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L’éleveur Bertrand Venteau élu président de la Coordination rurale

L’éleveur Bertrand Venteau a été élu mercredi président de la Coordination rurale, avec le soutien de l’aile dure du syndicat agricole contestataire, battant la sortante Véronique Le Floc’h.”Le plus dur est devant nous. Il faut continuer à construire la CR”, a-t-il dit, prévenant qu’il ne voulait “plus voir de querelles” de personnes.Alors qu’il tançait encore mardi soir une équipe sortante accusée de “se complaire dans la bobosphère parisienne” au lieu “de donner des moyens aux départements”, il a appelé à l’unité du syndicat.Après une campagne dure, il l’a emporté dans un scrutin assez serré, à 74 voix contre 68, selon les résultats proclamés mercredi, au 32e congrès du syndicat à Auch (Gers).Président de la chambre d’agriculture de la Haute-Vienne depuis 2019, il a mis en avant son expérience de terrain et promu un syndicat “au service des équipes départementales dans la défense des paysans”. Comme la sortante Véronique Le Floc’h, il a posé le diagnostic de la “crise de croissance” d’un syndicat qui a gonflé d’un coup, raflant notamment des voix à la puissante FNSEA.Mais il a vertement critiqué la gestion de l’équipe sortante. “Aujourd’hui, vous avez les chambres, les départements, le national et entre eux, y’a rien qui circule”, a-t-il dénoncé quelques minutes avant le vote, appelant à “former les cadres” qui structureront le syndicat.A l’adresse de ses soutiens, la frange dure et puissante du syndicat dans le Sud-Ouest, il a promis de continuer la mobilisation sur le terrain et de “combattre” les écologistes.”Les écolos, la décroissance, veulent nous crever, nous devons leur faire la peau”, a-t-il lancé, déclenchant des applaudissements nourris dans la salle.Dès le début, sa candidature a été soutenue par les dirigeants des places fortes du syndicat aux bonnets jaunes, du Gers au Lot-et-Garonne: les “sudistes” estiment que la percée aux élections leur est largement attribuable, portée par des actions musclées, comme la tentative de blocage de Paris en janvier ou le saccage de bureaux de l’Office français de la biodiversité.En janvier, à l’issue d’une campagne de “dégagisme” qui a ébranlé l’alliance historique FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA), la Coordination rurale a obtenu près de 30% des voix des agriculteurs (contre 20% six ans auparavant).Elle s’est retrouvée à la tête de 11 chambres d’agriculture et dispose désormais de confortables subventions publiques (4,02 millions d’euros), dépassant celles de la FNSEA (3,7 millions) et des JA (3,8 millions) séparément.

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Prolongation du glyphosate: la justice européenne donne raison aux ONG sur une “erreur de droit” de Bruxelles

La justice européenne a estimé mercredi que la Commission européenne avait commis une “erreur de droit” lors d’une prolongation de l’autorisation du glyphosate, un herbicide combattu par les associations environnementales.Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Bruxelles aurait dû donner suite aux demandes des ONG de réexaminer un “règlement d’exécution” européen de 2022 prolongeant d’un an l’autorisation du glyphosate.Cet herbicide très contesté a depuis été autorisé par Bruxelles jusqu’en 2033.La décision de la Cour mercredi concerne aussi le boscalid, un fongicide très utilisé en agriculture et dont les effets potentiels sur l’homme inquiètent certains scientifiques.”La prolongation temporaire d’approbation des substances actives ne peut être appliquée de manière automatique ou systématique”, tranche la CJUE, qui critique les prolongations annuelles “courtes” et “répétées”, plutôt que les autorisations plus longues avec une évaluation des risques.Trois associations avaient saisi la justice européenne sur le sujet: le collectif Pesticide Action Network (PAN) Europe, ainsi que l’organisation française Pollinis et allemande, l’Aurelia Stiftung.- “Victoire importante” -Pollinis a salué une “victoire importante pour la protection de la biodiversité”.La justice européenne “sanctionne le système de prolongations automatiques accordées par la Commission européenne aux industriels de l’agrochimie”, considère cette association.”Cette pratique abusive permet à de nombreux tueurs d’abeilles, comme le boscalid, de continuer à être commercialisés plusieurs années après l’expiration de leur autorisation de mise sur le marché”, dénonce-t-elle.Ces arrêts peuvent faire l’objet d’un recours dans un délai de deux mois.Des ONG dont PAN Europe ont également saisi beaucoup plus largement la justice européenne pour contester l’autorisation du glyphosate jusqu’en 2033.Elles accusent la Commission d’avoir “manqué à son devoir de protection de la santé publique”.La procédure pourrait être plus longue sur ce volet.A la suite d’un vote des Etats membres qui n’avait pas permis de dégager de majorité, la Commission européenne avait pris l’initiative en novembre 2023 de renouveler l’autorisation du glyphosate pour dix ans.Elle s’était appuyée sur un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdiction.Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides très courants, avait été classé en 2015 comme “cancérogène probable” par un centre de recherche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – conclusion confirmée en 2021 par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), organisme français de recherche scientifique.

