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“Révolution” au Vietnam communiste: une réforme pour supprimer 20% des emplois publics

L’Assemblée nationale du Vietnam va examiner à partir de mercredi des réformes visant à supprimer 20% des emplois publics sur cinq ans, une “révolution” selon les autorités communistes qui veulent ainsi donner un coup de fouet à une économie déjà en plein essor.Dans le cadre de ce projet, le nombre de ministères et d’agences gouvernementales sera ramené de 30 à 22. La fonction publiques, les médias d’Etat, la police et l’armée subiront également des restructurations.Cette initiative n’est pas sans rappeler celle du président américain Donald Trump et d’Elon Musk, dont l’objectif est de couper tous azimuts dans les budgets fédéraux aux États-Unis, ou du président argentin Javier Milei qui a fait licencier plus de 33.000 fonctionnaires.Mais il s’agit cette fois du Vietnam communiste, dont le gouvernement dit vouloir supprimer un emploi sur cinq financé par les fonds publics au cours des cinq prochaines années. Quelque 100.000 fonctionnaires seront licenciés ou se verront proposer un départ anticipé à la retraite.Selon les autorités, les économies pourraient s’élever à 113.000 milliards de dongs, soit plus de 4,3 milliards d’euros, sur la période, malgré des coûts supérieurs -presque 5 milliards- pour les retraites et les indemnités de départ. – “Eliminer les tumeurs” -Si l’Assemblée nationale, contrôlée par le Parti communiste, doit donner son accord final lors d’une session qui débutera mercredi, la cure d’amaigrissement a déjà commencé.M. Thanh, qui utilise un pseudonyme pour protéger son identité, a expliqué à l’AFP que sa carrière de 12 ans en tant que producteur de télévision avait été interrompue de manière “violente” le mois dernier, lorsque la chaîne d’information contrôlée par l’Etat pour laquelle il travaillait a été fermée.Cinq chaînes de télévision publiques au total ont à ce jour rendu l’antenne.”C’est douloureux d’en parler”, confie cet homme de 42 ans, reconverti en chauffeur de taxi pour joindre les deux bouts. “Avant, j’étais fier de parler de mon travail aux gens (…) Maintenant, j’ai l’impression d’avoir perdu mon honneur.”S’appuyant sur une croissance économique de 7,1% en 2024, le Vietnam vise les 8% pour cette année.Mais l’inquiétude monte quant à la vulnérabilité potentielle du pays, très dépendant de ses exportations, aux droits de douane imposés par la nouvelle administration Trump. Les craintes concernent également sa bureaucratie pléthorique et une campagne anti-corruption très médiatisée qui a ralenti les transactions quotidiennes.Le secrétaire général du Parti communiste To Lam, entré en fonction à la suite du décès de son prédécesseur en juillet, est déterminé à ce que le Vietnam devienne un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2030 et fasse un bond dans les rangs des pays à revenu élevé à l’horizon 2045.En décembre, il a prévenu que les agences de l’Etat ne devaient pas devenir des “planques pour les fonctionnaires médiocres”.”Si nous voulons un corps sain, nous devons parfois prendre des médicaments amers et endurer la douleur pour éliminer les tumeurs”, a-t-il même métaphorisé.- Corruption -Pour Nguyen Khac Giang, chercheur à l’institut ISEAS de Singapour, “l’ambition primordiale” du Parti communiste, accélérée depuis l’entrée en fonction de To Lam, “est de favoriser un système plus léger et plus réactif pour répondre aux défis économiques et de gouvernance modernes du Vietnam”.Dans les heures suivant la nomination du secrétaire général, le PCV avait annoncé avoir accepté la démission de quatre de ses membres pour “violation des règles” et afin de lutter “contre la corruption”.Mais dans un pays où le népotisme est un problème persistant — le Vietnam étant classé 83e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International –, la mise en oeuvre de la réforme de la fonction publique soulèvera de nombreux défis.Vu Quynh Huong, fonctionnaire de 51 ans, craint paradoxalement que les plus compétents, qui auront la possibilité de migrer vers le privé, soient ceux qui finissent par partir.”J’envisage de prendre une retraite anticipée, je peux travailler en tant que consultante indépendante ou pour mon entreprise familiale”, a-t-elle témoigné auprès de l’AFP.

Dirigeants politiques et monde de la tech réunis à Paris pour l’ouverture du sommet sur l’IA

