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En Alsace, la traque ingénieuse des nids de frelons asiatiques

Ils traquent les insectes à la jumelle “thermographique” ou les équipent d’une marque de couleur ou d’un émetteur: des apiculteurs alsaciens se démènent pour débusquer les nids de frelons asiatiques, une espèce invasive, prédatrice des abeilles, dont le nombre a explosé depuis deux ans.”Chercher les nids, ça fait partie de mon travail. Si je veux continuer à faire de l’apiculture, je n’ai pas le choix”, résume Mathieu Diffort, qui exploite une centaine de ruches dans la région rurale du Sundgau, près de Belfort et de la frontière suisse.Avec Philippe Sieffert, son associé dans la société Api&Co, il se consacre également à la destruction des nids de frelons, ainsi qu’à leur traque, cette dernière activité étant aussi chronophage que peu rémunératrice.Apparu en France en 2004, le redoutable hyménoptère à pattes jaunes n’a été repéré qu’en 2023 dans le Haut-Rhin, mais y est désormais solidement installé, relève Sean Durkin, référent local du “groupement de défense sanitaire apicole” (GDSA) mobilisé contre ce fléau. Entre 15 et 20 nids ont été signalés dans le département en 2023, puis une petite centaine l’année suivante et “cette année on va dépasser les 400”, s’alarme-t-il. Parallèlement, le nombre de ruches attaquées ou décimées a explosé.Les bénévoles du GDSA multiplient les actions de communication pour appeler la population à signaler les nids aperçus dans la nature – chacun peut le faire, partout en France, sur le site lefrelon.com. Lorsqu’un nid est repéré, un spécialiste se déplace pour le détruire, avec un drone, une nacelle, ou une perche. En ce matin de novembre, la cible visée par Mathieu Diffort est accrochée en haut d’un chêne, à 25 mètres du sol. Vêtu d’une épaisse combinaison, l’apiculteur utilise une perche télescopique pour injecter dans l’énorme concrétion ovale une poudre insecticide bio. – Bouts de ficelle -Les communes “doivent prévoir une ligne budgétaire” pour ce type d’intervention, car “le phénomène va monter en puissance”, constate Olivier Pflieger, premier adjoint au maire de Hirtzbach. “C’est un problème d’apiculture, mais aussi de santé publique”, souligne l’élu, qui confie avoir perdu sa soeur l’an dernier, décédée d’un choc allergique après une piqûre de frelon.A Hirtzbach, le nid a été aperçu par un ancien garde forestier. “J’étais passée 20 fois à proximité, et je ne l’avais pas vu”, se désole Marion Federspiel, dont l’une des six ruches, installées à environ 200 mètres, a été entièrement décimée. Certaines colonies peuvent s’installer dans des granges abandonnées, où personne ne les repérera, s’inquiète-t-elle.D’où les efforts déployés par Matthieu Diffort pour chercher les nids. Il tente d’abord de chronométrer le déplacement des insectes: capturé avec un appât, un frelon est marqué d’un repère de couleur, puis relâché. Le temps qu’il met à revenir permet de déduire la distance à son nid. Répétée à au moins trois endroits, la méthode peut mener à une localisation assez précise.Autre piste: l’apiculteur scrute les arbres avec une jumelle “thermographique”, qui permet de repérer de loin les nids grâce à la chaleur – environ 30 degrés – qu’ils dégagent. Enfin, M. Diffort expérimente une solution “high tech”: sur le dos d’un frelon, préalablement anesthésié avec du CO2, il colle un minuscule émetteur, qui lui permettra de traquer ses déplacements à l’aide d’une antenne râteau reliée à un smartphone. L’enjeu étant de trouver le nid en moins de trois heures, avant que la batterie de l’émetteur ne se vide.Pour l’heure, la méthode est encore faillible, et surtout onéreuse, d’autant que l’émetteur ne peut pas toujours être récupéré.Dans cette démarche coûteuse en argent et en temps, le jeune homme avoue se sentir “un peu seul” et souhaiterait davantage de financements pour la recherche. Il en va, souligne-t-il, de l’avenir de l’apiculture et de la biodiversité, mais aussi de la sécurité alimentaire, les abeilles étant indispensables à la pollinisation. “On travaille avec des bouts de ficelle, des moyens dérisoires”, se désole Sean Durkin. Le frelon asiatique, “on sait qu’on ne l’éradiquera plus, il faut donc vivre avec. Et essayer de limiter au maximum sa prolifération”.

