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Afrique du Sud: à quoi sert la loi sur l’expropriation critiquée par Trump

La nouvelle loi sur l’expropriation promulguée en Afrique du Sud par le président Cyril Ramaphosa le mois dernier a provoqué les critiques du président américain Donald Trump et ravivé des tensions sur les questions d’inégalité raciale et de propriété foncière. Voici des élements de son contenu et du débat qu’elle suscite.. Pourquoi cette nouvelle loi ?Cette loi du 23 janvier remplace un texte datant de 1975, sous le régime de ségrégation raciale d’apartheid, pour se conformer à la Constitution post-apartheid. Elle permet à l’Etat de préempter des terrains privés par mesure d’intérêt général.Un passage autorisant dans certains cas un transfert de propriété “sans compensation” alarme une partie de la population, dont des fermiers blancs qui sont de grands propriétaires terriens.”Ce n’est pas une disposition générale de non-compensation”, précise cependant à l’AFP Zsa-Zsa Temmers Boggenpoel, professeure de droit à l’université de Stellenbosch.Celle-ci limite les cas d’éventuelles expropriations “sans compensation” aux terres non productives, abandonnées, délabrées ou lorsque la propriété est surendettée, détaille-t-elle.La loi permettrait aussi à l’État de saisir des bâtiments désaffectés du centre de Johannesburg, squattés ou exploités par des gangs.”Les propriétaires n’ont de facto payé aucune taxe, ni effectué le moindre entretien”, observe à l’AFP Ben Cousins, chercheur à l’Institut d’études sur la pauvreté, la terre et l’agriculture à l’Université du Cap occidental. “Dans ces circonstances, la compensation pourrait être nulle ou proche de zéro”, dit-il.D’autres experts craignent que cette disposition ne soit détournée. “Le gouvernement doit payer une compensation juste et équitable aux propriétaires fonciers expropriés”, juge Chris Patterson, chercheur à l’Institut des relations raciales. Or, selon lui, la loi n’est pas claire sur ce point.”Le gouvernement a souvent reconnu certains pratiques inefficaces et corrompues… donc le flou de cette loi donnera de fait au gouvernement une possibilité d’abus”, décrit-il à l’AFP. . Pourquoi cette réforme ?Le Natives Land Act voté en 1913 en Afrique du Sud, alors dominion de l’Empire britannique, empêchait les Noirs d’acheter ou d’occuper des terres. Des familles ont été déplacées de force. Son héritage est que les Blancs — constituant environ 7% de la population — possédent et mettent en valeur encore la majorité des terres agricoles : 72% en 2017 selon des chiffres du gouvernement.Plus de trente ans après les premières élections libres de 1994, la réforme agraire reste un sujet pressant, selon Mme Temmers Boggenpoel: “Inégalité foncière et pauvreté sont liées, et le changement attendu dans le schéma foncier en trente ans n’a pas eu lieu”, dit-elle.. Qui s’inquiète de quoi ?L’Alliance démocratique (DA, centre-droit), deuxième parti sud-africain et membre du gouvernement d’unité nationale, soutient que la “compensation nulle” pourrait être contraire à la Constitution.Tout en reconnaissant qu’il n’est “pas vrai que cette loi autorise la saisie arbitraire de terres” car le texte “exige une juste compensation”.Son leader John Steenhuisen redoute qu’elle ne “cause également d’énormes problèmes” tant pour l’emploi que pour les investisseurs et a promis de porter la question devant les tribunaux.L’organisation Afriforum, destinée à “protéger et promouvoir l’identité Afrikaner”, descendants des premiers colons européens, est la plus virulente. Comptant dans ses rangs de nombreux fermiers blancs, l’organisation aux 300.000 membres revendiqués affirme que la loi pourrait ouvrir la voie à des saisies de terres comme au Zimbabwe. Afriforum demande un amendement en urgence pour “garantir la protection des droits de propriété”.C’est dans ce contexte que Donald Trump est intervenu ce week-end, affirmant que l’Afrique du Sud autorise des “confiscations” de terres et menaçant de couper les financements américains.. Pourquoi la référence au Zimbabwe ? -Plus de 4.000 des 4.500 fermiers blancs du Zimbabwe ont été dépossédés de leurs terres après un plan de redistribution lancé en 1997 par l’ancien président Robert Mugabe, qui considérait que les colons britanniques s’en étaient emparés 100 ans plus tôt. La production agricole s’est effondrée.”Pour simplifier, il a mis de côté les lois sur la propriété et dit +vous pouvez reprendre les terres+,” résume Ben Cousins, qui a vécu en exil au Zimbabwe avant la chute de l’apartheid.La loi sud-africaine est cependant différente, selon lui, d’abord parce qu’elle s’inscrit dans un véritable cadre juridique et constitutionnel, et parce qu’elle prévoit une estimation juste et équitable des terres ainsi qu’une réparation judiciaire, a-t-il déclaré.”Si la situation évolue ici et vu les problèmes sociaux majeurs qui nous attendent, il n’est pas inconcevable que l’occupation et la confiscation des terres puissent avoir lieu à l’avenir”, avertit ce spécialiste des questions agraires.