Vice-président américain, vice-Premier ministre chinois, chancelier allemand… Des dirigeants politiques du monde entier et des patrons de la tech se retrouvent lundi et mardi à Paris lors d’un Sommet international sur l’intelligence artificielle (IA), une technologie qui a rapidement bouleversé de nombreux pans de la société et dont chaque pays tente de tirer avantage.Près de 1.500 participants sont attendus lundi matin au Grand Palais pour le coup d’envoi de cette troisième rencontre internationale sur le sujet, co-présidée avec l’Inde et en présence de son Premier ministre Narendra Modi.Des dirigeants de la tech comme Sam Altman d’OpenAI, créateur de ChatGPT, Sundar Pichai, directeur général de Google, et Dario Amodei, patron de la start-up américaine Anthropic, font également le déplacement.Ils échangeront lors de tables rondes aux noms évoquant aussi bien les opportunités que les dangers de cette technologie: “Cyberattaques et intégrité de l’information”, “IA et science”, “L’avenir du travail”.Les grands acteurs du secteur se pencheront aussi sur la question d’une gouvernance mondiale de l’IA visant à encadrer ses potentielles dérives, après son irruption auprès du grand public il y a deux ans avec ChatGPT. Sans en entraver le développement.- “Plus vite”, “plus fort” -Neuf pays, dont la France, des associations et des entreprises ont annoncé dès dimanche le lancement d’une initiative baptisée “Current AI” pour une “IA d’intérêt général” dotée d’un investissement initial de 400 millions de dollars et parrainée par 11 dirigeants de la tech.Ce projet doit développer l’accès à des bases de données privées et publiques dans des domaines comme la santé et l’éducation, promouvoir une IA plus transparente et sécurisée et mettre au point des systèmes pour évaluer l’impact social et environnemental de cette technologie. Face à l’irruption du robot conversationnel chinois DeepSeek, qui a stupéfié en janvier la Silicon Valley par sa capacité à égaler ses concurrents américains à un coût très inférieur, et la puissance de frappe des Etats-Unis avec les 500 milliards de dollars du projet “Stargate”, l’enjeu du sommet est aussi de montrer que “la France et l’Europe sont crédibles”, a martelé dimanche le président français Emmanuel Macron. “On veut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort”, a-t-il insisté, en dévoilant que 109 milliards d’euros allaient être investis par des entreprises privés dans l’IA en France dans les prochaines années.- Sommes conséquentes -Si le détail de ce montant doit être précisé pendant le sommet, il inclut plusieurs annonces faites ces derniers jours, dont un centre de données géant financé par les Emirats arabes unis faisant partie d’un campus IA à hauteur de “30 à 50 milliards d’euros”, ainsi que 20 milliards d’euros du fonds canadien Brookfield pour de nouveaux data centers dans l’Hexagone. Des sommes conséquentes qui illustrent bien l’importance que prennent ces gigantesques bâtiments qui stockent les données et fournissent les énormes capacités de calcul requises par l’IA.”Il y a vraiment besoin de beaucoup investir”, confirme à l’AFP Sylvain Duranton, directeur monde de l’entité tech du cabinet de conseil BCG.”Il ne s’agit pas uniquement d’entraîner des modèles, mais de former des gens, créer des centres de recherche, bâtir des infrastructures”, souligne-t-il. Parmi les autres annonces attendues: une dizaine de grands supercalculateurs dédiés à la recherche publique ou ouverts pour les start-up européennes devraient être annoncés par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui sera présente au Grand palais. Ces ordinateurs surpuissants sont cruciaux pour entraîner et faire fonctionner les modèles d’IA.Mardi, une séance plénière réunira ensuite les chefs d’Etats d’une centaine de pays. A l’issue de cette rencontre, la France vise à ce que de nombreux acteurs prennent des engagements pour une intelligence artificielle durable et respectueuse de l’environnement, mais sans cadre contraignant.

Emmanuel Macron annonce 109 milliards d’euros d’investissements pour l’IA en France

