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Les interconnexions des réseaux électriques, clé de voûte du système éuropéen

Les interconnexions des réseaux électriques, clé de voute du système européen conçus pour améliorer la sécurité d’approvisionnement, ont permis de contenir la panne géante dans la “péninsule électrique” ibérique, située à l’extrémité de l’Europe.”Les réseaux sont interconnectés”, ce qui “permet de gérer les exportations et les importations d’électricité, améliorant ainsi la fiabilité de l’approvisionnement”, explique Onyema Nduka, maître de conférences en durabilité énergétique à l’université Royal Holloway de Londres.Toutefois, ajoute-t-il, “si les pannes d’électricité sont rares dans les pays européens, elles sont possibles, comme l’ont montré les événements au Portugal et en Espagne.”Pour éviter cela, “des redondances sont intégrées au système, comme la multiplication des points d’alimentation, des générateurs de secours répartis à différents endroits, des fils/câbles interconnectés, etc.”L’Europe dispose d'”un des plus grands réseaux électriques synchrones au monde, alimentant plus de 400 millions de clients dans 32 pays, dont la majeure partie de l’Union européenne”, complète Grazia Todeschini, maîtresse de conférences en ingénierie au King’s College de Londres.”Cela permet les échanges d’électricité entre les pays, mais dans des situations très particulières et extrêmes, cela peut entraîner une propagation des pannes entre différents pays”, ajoute-t-elle.C’est ce qui s’est produit lundi, la panne générale en Espagne ayant également touché son voisin portugais.La péninsule ibérique, située à l’extrémité du réseau électrique européen, est de par sa géographie une “péninsule électrique”. La frontière pyrénéenne avec la France permet des échanges pour une capacité de 2,8 GW depuis 2015, qui sera portée à 5 GW à horizon 2028. L’Espagne est par ailleurs interconnectée avec le Maroc via une ligne de 700 MW.La stabilité des réseaux électriques “est liée à un équilibre très étroit entre la production et la demande d’électricité”, poursuit Grazia Todeschini. “Certaines mesures existent pour limiter l’impact des pannes à de petites zones, mais lorsque le déséquilibre électrique est trop important, ces pannes peuvent se propager très rapidement et très loin.”- Événement “rarissime” -Or, souligne le gestionnaire du réseau français à haute tension RTE, l’Espagne a connu une perte de production de 15GW en quelques secondes, conduisant à une coupure générale.RTE s’est immédiatement mobilisé pour venir en aide à l’Espagne via les interconnexions entre les deux pays. Il a pu injecter progressivement jusqu’à 2 GW dans le réseau espagnol, en fonction des demandes du gestionnaire local.Pour faire face à de telles situations, RTE explique que des protocoles sont prévus, avec “plusieurs +barrières de défense+ manuelles et automatiques”, mises en œuvre “pour traiter l’ensemble des situations possibles : de la limitation de la propagation d’un incident, jusqu’à la réalimentation de la consommation en cas de black-out.”Lundi, RTE a ainsi activé des mécanismes de sécurité automatisés qui ont coupé les interconnexions, isolant la péninsule ibérique et empêchant l’instabilité de se propager à l’Europe centrale, souligne Rystad Energy, société spécialisée dans la recherche énergétique.”Le rôle de la France dans la crise a été crucial”, poursuit-il. “La chute soudaine de la demande ibérique a contraint le pays à réduire temporairement sa production et à réacheminer ses flux d’énergie”, en arrêtant la centrale nucléaire de Golfech, dans le Sud-Ouest.Une fois la stabilité partiellement rétablie en Espagne, la France a repris des exportations limitées pour contribuer à la reprise, souligne RTE.Lundi, le réseau ibérique a été automatiquement déconnecté du réseau européen de 12H38 à 13H30 (10H38 à 11H30 GMT), heure à laquelle la ligne électrique entre la France et l’Espagne a été remise en service, indique RTE.Le réseau a ensuite mis plusieurs heures à être été complètement rétabli, par zones successives, en Espagne et au Portugal.”Ce qui est certain, c’est que la coopération et les interconnexions entre la France et l’Allemagne et entre RTE (…) ont permis, ont facilité, par la coopération, la reprise plus rapide de la consommation électrique en Espagne”, s’est félicité mardi Marc Ferracci, le ministre français de l’Energie, sur la radio RTL.