Assassinat Mehdi Kessaci: son frère Amine s’attend à “une lutte à mort” contre le narcotrafic

“Non, je ne me tairai pas”: au lendemain des obsèques de son frère Mehdi à Marseille, Amine Kessaci a réaffirmé dans une tribune au journal Le Monde sa volonté d'”agir” face au narcobanditisme, estimant qu’une “lutte à mort est engagée”.Le militant écologiste originaire des quartiers Nord, engagé dans la lutte contre les trafiquants de drogue, ne s’était pas exprimé depuis le meurtre de son petit frère de 20 ans, abattu par deux hommes à moto sur un parking en plein jour jeudi, à quelques mètres de l’Hôtel du département.A la mosquée et au cimetière mardi, les obsèques du jeune Mehdi ont été protégées par un important dispositif policier, et Amine Kessaci, menacé depuis des mois, portait un gilet pare-balles, a indiqué une source policière à l’AFP.”Hier j’ai enterré mon frère”, commence le jeune militant de 22 ans dans sa tribune au quotidien Le Monde. “Mon coeur n’est que blessure. La douleur m’éparpille. Mais elle n’effrite pas ma lucidité”.”Voici ce que font les trafiquants: ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies”, dénonce Amine Kessaci.- Protection policière -“Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu’il se passe et comprendre qu’une lutte à mort est engagée”, prévient-il encore.”Je dirai les carences de l’État, les failles de la République, les territoires abandonnés et les populations oblitérées”, martèle le jeune homme en direction du gouvernement.Près d’une semaine après l’assassinat de Mehdi Kessaci, la lutte contre le narcotrafic, et ses manquements, domine le débat public. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, et son homologue de la Justice, Gérald Darmanin, se rendront jeudi à Marseille, sur demande du chef de l’Etat.Emmanuel Macron avait appelé mardi à “amplifier” la lutte contre le narcotrafic en adoptant la même approche que pour “le terrorisme”, à l’issue d’une réunion d’urgence à l’Elysée sur le sujet.Amine Kessaci a été obligé par la police à quitter Marseille en août, raconte-t-il encore dans Le Monde, tout en regrettant que la protection policière qui lui a été accordée ne l’a pas été à ses proches. “Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée?”, s’interroge-t-il.Une allusion directe à l’assassinat de son frère Brahim en 2020, alors âgé de 22 ans, dans un règlement de comptes lié au trafic de drogue.Son frère Mehdi, qui voulait devenir policier, était totalement étranger aux trafics. Samedi, en fin d’après-midi, une marche blanche sera organisée dans la cité phocéenne en son hommage.”Je pense que la doctrine d’emploi des forces de l’ordre depuis un an n’a pas été la bonne. Je pense qu’il y a eu un relâchement sur la question du narcotrafic”, a de son côté dénoncé Benoît Payan, le maire de Marseille, interrogé mercredi matin sur RTL.- “Rendre” les coups -L’élu divers gauche a notamment regretté la suppression du préfet de police dans sa ville où il a assuré observer “une forme de reprise, des coups de pression, des tirs… depuis six semaines, je sens que les choses ne vont pas”.Comme Amine Kessaci, Benoit Payan a estimé que les narcotrafiquants “cherchent à nous faire taire”. “C’est un défi à l’État et l’État doit répondre (…) quand on prend un coup de la mafia, on doit en rendre dix”, a-t-il toutefois martelé.Mardi, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a assuré “la solidarité de l’ensemble de la Nation” avec la famille Kessaci.Après la mort de Brahim, Amine Kessaci avait fondé l’association Conscience, pour venir en aide aux familles de victimes de narchomicides, avant de rejoindre les Ecologistes. Il s’était présenté aux élections européennes sur la liste de Marie Toussaint pour porter la voix de la jeunesse et des quartiers populaires, sans être élu, avant de perdre de peu aux législatives quelques semaines plus tard, face au Rassemblement national (RN).