Le président Emmanuel Macron s’est fait dimanche le promoteur de l’intelligence artificielle (IA) en France, vantant les mérites de cette technologie et annonçant 109 milliards d’euros d’investissements dans le pays pour la développer, à la veille du Sommet international sur l’IA de Paris.Ces investissements venus d’entreprises privées, prévus “dans les prochaines années”, sont “l’équivalent pour la France de ce que les Etats-Unis ont annoncé avec +Stargate+”, a souligné le chef de l’Etat sur la chaîne de télévision France 2. Ce projet “Stargate”, dévoilé en janvier par le président Donald Trump, comprend des dépenses d’au moins 500 milliards de dollars dans des infrastructures d’IA.Depuis fin 2022 et la mise à la disposition du grand public du logiciel ChatGPT, capable de répondre à toutes sortes de questions posées par les utilisateurs, l’IA s’est développée à très grande vitesse et les pays rivalisent pour se faire une place sur la carte mondiale de cette technologie, le plus souvent à coup d’investissements massifs.- “Chaîne de valeur” -Parmi ceux déjà évoqués ces derniers jours pour la France, les Emirats arabes unis prévoient une enveloppe comprise entre 30 et 50 milliards d’euros pour bâtir un data center dont la localisation n’est pas encore connue et le fonds canadien Brookfield va investir 20 milliards d’euros pour notamment en construire un à Cambrai (Nord).Devenus centraux dans la compétition de l’intelligence artificielle, ces centres de données s’apparentent à de gigantesques bâtiments conçus notamment pour permettre l’entraînement des modèles d’IA.Preuve de leur importance, la pépite tricolore Mistral, qui a développé son propre outil conversationnel baptisé Le Chat, a annoncé dimanche la construction de son premier data center en France, près de Paris, afin de “maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la machine jusqu’au logiciel”, a précisé son patron, Arthur Mensch, sur la chaîne de télévision TF1.Plus largement, l’exécutif a aussi annoncé cette semaine que 35 sites “prêts à l’emploi” avaient été identifiés pour accueillir des data centers. La France en compte actuellement plus de 300, se plaçant ainsi au sixième rang mondial des pays en accueillant le plus, après les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et le Canada, selon un rapport du Conseil économique social et environnemental.Au cours de son entretien, Emmanuel Macron a également mis en avant les apports de l’intelligence artificielle en matière de santé, comme dans la lutte contre le cancer, ou pour déléguer certaines tâches au travail. “Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que ça va tout remplacer”, a toutefois insisté le chef de l’Etat, alors que le développement de l’IA s’est accompagné de craintes sur le maintien de certains emplois, la désinformation en ligne ou le respect du droit d’auteur.Pour débattre de ces enjeux, qu’ils soient diplomatiques, politiques, économiques, éthiques ou juridiques, des chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que des patrons du secteur, sont justement réunis lundi et mardi au Grand Palais lors d’un Sommet international de l’IA.- IA “d’intérêt général” -La participation d’une centaine de pays est annoncée, avec par exemple le Premier ministre indien Narendra Modi, le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, le vice-Premier ministre chinois Zhang Guoqing, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chancelier allemand Olaf Scholz.Côté chefs d’entreprise, Arthur Mensch est attendu, tout comme le dirigeant d’OpenAI, Sam Altman.Face à des acteurs privés très ambitieux, la demande de régulation est forte. Le président français a promis, pour la fin du Sommet, une déclaration “avec des principes forts sur la protection des droits, l’environnement, l’intégrité de l’information, la propriété intellectuelle”.Dimanche, une initiative réunissant la France et huit autres pays dont l’Allemagne, le Nigeria et le Chili, ainsi que des associations et des entreprises, a en outre été lancée afin de promouvoir une IA “d’intérêt général”, avec le soutien de onze patrons de la tech, dont Arthur Mensch ou Fidji Simo, à la tête de la plateforme américaine de livraison de courses Instacart.Baptisée “Current AI” et dotée d’un budget initial de 400 millions de dollars, avec l’ambition d’en lever 2,5 milliards sur cinq ans, elle souhaite développer l’accès à des bases de données privées et publiques dans des domaines comme la santé et l’éducation, et investir dans des outils et des infrastructures en source ouverte pour rendre l’IA plus “transparente et sécurisée”, selon un communiqué. 

Les Etats baltes connectés “avec succès” au réseau électrique européen

Les pays baltes ont achevé dimanche leur intégration au réseau électrique de l’Union européenne (UE), après avoir rompu la veille leurs liens avec le réseau russe, un changement salué par la présidente de la Commission comme “la liberté” vis-à-vis “des menaces” et “du chantage”.”Il y a quelques instants, j’ai reçu une grande nouvelle. La synchronisation du système électrique des Etats baltes avec celui de l’Europe continentale a été achevée avec succès”, a déclaré à la presse à Vilnius le président lituanien, Gitanas Nauseda.Anciennes républiques soviétiques désormais membres de l’UE et de l’Otan, la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie avaient ce projet depuis des années, mais l’ont accéléré après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.Partisans de Kiev dans ce conflit, Riga, Tallinn et Vilnius redoutaient de faire l’objet de chantages de Moscou via l’approvisionnement en électricité.”Il s’agit d’un moment historique qui marque la fin d’un long voyage (…). Nous sommes parvenus à une indépendance énergétique totale”, s’est réjoui M. Nauseda, aux côtés de ses homologues estonien, letton, polonais et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.”L’histoire s’est faite aujourd’hui”, a lancé cette dernière: “C’est la liberté. La liberté vis-à-vis des menaces, la liberté vis-à-vis du chantage”.”Les lignes électriques avec la Russie et la Biélorussie sont en train d’être démantelées. Ces chaînes de lignes électriques vous reliant à des voisins hostiles seront une chose du passé”, a-t-elle ajouté.- “Emancipation” -Au total 1,6 milliard d’euros, essentiellement des fonds européens, ont été investis dans le projet. Les trois pays se sont intégrés au réseau de l’UE via la Pologne. C’est “un développement marquant… pour l’ensemble de l’Union européenne”, a jugé le président polonais Andrzej Duda, “l’étape finale vers l’émancipation de la sphère de dépendance post-soviétique”.Dans l’avenir, M. Nauseda a appelé à une “action substantielle” de l’UE pour améliorer les infrastructures des Etats baltes.”Il est temps de sécuriser nos acquis. La guerre de la Russie contre l’Ukraine a radicalement transformé la perception des menaces qui pèsent sur les infrastructures critiques en Europe”, a-t-il dit.”Les récents incidents impliquant des infrastructures sous-marines dans la mer Baltique sont très préoccupants. Et nécessitent une action ferme”, a ajouté le président lituanien.Plusieurs câbles sous-marins de télécommunications et d’énergie ont été endommagés en mer Baltique des derniers mois.Certains experts et des dirigeants politiques ont accusé la Russie de mener ainsi une “guerre hybride”, ce que Moscou a démenti.- “Pas de surprise” -Le projet de déconnexion du réseau russe a pris des années du fait de problèmes technologiques et financiers et du besoin de diversifier l’approvisionnement via notamment des câbles sous-marins.Les Etats baltes ont cessé depuis 2022 d’acheter du gaz et de l’électricité russes, mais leurs réseaux sont restés connectés à la Russie et au Bélarus, si bien que la régulation de la fréquence était contrôlée par Moscou.Aussi dépendaient-ils toujours de la Russie pour un flux d’électricité stable, crucial pour les appareils nécessitant une alimentation électrique fiable, notamment dans l’industrie. Les trois pays se sont déconnectés samedi matin du réseau russe sans incident. Ni sabotages, ni perturbations : les opérateurs des réseaux baltes ont assuré que la Russie avait coopéré.”La plus grande surprise” samedi est “qu’il n’y a pas de surprise”, a ainsi déclaré à l’AFP l’opérateur letton AST.Le ministre ukrainien de l’Energie, German Galushchenko, a salué samedi cette déconnexion comme un “événement important pour toute l’Europe”.”De telles mesures privent l’agresseur de la possibilité d’utiliser le secteur de l’électricité à des fins de chantage et de jeux politiques”, s’est-il réjoui.