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Désastre écologique au Brésil: BHP jugé responsable par la justice britannique

La justice britannique a reconnu vendredi le géant minier australien BHP responsable de la rupture dévastatrice d’un barrage minier au Brésil en 2015, une décision très attendue qui ouvre la voie à des dizaines de milliards de livres de compensations.”BHP est strictement responsable en tant que +pollueur+ des dommages causés par l’effondrement”, écrit la Haute Cour de Londres dans sa décision, à l’issue d’un procès titanesque tenu entre octobre 2024 et mars 2025, qui a vu se succéder experts et victimes.La question des dommages et intérêts pour les 620.000 plaignants recensés doit maintenant faire l’objet un deuxième procès, pour l’instant prévu à partir d’octobre 2026.BHP avait deux sièges à l’époque des faits, dont un à Londres, ce qui explique cet énorme procès civil dans la capitale britannique.Le groupe a annoncé dans un communiqué son “intention de faire appel de cette décision”, considérant la procédure britannique “redondante par rapport aux réparations et compensations déjà effectuées au Brésil”.Cette décision “crée un précédent historique en matière de responsabilité internationale des entreprises”, se félicite pour sa part le cabinet Pogust Goodhead, qui représente les demandeurs. “Les victimes peuvent désormais demander des dommages-intérêts en Angleterre.”- Forêt tropicale protégée -Le 5 novembre 2015, la rupture du barrage de Fundao, près de la ville de Mariana, dans l’Etat du Minas Gerais (sud-est), avait entraîné une gigantesque coulée de boue de déchets toxiques qui s’était répandue sur 650 kilomètres le long d’un fleuve, le Rio Doce, jusqu’à l’océan Atlantique.Le barrage était exploité par Samarco, dont BHP et la compagnie brésilienne Vale étaient copropriétaires. Pour les avocats des victimes, BHP était au courant pratiquement dès le début du risque sérieux que représentait cette infrastructure.La catastrophe a provoqué 19 morts, privé plus de 600 personnes de leur foyer, tué des milliers d’animaux et dévasté des zones de forêt tropicale protégée.BHP, qui affirme que l’eau du fleuve a retrouvé sa qualité depuis les faits, avait reconnu une “tragédie” mais estime avoir démontré, lors du procès à Londres, qu’elle avait su “privilégier la sécurité et agir de manière responsable”.Elle considère en outre que la solution passe par un accord de réparation et de compensation à 170 milliards de reais (28 milliards d’euros) signé l’an dernier au Brésil.”Plus de 610.000 personnes ont déjà été indemnisées au Brésil, dont environ 240 000 plaignants de l’action collective au Royaume-Uni ayant signé des renonciations pour les demandes connexes”, a souligné vendredi l’entreprise dans son communiqué vendredi.- 36 milliards de livres -Mais la majorité des plaignants recensés lors du procès de Londres (dont 31 municipalités brésiliennes, des entreprises et plusieurs peuples autochtones) estiment ne pas être couverts par cet accord et espèrent obtenir davantage auprès de la justice britannique.Le cabinet Pogust Goodhead avait il y a deux ans évalué les sommes en jeu devant la justice britannique à quelque 36 milliards de livres (41 milliards d’euros), mais cela dépendra du nombre de plaignants acceptés.Vale et BHP ont par ailleurs été relaxés il y a un an sur le plan pénal par un tribunal brésilien, pour absence de preuves sur leur responsabilité dans la rupture du barrage, une décision contre laquelle les victimes s’étaient insurgées.”Au Brésil, justice n’a pas été rendue”, avait asséné en mars dernier auprès de l’AFP Pamela Fernandes, la mère d’Emanuele Vitoria, une petite fille de cinq ans qui a perdu la vie.Sans attendre cette première décision sur la responsabilité de BHP, la Haute Cour de Londres a déjà commencé à organiser la deuxième phase de cette procédure, pour déterminer les éventuels dommages et intérêts.Une autre procédure civile est par ailleurs en cours depuis 2024 devant la justice des Pays-Bas.