BD: les grands éditeurs estiment que l’édition 2026 du festival d’Angoulême “ne pourra plus se tenir”

Les principales maisons d’édition de BD estiment que le prochain festival d’Angoulême, prévu fin janvier mais traversé par la plus grave crise de son histoire, “ne pourra plus se tenir” en raison de la volonté des auteurs de boycotter cette édition, a indiqué mercredi leur syndicat.”Compte tenu de ce mouvement de grande ampleur qu’ils comprennent, les éditeurs estiment que l’édition 2026 ne pourra plus se tenir”, indique dans un communiqué le Syndicat national de l’édition (SNE), qui représente 24 poids lourds du secteur dont Casterman, Glénat, Delcourt ou Bayard. Ces grands éditeurs disent également espérer “un apaisement” afin de “construire le festival de demain dès 2027”.La réaction de 9e Art+, société très contestée qui organise le festival international de la BD depuis 2007, n’était pas connue dans l’immédiat.L’Etat et les collectivités locales qui financent en partie le festival, plus grand rendez-vous mondial de la BD, devaient se réunir en urgence à mercredi à 11H00. Toutefois, la région Nouvelle-Aquitaine, principal financeur public de l’évènement, a déjà dit à l’AFP vouloir maintenir la prochaine édition.”On maintient notre volonté d’avoir une édition en 2026″, a déclaré Frédéric Vilcocq, conseiller culture de la collectivité dirigée par le socialiste Alain Rousset. Une année blanche pourrait, selon lui, être “fatale pour le festival”.Depuis la dernière édition du festival fin janvier, la société 9e Art+ est critiquée de toutes parts pour son manque de transparence, de supposées dérives commerciales et le limogeage, en 2024, d’une salariée après son dépôt d’une plainte pour viol.Une récente reconduction de 9e Art+ pour organiser le festival après 2027, à l’échéance de son contrat actuel, a été annulée face au tollé des auteurs et éditeurs, et les pouvoirs publics ont tenté, depuis, de trouver une sortie de crise pour que la prochaine édition ait lieu fin janvier.Malgré ces tentatives, 285 autrices, dont Anouk Ricard lauréate du Grand prix de la BD en 2025, ont maintenu cette semaine leur appel au boycott du festival en 2026, appelant à une “nouvelle gouvernance” et à repenser cet évènement pour “promouvoir la diversité de la création”. 

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Négociations nocturnes à la COP30 avant le retour de Lula à Belem