Le procès d’un ex-rebelle syrien pour complicité de crimes de guerre s’est ouvert à Paris

Le procès d’un ex-rebelle salafiste pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie, s’est ouvert mardi devant la cour d’assises de Paris, qui a été confrontée dès le début des discussions à l’épineuse question de l’absence de nombreux témoins cités à comparaître.Jugé pour complicité de crimes de guerre et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle, Majdi Nema, un ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l’islam), conteste les accusations, affirmant n’avoir eu qu’un “rôle limité” dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.Les débats sur le fond n’ont pas encore commencé mais les échanges se tendent dès l’entame des discussions entre les avocats de la défense, Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf, et le président de la cour d’assises, Jean-Marc Lavergne, ce dernier ayant refusé que l’accusé s’exprime en anglais, et exigé qu’il s’exprime dans sa langue maternelle, l’arabe.Une injonction ignorée par Majdi Nema. Appelé à décliner son identité, l’accusé à la forte corpulence et aux rares cheveux coiffés en catogan, répond en anglais. “Il n’y a aucune preuve des faits qu’on me reproche”, déclare d’emblée cet homme de 36 ans, qualifiant l’affaire de “purement politique”.Puis vient la question des témoins cités à comparaître, soit par les avocats des parties civiles, soit par la défense, et dont un grand nombre – au moins une quinzaine – ne viendra pas s’exprimer à la barre.- “Pressions” -“Un certain nombre de témoins et parties civiles ont fait état de menaces et pressions directes à leur endroit”, dit à la cour Me Marc Bailly, avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de plusieurs personnes physiques, expliquant que certaines d’entre elles avaient fait part de leur volonté de ne pas participer au procès pour des raisons de sécurité. Les conseils de la défense, qui contestent qu’il y ait eu des pressions, déplorent de leur côté que la cour et le parquet général n’aient pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faire venir en France les cinq témoins qu’ils ont cité à comparaître et qui vivent en Turquie ou en Syrie, ou au moins pour les écouter en visioconférence.”La justice française souhaite rendre justice en lieu et place de la justice syrienne mais ne s’en donne pas les moyens”, déclare Me Kempf, qui n’a eu de cesse depuis le début de l’instruction de contester avec son confrère la légitimité de la justice française dans cette affaire.- Compétence universelle -C’est en vertu du principe de sa compétence universelle qu’elle peut en effet juger un étranger pour des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre commis à l’étranger contre des étrangers. Un principe consacré en 2023 par la Cour de cassation qui avait été saisie par Me Kempf et Me Ruiz.Il s’agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens. Ex-officier de l’armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas, et est aujourd’hui soupçonné d’être impliqué dans la commission de crimes de guerre commis notamment au préjudice de la population civile.Majdi Nema, connu sous le nom de guerre d’Islam Alloush, affirme avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d’où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu’il n’a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l’Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l’université Aix-Marseille.Alors qu’une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et mis en examen par un juge du pôle crimes contre l’humanité du tribunal de Paris.Verdict prévu le 27 mai.

La France propose de faire payer “des frais de gestion” sur chaque petit colis entrant en Europe

La France propose de faire payer “des frais de gestion” sur chaque petit colis entrant en Europe, dès 2026, pour financer les contrôles appelés à se renforcer face à l’afflux de colis de faible valeur venus de Chine, ont indiqué des membres du gouvernement depuis l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.Il s’agit de faire “payer aux importateurs, aux plateformes, et non pas aux consommateurs, un petit montant forfaitaire sur les colis”, a déclaré la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, évoquant “quelques euros” par colis.”En anticipation de la réforme de l’Union douanière en 2028, la France défendra l’instauration rapide au niveau européen d’un mécanisme de frais de gestion sur chaque petit colis entrant en Europe. L’argent récolté servirait au financement des contrôles”, a précisé à l’AFP le cabinet de la ministre.Cette taxe serait appliquée à partir de 2026, jusqu’en 2028, date à laquelle l’Union européenne pourrait supprimer l’exonération de taxe douanière sur les colis d’une valeur inférieure à 150 euros, arrivant depuis des pays extérieurs à l’Union européenne.Quatre ministres de Bercy, Eric Lombard (économie et finances), Amélie de Montchalin (comptes publics), Véronique Louwagie (commerce et artisanat notamment) et Clara Chappaz (intelligence artificielle et numérique), étaient en déplacement à l’aéroport de Roissy, pour parler “régulation” et “sécurité des plateformes de e-commerce”. La plateforme de commerce électronique Shein, basée à Singapour, fait l’objet d’une enquête de la Commission européenne, étant soupçonnée de ne pas suffisamment lutter contre la vente de produits qui ne respectent pas les normes européenne. L’institution enquête aussi depuis octobre sur le site d’origine chinois Temu pour des motifs similaires. Quelque 4,6 milliards d’envois d’une valeur inférieure à 150 euros sont entrés sur le marché européen en 2024, soit plus de 145 chaque seconde. Sur ce total, 91% provenaient de Chine.Pour la France seule, 800 millions de colis d’une valeur inférieure à 150 euros ont été livrés l’an dernier (sur un total de 1,5 milliard de colis).