L’armée française mise sur la “révolution culturelle” de la robotique terrestre

L’armée française avait raté le virage des drones, elle veut être aux avant-postes de celui de la robotique terrestre et mise sur l’intelligence artificielle pour disposer d’ici deux ans d’une unité robotisée de combat autonome.Comme la Première Guerre mondiale avait vu exploser l’emploi de la voiture et de l’avion, la guerre en Ukraine met en lumière les progrès galopants de la robotique terrestre.Dans ce conflit figé où s’exposer fait prendre le risque d’être vite éliminé par un drone, les “robots mules”, télécommandés par un soldat, sont de plus en plus utilisés pour l’évacuation des blessés ou des tâches logistiques.L’armée de Terre française s’est essayée à l’emploi de ces robots pilotés à distance au cours de l’exercice de l’Otan Dacian Fall, qui vient de s’achever en Roumanie. Mais ce ne sont que des balbutiements avant l’avènement de robots pleinement autonomes car dopés à l’IA.”La robotique terrestre, il y a cinq ans on aurait dit qu’elle arriverait en 2030-2035. Manifestement, cette date se rapproche, parce que la technologie évolue plus vite qu’on ne le pensait”, estime le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre.Avec le projet Pendragon lancé en mars et doté de 35 millions d’euros pour 2026, l’armée de Terre entend selon lui “anticiper et exploiter ce qui sera une révolution culturelle et tactique”.”A l’été 2026, nous voulons avoir une première unité opérationnelle robotisée”, constituée d’une vingtaine de robots dont une partie de drones aériens, espère-t-il.- “Cerveau collectif” -C’est à Bruz, près de Rennes, que l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) planche pour lui donner vie.”L’enjeu est d’arriver à coordonner un ensemble hétérogène de drones et de robots pour remplir des missions”, explique son directeur technique Alain Droniou, qui table sur une “première démonstration” l’été prochain et un “premier de série” l’année suivante.Il faut développer les algorithmes d’IA qui permettront de donner un “cerveau collectif” à ces robots.Un humain assigne une mission à l’unité robotisée et “l’intelligence artificielle entre en jeu pour décliner cette mission en sous-tâches automatisées” assignées aux différents robots: “l’unité a le droit d’organiser tout d’elle-même pour arriver à faire sa mission”, explique un ingénieur de l’Amiad.Si un robot est perdu au cours de la mission, “on veut que, de manière autonome, les drones qui composent la flotte arrivent à se réorganiser”, ajoute-t-il à côté d’une volière où évolue un robot à quatre roues survolé par un petit drone.L’Amiad a conscience d’avancer à tâtons car “on ne sait pas dire exactement quelle sera la configuration de l’URC (l’unité robotique de combat, ndlr) et quelles seront exactement les missions tactiques qui seront remplies”, confesse Alain Droniou.L’objectif in fine est de pouvoir effectuer les missions dévolues à une section d’infanterie de 40 hommes.- Pas des Terminator -Mais le chemin promet d’être semé d’embûches, comme a pu le montrer le Challenge de collaboration homme-machine (CoHoMa). Organisé au printemps, il a mis en compétition des équipes regroupant industriels, laboratoires de recherche et écoles d’ingénieurs.Toute la difficulté est que “le robot doit faciliter l’action de combat, et non pas la contraindre”, expliquait-on alors.Entre progresser sur un terrain accidenté et conserver la communication avec le robot malgré le brouillage, les écueils sont nombreux. Une herbe un peu trop haute peut être perçue par le robot comme un obstacle infranchissable, des nénuphars sur une mare comme un passage possible.Avec Pendragon, les drones aériens avec leur caméra doivent servir d’éclaireur aux robots à roues pour leur indiquer les chemins possibles.Une fois opérationnelle, “comme tout système d’armes, la destruction fera partie des missions de l’unité robotisée”, selon Alain Droniou.Mais avant de s’en prendre à des soldats ennemis, “on peut penser à détruire des matériels et éventuellement, dans les combats futurs, des unités robotiques qui auront été développées par nos adversaires”, explique-t-il.La France “refuse de confier la décision de vie ou de mort à une machine qui agirait de façon pleinement autonome et échapperait à tout contrôle humain”, avait promis dès 2019 Florence Parly, alors ministre des Armées, assurant que “Terminator ne défilera pas au 14-Juillet”.