Le Brésil veut que sa COP, la première en Amazonie, soit un succès, et ses diplomates font désormais travailler les négociateurs nuit et jour dans l’espoir – jugé optimiste – d’un premier consensus dès mercredi en présence du président Lula.Il est rare que les chefs d’Etat, après avoir ouvert les COP, reviennent dans la dernière ligne droite de la conférence. François Hollande en 2015 pour l’accord de Paris et Boris Johnson en 2021 à Glasgow étaient revenus ajouter de la pression sur les délégués dans les derniers jours. La COP30 est censée se terminer vendredi soir après deux semaines.Mais Luiz Inacio Lula da Silva a investi un capital politique important pour la réussite de cette 30e conférence de l’ONU sur le changement climatique, avec un objectif: “infliger une nouvelle défaite aux négationnistes” du climat, et démontrer en Amazonie que le monde n’a pas abandonné la coopération climatique, malgré les turbulences géopolitiques et économiques.Il rencontrera les groupes de négociation mercredi, a confirmé le diplomate brésilien qui préside la conférence, André Correa do Lago.Les pays, aussi désireux soit-ils de lui offrir un succès, n’en ont cependant pas abandonné leurs lignes rouges. Les portes ne claquent pas encore, mais les ministres restent loin du consensus.Une tentative assez avancée de compromis par la présidence brésilienne de la COP30 a été publiée à la surprise générale dès mardi matin. Elle ne tranche pas entre des options extrêmes sur les engagements financiers des pays développés, les “mesures commerciales unilatérales” et la sortie des énergies fossiles.Un front de dizaines de pays européens, latino-américains et insulaires réclament une décision qui engagerait les pays à réellement mettre en place la sortie progressive des énergies fossiles adoptée sur le principe à Dubaï en 2023. Il s’oppose aux pays producteurs de pétrole, largement silencieux à Belem.Une nouvelle version du texte est attendue mercredi et le diplomate brésilien qui préside la conférence, André Correa do Lago, a prévenu dans un sourire qu’en cas de séance plénière mercredi, “cela pourrait finir tard”.- L’UE se fait entendre -“Comme toujours à ce stade des négociations, c’est mitigé”, a déclaré à l’AFP le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra.”Ce n’est pas particulièrement équilibré mais c’est une première ébauche”, a dit à des journalistes l’émissaire pour le climat du Royaume-Uni, Rachel Kyte. “Les Brésiliens ont un calendrier très ambitieux. Je pense que ça met beaucoup de pression aux délégués mais il y a une alchimie propre à chaque COP”, a-t-elle ajouté.Wopke Hoekstra a prévenu qu’il n’était pas question de “rouvrir les compromis atteints difficilement l’an dernier en termes de financement” des pays riches en direction des pays en développement, et a aussi dénoncé tout entraînement “dans une conversation artificielle sur les mesures commerciales”.M. Hoekstra réagissait à l’inclusion d’options, dans le projet de texte, faisant allusion aux mesures commerciales unilatérales, ce qui vise implicitement la taxe carbone aux frontières que l’UE va mettre en place en janvier et qui est critiquée comme protectionniste par la Chine et d’autres pays exportateurs.- “Mutirão” -Le texte brésilien est baptisé “Mutirão mondiale”, en référence à un mot autochtone désignant une communauté qui se rassemble pour travailler ensemble sur une tâche commune.Selon les règles de la convention de l’ONU sur le climat, le consensus entre les 194 pays membres de l’accord de Paris, et l’Union européenne, est nécessaire pour l’adoption de toute décision.Le texte suggère aussi de tripler les financements des pays riches vers les plus pauvres pour leur adaptation au changement climatique, d’ici 2030 ou 2035, ce qui correspond à une demande des pays du Sud – un objectif totalement irréaliste, répondent les Européens en privé.Sans décision financière sur l’adaptation “tout ce dont on discute ici n’est que symbolique”, juge Lina Yassin, chercheuse et déléguée du Soudan. “On repartira à la maison et demain rien n’aura changé.”L’habileté brésilienne permettra-t-elle de dégager un point d’équilibre entre les demandes de la Chine, de l’Inde, des Occidentaux, des pays africains…?”Nous devons montrer au monde que le multilatéralisme est vivant”, a déclaré Josephine Moote, représentante de l’archipel de Kiribati dans le Pacifique.

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L’Irlande, pilier européen de l’informatique, face au coût énergétique de l’IA