Le Panama se retire du projet chinois d’infrastructures des “Nouvelles routes de la soie”

Le président panaméen José Raul Mulino a annoncé jeudi le retrait du Panama du projet d’infrastructures chinois des “Nouvelles routes de la soie”, quelques jours après la visite du Secrétaire d’Etat américain pour contrer l’influence de Pékin sur le canal interocéanique.M. Mulino, qui avait déjà indiqué qu’il ne renouvellerait pas le mémorandum d’accord avec la Chine, a assuré jeudi lors d’une conférence de presse que l’ambassade du Panama à Pékin “a présenté le document” pour “annoncer la sortie (de l’accord) avec 90 jours d’anticipation” tel qu’il était convenu entre les parties.Le projet des Nouvelles routes de la Soie, axe central de la stratégie chinoise pour accroître son influence à l’étranger, vise à sécuriser les approvisionnements de la Chine, tout en réalisant des investissements massifs dans des pays en développement. Plus d’une centaine de pays ont adhéré à l’accord, qui selon ses détracteurs enferme les pays hôtes dans la dette et favorise les entreprises chinoises au détriment des économies locales.Après sa rencontre avec M. Rubio dimanche, le président Mulino avait annoncé attendre l’expiration de l’accord signé par le Panama en 2017 par l’ancien président Juan Carlos Varela (2014-2019).L’accord se renouvelle automatiquement tous les trois ans (la prochaine fois en 2026) et stipule qu’il “peut être résilié par l’une des parties” par une notification trois mois à l’avance.”Je ne sais pas ce qui a motivé à l’époque celui qui a signé cela avec la Chine”, a ajouté Mulino. “Qu’est-ce que cela a apporté pour le Panama au cours de toutes ces années ? Quelles sont les grandes choses ?”, s’est-il interrogé d’un ton dubitatif.Lundi, M. Rubio avait qualifié la décision du Panama de ne pas renouveler le mémorandum d’accord avec la Chine de “grand pas” pour renforcer les relations avec Washington.

Trump inquiète la Banque d’Angleterre, qui assombrit ses prévisions de croissance

La Banque d’Angleterre (BoE) a sans surprise abaissé jeudi son taux directeur à 4,5%, mais aussi revu fortement à la baisse ses prévisions de croissance, face à une économie britannique déjà à la peine et menacée par les droits de douane américains.”Nous surveillons de très près l’économie britannique et les développements dans le monde et adopterons une approche graduelle et prudente vers de nouvelles réductions de taux”, a indiqué Andrew Bailey, le gouverneur de la BoE dans une déclaration jointe au rapport de politique monétaire.Les économistes s’attendaient à cette décision, destinée à soutenir l’activité et qui signe la troisième baisse d’un quart de point en l’espace de six mois, après celles d’août et de novembre.L’institution monétaire a divisé par deux sa prévision de croissance au Royaume-Uni en 2025 à 0,75%, contre 1,5% auparavant, inquiète des incertitudes sur l’économique mondiale, notamment avec les menaces de droits de douane de Donald Trump, mais aussi d’une baisse de la confiance des entreprises britanniques.Si la révision est moins sévère pour 2024 -à 0,75% contre 1% auparavant- elle tranche avec l’opinion du FMI, qui avait amélioré mi-janvier sa prévision de croissance pour le pays cette année, à 1,6%.- Incertitude commerciale -La BoE souligne que “l’incertitude sur la politique commerciale dans le monde a augmenté de façon significative depuis l’élection présidentielle américaine”, alors que Donald Trump a lancé les hostilités avec la Chine.Le Royaume-Uni n’est pour l’instant pas directement visé par les menaces de droits de douane mais de telles hausses “auraient certainement un effet négatif sur l’activité britannique”, souligne l’institution; et en attendant davantage de clarté, les entreprises pourraient “retarder leurs décisions concernant leurs investissements et leurs embauches”.Par ailleurs, une hausse des taxes américaines sur les exportations de l’Union européenne (UE), qui affaiblirait “la croissance du continent européen mais aussi de l’Irlande”, pourrait pénaliser par ricochet l’économie britannique, estiment les analystes de BNY.La baisse de taux de la BoE s’inscrit dans le contexte d’un ralentissement de l’inflation en décembre au Royaume-Uni, à 2,5% sur un an, après un rebond en octobre et novembre dernier.Deux membres de son comité monétaire sur neuf auraient même voulu, jeudi, réduire davantage le taux directeur.La banque centrale britannique, qui loue des “progrès substantiels sur l’inflation”, largement redescendue de son pic d’environ 11% fin 2022, prévoit cependant que celle-ci remonte cette année, poussée par la hausse des prix de l’énergie.- Chute de la livre -La BoE estime désormais pouvoir atteindre au dernier trimestre 2027 sa cible de 2% d’inflation, quelques mois plus tard que ce qu’elle avait annoncé dans son rapport de novembre.Les hausses massives de cotisations patronales et les emprunts exceptionnels annoncés fin octobre par la ministre des Finances Rachel Reeves présageaient déjà d’une accélération de la hausse des prix.Se disant “fervent partisan du programme de croissance de ce gouvernement”, M. Bailey a estimé jeudi en conférence de presse que “les politiques structurelles prennent du temps à se concrétiser”, évoquant un horizon de deux ou trois ans.De son côté, Mme Reeves a salué “une bonne nouvelle” qui “atténue les pressions sur le coût de la vie ressenties” par les Britanniques “et permet aux entreprises d’emprunter plus facilement”.Mais elle a insisté sur la nécessité de “supprimer les barrières réglementaires inutiles” et d’investir dans “les routes, les voies ferrées et les infrastructures vitales” pour stimuler la croissance.Dans la foulée de l’annonce, vers 14H45 GMT (15H45 à Paris), la devise britannique perd 0,76%, à 1,2410 dollar pour une livre.La BoE “a montré des signes indiquant qu’elle pourrait réduire ses taux plus rapidement et plus fortement”, estime Paul Dales, analyste chez Capital Economics.Malgré les pressions de Donald Trump, qui souhaite réduire le coût de l’emprunt aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) fait de son côté face aux craintes d’un rebond de l’inflation outre-Atlantique en raison des droits de douane.La semaine dernière, elle a choisi de marquer une pause dans son cycle de baisses de taux.La Banque centrale européenne (BCE) prévoit pour sa part de continuer à abaisser ses taux, motivée par la faible croissance de la zone euro.