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En Italie, une détective des vergers sur les traces des fruits oubliés

Isabella Dalla Ragione parcourt les jardins et vergers abandonnés à la recherche de fruits oubliés. Son but: préserver le patrimoine agricole italien et sauver des variétés susceptibles d’aider les agriculteurs à faire face au changement climatique.Cette agronome italienne de 68 ans dispose d’une collection de pommes, poires, cerises, prunes, pêches et amandes cultivées selon des méthodes ancestrales, plus résistantes aux variations climatiques extrêmes qui se multiplient dans le sud de la Méditerranée. A la manière d’un détective, elle traque les descriptions de fruits locaux d’antan dans les journaux intimes et documents agricoles vieux de plusieurs siècles, et part à leur recherche.Parmi les quelque 150 variétés collectées en Toscane, Ombrie, Émilie-Romagne ainsi que dans les Marches, et cultivées par sa fondation à but non lucratif Archeologia Arborea, la petite poire florentine ronde compte parmi ses préférées.”J’en avais trouvé la description dans des documents du XVIe siècle, mais je ne l’avais jamais vue et je la croyais disparue”, confie à l’AFP cette femme aux cheveux blancs et aux lunettes rectangulaires.”Puis, il y a quinze ans, dans les montagnes entre l’Ombrie et les Marches, j’ai découvert un arbre presque au cœur des bois”, grâce au signalement d’une habitante, ajoute-t-elle.Si les variétés anciennes sont savoureuses, la plupart ont disparu des marchés et des tables après la Seconde Guerre mondiale avec la modernisation du système agricole italien.- Diversité génétique -L’Italie est un important producteur de fruits: pour les poires, elle se classe première en Europe et troisième au niveau mondial, mais sa production est assurée à plus de 80% par cinq variétés étrangères. “Autrefois, il y avait des centaines, voire des milliers de variétés, car chaque région, chaque vallée, chaque lieu avait les siennes”, explique Mme Dalla Ragione, montrant des paniers en osier remplis de fruits, entreposés dans une petite église près du verger. Les marchés modernes exigent désormais de grosses récoltes de fruits pouvant être cueillis rapidement, stockés facilement et conservés longtemps. Mais face aux défis croissants posés par le réchauffement climatique, les experts insistent sur l’importance d’une plus grande diversité génétique parmi les végétaux. Les variétés anciennes “sont capables de s’adapter au changement climatique, aux pénuries d’eau plus graves, aux températures extrêmes”, explique à l’AFP Mario Marino, de la division Changement climatique de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), basée à Rome.Mais les modernes sont plus résistantes aux maladies graves car elles ont été modifiées pour cela. Selon lui, la solution réside dans la création de nouvelles variétés par croisement de modernes et d’anciennes.Pour M. Marino, le travail de Mme Dalla Ragione, dont il conseille la fondation, était “urgent” car “préserver le patrimoine, c’est préserver la terre, la biodiversité… et nous permettre d’utiliser cet ADN pour de nouvelles ressources génétiques”. – Témoignage oral -Mme Dalla Ragione met sa collection à disposition des chercheurs et recrée des jardins historiques pouvant accueillir des variétés restaurées dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne.”Nous ne menons pas tous ces travaux de recherche et de conservation par nostalgie ou par romantisme”, souligne-t-elle en récoltant des pommes roses sur ses arbres dans le hameau vallonné de San Lorenzo di Lerchi, en Ombrie.”Nous le faisons parce que la perte de variété entraîne une perte de sécurité alimentaire, de biodiversité et de capacité d’adaptation du système, et nous perdons aussi beaucoup sur le plan culturel.”Elle-même fille d’un collectionneur, elle tente de percer les mystères des fruits dans les vergers des monastères et les jardins familiaux, en épluchant des textes locaux des XVIe et XVIIe siècles. Un jour, elle a retrouvé la trace d’une poire dans un village du sud de l’Ombrie après en avoir lu la mention dans le journal d’un chef d’orchestre. Mais l’une de ses sources les plus précieuses sur la meilleure façon de cultiver ces variétés reste le témoignage oral. Et avec la disparition de la dernière génération d’agriculteurs qui cultivaient ces fruits, une grande partie du savoir local se perd. Cela a compliqué la répartition de son temps entre recherche et découverte de nouvelles variétés, même si elle a appris à ses dépens que l’urgence “est toujours de sauver” ces dernières.”Par le passé, j’ai pu repousser l’échéance à l’année suivante, pour finalement constater que la plante avait disparu” entretemps, souligne-t-elle.