L’intelligence artificielle à la rescousse des vieilles usines

“Traumatisant”: Laurent Bourgouin se souvient bien de ce jour de décembre 2009. Un ouvrier est mort dans une explosion qui a eu lieu dans l’enceinte de la centrale électrique EDF de Blenod (Meurthe-et-Moselle); son tractopelle avait heurté un tuyau de gaz enterré.”Je faisais partie de la commission d’enquête, nous avons compris que l’entreprise sous-traitante qui réalisait les travaux de terrassement ne pouvait pas connaître la présence d’un gazoduc sous terre, car elle travaillait à partir d’un vieux plan papier du site qui n’avait jamais été remis à jour”, se souvient celui qui est aujourd’hui PDG d’une startup dont la mission est de “fournir des plans d’usines à jour”.”Lorsque l’engin s’est embourbé, le conducteur a patiné et s’est enfoncé un peu plus, la chenille de l’engin a fini par toucher et percer la canalisation qui passait dessous. L’éventration a libéré du gaz sous pression qui s’est enflammé. S’il avait connu la présence du tuyau, il n’aurait pas agi comme ça” estime M. Bourgouin, 43 ans.Cet événement a été le déclencheur de sa vocation: transformer l’industrie.Des années plus tard, cet ingénieur et docteur en dynamique des fluides a créé sa startup, Samp (Shared Reality for Industrial Sites), basée à Paris. Il est associé avec Shivani Shah, docteure en intelligence artificielle. Avec leurs services pour les installations industrielles, ils veulent “éviter toutes les mauvaises surprises sur site”.”La moyenne d’âge du système industriel français est de 40 ans, chaque usine a été modifiée plusieurs fois durant son existence, mais les documentations techniques sont rarement à jour”, constate Laurent Bourgouin.Des incidents mineurs dûs à un défaut de robinet sur un tuyau ou à une soudure mal faite peuvent se transformer en accidents majeurs, surtout s’ils ne sont pas répertoriés. “On a des fuites, des incendies, des dérives de process tout le temps dans les usines de ce fait.”- “tsunami” – Venant de “l’industrie des vannes et des tuyaux”, il a construit une recette simple en apparence basée sur un réalité partagée de l’usine, qui part du terrain.L’image 3D de l’usine, scannée à dos d’homme, révèle chaque tuyau, chaque robinet, chaque valve. Un peu sur le modèle du service de navigation Google street view qui cartographie la terre en permanence.Cette image réelle est ensuite analysée par l’intelligence artificielle qui la compare aux données existantes contenues dans le “plan officiel” de l’usine. Elle détecte alors tout ce qui ne correspond pas.”Ce qui fait qu’une équipe technique qui doit réparer un robinet a immédiatement la bonne information, peut préparer son intervention, supprimer des déplacements inutiles, aller plus vite, réduire les coûts”, dit-il à l’AFP.Auparavant, certains projets de modernisation d’usine ont parfois été abandonnés parce que ses schémas de fonctionnement n’étaient pas à jour. “Ca prend souvent plus d’un an de faire l’état des lieux d’une usine pour retrouver toutes les références de pièces utilisées et ça coûte très cher”, dit-il. “90% des projets de modernisation sont hors délai et hors budget.”Ses clients s’appellent Suez, pour des centres de tri de déchets, Veolia pour des centres de distribution d’eau ou Terega pour des sites de stockage de gaz. Au total, 200 entreprises, dont des grands noms, lui ont confié leurs plans, qui “nourrissent” son intelligence artificielle et lui apprennent à reconnaître encore mieux valves et tuyaux. La startup qui emploie aujourd’hui une trentaine de salariés commence à s’internationaliser, en Allemagne, en Italie, et sur des sites de dessalement d’eau de mer en Australie.”Pour changer une pompe défaillante sur un site opéré à distance, on peut en quelques clics identifier le code de la pompe, au lieu de passer trois à quatre jours à récupérer des informations dispersées dans les archives de l’usine”, dit-il. Les techniciens de maintenance ne sont plus des archivistes et les usines évoluent plus vite.Ca tombe bien. Le verdissement en cours des process industriels est “un énorme tsunami qui va prendre des années”, estime Laurent Bourgouin. “Changer les brûleurs d’un four qui doit passer du gaz à l’hydrogène, est un process colossal d’ingéniérie, qui peut prendre jusqu’à deux ans de préparatifs.”