Sommet sur l’IA à Paris: coup d’envoi et premières annonces officielles

Devenir la figure de proue de l’intelligence artificielle (IA) en Europe: les ambitions françaises sont grandes pour le sommet mondial à Paris les 10 et 11 février, qui s’est ouvert jeudi avec l’annonce de 35 nouveaux sites “prêts” à accueillir des data centers.Le programme de l’événement, porté depuis des mois par le président Emmanuel Macron qui a convié Donald Trump et le propriétaire de X Elon Musk, s’étale sur six jours et devrait rassembler des milliers de participantsLe sommet, co-présidé avec l’Inde, a débuté jeudi à l’école d’ingénieur Polytechnique avec des tables rondes aux sujets pointus, tandis que la ministre française chargée de l’IA, Clara Chappaz, annonçait dans la matinée que 35 sites étaient “prêts à l’emploi” pour accueillir de nouveaux data centers sur le territoire français.Après avoir dîné mercredi avec une vingtaine de chercheurs renommés, le président Macron s’entretiendra jeudi avec le président des Émirats Arabes Unis, Mohamed Bin Zayed Al-Nahyan, a annoncé l’Élysée. Avec probablement de nouvelles annonces à la clé.Les rencontres se poursuivront samedi et dimanche avec deux journées consacrées à l’IA dans la culture, avant des échanges diplomatiques lundi et mardi ainsi qu’un “business day” mardi à Station F, l’incubateur de start-up fondé par le milliardaire français Xavier Niel, lui-même acteur de la tech. – La science en éclaireur -Plus d’une cinquantaine de chercheurs se retrouvent jeudi et vendredi au campus de Polytechnique, sur le plateau de Saclay (Essonne), autour du thème “IA, sciences et société”. Il y est question de recherche scientifique mais aussi de questionnements sur la confiance dans l’IA et les dangers potentiels de cette technologie qui suscite des inquiétudes. “Il est de notre devoir de nous assurer que les décideurs mondiaux disposent des connaissances et des questions qui émergent (du monde scientifique) pour élaborer les politiques et les stratégies qui définiront l’avenir de l’IA”, a déclaré Thierry Coulhon, président du directoire de l’Institut Polytechnique, devant un amphithéâtre plein à craquer.”Je ne pense pas qu’il y ait déjà eu un moment dans l’histoire où une nouvelle technologie a déclenché autant d’engouement et d’hystérie”, a complété Michael Jordan, professeur à l’université de Californie à Berkeley.En parallèle, trois prix Nobel, Maria Ressa (journaliste et Nobel de la Paix), Joseph Stiglitz (économie) et Geoffrey Hinton (physique), intervenu à distance, se retrouvaient pour une conférence organisée par l’Association internationale pour une IA sûre et éthique, créée en 2024.Alors que la participation d’une centaine de pays est annoncée, la liste des représentants politiques a commencé à se préciser: le vice-président américain J.D. Vance représentera les États-Unis, tandis que seront également présents le vice-Premier ministre chinois Zhang Guoqing, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ou le chancelier allemand Olaf Scholz.L’incertitude persiste sur la présence d’Elon Musk, et sur celle du fondateur de la start-up chinoise DeepSeek, Liang Wenfeng, avec lequel l’Elysée a indiqué être en “discussions”. – Nouveaux sites -Au premier jour de l’événement, Paris a déjà fait d’importantes annonces pour le secteur français de l’IA. Les nouveaux sites destinés à accueillir des centres de données pour l’intelligence artificielle, une technologie qui en est très consommatrice, occuperont quelque 1.200 hectares au total et leur localisation sera dévoilée en début de semaine prochaine.En parallèle, le ministre de l’Action publique et de la fonction publique Laurent Marcangeli a indiqué qu’un logiciel conversationnel similaire à ChatGPT serait bientôt mis à la disposition des 5,7 millions d’agents publics. La France, qui a déjà attiré les laboratoires de recherche en IA de plusieurs géants de la tech tels que Google, Meta ou OpenAI, espère ainsi réaffirmer le potentiel national dans le domaine. Face à l’irruption de DeepSeek, qui a stupéfié par sa capacité à égaler ses concurrents américains à un coût très inférieur, et la puissance de frappe des États-Unis, qui ont annoncé 500 milliards de dollars d’investissements pour développer des infrastructures dans l’IA, il s’agit pour le pays hôte de prouver avec ce sommet sa crédibilité sur la scène mondiale.mng-fff-dax-kf-are-tg/pel/dch   