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Le silence de Suède, remède à la pollution sonore?

Quatre jours dans une cabane dans les bois, sans téléphone et sans un bruit: trois couples ont relevé le défi proposé par un office du tourisme suédois pour alerter sur les dangers de la pollution sonore et prôner les bienfaits du silence scandinave.Le projet est parti d’un constat: pour les touristes, l’attractivité de la Suède réside dans son calme.”Lorsqu’ils choisissent de voyager en Suède, quelles sont leurs motivations? Détente, calme et relaxation, mais aussi les expériences en pleine nature”, énumère Josefine Nordgren, l’une des responsables du projet “Silent Cabin” pour Visit Skåne (Visitez la Scanie), qui promeut le tourisme dans la région la plus méridionale de la Suède.”Rien qu’en Allemagne, la pollution sonore est dix fois plus importante qu’en Suède”, note-t-elle. Le bruit est, après la pollution de l’air, le facteur environnemental le plus nocif pour la santé des Européens, selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE).A l’automne, alors que le soleil commençait à se faire rare, Visit Skåne a invité successivement trois couples dans une maisonnette blanche et verte au bout d’une route sinueuse, à condition que leur conversation ne dépasse jamais 45 décibels.Pour s’assurer que tous jouaient le jeu, un sonomètre a été installé à l’intérieur, caché en haut d’un placard.L’appareil était relié au système interne des organisateurs et si les voix s’élevaient trop longtemps – le volume d’une conversation normale est d’environ 60 décibels -, c’était l’éviction.La preuve du sérieux de la démarche pour les invités, des urbains forcément charmés par le cabanon douillet – un grand lit, une petite table et un poêle, la cuisine et la salle de bains étant situés dans un bâtiment un peu plus loin – et son environnement bucolique, entre grands arbres et petit ruisseau.”Je pense que c’est très important qu’il y ait eu un appareil de mesure, pour prendre (le défi) au sérieux”, dit à l’AFP Lise Holm, une Allemande de 26 ans, venue de Tübigen avec sa soeur aînée, Johanna.- “Une nouvelle personne” -Quatre jours durant, ces pipelettes autoproclamées à l’enthousiasme contagieux ont mimé ou murmuré, une gageure réussie avec brio.”Je suis une nouvelle personne maintenant”, confie Lise.Pendant plus de 72 heures, les soeurs se sont promenées, ont médité, peint, fait des feux en forêt, sans un mot ou presque.”Nous avons entendu des bruits qu’on n’entend pas au quotidien quand tout est si bruyant, rapide et empressé”, remarque Johanna.Pour Josefine Nordgren, la démarche permet de préserver le calme des lieux et par ricochet d’améliorer la santé des visiteurs.”Si on reste silencieux et calme, en dessous de 45 décibels, cela influence le corps et l’esprit positivement”, promet-elle. Lise Holm est convaincue.”Mon niveau d’énergie a beaucoup changé”, constate-t-elle. “Je sens simplement ce profond bonheur et ce profond niveau d’énergie, ce sentiment que je peux changer le monde”.Au sein de l’Union européenne, un habitant sur cinq est exposé à du bruit dont le niveau est néfaste pour sa santé, selon l’AEE.Vivre dans une zone affectée par le bruit des transports est associé à un risque accru de développer un large éventail de problèmes de santé, notamment des maladies cardiovasculaires et mentales.Et si s’échapper à la campagne est tentant, cela ne résout pas le problème de la pollution sonore.”Ca peut être une solution individuelle, mais ce n’est pas une bonne solution collective”, juge Eulalia Peris, experte de l’agence de l’environnement.”Si tout le monde déménage, disons, dans les zones calmes de la campagne, mais continue d’avoir besoin de se rendre en ville, ils peuvent bénéficier du calme de la campagne mais ils produisent du bruit en prenant peut-être la voiture”.Pour l’analyste, “le problème du bruit ne va pas être résolu par une unique solution”.Elle préconise des réductions des bruits à la source, telles que l’abaissement des limitations de vitesse ou des restrictions sur le bruit des moteurs, l’instauration de zones tampons et la promotion des modes de transports actifs comme la marche ou le vélo.