Après la méga-panne, la piste de la cyberattaque écartée en Espagne et au Portugal

La piste de la cyberattaque a été écartée mardi, 24 heures après le début de la panne électrique titanesque qui a paralysé l’Espagne et le Portugal, où le retour à la normale se faisait progressivement après le rétablissement total de l’électricité.”Au vu des analyses que nous avons pu réaliser jusqu’à présent, nous pouvons écarter un incident de cybersécurité dans les installations du réseau électrique”, a assuré à la mi-journée Eduardo Prieto, directeur des opérations du gestionnaire du réseau électrique espagnol (REE). Une piste également exclue par le gouvernement portugais, même si les causes de cet évènement inédit restent encore à préciser, REE ayant évoqué une “forte oscillation des flux de puissance” sur le réseau électrique “accompagnée d’une perte de production très importante”, un phénomène ayant entraîné la déconnexion du système espagnol du réseau européen.Selon M. Prieto, le système électrique espagnol, qui avait été remis en marche à plus de 99% mardi matin, était à la mi-journée pleinement opérationnel, comme le réseau portugais selon son opérateur REN.Cette panne géante est survenue vers 12H30 (10H30 GMT) lundi et pourrait avoir eu des conséquences jusqu’au Groenland, dont une partie a été privée lundi soir de tous ses moyens de communication (téléphone, SMS, internet), en partie gérés depuis l’Espagne.Au Maroc, également impacté par la panne ibérique, les connexions internet d’Orange et les systèmes d’enregistrement et d’embarquement des aéroports marocains étaient aussi de nouveau opérationnels mardi.- Cris de joie -Dans les rues des villes espagnoles, le retour du courant lundi soir a souvent été accompagné d’applaudissements et de cris de joie des habitants. Il a permis de rétablir le trafic ferroviaire sur plusieurs grands axes, dont Madrid-Séville et Madrid-Barcelone, selon la compagnie nationale Renfe. Le trafic reste cependant suspendu sur plusieurs autres grands axes, les autorités ayant donné la priorité au rétablissement des trains suburbains.D’après le ministre des Transports Oscar Puente, trois trains étaient encore bloqués mardi matin en Espagne avec des passagers à bord.A la gare d’Atocha, la situation restait encore compliquée avec une foule de passagers attendant désespérément leur train. A chaque annonce d’un départ, les voyageurs applaudissent, ont constaté des journalistes de l’AFP. A Madrid, bars et magasins ont rouvert progressivement leurs portes mardi matin, reprenant une activité normale après avoir dû pour la plupart fermer leurs portes dans la précipitation lundi.La plupart des écoles ont également accueilli normalement les élèves, même si le système espagnol très décentralisé laisse une grande latitude aux différentes régions pour trancher ces questions. Déjà les Espagnols tirent des leçons de cette extinction subite de tout le système électrique.Avoir chez soi un transistor, des piles, des bougies et du liquide: c’est ce que beaucoup retiennent, à l’instar de Valentin Santiago, technicien environnemental de 48 ans, qui ne souhaite “jamais, ô grand jamais” se séparer de sa bonbonne de gaz. – “Prêts pour n’importe quoi” -Marcos Garcia, un avocat de 32 ans qui attend son bus, se lamente de “cette dépendance totale dans les systèmes technologiques”, et aurait bien fait durer la panne.”Ca a été une après-midi de répit, une pause technologie, une déconnexion improvisée. Ca n’aurait pas été pareil si ça n’était arrivé qu’à moi, mais là, ça touchait tout le monde… On est prêts pour n’importe quoi depuis la pandémie, tout nous paraît plus simple”, juge-t-il.Le retour complet à la normale était attendu avec impatience en Espagne comme au Portugal après une longue journée passée à jongler avec les difficultés, entre métros fermés, bus saturés, trains bloqués et communications extrêmement difficiles.A Madrid comme à Barcelone, des milliers d’habitants ont dû traverser patiemment la ville, tentant de rentrer chez eux à pied au milieu d’embouteillages monstres.De longues files improvisées se sont étirées sur plusieurs centaines de mètres aux arrêts de bus.Dans la seule région de Madrid, près de 300 personnes se sont retrouvées piégées à l’intérieur des ascenseurs, selon les autorités régionales.En Europe, une défaillance du réseau allemand le 4 novembre 2006 avait plongé dans le noir 10 millions de personnes dont la moitié en France et le reste en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, pendant près d’une heure.Trois ans auparavant, l’Italie toute entière, sauf la Sardaigne, avait été privée d’électricité le 28 septembre 2003.burx-mig/mdm/vmt