Avec ses vastes fermes de serveurs, l’Irlande est devenue un pôle mondial de l’informatique en nuage, aujourd’hui en plein boom avec l’intelligence artificielle. Mais cette position-phare en Europe la place aussi au coeur du débat sur les coûts énergétiques et environnementaux du secteur.L’Irlande accueille aujourd’hui plus de 80 centres de données, essentiellement dans de grands entrepôts autour de Dublin, une des plus fortes concentrations au monde, selon le cabinet spécialisé américain Synergy.Au service de géants de la tech dont Meta, Amazon, Google et Microsoft, ils consomment déjà un cinquième de la production électrique nationale, alimentant les craintes pour la stabilité du réseau et pour le respect des objectifs environnementaux du pays, faute d’énergies renouvelables en quantité suffisante.Ces centres, et les investissements et emplois hautement qualifiés qu’ils attirent, contribuent certes à l’économie irlandaise: le secteur numérique dans son ensemble représente 13% du PIB du pays, selon l’organisation patronale irlandaise IBEC. Mais certains se demandent si leur coût environnemental en vaut vraiment la chandelle.Pour Rosi Leonard, porte-parole irlandaise de l’organisation écologiste Friends of the Earth spécialiste de ces centres, ils sont “complètement insoutenables pour nos vies, nos écosystèmes et nos budgets carbone”.Selon les statistiques officielles, la part des centres de données dans la consommation totale d’électricité du pays atteignait 22% en 2024, contre seulement 2 à 3% en moyenne dans l’UE. – Des signes de faiblesse – L’opérateur national du réseau électrique, EirGrid, prévoit qu’elle atteindra 30% d’ici 2030, soit la consommation annuelle des 2 millions de foyers irlandais, indiquait en juillet la société d’analyse énergétique Wood Mackenzie. Le réseau montre déjà des signes de faiblesse, poussant certains centres à recourir en complément à des générateurs — qui fonctionnent habituellement au pétrole ou au gaz. Rosi Leonard accuse les géants de la tech d'”utiliser leur influence pour demander des connexions au réseau gazier et pour augmenter la pollution et les émissions”. Si les données manquent pour évaluer l’impact précis des centres de données sur les émissions, elle prône “un moratoire sur l’extension des centres de données, tant qu’il ne sera pas prouvé qu’ils ne menacent pas le climat et les budgets carbone”. Alors que “nous peinons déjà à réduire les émissions à un rythme correspondant à nos engagements et aux lois que nous avons adoptées, développer un secteur qui va encore substantiellement augmenter nos émissions n’a pas de sens”, souligne aussi Barry McMullin, expert en réduction d’émissions à l’université de Dublin City. La compatibilité des centres de données avec les objectifs d’émissions “est peu probable avant dix ans,” selon lui.Certains responsables locaux ont déjà mis le holà.L’an dernier, un conseil municipal de Dublin a bloqué l’extension d’un centre de Google, invoquant “une capacité insuffisante” du réseau et “le manque de (production) d’énergie renouvelable substantielle sur le site”.  Dès 2022, le gouvernement appelait les centres de données à montrer “la voie vers la décarbonisation” et à concevoir à l’avenir des centres avec “un bilan net zéro” en matière d’émissions. – “Frustrations” –   Pour les industriels et investisseurs, en revanche, la priorité est d’augmenter la capacité du réseau, dont les problèmes créent des “frustrations”, déplore Maurice Mortell, responsable de Digital Infrastructure Ireland (DII), groupement professionnel qui défend les entreprises du secteur numérique.L'”avance irlandaise” dans l’informatique en nuage “est en danger, les investissements se dirigent ailleurs”, avertit-il.  Le réseau national EirGrid prévoit des mises à niveau de capacité et une diversification régionale pour mieux répartir la demande des centres de données à l’échelle nationale. Mais les experts doutent que ces plans soient réalisés à temps pour répondre à la demande des investisseurs. En attendant, quelques solutions ponctuelles pour limiter l’impact négatif des centres de données ont vu le jour. Ainsi, un projet pilote lancé en 2023 en partenariat avec les autorités de Dublin permet d’utiliser la chaleur résiduelle générée par un centre de données d’Amazon pour chauffer et fournir en eau chaude des bureaux et une bibliothèque. Des centaines de foyers et un hôpital pourraient suivre. “D’autres centres de données pourraient faire de même, c’est une situation gagnant-gagnant”, affirme Admir Shala, l’ingénieur qui coordonne le projet. Le professeur McMullin est plus sceptique: “le projet reste limité, nous n’avons pas de réseaux de chauffage auxquels raccorder cette chaleur perdue et les centres tournent toute l’année, alors qu’on a besoin de chauffage que six mois par an”, dit-il.  