La Banque d’Angleterre abaisse son taux et revoit fortement à la baisse la croissance britannique

La Banque d’Angleterre (BoE) a sans surprise abaissé jeudi son taux directeur à 4,5%, mais aussi revu fortement à la baisse ses prévisions de croissance, face à une économie britannique déjà à la peine et menacée par les droits de douane américains.”Nous surveillons de très près l’économie britannique et les développements dans le monde et adopterons une approche graduelle et prudente vers de nouvelles réductions de taux”, a indiqué Andrew Bailey, le gouverneur de la BoE.Cette baisse d’un quart de point, la troisième en l’espace de six mois, après une première en août et une seconde en novembre, “sera sans aucun doute une nouvelle bienvenue”, a-t-il estimé dans une déclaration jointe au rapport de politique monétaireLes économistes s’attendaient à cette décision, destinée à soutenir l’activité. Deux membres sur neuf de la BoE ont même été jusqu’à voter en faveur d’une coupe de plus large ampleur, d’un demi-point.L’institution monétaire a divisé par deux sa prévision de croissance au Royaume-Uni en 2025 à 0,75%, contre 1,5% auparavant, inquiète des incertitudes sur l’économique mondiale, notamment avec les menaces de droits de douane de Donald Trump, mais aussi d’une baisse de la confiance des entreprises britanniques.La révision est moins sévère pour 2024, à 0,75% contre 1% auparavant.- Incertitude commerciale -La BoE souligne que “l’incertitude sur la politique commerciale dans le monde a augmenté de façon significative depuis l’élection présidentielle américaine”.Le Royaume-Uni n’est pour l’instant pas directement visé par les menaces de droits de douane de Donald Trump, qui a en revanche lancé les hostilités avec la Chine, mais ce contexte “pourrait mener les entreprises à retarder leurs décisions concernant leurs investissements et leurs embauches”, “ce qui affecterait négativement l’activité économique” dans le monde, souligne l’institution.Par ailleurs, une hausse des taxes sur les exportations de l’Union européenne (UE), qui affaiblirait “la croissance du continent européen mais aussi de l’Irlande”, pourrait pénaliser l’économie britannique, estiment les analystes de BNY.La baisse de taux de la BoE s’inscrit dans le contexte d’un ralentissement de l’inflation en décembre au Royaume-Uni, à 2,5% sur un an, après un rebond en octobre et novembre dernier.La banque centrale britannique loue d’ailleurs des “progrès substantiels sur l’inflation ces deux dernières années”, largement redescendue de son pic à environ 11% fin 2022.Poussée par la montée des prix de l’énergie, l’inflation devrait cependant remonter cette année dans le pays.- Chute de la livre -La BoE estime désormais pouvoir atteindre au dernier trimestre 2027 sa cible de 2% d’inflation, quelques mois plus tard que ce qu’elle avait annoncé dans son rapport de novembre.Les hausses massives de cotisations patronales et les emprunts exceptionnels annoncés fin octobre par la ministre Rachel Reeves avaient déjà poussé la BoE à anticiper une accélération de la hausse des prix.Dans la foulée de l’annonce monétaire, la livre britannique a chuté. Vers 12H40 GMT (13H40 à Paris) elle perdait 1,04% face à la devise américaine, à 1,2375 dollar.Malgré les pressions de Donald Trump, qui souhaite réduire le coût de l’emprunt aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) fait de son côté face aux craintes d’un rebond de l’inflation outre-Atlantique en raison des droits de douane.La semaine dernière, elle a choisi de marquer une pause dans son cycle de baisses, en maintenant ses taux dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%.La Banque centrale européenne (BCE) prévoit pour sa part de continuer à abaisser ses taux, comme elle l’a de nouveau fait en janvier, motivée par la faiblesse de la croissance de la zone euro.