Les menaces contre les magistrats, sujet de “grande préoccupation” pour le Conseil de la magistrature

Les menaces pesant contre les magistrats sont “un sujet de grande préoccupation pour le Conseil supérieur de la magistrature”, a déclaré mardi Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation et l’un des deux présidents du CSM.Les mises en cause à l’encontre de l’institution judiciaire se sont étendues “à des attaques contre les magistrats eux-mêmes en tant que personnes”, constituant un sujet de “grande préoccupation”, a déploré le haut-magistrat au cours d’une conférence de presse à l’occasion de la présentation du rapport annuel de l’institution.Récemment, la juge chargée de l’affaire des assistants parlementaires européens du FN (devenu Rassemblement national, RN) a été placée sous protection policière après des menaces à son encontre. “Il s’agit de faits”inacceptables dans une démocratie”, avait réagi le ministre de la Justice, Gérald Darmanin.Dénonçant “une ignorance crasse” concernant le fonctionnement de l’institution judiciaire, “y compris de gens très éduqués”, Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice et membre du CSM, a estimé que cette défiance contre l’institution était “extrêmement dangereuse”.”Le +gouvernement des juges+ est une fable”, a estimé l’ancienne garde des Sceaux en défendant “l’Etat de droit” qui est, selon elle, un fondement de la démocratie.Faut-il anonymiser les décisions des magistrats ? Une réflexion est en cours “mais il n’est pas questions dans l’esprit des magistrats de rendre la justice en cagoule”, a souligné Pierre-Yves Couilleau, procureur général honoraire près la cour d’appel de Bordeaux et membre du CSM, organe constitutionnel garant de l’indépendance des magistrats par rapport à l’exécutif.”La publicité de la justice est un principe cardinal de notre institution”, a-t-il rappelé.Pour “assurer la confiance” dans l’institution judiciaire, la “déontologie” des magistrats constitue “une force”, a assuré Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation et également président du CSM.”Le caractère spectaculaire de certains procès aux enjeux considérables (…), la tendance contemporaine à investir le juge du soin de suppléer aux blocages de mécanismes politiques ou de répondre aux angoisses suscitées par certains phénomènes, placent celui-ci sous le feu des projecteurs dans une mesure jusqu’ici inconnue”, a constaté le CSM.Pour autant, souligne le CSM dans son rapport, “la déontologie ne saurait consister en une liste d’interdictions en extension constante, fussent-elles formulées en termes de recommandations”.Il n’est pas question de demander aux magistrats “de renoncer à leurs centres légitimes d’intérêt, au motif qu’ils risqueraient d’en apparaître fragilisés, pas plus qu’à leurs convictions politiques, parce qu’elles risqueraient de les disqualifier dans l’exercice de leurs fonctions”, insiste le rapport.

A La Réunion, inquiétude et défiance après un décès lié au vaccin contre le chikungunya

