnes attendaient d’être libérées, tandis qu’un représentant des Forces des gardes-frontières (BGF) de l’Etat Karen, une milice ethnique active côté birman, a fixé ce chiffre à 10.000.Les victimes sont principalement chinoises: employées de force dans les centres de cyberfraude, ou ciblées par les escrocs via des jeux de casino en ligne ou des montages impliquant les cryptomonnaies.Ces derniers mois, Pékin avait accru la pression sur la junte birmane, dont elle est l’un des principaux fournisseurs d’armes, pour mettre fin à ces activités.”200 ressortissants chinois impliqués dans des affaires de jeux d’argent en ligne, de fraude aux télécommunications et d’autres délits ont été remis conformément aux procédures légales par la Thaïlande ce matin, dans un esprit humanitaire et d’amitié entre les pays”, a indiqué la junte dans un communiqué.La ville de Mae Sot, d’où ont décollé jeudi les ressortissants chinois, ne se trouve qu’à une dizaine de kilomètres de Shwe Kokko, ville birmane qui a bâti sa prospérité grâce des trafics variés, dans une impunité quasi-totale.Des complexes géants de cyberfraude pullulent dans certaines régions birmanes frontalières, à la faveur de la guerre civile qui ravage le pays depuis le coup d’Etat de 2021. Ces escroqueries rapportent des milliards de dollars par an, selon des experts.- Violences -Ces centres emploieraient au moins 120.000 petites mains en Birmanie, selon un rapport des Nations unies publié en 2023.Nombre de victimes ont été soumises à la torture, la détention arbitraire, la violence sexuelle ou encore le travail forcé, d’après le texte.De nombreux travailleurs disent avoir été attirés ou trompés par des promesses d’emplois bien rémunérés avant d’être retenus captifs.Début février, une autre milice birmane a rendu aux autorités thaïlandaises 260 victimes présumées, originaires d’une dizaine de pays, dont les Philippines, l’Éthiopie et le Brésil.Beaucoup portaient des traces de violences, notamment une femme qui présentait d’énormes bleus et qui a déclaré avoir été électrocutée, ont constaté des journalistes de l’AFP qui ont pu les rencontrer.La Thaïlande a coupé début février l’approvisionnement en électricité de plusieurs régions birmanes frontalières, dont Shwe Kokko, dans une tentative de freiner l’essor des activités illégales.Le royaume veut donner des gages de sécurité aux visiteurs chinois, cruciaux pour son secteur touristique. Les craintes des Chinois ont redoublé après l’affaire de l’enlèvement à Bangkok d’un acteur chinois, amené de force dans un centre de cyberfraude en Birmanie, avant d’être libéré, début janvier.
Thu, 20 Feb 2025 10:12:03 GMT
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