Un “Emmaüs de la mer” à la recherche de trésors recyclables dans les cimetières de bateaux

Aux portes de la Camargue, des dizaines de coques percées, recouvertes de lichen, gisent sur un terrain vague au fond d’un port. Un cimetière de bateaux devenu le terrain de jeu d’une association qui recycle des pièces de navires de plaisance voués à la casse.”On est des pilleurs d’épaves”, lâche en souriant Guillaume Delaunay, l’un des trois bénévoles de La Tribu Maritime, affairé à dévisser un vieux tableau de bord qu’il imagine déjà en jouet pour enfants.Cette petite association, active sur la façade méditerranéenne, explore les bateaux promis à la destruction pour y dénicher des pièces détachées réutilisables ou recyclables qu’elle revend depuis peu à des particuliers, tel un “Emmaüs de la mer”.Elle est l’une des rares ressourceries en France spécialisée dans le matériel maritime et nautique, avec la Recyclerie Maritime au Croisic (Loire-Atlantique).Depuis janvier, elle estime avoir permis d’éviter 3,3 tonnes de déchets en intervenant en amont de la déconstruction des navires. Environ un tiers provient du cimetière de port Napoléon, à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), avec qui l’association a signé un partenariat. Le reste a été récupéré sur les bateaux de propriétaires volontaires.Ce jour-là, la collecte est fructueuse: trois portes en bois exotique, des caillebotis et deux longs hublots en métal, “réutilisables sur un bateau, mais aussi dans un camping-car ou même une salle de bain…”, s’enthousiasme le co-fondateur de La Tribu, Thomas Bekkers.Conséquence de l’essor de la navigation de plaisance depuis les années 1950, la France compterait actuellement quelque 150.000 bateaux en fin de vie, selon le site du ministère de la Transition écologique, citant des chiffres de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).Au port Napoléon, le directeur Emmanuel Juste voit les épaves s’accumuler depuis son arrivée, il y a huit ans. Un “empêchement à son activité économique” selon lui, puisque sur 1.000 places à sec (et 250 à flot), 50 bateaux ont déjà acquis le statut d’épave et 20 à 50 sont en passe de l’acquérir.Un navire de plaisance “est vendu neuf, donc cher, à quelqu’un qui en a les moyens. Puis il est revendu d’occasion (…) à des propriétaires qui ont de moins en moins les moyens. Et avec le temps, le bateau se dégrade. Au bout de 40 ans, les propriétaires ne peuvent plus assumer le rattrapage des travaux coûteux”, analyse-t-il.  Ces navires deviennent d’abord des “bateaux ventouses”: ils ne naviguent plus, se détériorent lentement, puis finissent souvent abandonnés à la suite d’un événement de la vie, comme un décès ou une faillite.- 5 euros le compas de navigation -Or pendant longtemps, ce stock d’épaves n’a pas été anticipé, regrette M. Juste, car ce n’est que depuis 2019 que la déconstruction des bateaux de plaisance est gratuite pour les propriétaires.Gérée par l’APER (Association pour la Plaisance Eco–Responsable), éco-organisme labellisé, la filière de déconstruction, qui applique le principe de “pollueur-payeur”, est financée par une éco-contribution sur la vente de bateaux neufs.Depuis 2019, plus de 13.100 bateaux ont été détruits, dont 2.500 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, selon les chiffres de l’APER, qui a signé une convention avec La Tribu Maritime fin 2024 pour développer la filière du réemploi. Reste, pour le directeur de port Napoléon, le problème des coûts non pris en charge: le transport jusqu’au centre de déconstruction – jusqu’à 10.000 euros pour les plus grands navires – et surtout la destruction des bateaux sous pavillon étranger – environ 1.000 euros la tonne. Alors “chaque kilo recyclé, ce sont des coûts en moins”, assure Emmanuel Juste. D’où l’intérêt pour tous de développer cette filière.Un constat partagé par les plaisanciers venus chiner de bonnes affaires vendredi à la ressourcerie ouverte fin octobre par La Tribu, à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Oscar Damaso, éducateur spécialisé proche de la retraite et co-fondateur de l’association, accueille dans le petit hangar spartiate.À la recherche d’un nouveau compas vertical pour leur bateau, Peggy Barroso et son amie lorgnent sur le prix scotché sur le bac: cinq euros. “Neuf, ça coûte entre 100 et 150 euros”.