“Là franchement, j’ai peur. J’ai vraiment le sentiment que je peux faire un arrêt cardiaque à tout moment”. Comme André, 71 ans, vacciné contre le chikungunya, nombre de Réunionnais expriment leur inquiétude après l’annonce d’un décès lié à la vaccination.Depuis dimanche, André, qui ne veut pas donner son nom “pour ne pas inquiéter” ses enfants qui ne voulaient pas qu’il se fasse vacciner, se livre à un rituel matinal.Cet ouvrier du bâtiment à la retraite à Saint-Denis se lève le plus doucement possible de son lit pour être sûr de ne pas avoir de vertige. Souffrant de diabète depuis plusieurs années, il a été vacciné contre le chikungunya. Mais l’annonce samedi par les autorités sanitaires de la mort liée au vaccin d’une personne de 80 ans l’a choqué.Samedi, la Haute autorité de santé (HAS) a aussi ordonné le retrait des personnes de 65 ans et plus de la campagne de vaccination avec le vaccin Ixchiq, du laboratoire franco-autrichien Valneva, à Mayotte et La Réunion. La France en a acquis 100.000 doses.- “Immunité collective” -Selon les chiffres annoncés le 22 avril à Emmanuel Macron en visite sur l’île, par Gérard Cotellon, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS), André fait partie des quelque 3.000 personnes déjà vaccinées à La Réunion.Lancée le 7 avril par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, la campagne de vaccination “démarre timidement”, avait alors indiqué le directeur de l’ARS au chef de l’Etat.”Encore heureux que les gens ne se soient pas précipités, on aurait pu avoir beaucoup de morts”, s’emporte Henri Clain, 69 ans, commercial à la retraite à Saint-Benoît (est de La Réunion).”Je ne sais pas pourquoi ils n’ont tout simplement pas arrêté la campagne de vaccination”, s’agace-t-il.Interrogé samedi sur Réunion La 1ère, le patron de l’ARS a souligné que l’arrêt de la campagne de vaccination (pour les 18–64 ans avec comorbidités) n’était “pas envisagé”, le vaccin pouvant “amener à une immunité collective”.Le directeur général de la Santé, le Dr Grégory Emery, a lui estimé dimanche que la campagne n’avait pas été lancée trop rapidement, “toutes les étapes” de contrôle ayant été “respectées”.Mais l’argument ne convainc pas tout le monde sur l’île où vivent plus de 885.000 personnes.- “Cobayes” -“J’ai le sentiment que nous sommes pris pour des cobayes, cette affaire va encore diminuer la crédibilité des autorités sanitaires aux yeux de la population”, estime ainsi Henri Clain.”Pour ma part, je trouve que la réaction des autorités sanitaires est plutôt rassurante, tout a été fait en transparence” tempère Alix, une mère de famille de 36 ans, qui ne souhaite pas donner son nom.”Ils ont été très réactifs dès qu’il a été établi qu’il y avait un danger pour les personnes de plus de 65 ans”, souligne-t-elle encore.Le trois “événements indésirables graves dont un décès” liés au vaccin “ont été signalés à partir du 21 avril. Nous sommes le 26 et il y a eu une recommandation de la Haute autorité de santé”, défend le directeur de l’ARS.Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a de son côté estimé dimanche sur France Info que, “le temps de l’investigation, (il serait) plus tranquille si on suspendait totalement la vaccination”.Dès l’annonce du décès, la sénatrice Audrey Bélim (PS) a demandé la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour “faire la lumière sur les raisons de la grave erreur portant sur la vaccination des plus de 65 ans”.Le député LFI Jean-Hugues Ratenon a lui réclamé la suspension immédiate de la campagne vaccinale.Près de 120.000 personnes ont été contaminées par le virus, transmis par le moustique tigre, depuis le début de l’année, selon les estimations de l’ARS.Neuf décès de personnes de plus 70 ans porteuses de comorbidités ont été enregistrés par Santé publique France. Neuf autres décès, dont celui d’un nourrisson, sont en cours d’investigation.

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Moins d’eau, même rendement : le pari durable du riz chilien