Dans un village alsacien, le bistrot entre à l’Ehpad pour créer du lien

Dans le village alsacien de Kunheim, la maison de retraite a acquis une licence IV et ouvre régulièrement un bar au public, une initiative originale visant à créer des échanges entre générations et apporter un “supplément d’âme” aux résidents.Un samedi de novembre, peu avant le déjeuner. C’est l’heure de l’apéro au bar du centre d’accueil des personnes âgées de la Roselière, dans cette commune du Haut-Rhin de quelque 1.800 habitants.Dans la salle comble règne un brouhaha de conversations animées et de rires mêlés aux chansons de variété française diffusées par un DJ. Attablées devant un kir au vin blanc, des résidentes en fauteuil roulant papotent. “Regardez, ça fonctionne, elles discutent”, se réjouit Robert Kohler, le directeur de cet Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).Il y a quelques mois, cet homme de 69 ans, également maire du village voisin de Urschenheim, a racheté une licence IV, qui autorise à vendre des alcools forts, à l’occasion de la fermeture d’un restaurant dans sa commune.Son idée: “dynamiser” la table d’hôte existante de son établissement, qui compte 127 résidents, et créer un bar ouvert au public tous les 15 jours.Aucune intention mercantile, assure-t-il, comme le laissent supposer les prix modiques pratiqués: 2 euros pour la plupart des consommations, du verre de crémant à la bière ou aux boissons non alcoolisées.”L’objectif principal, c’est de faire venir un maximum de monde, de l’extérieur vers l’intérieur, pour qu’il y ait une vie qui puisse, tout simplement, continuer pour nos résidents”, souligne-t-il alors qu’un nombre croissant d’entre eux perdent leur autonomie et ne peuvent plus sortir au restaurant.”Il y a des contacts qui se créent, et c’est cette vie qu’on recherche, ce supplément d’âme qu’on souhaite apporter à nos résidents”.- “Partager un moment” – Samedi, sur les dizaines de visiteurs venus pour l’occasion, la plupart ont des liens familiaux avec les résidents, comme Véronique Gerhard, 57 ans.”Maman est en fauteuil, on ne peut plus la sortir pour aller boire un verre. Alors moi, je trouve ça génial que nous, on puisse venir ici chez elle pour le faire”, témoigne-t-elleNicolas Bacher, 37 ans, dont la grand-mère a été résidente, est venu avec son frère, sa belle-sœur et des amis, pour “partager ce moment avec les personnes âgées” qui souvent “sont seules ici”.”C’est notre village et c’est notre histoire aussi quelque part. Peut-être un jour ce sera nous qui viendrons ici”, dit-il.La plupart des aînés, pour beaucoup nonagénaires, se laissent prendre au jeu, même si certains, comme Colette Knoery, constatent qu’avec ce bruit, “on peut moins bien discuter”.Mais c’est “très sympa”, dit-elle. “Les gens se voient, et ils boivent ensemble. C’est important”, sourit doucement cette femme de 96 ans qui passera son deuxième Noël au centre, mais sans son mari décédé à la fin de l’an passé.- “Porteur d’avenir” -Le projet n’en reste pas moins ambitieux. Il y a toujours quelque appréhension à entrer dans un Ehpad, reconnaît M. Kohler, mais “à travers cette licence IV, ce bar, c’est à nous de transformer l’image de nos établissements” et “convaincre l’ensemble de la population de toutes les belles choses qui se passent en maison de retraite”. D’ailleurs, l’idée séduit selon lui. À Barr, une autre ville alsacienne, un projet identique est en train de se monter, dit-il.Face au vieillissement accru de la population et dans le cadre des réflexions pour mieux accompagner les aînés, le concept d’ouvrir les maisons de retraite est définitivement “porteur d’avenir”, juge la maire de Kunheim, Jill Köppe-Ritzenthaler, également venue trinquer samedi.Ce bar peut faciliter le “lien social entre les résidents des Ehpad et les personnes âgées qui habitent encore chez elles, mais qui sont peut-être un peu isolées”, pointe-t-elle.”On essaie vraiment d’enlever les barrières entre la société plus jeune et vieillissante”, souligne l’édile, et ainsi “créer des concepts de vieillissement qui sont plus inclusifs”.