Emmanuel Macron à la télévision pour parler d’IA avant le Sommet de Paris

Le président Emmanuel Macron est attendu dimanche soir à la télévision pour affirmer la place de la France sur la carte mondiale de l’intelligence artificielle, à la veille du Sommet de Paris sur cette technologie qui réunit dirigeants politiques et chefs d’entreprise.Le chef de l’Etat doit s’exprimer à 20H30 sur la chaîne France 2 pour évoquer sa stratégie en matière d’IA, qui a fait irruption auprès du grand public il y a deux ans avec ChatGPT, le robot conversationnel du groupe américain OpenAI capable de répondre à toutes sortes de questions posées par les utilisateurs.L’intelligence artificielle a depuis bouleversé de nombreux pans de la société. La France, et plus largement l’Union européenne, veulent ainsi se faire une place face aux mastodontes des Etats-Unis et de Chine.Avec l’IA, “on peut faire de très grandes choses: changer la santé, l’énergie, la vie dans notre société”, a affirmé le président dans une vidéo publiée dimanche sur les réseaux sociaux, dans laquelle figurent aussi plusieurs séquences parodiques où son visage a par exemple été implanté dans des films grâce à cette technologie.”La France et l’Europe doivent être au cÅ“ur de cette révolution pour saisir toutes leurs chances et pour pousser aussi les principes qui sont les nôtres, ce en quoi nous croyons. C’est le but de ce Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris”, a-t-il ajouté.Danc cette bataille, l’exécutif vient par exemple d’annoncer que 35 sites “prêts à l’emploi” avaient été identifiés pour accueillir des data centers, ces gigantesques bâtiments conçus notamment pour permettre l’entraînement des modèles d’IA.- Course aux centres de données -Dans cette course aux centres de données, le fonds canadien Brookfield va investir 20 milliards d’euros en France pour notamment en construire un à Cambrai (Nord), a appris l’AFP d’une source proche du dossier, confirmant une information de La Tribune Dimanche.Jeudi, la présidence française avait déjà indiqué que les Emirats arabes unis avaient l’intention de construire dans le pays un centre de données géant, pour un investissement compris entre 30 et 50 milliards d’euros, sans en révéler la localisation.La France compte actuellement plus de 300 centres de données, se plaçant ainsi au sixième rang mondial des pays en accueillant le plus, après les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et le Canada, selon un rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE).Lundi et mardi, des chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que des patrons du secteur, seront ensuite réunis pour débattre de multiples questions relatives aux intelligences artificielles, qu’elles soient diplomatiques, politiques, économiques, éthiques ou encore juridiques.La participation d’une centaine de pays est annoncée, avec par exemple le Premier ministre indien Narendra Modi, le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, le vice-Premier ministre chinois Zhang Guoqing, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chancelier allemand Olaf Scholz.- Demande de régulation -Côté chefs d’entreprise, le fondateur de Mistral AI, la pépite française du secteur, Arthur Mensch, est attendu, tout comme le dirigeant d’OpenAI, Sam Altman.Au-delà de l’enthousiasme qu’elle a pu faire naître, l’IA suscite aussi parfois des réserves en raison des potentielles menaces qui l’accompagnent.Quels emplois va-t-elle détruire? Quelles données personnelles récolte-t-elle et où vont-elles? L’intelligence artificielle n’accroît-elle pas le risque de désinformation, d’arnaques en ligne et d’autres fléaux d’internet? Ne creuse-t-elle pas les inégalités culturelles, économiques ou générationnelles?Face à des acteurs privés très ambitieux, la demande de régulation est forte. Le président français a promis, pour la fin du Sommet, une déclaration “avec des principes forts sur la protection des droits, l’environnement, l’intégrité de l’information, la propriété intellectuelle”.Selon La Tribune Dimanche, la création d’une fondation dotée de 400 millions d’euros doit notamment être annoncée, avec pour objectif de développer une culture “open source” de l’IA, c’est-à-dire des modèles permettant d’avoir plus facilement accès à leurs données et à leur recette de construction pour savoir comment ils fonctionnent exactement.