Dans les plaines du sud du Chili, de plus en plus touchées par la sécheresse, une expérimentation ouvre de nouvelles perspectives pour la culture du riz, grâce à une variété capable d’assurer de bons rendements avec moins d’eau face aux climats extrêmes.Pendant des millénaires, l’humanité a inondé ses rizières, afin de protéger les plants des maladies. Mais la raréfaction de l’eau rend aujourd’hui indispensable la recherche de méthodes plus économes pour produire l’aliment le plus consommé au monde.A Ñiquen, dans la région de Ñuble, à 400 kilomètres au sud de Santiago, Javier Muñoz avait l’habitude d’inonder ses rizières. Désormais, grâce à une expérimentation, il a réduit de moitié sa consommation d’eau, tout en obtenant une récolte abondante.”La culture du riz a toujours été inondée, un changement aussi profond est historique”, note auprès de l’AFP l’ingénieur agricole de 25 ans.Alors que le Chili subit depuis 15 ans une sécheresse inédite, liée au changement climatique selon les experts, Karla Cordero, ingénieure agronome de l’Institut national de recherche agricole (INIA), a mis au point une nouvelle variété de cette céréale, Jaspe, issue du croisement de semences chiliennes et russes, plus résistante aux conditions extrêmes. Grâce à cette nouvelle variété non transgénique, issue d’un long processus de sélection, elle a pu mettre en œuvre le Système de riziculture intensive (SRI), une technique développée dans les années 1980 visant notamment à réduire l’inondation des rizières. Souvent jugé trop exigeante à mettre en place, elle a démontré son efficacité lors de son association à cette variété mieux adaptée au stress hydrique.- “Approche prometteuse” -“Nous avons réalisé qu’il était possible de produire du riz sans inonder. Et malgré l’utilisation de moins de semences, obtenir la même production qu’avec un système traditionnel”, explique Karla Cordero.Jaspe résiste mieux “aux tempêtes, aux inondations, aux vagues de chaleur”, ajoute-t-elle, en observant des épis dorés dans les rizières de la famille Muñoz.Semée en rangs espacés de 30 cm, la nouvelle variété à grain long n’a nécessité que la moitié des 2.500 litres d’eau généralement requis pour produire un kilo de riz.Chaque graine a donné une trentaine de plants, soit près de dix fois plus qu’une culture classique.L’objectif est de faire du Chili un modèle pour les régions “où on produit de grandes quantités de riz et où il y a des sécheresses”, note Mme Cordero.En coordination avec l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture, la technique sera testée prochainement au Brésil – plus grand producteur de riz des Amériques, en Uruguay et en Equateur. Depuis une dizaine d’années, l’économie d’eau dans la culture du riz est une priorité également “en Amérique du Nord et dans plusieurs pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est”, souligne Robert Zeigler, directeur de l’Institut international de recherche sur le riz.Au Japon, des semences sont développées pour faire face aux températures élevées, mais “pour qu’une nouvelle variété soit commercialisée, il faut quelques années de développement”, note Makiko Taguchi, experte en riziculture à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).Le projet chilien constitue “une approche prometteuse pour améliorer la production de riz tout en réduisant l’impact sur l’environnement”, note-t-elle en outre.Le riz est responsable de 10% des émissions mondiales de méthane, selon l’organisation onusienne. Fréquemment associé aux vaches, ce gaz à effet de serre est également généré par des bactéries qui se développent dans les rizières inondées.Contrairement à la tendance observée au Chili, où la sécheresse a réduit la culture du riz, la famille Muñoz multipliera sa production la saison prochaine.Et alors que Jaspe prend son envol, avec une commercialisation prochaine sur le marché national après avoir obtenu en 2023 le feu vert du ministère chilien de l’Agriculture, Mme Cordero pense déjà à son prochain défi : cultiver du riz dans les terres désertiques d’Arica, dans l’extrême nord du Chili.

Face aux fuites de données massives, la Cnil va hausser le ton, annonce sa présidente