Au Nigeria, l’Eldorado du lithium dans le Far West minier

Abdullahi Ibrahim Danjija burine assidûment la roche blanchâtre avant de fourrer dans un sac les blocs qui se détachent des parois de la mine à ciel ouvert. En une journée de travail, il remplit trois sacs de 50 kg chacun, ce qui lui rapporte 150.000 nairas (100 dollars), soit deux fois le salaire mensuel minimum au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.Il y a trois ans, le mineur de 31 ans est descendu de Kano, au nord, attiré par les promesses de fortune liées au développement de l’industrie minière du lithium dans l’Etat de Nasarawa, dans le centre du pays.Là, comme dans d’autres Etats du Nigeria, la perspective de participer à l’explosion de la demande mondiale de lithium, l’un des minerais critiques utilisé dans la fabrication des batteries électriques et des téléphones portables, attise les convoitises.Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale de lithium sera multipliée par quarante d’ici 2040, une croissance impossible à assurer uniquement par les actuels principaux producteurs que sont l’Australie, la Chine et le Chili.- Mines artisanales -A Gidan Kwano, non loin de l’endroit où Abdullahi s’échine, un autre groupe de travailleurs refuse l’accès à leur mine à l’équipe de l’AFP. Ils sont plusieurs familles, femmes et enfants mis à contribution, à entailler le sous-sol avec des explosifs.Bien qu’ils soient fiers des résultats de leur site d’extraction, ils n’ont pas de permis minier officiel et évitent de communiquer sur leur mine dans les médias, craignant que d’autres ne cherchent à s’en emparer.Au Nigeria, les activités minières sont souvent illégales, au mieux artisanales. Même équipés d’un permis, les mineurs exploitent les sols sans respecter aucune règle de sécurité ou environnementale. Le long de la route principale de la bourgade de Nasarawa, les maisons vides servant d’entrepôts se succèdent. Là, mineurs et intermédiaires effectuent un premier tri et nettoient la roche afin de préparer des morceaux concentrés en lithium pour leurs clients.Matthew Danbala, l’un de ces vendeurs, martèle les cailloux un par un, accroupi au sol au milieu d’une dizaine d’enfants qui copient ses gestes.”Nous sommes très heureux depuis qu’il y a le lithium ici, les femmes, les enfants n’ont qu’à aller dans la brousse, creuser sans rien avoir à dépenser, et ils reviennent ensuite en ville vendre”, se félicite-t-il.Au bout de la chaîne de cette économie informelle, les acheteurs sont “presque exclusivement des Chinois”, selon un autre intermédiaire, Muhammed, 43 ans. Cet ancien promoteur immobilier vend du lithium “depuis cinq ans” et reconnaît que “cela a beaucoup développé la région” et “créé des emplois pour tout le monde”.- Entreprises chinoises -La Chine, premier raffineur et consommateur de lithium dans le monde, n’est que le second producteur et doit importer le minerai en quantité.Le gouvernement nigérian veut attirer les investissements étrangers en promouvant son “nouveau pétrole”.Régulièrement, il déclare la guerre aux mineurs illégaux et procède à des vagues d’arrestations, sans parvenir à interrompre le flux des candidats à la richesse.Le premier pays producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne veut imposer aux investisseurs étrangers qu’ils installent en contrepartie des usines de transformation, une clause qui aurait dissuadé d’investir le milliardaire Elon Musk, patron de la marque de voitures électriques Tesla, selon des médias nigérians.Un protocole d’accord a bien été signé fin 2024 entre Paris et Abuja pour mener des projets miniers, notamment concernant le lithium, mais pour l’heure les investissements étrangers se réduisent à des entreprises chinoises, comme Avatar et Ganfeng qui ont installé des usines locales où elles transforment la roche brute en oxyde de lithium avant de l’envoyer dans les usines chinoises.”Les Chinois lancent les excavatrices avant même d’avoir des informations sur les sols” au mépris “des considérations environnementales”, estime Uba Saidu Malami, Président de la Société géologique du Nigeria.”Dès qu’il s’agit de minerais, ils se comportent comme des cow-boys”, ajoute le géologue qui regrette “le manque de travail exploratoire” et de “données” disponibles sur les réserves nigérianes de lithium et en appelle “à une meilleure régulation du secteur”.- Conflits –Outre les risques environnementaux, l’exploitation artisanale du lithium au Nigeria est génératrice de conflits, selon l’analyste Charles Asiegbu.”Des communautés locales peuvent être en désaccord sur la localisation des ressources minières” ou elles peuvent “se sentir lésées par les entreprises étrangères et attaquer leurs salariés”, estime-t-il.Cela peut aussi donner lieu à “la création de groupes armés organisés qui prennent possession des ressources et les exploitent illégalement parce qu’il n’y a pas de présence gouvernementale dans ces zones”.A Gidan Kwano, Abdullahi Ibrahim Danjija continue de creuser, y compris pendant la saison des pluies où les risques d’éboulements sont fréquents et les accidents mortels fréquents. Juste à côté, des éleveurs peuls font paître leurs vaches et brûlent quelques champs afin de préparer la terre pour la prochaine récolte, sans prêter attention aux détonations régulières qui dynamitent la roche alentour. 