Quand les cours s’emballent, ruée vers les marchands d’or de Londres

Les boutiques d’Hatton Garden, célèbre quartier des bijoutiers de Londres, lèvent leurs rideaux de fer sur des devantures remplies d’or: le métal jaune, qui vole de record en record, attire une foule d’acheteurs et de vendeurs, parfois novices, à la recherche d’une bonne affaire.”Tout ce que je sais, c’est que je dois refuser la première offre que l’on me fait”, plaisante Jennifer Lyle, une cliente, qui passe de boutique en boutique en exhibant, dans une pochette plastique, un vieux bracelet en or et une boucle d’oreille à laquelle manque son double.La veille, la trentenaire a regardé une émission “où une femme qui avait acheté une petite pièce d’or pour 60 livres sterling en 1996 pouvait désormais la revendre à 550 livres” (660 euros), raconte-t-elle, les yeux écarquillés.Dans un contexte d’incertitudes géopolitiques accrues, notamment dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, l’or, valeur refuge, s’est envolé et continue de battre des records.Son prix s’est affiché en moyenne l’an dernier à 2.386 dollars l’once (un peu plus de 31 grammes), une progression de 23% sur un an, selon le Conseil mondial de l’or (CMO).C’est cette flambée qui a attiré Mme Lyle dans ce quartier du coeur de Londres où les bijoux s’échangent depuis l’époque victorienne et qui réunit aujourd’hui des dizaines de joailliers, prêteurs sur gage et autres marchands d’or.- Du jamais vu -“J’ai récemment perdu mon emploi”, poursuit-elle sans se départir de son sourire, “alors je me suis dit que ces quelques grammes d’or pourraient m’aider à couvrir mes factures”.Elle espérait vendre ses bijoux pour 100 livres mais n’a pas trouvé preneur et promet de revenir. Mais “si j’avais beaucoup d’or, je le garderais, car c’est un super investissement”, se prend-elle à rêver.Les prix de l’or montent toujours un peu, mais une telle envolée, “c’est quelque chose qui n’était jamais arrivé”, depuis huit ans que Naqash Anjum travaille dans la boutique “Touch of Gold”.Debout derrière un présentoir où brillent colliers et bracelets dorés, “Qash”, comme tout le monde le surnomme ici, affirme “qu’avec ce niveau de prix il y a assurément plus de gens qui cherchent à vendre” leurs bijoux et autres bibelots d’or.Mais certains sont là pour acheter. Dans la rue principale d’Hatton Garden, un jeune homme prénommé Gilly, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, sort d’une boutique et s’engouffre dans une grosse cylindrée, “je cherchais une nouvelle montre, en or”, lâche-t-il.Les prix records ne le repoussent pas, au contraire: “l’or monte tout le temps, donc il vaut mieux acheter maintenant, pas vrai ?”.Paradoxalement, la flambée du métal précieux ne fait pas vraiment les affaires des marchands d’or, qui peinent à écouler leurs bijoux.A l’approche de la Saint-Valentin, les gens réalisent “qu’ils ne peuvent plus acheter la même quantité d’or” qu’auparavant, regrette Qash, en passant pensivement la main dans une barbe brune bien taillée.- Modèles en résine -“Ce qui se vendait bien avant devient hors de prix après quelques mois” et “les marges de 20% ou 30% avec lesquelles on fonctionne” s’érodent si les bijoux ne trouvent pas preneurs, ajoute-t-il.De fait, la demande mondiale d’or dans le secteur de la bijouterie est tombée de 11% en volume en 2024, selon le CMO – ce qui n’a pas empêché les dépenses de progresser de 9% en valeur tant l’or s’est envolé.Derrière le comptoir, Tamer Yigit, patron de cette boutique qui achète, expertise, modifie ou conçoit sur mesure des bijoux en or, raconte avoir débuté sa carrière dans le négoce du métal précieux “à l’âge de huit ans en Turquie”.Aujourd’hui cinquantenaire, il désigne une boîte pleine de modèles de bijoux en résine bleue, parmi lesquels les clients peuvent choisir: “désormais on ne peut plus créer des modèles directement en or, car on prend le risque qu’ils ne se vendent jamais.”Un client, lui-même détaillant d’or, entre dans l’échoppe pour faire expertiser une caissette de bijoux. Verdict de l’expert: une pièce de monnaie estampillée Louis XVI est en fait un alliage zinc-cuivre.M. Yigit n’est pas surpris. Avec les records de prix, il doit redoubler de vigilance: “on reçoit beaucoup plus de bijoux prétendument en or qui s’avèrent être des alliages à base de cuivre et d’autres métaux”.