Après une année 2024 marquée par des fuites de données personnelles “d’une ampleur inédite”, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) va exiger davantage de garanties aux détenteurs de grandes bases de données.Le régulateur, qui publie son rapport annuel mardi, va imposer aux entreprises et organismes publics qui détiennent des bases de données de plus de deux millions de personnes d’instaurer un système de double authentification, réputé plus fiable qu’un simple mot de passe.Tous les salariés, prestataires ou sous-traitants qui se connectent à distance à ces services devront non seulement s’identifier de façon classique mais également utiliser un autre moyen d’identification, comme un code reçu par SMS. “Ce qui nous préoccupe, c’est que le nombre de violations qui concernent des bases de données de plus d’un million de personnes a doublé entre 2023 et 2024”, dit à l’AFP Marie-Laure Denis, à la tête de l’institution depuis 2019.Une tendance qui s’accélère puisque l’autorité chargée de la protection de la vie privée des Français a déjà relevé plus de 2.500 violations de données au premier trimestre 2025, soit près de la moitié de ce qu’elle a enregistré sur toute l’année 2024 (5.629).Sa présidente estime que “80% des grandes violations de données” enregistrées l’an passé “auraient pu être évitées” avec la double authentification, couplée à la mise en place d’outils permettant de détecter des extractions massives de ces informations ou encore une plus grande sensibilisation des salariés.Parmi les organismes qui en ont été victimes: France Travail, l’opérateur Free, le groupe de grande distribution Auchan et les opérateurs du tiers payant Viamedis et Almerys.- “Contrôles massifs” -Après un temps d’adaptation, la patronne de la Cnil promet des “contrôles massifs” dès 2026.L’an dernier, l’autorité a plus que doublé le nombre de sanctions prononcées, passant de 42 en 2023 à 87 en 2024, pour un montant total de 55,2 millions d’euros d’amendes.Le régulateur a également commencé à contrôler l’utilisation des données personnelles par les applications mobiles, sur le même principe que celui exigeant des sites internet de proposer explicitement l’acceptation ou le refus des cookies tiers.”Il y a eu des scandales, il ne faut pas hésiter à le dire, sur l’exploitation de données sensibles sans le consentement des utilisateurs”, affirme Marie-Laure Denis, citant notamment les applications de rencontres, “qui nous ont incités à nous saisir de ce sujet”.”On va contrôler le fait que vous êtes informé de la collecte des données qui est faite quand vous téléchargez ou quand vous utilisez une application, on va contrôler si ces données sont utilisées pour la prospection publicitaire sans le consentement des utilisateurs”, a-t-elle détaillé, soulignant le fait que “chaque Français télécharge environ 30 applications par an”.- IA sous surveillance -En parallèle, la Cnil a aussi placé l’intelligence artificielle (IA) générative, technologie qui repose sur l’exploitation massive de données, souvent personnelles, au coeur de ses préoccupations.”On travaille beaucoup avec les acteurs (de l’IA) pour essayer de voir quelles technologies mettre en oeuvre, pour qu’il y ait par exemple un filtre au moment de la régurgitation des données”, indique Mme Denis, afin qu’une partie de celles-ci “puissent pouvoir être effacées”.Elle se félicite également que les utilisateurs européens des plateformes de Meta (Facebook, Instagram) puissent refuser que leurs données publiques soient utilisées afin d’entraîner l’IA du géant américain, pour peu qu’ils remplissent un formulaire en ligne d’ici au 27 mai.Alors que, selon un baromètre Ifop/Talan publié en avril, 45% des Français sondés disent utiliser l’IA générative au quotidien, la présidente de la Cnil met en garde sur les données partagées lors des échanges avec ces agents conversationnels, comme ChatGTP de l’américain OpenAI ou Gemini de Google.”Soyez très vigilants avec les données qui devraient vous paraître être un peu sensibles (…) comme des données de santé, des données bancaires, des données sur votre identité sexuelle”, insiste-t-elle. “Ne confiez pas à une IA ce que vous ne confieriez pas à quelqu’un que vous croiseriez dans la rue.”

Action à Paris contre la suspension d’aide américaine à la lutte contre le sida

“Sida on meurt, la France regarde ailleurs” : une quarantaine de personnes se sont rassemblées mardi matin devant l’ambassade américaine à Paris pour dénoncer la suspension de l’aide américaine à la lutte contre le sida et réclamer un soutien accru de la France.Des militants d’Aides, association française emblématique de la lutte contre le Sida, se sont allongés à terre, scandant notamment “Ne regardez pas ailleurs, les morts sont à vos pieds”, “Avarice et injustice, Etats-Unis complices” et “Sida on meurt, Trump regarde ailleurs”.Le président américain Donald Trump a annoncé fin janvier la suspension de l’essentiel de l’aide étrangère, dont celle du programme Pepfar, un des piliers de la lutte contre le sida lancé par le président George W. Bush en 2003.Pour Aides, la suspension de ce programme, qui “représentait 60% des financements mondiaux dans la lutte contre le VIH”, constitue “une menace immédiate et historique de reprise épidémique”.Depuis la suspension de l’aide, “40.000 personnes supplémentaires sont mortes, c’est une catastrophe sanitaire”, s’alarme auprès de l’AFP Emmanuel Bodoignet, vice-président national de l’association, affirmant qu'”aucun virus dans le monde” ne fait “actuellement autant de morts”.”Une épidémie n’a pas de frontière. Depuis la France, le VIH semble loin mais sans ces financements, il sera ici demain”, avertit-il. “Face aux enjeux actuels” l’association juge essentiel “que la France continue d’assurer un leadership dans la lutte contre le VIH et les autres pandémies”.Elle demande notamment aux autorités françaises d’augmenter l’aide publique au développement, d’allouer des recettes de nouvelles taxes à la solidarité internationale ou encore d’apporter un “soutien ambitieux” au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Santé mentale des adolescents: “Si les troubles s’installent, on rate le coche”