Don du sang: entre animaux domestiques, ça marche aussi

“Allez Serge, tout va bien se passer”. Sur la table d’une clinique vétérinaire strasbourgeoise, Serge, un chat tigré de 3 ans et 6,2 kilos, groggy, attend que son sang soit prélevé par l’équipe de la doctoresse Roxane Lebel.Depuis l’été, la clinique Agoravet a lancé une campagne de dons du sang chez les chiens et les chats pour créer sa propre banque de stockage, une première dans le Grand Est.”Nous avons lancé cette campagne car nous avons un réel besoin de sang pour faire des transfusions, nous en manquons. Tout comme chez les humains, chez les animaux c’est la même chose”, explique Roxane Lebel, qui dirige l’équipe chargée des prises de sang.Les transfusions sanguines animales sont utilisées en cas d’hémorragie, le plus souvent suite à des accidents, d’anémie ou encore d’intoxication.”Avant, on demandait aux propriétaires de trouver des chiens autour d’eux, on travaillait dans l’urgence, ce n’est jamais l’idéal”, précise-t-elle.Désormais, une fois par mois, les propriétaires de chiens et de chats peuvent amener leur animal pour donner son sang. La clinique communique sur les réseaux, les propriétaires remplissent un formulaire avant de convenir d’un rendez-vous.Lucas Lo Pinto, 25 ans, propriétaire de Serge, est heureux que la clinique dispose du sang de son chat: “Je pense que si les animaux pouvaient parler ils nous diraient qu’ils ont envie de le faire, donc je pense que c’est vraiment un geste important.”- Critères stricts -L’opération ne va pas de soi. Après avoir sédaté Serge et lui avoir rasé les poils du cou, l’équipe vétérinaire engage une longue bataille de 45 minutes avant de trouver sa veine jugulaire. Enfin, 60 millilitres sont récoltés. “On préfère les gros chats, on peut leur prendre un volume plus conséquent et les veines sont plus visibles”, sourit le Dr Lebel. Le donneur doit respecter des critères stricts. “L’animal doit avoir entre 1 et 8 ans”, le chat, de préférence d’intérieur “doit peser plus de quatre kilos, le chien plus de 20 kilos” et évidemment, ils doivent être en bonne santé, détaille-t-elle. Flavie Wiotte, étudiante de 24 ans, dit avoir vu passer l’annonce sur les réseaux sociaux. “Je me suis dit que c’était l’occasion d’amener mon chat”, prénommé Panique, 2 ans, félin noir très sociable.Mais c’est raté pour Panique. Son taux de globule blanc n’est pas assez élevé pour qu’on puisse prélever son sang.- Forte demande – En France, le don de sang vétérinaire est organisé via des hôpitaux vétérinaires universitaires, certaines cliniques et des banques de sang, au nombre de cinq seulement actuellement, y compris celle de Strasbourg.Outre un paquet de croquettes après leur don, les animaux reçoivent en général un suivi médical régulier et gratuit, afin de s’assurer aussi qu’ils restent aptes à être donneurs.Comme les humains, chiens et chats ont des groupes sanguins.Les canidés peuvent recevoir une première transfusion sans typage. Mais pour les suivantes, il faudra s’assurer de la compatibilité sanguine.Les chats sont eux très vulnérables aux incompatibilités. A et B ne sont pas interchangeables, et en cas de mélange, l’animal a de forte chance de ne pas y survivre.”Nous essayons d’avoir toujours du stock de sang pour les chats et les chiens de groupes les plus fréquents (A et DEA+). Le sang ayant une date de péremption, nous n’avons pas de stock fixe”, souligne le Dr Lebel.La clinique peut extraire du plasma de chien et de chat, qui peut se garder au frais jusqu’à un an.Les dons varient d’un mois à l’autre et la clinique reste confrontée à une forte demande, souligne-t-elle, espérant que la mobilisation des gens – et de leur compagnon à quatre pattes – se maintienne dans l’avenir. Car avoir une banque de sang fait une différence.”Nous nous en servons de jour comme de nuit et cela nous permet d’apporter une qualité de soins et une rapidité plus importantes qu’auparavant”, dit-elle. Après quelques mois de mise en service, le projet “a permis de sauver plusieurs vies”.

Les associations de soutien aux migrants ne font plus recette

Les associations d’aide aux migrants, attaquées de toutes parts et fragilisées par des baisses de subventions, doivent redoubler d’efforts pour convaincre leurs mécènes de continuer à soutenir une cause jugée “trop polarisante”.  “On est dans une situation financière totalement inédite”, observe Benoit Hamon, à la tête de Singa. En quelques semaines, l’association de soutien à l’insertion des réfugiés a perdu 40% de ses ressources avec une baisse des subventions publiques, mais aussi le départ de deux partenaires privés.”Des fondations américaines nous ont dit que nos sujets étaient trop polarisants aux Etats-Unis et qu’elles ne voulaient pas s’exposer à des risques de sanctions ainsi qu’à une mauvaise publicité”, confie l’ex-responsable socialiste dont l’organisation compte quelque 80.000 membres en Europe et Amérique du Nord.Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a démantelé l’agence américaine pour le développement international (USAID) et bloqué des milliards de dollars permettant de soutenir des programmes humanitaires à travers le monde tout en menant une politique anti-migrants.”Les ONG qui, il y a 20 ans, étaient considérées comme des organisations de solidarité et des sujets de fierté sont désormais jugées comme complices de passeurs et criminelles”, se désole le directeur général de Singa.- “Trop casse-gueule” -Associations changeant de nom pour bannir le mot “migrant”, fondations poussant pour que les programmes soient orientés vers des aides “aux Français”, mécènes “historiques” reportant leurs priorités vers d’autres causes, les ONG d’aide aux étrangers dans la précarité peinent de plus en plus à convaincre, affirment plusieurs d’entre elles à l’AFP.”Il y a plein d’argent dans les fondations privées, mais elles préfèrent les redéployer vers des sujets plus neutres: elles veulent du retour sur investissement et jugent le sujet trop +casse gueule+ pour y associer leur marque”, constate, amer, un responsable associatif sous couvert d’anonymat.”Elles veulent investir sur les bonnes écuries, les bons chevaux, pas les crevards”, poursuit-il, en craignant en révélant son identité d’aggraver encore la situation.Seule organisation privée à avoir accepté de répondre aux questions de l’AFP, la Fondation BNP Paribas, assure maintenir ses financements.”Plus que jamais, il faut soutenir les réfugiés face aux baisses des subventions publiques et la crise des associations historiquement graves en France comme aux États-Unis”, défend sa déléguée générale, Isabelle Giordano. Ces dix dernières années, la fondation bancaire a versé 41 millions d’euros de dons dans des programmes développés à travers douze pays européens. Dernièrement aux Pays-Bas, où, à l’instar d’autres Etats du continent, l’immigration électrise les débats politiques sous l’influence grandissante de l’extrême droite.- “Peu importe d’où ils viennent” -“On doit réaffirmer nos engagements et nos convictions”, ainsi que “changer le regard sur les réfugiés”, insiste Mme Giordano.L’association SOS Méditerranée, qui porte secours à des migrants en mer, a aussi fait les frais de cette “instrumentalisation”, même si elle est parvenue à maintenir à flot son budget “grâce à des donateurs fidèles”, décrit-elle. “Nos subventions publiques ont été attaquées par des militants d’extrême droite. Nous avons gagné devant le Conseil d’État qui a réaffirmé la légalité de ces aides, mais cela crée un climat de suspicion”, déplore l’ONG internationale, régulièrement accusée d’être “complice des passeurs”.Une inquiétude partagée par le Centre Primo Levi, qui fait pourtant référence dans le soutien aux personnes torturées et a perdu un quart de son budget. Pour la première fois en 30 ans d’existence, cet organisme basé à Paris doit procéder à une réduction des effectifs.”Nous ne sommes pas une association militante, nous ne faisons que soigner nos semblables psychotraumatisés, peu importe d’où ils viennent”, défend, de guerre lasse, sa directrice Tatiana Theys, constatant le “recul” de cette cause.La noyade du petit Alan Kurdi, trois ans, sur une plage turque lors du naufrage de son embarcation il y a dix ans, “n’émeut plus: le petit Alan, il a disparu, on n’en fait plus grand cas aujourd’hui”, regrette avec émotion la directrice.