Renouvelables: dans la campagne anglaise couve la guerre des pylônes

C’est l’Angleterre rurale. Campé au bord d’un champ de blé d’hiver, John Stacey balaye l’horizon d’une main solide: “ils vont couper notre ferme en deux”. La future ligne de pylônes qui transportera l’électricité éolienne et solaire jusqu’à Londres lui reste en travers de la gorge.D’ici 2031, quatre immenses structures de métal seront plantées là, sur ses terres, encadrées par une route de service clôturée, à 150 mètres du corps de ferme. Le tracé passe au beau milieu de l’enclos des chevaux.Regard bleu perdu dans le lointain, où des haies bien taillées délimitent ses parcelles, le sexagénaire s’interroge. “Nous ne savons pas comment nous pourrons accéder à l’autre moitié de la ferme.”Le bourg de Witham, à soixante kilomètres au nord-est de Londres, se situe sur la route qui relie la capitale à plusieurs champs d’éoliennes de la mer du Nord, un projet de centrale nucléaire et de nouveaux parcs solaires.Tom McGarry, un responsable “infrastructures stratégiques” chez National Grid, entreprise propriétaire du réseau en Angleterre et au Pays de Galles, dit “comprendre les points de vue des gens” et assure que l’entreprise est ouverte au dialogue pour “limiter l’impact” des pylônes. Mais il insiste: le pays a besoin d’être “recâblé”.Le réseau a été construit pour “les centrales à charbon du Nord et des Midlands, qui sont aujourd’hui fermées” et “notre électricité provient désormais de sources différentes”, de plus en plus renouvelables, développe-t-il.- Ampleur inédite -Derrière lui, le poste de transformation de Bramford, hérissé de parafoudres et grand comme presque 20 terrains de football, déploie déjà ses alignements de pylônes dans trois directions, à perte de vue, dans un entêtant grésillement.Le site attire d’autres entreprises qui ont besoin d’être proche du réseau. Dans un ballet de camions, une nouvelle centrale solaire sort de terre. Plus loin, un hangar vert servira bientôt à connecter les éoliennes en mer.National Grid prévoit d’investir 35 milliards de livres (42 milliards d’euros) d’ici 2031 pour transformer le réseau électrique, un chantier d’une ampleur inédite depuis les années 1960.Les nouveaux lieux de production sont “beaucoup plus éloignés des lieux où vivent les gens ce qui nécessite la construction de nombreuses lignes de transmission”, explique Stephen Jarvis, chercheur à la London School of Economics (LSE).”De gros investissements sont nécessaires, pas seulement au Royaume-Uni, c’est un phénomène assez mondial”, selon ce spécialiste d’économie de l’environnement.S’ils reconnaissent que ces nouvelles connexions sont nécessaires, les groupes d’opposants qui essaiment partout dans le pays estiment que les alternatives n’ont pas été sérieusement étudiées: des câbles qui passeraient en mer et émergeraient plus proche de Londres ou, à défaut, des lignes enterrées.Les projets “sont menés à l’envers, sans consultation préalable des riverains”, peste Rosie Pearson, fondatrice d’un groupe d’action en Est-Anglie, cette région au nord-est de Londres.- “Bloqueurs” -Dans un petit café en périphérie du village d’Ardleigh, où le patron ne décolère pas à l’idée de voir sa terrasse en bord de vigne défigurée par un pylône de 50 mètres, Mme Pearson retrouve un groupe d’opposants. Les griefs vont de la biodiversité aux compensations “dérisoires” versées aux propriétaires.Sur une table en bois sont étalées des cartes grand-format, hyper-détaillées, des futures lignes électriques, à la façon d’un état-major révisant son plan de bataille.”C’est le début d’une longue guerre des pylônes”, affirme Mme Pearson, le regard perçant, déterminée à se battre en justice s’il le faut pour prouver que d’autres solutions sont viables et pas nécessairement plus chères.Mais le premier ministre travailliste Keir Starmer, arrivé au pouvoir en juillet, a juré de passer outre ceux qu’il voit comme des “bloqueurs” et de réformer des règles d’aménagement du territoire particulièrement contraignantes dans le pays.”Il faut améliorer nos infrastructures de façon économique”, or “enterrer les câbles revient plus cher” et ces coûts se répercutent, au final, sur les factures, tranche un porte-parole de l’exécutif auprès de l’AFP.Dans la ferme de Witham, une volée de mouettes décolle d’un champ, portée par une bourrasque, rappelant que la mer du Nord n’est qu’à une vingtaine de kilomètres. Fataliste, M. Stacey n’a “aucun espoir” que le gouvernement actuel changera ses plans.”J’avais l’intention de passer ma retraite ici et que la ferme reste dans la famille. Mais est-ce que je peux vivre avec des pylônes et le bruit qu’ils feront peut-être? Probablement pas.”

ArcelorMittal investit massivement aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe

Après avoir suspendu son projet d’acier décarboné à Dunkerque en France fin 2024, le géant de la sidérurgie ArcelorMittal a choisi les Etats-Unis pour investir près d’un milliard de dollars dans une nouvelle usine destinée à accompagner l’électrification du monde.Le groupe a officialisé jeudi un projet de construction d’un nouveau site de production à Calvert (Alabama), où il est déjà implanté, qui devrait entrer en production fin 2027 afin de “soutenir la production automobile et la mobilité” et “la production d’électricité renouvelable”.La nouvelle usine produira de l’acier “à grains non orientés (NOES)”, un type d’acier avec des propriétés magnétiques élevées, utilisé surtout dans les équipements électriques du type générateurs, transformateurs, alternateurs et les moteurs. On le trouve aussi dans les éoliennes.Cet investissement de 900 millions de dollars intervient tout juste deux mois après la mise sur pause d’un autre projet d’investissement massif d’ArcelorMittal sur la décarbonation de l’acier en France. Pour le projet français de 1,8 milliard d’euros, qui est donc retardé, le sidérurgiste doit mettre près d’un milliard d’euros sur la table, l’Etat s’étant engagé à verser à son côté une aide allant jusqu’à 850 millions d’euros.A Dunkerque, l’un des plus gros sites de production d’acier d’Europe occidentale avec ses hauts fourneaux emblématiques, le groupe prévoit de construire deux fours électriques et une unité de réduction directe du fer avec du gaz ou de l’hydrogène (sans charbon), étapes décisives pour produire l’acier décarboné.- “Insuffisants” -“Les investissements dans la décarbonation en Europe progressent à une vitesse plus lente que ce qui était prévu initialement”, a insisté ArcelorMittal dans un communiqué jeudi, publié à l’occasion de ses résultats annuels.Le sidérurgiste estime “insuffisants” les efforts de la Commission pour protéger l’acier décarboné sur le Vieux continent face à la concurrence à bas prix venue d’Asie, dans un contexte de surproduction mondiale d’acier, et de prix de l’énergie très élevés en Europe.Avant d’éventuellement débloquer les investissements en France, Aditya Mittal, le directeur général du groupe ArcelorMittal, demande à l’Europe un “soutien d’urgence” en 2025 afin de “créer un contexte politique qui incite les investissements nécessaires à l’accélération de la décarbonation en Europe”.Il souhaite des améliorations du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) destiné à protéger l’acier décarboné européen de la concurrence. Il espère aussi “une révision des clauses de sauvegarde” qui limitent les volumes d’importation.Un “plan acier” est attendu à Bruxelles fin mars.ArcelorMittal s’affirme néanmoins “totalement déterminé à la décarbonation” en Europe. Il a maintenu ses investissements en Espagne, notamment à Gijon où il construit un four à arc électrique pour recycler l’acier, et à Sestao où les volumes d’acier recyclé, moins émetteur de CO2, augmentent.”Les perspectives à long terme pour la sidérurgie sont positives et notre présence mondiale nous permet de donner la priorité aux investissements sur les marchés les plus propices à la croissance”, ajoute M. Mittal qui vise “le Brésil, l’Inde et les Etats-Unis”.