Malgré un mandat éprouvant, six maires sur dix prêts à se représenter en 2026

Fatigués mais déterminés: malgré la succession des crises depuis le début de leur mandat en 2020, près de six maires sur 10 envisagent de se représenter en 2026, selon l’enquête AMF/Cevipof-Sciences Po publiée vendredi sur l’état d’esprit des maires.En octobre 2019, 49% des maires déclaraient vouloir repartir. Ils sont désormais 58% à vouloir le faire, malgré un mandat marqué par la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les tensions inflationnistes, ainsi que la forte instabilité politique nationale. “Le volontarisme a souvent pris le pas sur la résignation” à quatre mois du prochain scrutin, signe que “l’envie d’agir reste puissante malgré la fatigue”, relève l’étude, réalisée auprès de plus de 3.700 maires.”On augmente de presque 10 points, je ne m’attendais pas à ce chiffre. J’ai le sentiment que les maires ont passé le stade des récriminations et que quand vient le temps de l’élection, ils se remobilisent”, analyse auprès de l’AFP Martial Foucault, professeur à Sciences-Po et co-auteur de l’étude, pour qui il n’y a “pas de crise des vocations”, même s’il y a des vocations qui peuvent être “empêchées, ou difficiles à assumer”.Le rythme des démissions de maires, supérieur à 400 par an, n’a pourtant jamais été aussi fort que lors de ce mandat. Quant à celui des conseillers municipaux, il est évalué à 1,6 en moyenne par commune, soit 57.000 en tout depuis 2020, un chiffre “peu élevé”, selon M. Foucault, qui note cependant un absentéisme régulier de conseillers dans 60% des communes interrogées. Principal facteur de crise, les désaccords au sein des conseils municipaux, qui “fragilisent la cohésion des équipes municipales”, souligne l’étude, un tiers des maires étant confrontés à une “opposition structurée” dont 58% jugent qu’elle “joue un rôle négatif”. Lorsque les conseils municipaux sont “très pacifiques”, 62% des élus interrogés disent vouloir se représenter, contre seulement 46% lorsque les conseils sont jugés “agressifs” – mais seuls 8% des maires décrivent des séances du conseil municipal “agressives”.- Violences -La volonté de poursuivre les projets engagés pour sa commune (79%) et servir l’intérêt général (78%) sont les deux premiers motifs cités pour repartir. Ceux qui renoncent invoquent surtout le besoin de retrouver du temps pour leur vie personnelle (79%). L’âge joue un rôle clé: 73% des moins de 35 ans souhaitent repartir contre seulement 30% des plus de 75 ans.La satisfaction dans sa vie personnelle favorise également l’engagement, tandis que les maires de villages sont plus prompts à jeter l’éponge.En cas de baisse des recettes, les maires couperaient d’abord dans le budget voirie et espaces verts, devant les aides aux associations et les dépenses culturelles, quand les Français sacrifieraient le sport, puis les aides aux associations et à la culture.L’accès aux soins s’impose comme un thème de campagne prioritaire, tandis que la problématique des personnes âgées apparaît comme trois fois plus importante dans les très petites communes que dans les communes moyennes.Interrogés sur la situation financière de leur commune, près de 9 maires sur 10 la jugent “saine”, soit plus de 10 points de plus qu’en 2022, année marquée par la crise énergétique. “Les maires ont tendance à s’auto-congratuler à la veille de l’élection. Les indicateurs sont au rouge en milieu de mandat, et au vert en fin de mandat”, observe Martial Foucault.Depuis 2020, les violences contre les élus se sont d’abord envolées, puis légèrement stabilisées après la mi-mandat.Les maires déclarent à 65% avoir déjà été victimes d’incivilités, soit 12 points de plus qu’en 2020. Ils sont 36% à avoir subi des injures et insultes (+7 points) ou encore à avoir été attaqués ou menacés (28%) sur les réseaux sociaux (+8 points), tandis que des agressions physiques sont signalées par 8% des maires (+3 points).L’enquête a été administrée en ligne du 1er au 29 octobre. 