“Si les troubles s’installent, on rate le coche”, dit le pédopsychiatre Théo Mouhoud, à la tête de la maison des Adolescents de Bobigny, une oasis dans le désert des soins médicaux en Seine-Saint-Denis, qui apporte une aide cruciale aux jeunes en souffrance.Des jeunes de 11 à 21 ans sont accueillis, avec ou sans rendez-vous, à Casita, structure spécialisée logée dans un petit bâtiment couleur crème de l’hôpital Avicenne AP-HP, par une équipe multidisciplinaire: psychologues, pédiatres, médecins, pédopsychiatre, infirmières, psychomotricienne, éducatrice, assistante sociale.Comme Mona (prénom modifié), âgée de 18 ans, au regard voilé par l’angoisse: “Je n’en peux plus d’être déscolarisée. Je m’isole dans ma chambre, je fume 4-5 joints par jour, je rumine… mon cerveau ne veut jamais s’arrêter”, souffle-t-elle.Rongée par la culpabilité après avoir abandonné sa première année de médecine au bout d’un mois, elle a été hospitalisée en psychiatrie cet hiver et “va beaucoup mieux”, estime Théo Mouhoud, qui la suit et dirige Casita, “petite maison” en espagnol, fondée en 2004 par la psychiatre Marie-Rose Moro – aujourd’hui à la tête de la maison de Solenn à l’hôpital Cochin à Paris.Prise en charge à Casita après des tentatives de suicide à 15 ans, Mona y est revenue car “il y avait un lien: c’est le lien qui soigne, c’est extrêmement précieux”, poursuit le médecin. Or “si on laisse passer six mois, les troubles s’installent, on rate le coche”.- “Abus sexuels massifs” -Cette maison des Adolescents est une ressource unique en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre et le plus jeune de l’Hexagone -28% des résidents ont moins de 20 ans-, où les hôpitaux de la zone ne comptent que 30 lits de pédopsychiatrie et où il faut patienter deux à trois ans pour une prise en charge dans des CMP (Centres médico-psychologiques) engorgés.On y prend en charge “des souffrances graves nécessitant beaucoup de soins: dépressions, tentatives de suicide, scarifications, troubles anxieux, maltraitances, traumatismes, harcèlements, décrochages scolaires”, énumère M. Mouhoud.”On croule sous les demandes, on travaille à plein régime. On est censés gérer les situations de crise, poser un diagnostic avant de réorienter sur un CMP, ou bien faire un suivi inférieur à un an, mais dans un système embolisé, on garde pas mal d’ados jusqu’à l’âge adulte”, dit-il. “Si les CMP étaient renforcés, on pourrait réorienter: la machine fonctionnerait”.Certains ados au “parcours de vie terrible” sont envoyés par l’Aide sociale à l’enfance ou la Protection judiciaire de la jeunesse. “Trop grands pour aller en pédiatrie, trop petits pour aller chez les adultes, les 16-18 ans sont laissés-pour-compte”, constate-t-il.Beaucoup de jeunes “viennent révéler des abus sexuels: c’est massif, c’est tout le temps”, rapporte le Dr Mouhoud – il y consacre son doctorat. “On le voit avec les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) et ceux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise)”, révélant que 160.000 enfants par an sont victimes de violences sexuelles.- “Ça demande des fonds” -“Pour ma thèse, je lis des témoignages de victimes d’agressions sexuelles dans l’enfance, qui ont parfois 60, 80 ans: elles racontent des vies minées par le trauma, l’angoisse, la dépression, les arrêts de travail. Pour que ces abus créent moins de troubles, il faut un meilleur accompagnement, dans les commissariats, un suivi éducatif, dans le soin”, estime-t-il.A Casita, les soignants regorgent d’idées pour aider les ados à aller mieux: ciné-débat, jardinage, sorties à la maison de la Culture ou au Louvre, jeux de société, ateliers d’expression corporelle, graff, slam.”L’art soigne. Et certaines phobies s’expriment, en prenant le métro, qu’on n’aurait pas vues en consultation”, résume la psychologue Gabriela Kucawca.En France, 123 maisons des Adolescents accompagnent 100.000 jeunes par an. Elles sont indispensables “face à une demande croissante de jeunes en situation de mal-être et aux difficultés d’accès aux professionnels de la santé mentale”, affirmait en mars la Cour des comptes dans un rapport.”Ça fonctionne, grâce à des gens extrêmement motivés et passionnés, mais ça demande des fonds”, souligne le Dr Mouhoud, qui s’est vu refuser un financement de l’Agence régionale de santé (ARS) pour créer une équipe mobile. “Si on met énormément d’efforts sur l’adolescent, on aura moins d’adultes malades pendant des décennies: c’est facile à comprendre, non ?”