Alors que la page budgétaire se tourne, le droit du sol à Mayotte agite l’Assemblée

Le budget de l’Etat à peine adopté, le gouvernement est décidé à embrayer sur des mesures “d’ordre et d’autorité”, des thématiques qu’il défend dès jeudi avec l’examen à l’Assemblée d’un texte visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte.La proposition de loi, portée par la droite et soutenue par l’exécutif, est aussi l’occasion pour la gauche d’afficher une certaine unité, après de fortes divergences stratégiques sur les textes budgétaires.Censuré par La France insoumise mais négocié avec le Parti socialiste, le budget de l’Etat a été définitivement adopté jeudi au Parlement avec un dernier vote au Sénat.Au même moment, l’initiative des Républicains (LR) sur Mayotte, examinée à l’Assemblée lors de la journée réservée aux textes de ce groupe, était combattue par les députés socialistes et LFI, pour qui le sujet touche aux “principes républicains”.De l’autre côté de l’hémicycle, le Rassemblement national critique une mesure “trop molle, trop tiède” face à l’immigration en provenance des Comores voisines.”Nous allons certes voter cette loi”, mais “c’est un signal pas suffisant”, a jugé Marine Le Pen. Il faut “faire cesser cet appel d’air de l’immigration clandestine”, a-t-elle ajouté.Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte des Républicains propose d’élargir les restrictions à l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés sur l’archipel: les “deux parents” (et non plus un) devront avoir été présents de façon régulière sur le territoire français depuis un an (et non plus trois mois) au moment de la naissance.”Vous allez adopter une mesure qui est indécente et qui ne respecte pas les valeurs de la France”, a fustigé l’écologiste Dominique Voynet, qui a dirigé l’Agence régionale de santé de Mayotte de 2019 à 2021. “Vous faites de l’idéologie, faute d’être capable d’être efficace sur le terrain”, a-t-elle accusé.La proposition de loi avait été élaborée avant le passage du dévastateur cyclone Chido sur l’archipel. Mais celui-ci a ravivé les débats sur l’immigration dans le département de l’océan Indien.Une loi d’urgence sur la reconstruction à Mayotte doit être définitivement adoptée au Parlement rapidement, et une autre loi plus ambitieuse est prévue au printemps.- “Brèche” -Le texte porté par LR est “bienvenu” et “très intelligent”, selon le député macroniste Mathieu Lefèvre, car il ne nécessite pas de modification constitutionnelle, contrairement à une suppression totale du droit du sol.Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui représente le gouvernement lors des débats, a rappelé être favorable à son abolition, à l’avenir, pour l’archipel, rappelant que le droit du sol n’a été instauré qu’en 1993 à Mayotte. Abolition aussi demandée par le RN, qui avait déposé un amendement – rejeté – en ce sens. Le parti de Marine Le Pen a réaffirmé vouloir la suppression du droit du sol en métropole.Ce texte ouvre “une brèche”, a dénoncé la députée PS Colette Capdevielle. “Après Mayotte, ce sera la Guyane, puis Saint-Martin, puis un beau jour, l’ensemble du territoire français”, a abondé Aurélien Taché pour LFI. La députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe centriste Liot) a, elle, souligné souhaiter effectivement l’abrogation du droit du sol, “mais uniquement pour Mayotte”.- Temps compté -Les Insoumis ont déposé plusieurs dizaines d’amendements, dont certains visant ostensiblement à faire perdre du temps lors des débats. Or une “niche” parlementaire réservée à un groupe s’achève obligatoirement à minuit.”Je ne sais pas si ce sera suffisant pour empêcher le vote de se tenir. Mais si le vote ne se tenait pas, ce serait vraiment une victoire”, avait déclaré mardi à l’AFP le député LFI Ugo Bernalicis.L’adoption du texte dépendra aussi de la mobilisation sur les bancs des différents groupe, avec en début de matinée des rangs relativement clairsemés du côté d’Ensemble pour la République, le principal groupe macroniste.Quoiqu’il advienne, le temps passé sur Mayotte sera autant de moins consacré aux autres propositions prévues par LR pour la journée: notamment un texte visant à “prioriser les travailleurs” dans l’attribution de logements sociaux, suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs délinquants, ou un autre visant à plafonner le cumul du RSA et des Aides personnalisées au logement (APL) à 70% du SMIC. Un programme taxé de “copie conforme des textes du Rassemblement national” par le député PS Arthur Delaporte. 