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Désastre écologique au Brésil: jugement clé à Londres pour BHP, des milliards en jeu

Le géant minier australien BHP peut-il être tenu pour responsable de la rupture dévastatrice d’un barrage minier au Brésil en 2015? Une décennie après, la justice britannique rend vendredi une décision très attendue, qui pourrait ouvrir la voie à des dizaines de milliards de livres de compensations.Le procès titanesque qui s’est tenu entre octobre 2024 et mars 2025 a vu se succéder experts et victimes devant la Haute Cour de Londres.Si la responsabilité de BHP est reconnue lors du jugement écrit rendu à 9H30 GMT, les dommages et intérêts devront attendre un deuxième procès, prévu à partir d’octobre 2026.BHP avait deux sièges à l’époque des faits, dont un à Londres, ce qui explique cet énorme procès civil dans la capitale britannique.Le 5 novembre 2015, la rupture du barrage de Fundao, près de la ville de Mariana, dans l’Etat du Minas Gerais (sud-est), avait entraîné une gigantesque coulée de boue de déchets toxiques qui s’était répandue sur 650 kilomètres le long d’un fleuve, le Rio Doce, jusqu’à l’océan Atlantique.- 620.000 plaignants -Le barrage était exploité par Samarco, dont BHP et la compagnie brésilienne Vale étaient copropriétaires. Pour les avocats des victimes, BHP était au courant pratiquement dès le début du risque sérieux que représentait cette installation.La catastrophe a provoqué 19 morts, privé plus de 600 personnes de leur foyer, tué des milliers d’animaux et dévasté des zones de forêt tropicale protégée.BHP, qui affirme que l’eau du fleuve a retrouvé sa qualité depuis les faits, a reconnu une “tragédie” mais estime avoir démontré, lors du procès à Londres, qu’elle avait su “privilégier la sécurité et agir de manière responsable”.Elle considère en outre que la solution passe par un accord de réparation et de compensation à 170 milliards de reais (28 milliards d’euros) signé l’an dernier au Brésil.Mais la majorité des 620.000 plaignants recensés lors du procès de Londres (dont 31 municipalités brésiliennes, des entreprises et plusieurs peuples autochtones) estiment ne pas être couverts par cet accord et espèrent obtenir davantage auprès de la justice britannique.- Petite fille -Le cabinet Pogust Goodhead, qui représente les demandeurs, avait il y a deux ans évalué les sommes en jeu devant la justice britannique à quelque 36 milliards de livres (41 milliards d’euros), mais cela dépendra du nombre de plaignants acceptés.Vale et BHP ont par ailleurs été relaxés il y a un an sur le plan pénal par un tribunal brésilien, pour absence de preuves sur leur responsabilité dans la rupture du barrage, une décision contre laquelle les victimes s’étaient insurgées.”Au Brésil, justice n’a pas été rendue”, avait asséné en mars dernier auprès de l’AFP Pamela Fernandes, la mère d’Emanuele Vitoria, une petite fille de cinq ans qui a perdu la vie.Sans attendre cette première décision sur la responsabilité de BHP, la Haute Cour de Londres a déjà commencé à organiser la deuxième phase de cette procédure, pour déterminer les éventuels dommages et intérêts.Une autre procédure civile est par ailleurs en cours depuis 2024 devant la justice des Pays-Bas.