Aux Etats-Unis, les consommateurs plumés par le prix des oeufs

“Tellement chers”: avec le rebond de l’épidémie de grippe aviaire, qui sévit depuis 2022 aux Etats-Unis, les poulaillers se vident et le prix des oeufs s’envole, déboussolant des consommateurs habitués à débourser peu pour cet aliment de base.A Washington et dans sa banlieue, les rayons oeufs des supermarchés sont régulièrement vides ou presque. Certains magasins limitent le nombre de boîtes vendues par client pour éviter une pénurie. Partout, les consommateurs remarquent la flambée des étiquettes. Les oeufs “deviennent chers”, commente auprès de l’AFP Samantha Lopez, une étudiante de 26 ans, rencontrée dans une grande surface de la capitale américaine. “C’est assez difficile, (…) mon budget pour la nourriture est déjà très serré.”Au sud, en Floride, la situation est similaire: “Les oeufs sont essentiels, ils sont très nutritifs et il est difficile d’en acheter parce qu’ils sont tellement chers (…) c’est vraiment dommage”, observe Blanche De Jesus, habitante de Miami.Pour se justifier de cette hausse des prix, les grandes surfaces n’hésitent pas à placarder des affiches dans les rayons, comme à Washington: “Il se peut que vous remarquiez une augmentation du prix des oeufs en raison de la récente épidémie de grippe aviaire dans le Midwest”, le coeur agricole des Etats-Unis, prévient l’une d’elle.Plus de 21 millions de poules pondeuses ont été euthanasiées depuis le début de l’année à cause de l’épizootie – l’équivalent d’une épidémie chez les animaux – de grippe aviaire, dont 13,2 millions depuis décembre, selon le dernier rapport sur le secteur du ministère américain de l’Agriculture (USDA), publié vendredi.”S’il n’y a pas de poules pondeuses, il n’y a pas d’oeufs, ce qui entraîne une pénurie de l’offre et une hausse des prix en raison de la dynamique de l’offre et de la demande”, résume Jada Thompson, spécialiste du sujet et professeure à l’Université de l’Arkansas.-“Niveaux record”-En outre, selon l’USDA, certains “commerçants concernés (…) maintiennent les prix à des niveaux record, ou proches des records, pour freiner la demande”.Le prix moyen de la boîte de douze oeufs, toutes qualités confondues, a progressé de près de 65% sur un an, passant d’environ 2,5 dollars en décembre 2023 à 4,15 dollars un an plus tard, selon un institut statistique officiel. Et la hausse des prix ne se fait pas uniquement ressentir à la caisse des supermarchés. Waffle House, une chaîne de restauration américaine spécialisée dans les gaufres, a fait les gros titres outre-Atlantique après avoir décidé d’appliquer un supplément de 50 centimes par oeuf aux consommateurs en voulant dans leur assiette.”La pénurie persistante d’oeufs causée par la grippe aviaire a entraîné une augmentation spectaculaire de (leur) prix”, a expliqué le groupe dans un communiqué transmis à la chaîne CNN, se disant “contraint de prendre des décisions difficiles”.Aux Etats-Unis, le virus circule dans des élevages de volailles mais aussi chez les vaches laitières. Soixante-sept cas ont aussi été détectés chez des humains depuis début 2024, l’extrême majorité étant bénins et liés à des contacts connus avec des animaux infectés.Grands amateurs d’oeufs, notamment au petit-déjeuner, les Américains en consomment en moyenne 277 par habitant et par an, selon la coopérative agricole américaine United Egg Producers. Moins tout de même que le record des Mexicains (environ 375).

Répression, sanctions, exode: au Bélarus, un secteur amoindri de la tech survit

Chef de projet basé à Minsk, au Bélarus, Andreï Dorine reconnaît que le secteur jadis florissant de la tech est en crise. En cause, l’exode de milliers d’informaticiens du fait des répressions politiques, et le soutien à l’invasion russe de l’Ukraine.Sur les “quelque 400 ingénieurs” employés chez Qulix, l’entreprise de développement informatique dans laquelle Andreï travaille, un quart a fui le Bélarus en cinq ans pour s’installer à l’étranger.”C’est beaucoup !”, constate ce responsable de 42 ans, interrogé par l’AFP.”Nous traversons une crise, nous ne pouvons pas le nier”, conclut-il.Fleuron de l’économie bélarusse, un des rares secteurs libéralisés dans cette économie largement étatique, les hautes technologies ont connu jusqu’en 2020 un boom indéniable, qu’il s’agisse du développement d’apps, de logiciels ou de maintenance. Symbole de ce succès le “Parc des hautes technologies” de Minsk, surnommé “la Silicon Valley” du Bélarus.C’est dans cet ensemble de bâtiments à l’écart du centre-ville que la messagerie chiffrée Viber et le jeu vidéo à succès “World of Tanks” ont été développés.Mais la répression qui s’est abattue sur la société bélarusse après la réélection en août 2020 du président Alexandre Loukachenko a poussé ingénieurs et informaticiens, une classe moyenne urbaine dans l’ensemble favorable à l’opposition, à fuir le pays.- Chute de 45 % -Le coup de semonce est intervenu en septembre 2020 lorsque la police a fait des descentes dans la société de logiciels PandaDoc, arrêtant plusieurs employés, peu après que le patron du groupe eut annoncé son soutien aux manifestants.L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 n’a fait qu’accélérer le mouvement d’exode, le Bélarus ayant prêté son territoire à l’armée du Kremlin et subissant du coup aussi les sanctions occidentales adoptées en représailles.Si le “Parc des hautes technologies” compte encore plus de 1.000 entreprises bénéficiant d’un régime fiscal avantageux, signe des temps “difficiles”, le nombre total d’employés a chuté de près de 30% depuis 2022, reconnaît auprès de l’AFP Kirill Zalesski, le vice-président du complexe.”Ces entreprises emploient (encore) plus de 56.000 personnes”, précise-t-il, mais les exportations annuelles en 2023 totalisaient 1,8 milliards de dollars, une chute de quasiment 45% par rapport à 2021 (3,2 milliards).Il veut pourtant “voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide”, car “l’exode a globalement cessé il y a plus d’un an”. Selon lui, il y aurait même “de nombreux développeurs qui aimeraient revenir”.Selon lui, les entreprises, qui ont perdu des parts de marché en Occident du fait des tensions géopolitiques, ont dû trouver de nouveaux marchés, notamment en Asie. “Si auparavant les pays occidentaux représentaient 80 à 90% de toutes nos exportations, ce chiffre est aujourd’hui d’environ 60%”, relève M. Zalesski, évoquant le chiffre de “10%” pour les pays asiatiques.- Stabilité régionale -Stephan Hoffmann, le directeur allemand de la chambre de commerce Europe-Bélarus très implanté dans la tech, n’a pas suivi l’exode, et il veut croire en l’avenir, même si son quotidien est plus “inconfortable” depuis 2022, du fait des sanctions.Ainsi, à la place des vols directs entre l’Allemagne et Minsk, ce sont de longs trajets de bus vers la Lituanie qu’effectue ce chef d’entreprise de 39 ans.Autre difficulté: les paiements bancaires.”C’est de plus en plus cher et ça prend plus de temps”, dit-il, les sanctions européennes ayant exclu quatre banques bélarusses du système international Swift.Il dit avoir aussi “bien sûr” des amis qui ont quitté le Bélarus, mais assure que “ce n’est pas tout blanc ou tout noir”.D’après lui, nombre de Bélarusses exilés et ceux restés au pays “travaillent toujours ensemble” à distance. “Il y a toujours des liens”, assure-t-il.Kirill Zalesski reste “prudent” s’agissant de l’avenir, évoquant, outre la conjoncture mondiale, la nécessité d’une “situation régionale stable”. Comprendre, la fin de la guerre en Ukraine et du conflit russo-occidental.