S’habiller en “made in Senegal”, nouvelle tendance à Dakar

“Oh c’est magnifique!”, s’exclame Fatima Ba, designer en vogue de tenues “made in Senegal”, pendant qu’une cliente essaie l’un de ses vêtements, dans sa spacieuse boutique du centre de Dakar. Le modèle est une élégante robe ample à col V profond et manches trois quarts, cousue avec du tissu en soie couleur ocre et orné de motifs dorés. La jeune Sénégalaise, fondatrice de la marque “So Fatoo”, à l’instar de jeunes entrepreneurs, a réussi à imposer dans le pays et au-delà sa ligne de vêtements faits localement, malgré une industrie textile sénégalaise qui peine à sortir du marasme. Robes, tenues traditionnelles élégantes pour homme, chemises, polos, pulls, voiles… Les clients, issus généralement d’une classe moyenne supérieure, s’arrachent ses articles.”Il y a dix ans en arrière les gens ne portaient pas autant de tenues confectionnées localement”, assure avec fierté à l’AFP Fatima Ba.Elles “sont très tendance actuellement”, abonde Omar Niang, un couturier de 51 ans qui propose des boubous tradi-modernes exposés sur des mannequins, dans un marché de Dakar. Son chiffre d’affaires a augmenté de façon notable ces dernières années, indique-t-il.Les vêtements confectionnés au pays connaissent un succès grandissant depuis plusieurs années. La tendance s’est accrue depuis l’accession au pouvoir en mars 2024 du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, chantres d’un souverainisme économique et culturel. Grands boubous en bazin ornés de broderie ou boubous sur mesure en col Mao ou col rond dits costumes africains: les deux nouveaux hommes forts du Sénégal ne manquent jamais l’occasion de s’afficher à l’international comme à l’intérieur du pays en tenue faite localement.- Obstacles nombreux -Au bureau, dans la rue, lors de rencontres officielles, de nombreux Sénégalais optent plus qu’auparavant pour le style et les marques locales.Pourtant, les obstacles sont nombreux pour les fabricants: impôts lourds à supporter, forte concurrence de la friperie et des tissus importés de l’étranger, coûts de production élevés, manque de formation des acteurs, difficultés d’accès à un appui financier…L’industrie textile représente 11,3% des entreprises privées sénégalaises et occupe la deuxième place de l’activité économique du pays derrière le commerce, selon un rapport en 2017 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie au Sénégal (ANSD). Le secteur tient toutefois le plus faible rendement économique, avec seulement 1,2% dans le chiffre d’affaires global des entreprises, souligne le rapport.Autre écueil, les prix sont chers et la qualité pas toujours au rendez-vous, selon de nombreux Sénégalais qui préfèrent encore se tourner vers des produits étrangers.Chez “So Fatoo”, les prix varient ainsi entre 30.000 FCFA (45 euros) pour un pull et jusqu’à plus de 300.000 FCFA (457 euros) pour une robe de cérémonie, quand le salaire moyen est de 54.000 FCFA (82 euros) par mois.Les articles “s’adressent surtout à une classe sociale aisée”, reconnaît Fatima.S’il est facile de trouver son compte pour les tenues traditionnelles, le marché est encore balbutiant concernant la fabrication de vêtements jugés plus confortables comme les jeans, joggings, T-shirts… Tout cela s’explique par l’absence d’une industrie textile capable d’approvisionner suffisamment le marché en tissu, mais également à un problème de technicité et de standardisation de la chaîne de valeur, explique Fatima.Le Sénégal, important producteur de coton, était pourtant connu par le passé pour être un hub industriel du textile. Mais l’activité s’est totalement effondrée dans les années 80.Exerçant depuis 30 ans dans le textile, Aïssa Dione a récemment mis sur pied une unité de production mécanique de tissus, en plus d’un atelier artisanal.La manufacture est nichée dans un vaste espace de la banlieue dakaroise exposé à la poussière, jonché de carcasses de voitures et de détritus. En cette matinée, seules deux des quatre machines, de vieux modèles, tournent à plein régime, rembobinant des mètres de tissu.- Concurrence de la friperie -Mais les quelque 30 mètres fabriqués par jour ressemblent à un coup d’épée dans l’eau tant ils sont dérisoires, alors que le potentiel pour faire beaucoup mieux est à portée de main, regrette Aïssa Dione. “Le Sénégal produit un coton de très bonne qualité mais est incapable de transformer sa matière première. C’est paradoxal”, relève-t-elle. Or, l’industrialisation est la “seule solution pour obtenir notre souveraineté” en matière textile.Pour redynamiser le secteur, les nouvelles autorités ont relancé en juillet une ancienne usine de production de textile dans la région de Kaolack (centre). Elles ont récemment exprimé également leur volonté d’interdire à l’avenir l’importation de la friperie, un business qui fait travailler de nombreux Sénégalais.  L’annonce avait toutefois provoqué une levée de boucliers de la part des acteurs du secteur, alors que le Sénégal importe chaque année des milliers de tonnes de vêtements de seconde main, beaucoup moins chers.