Journal d’un agriculteur: “les Petits Poucets comme moi, on se débrouille seul”

Jérôme Caze, 37 ans, marié et père de trois enfants, à la tête d’une exploitation maraîchère et d’élevage de poulets et de porcs en Lot-et-Garonne, raconte depuis octobre à l’AFP son quotidien de “petit agriculteur” dans un monde paysan en proie à des crises récurrentes.Dans ce quatrième épisode, il confie sa solitude et ses déboires, accentués selon lui par des normes évolutives et complexes, les conditions du marché et une politique agricole mal adaptée aux petits exploitants.- MacGyver -“Ces derniers jours, j’ai enchaîné les galères de matériel. Le matin où je veux préparer le parcours des truies, la batterie du tracteur ne démarre pas. Sans le chargeur frontal, je n’ai pas pu aller chercher chez les voisins les déchets de pommes et de poires pour les cochons. Du coup, tu fais tout à la main, tu nourris au seau et tu perds du temps. Physiquement, j’ai mal partout.J’ai eu le pneu avant du tracteur, la carte-mère de la chambre froide et la batterie du Trafic qui sont morts. Moralement, tu t’en sors pas, c’est pour ça que tu peux lâcher.Tu dois toujours te débrouiller tout seul pour réparer, chercher de nouvelles façons de faire. Tu cherches la notice sur Internet, tu te démerdes. Tu es MacGyver mais niveau débutant. Lui, il est capable de tout faire avec rien, toi, tu as tout l’équipement qu’il te faut, à pas cher, mais ça ne marche pas.”- Sous-doués -“Les Petits Poucets comme moi, on est un peu les sous-doués dont personne ne se préoccupe dans les ministères. On n’est pas intéressant.De toute façon, je n’ai pas de ministre de l’Agriculture. Les lois ne sont pas faites pour moi mais pour les gros, ceux qui ont des moissonneuses-batteuses à plusieurs centaines de milliers d’euros.Ils vont faire quelle loi pour moi? Je dois lutter contre des revendeurs sans foi ni loi qui mentent sur l’origine des produits et vendent à perte, contre des grandes surfaces qui font des promos spéciales toutes les trois semaines. Comment tu veux lutter ? Même avec les lois Egalim (destinées à protéger le revenu des agriculteurs, NDLR),  je ne suis pas protégé.Je travaille avec une structure qui s’occupe des réfectoires. S’ils font une journée +Produits du terroir+, ils me prendront du rôti de porc. Sinon, je suis trop cher. Ce n’est pas dans le cahier des charges des cantines scolaires de savoir si l’animal a vu la lumière du jour.”- Normes – “Les normes c’est bien, car l’hygiène avant c’était n’importe quoi. Mais ça nous bloque aussi. Pour mon bâtiment de poulets, les normes ont changé lors de mon installation.On a une entreprise de qualification qui vient une fois à chaque nouvel élevage de poulets par bande (au même stade de croissance, NDLR). Il faut déjà avoir tous les papiers en main. Ils regardent les perchoirs, le respect de la nouvelle norme sur la luminosité pour le bien-être animal, sortie il y a deux ans.On est les seuls à payer pour se faire contrôler. C’est comme si lors d’un contrôle routier, le flic te dit de payer avant de voir tes papiers.Tout ce qui est biosécurité est aussi à ta charge. Il ne faut pas que tu aies les produits au même endroit que les animaux. Mais à la maison, j’ai des enfants. Donc on te demande un cabanon pour les stocker sans risque. OK mais c’est une dépense d’au moins 1.000 euros, que je n’avais pas prévue.”- Chacun pour soi -“Pour monter un atelier de transformation, c’est une usine à gaz. Il faut tout: les tables en inox, l’étiqueteuse, les balances calibrées et vérifiées tous les ans, soit entre 40.000 et 50.000 euros. Et passer un diplôme de boucher.Ils vont te dire OK mais ensuite que le carrelage n’est pas le bon.Les chambres d’agriculture pourraient se dire : +Je vais mettre un producteur avec un boucher, on va créer une société et vous allez travailler ensemble, répartir les marges+. Mais c’est chacun pour soi, il n’y a pas d’idées, pas de bon sens.”Propos recueillis par Karine ALBERTAZZI et Thomas SAINT-CRICQ