Les droits des enfants bafoués par une justice inadaptée, selon la Défenseure des droits

Manque de moyens, conditions de vie “indignes”, absence de cadre éducatif solide : la Défenseure des droits dénonce, dans un rapport publié mercredi, une série d’entorses aux droits des enfants tout au long de leur parcours judiciaire. “Le fondement du droit des mineurs à une justice adaptée est simple : un enfant, ou un adolescent, n’est pas un adulte”, martèle Claire Hédon, d’une même voix avec le Défenseur des enfants Éric Delemar, dans le rapport annuel de l’autorité indépendante sur les droits des enfants. En parallèle de la sanction, “la justice des mineurs doit éduquer, protéger, prévenir la récidive, au risque de reproduire ce qu’elle entend combattre : l’exclusion, la défiance et, in fine, la délinquance”, ajoutent-ils. “Or les dispositifs qui visent à accompagner les mineurs fragiles – protection judiciaire de la jeunesse et protection de l’enfance en premier lieu – souffrent d’un grave manque de moyens”, relèvent-ils.Dans le cadre de la détention, “les conditions indignes de vie et l’absence de cadre éducatif solide, avec notamment un nombre d’heures de cours insuffisant, témoignent de ce que la privation de liberté ne permet pas de garantir leur réinsertion dans la société.”Les mineurs, ajoutent les deux Défenseurs, manquent d’information sur leurs droits et leur “particulière vulnérabilité” n’est pas prise en considération tout au long de leur parcours pénal. Le rapport s’inquiète également de la “remise en cause” récente de la nécessité d’un traitement spécifique des mineurs délinquants, inscrite dans l’ordonnance du 2 février 1945 et réaffirmée dans le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) de 2021. Adoptée au Parlement en mai dernier, la loi Attal qui visait à durcir la justice des mineurs a vu plusieurs de ses articles retoqués par le Conseil constitutionnel. La priorité devrait être de “répondre à la délinquance des mineurs par l’éducation et la prévention, par une sanction adaptée et accompagnée et non par la peur ou l’instrumentalisation”, écrivent Claire Hédon et Eric Delemar. Pour son rapport, l’autorité indépendante a consulté plus de 80 structures, institutions, associations et professionnels et a recueilli la parole de plus de 1.600 enfants et jeunes de 6 à 25 ans. Elle émet 25 recommandations, parmi lesquelles l’inscription dans la loi du principe de non-responsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans ou encore la création d’un code de l’enfance. L’institution appelle également à renforcer la prévention du décrochage scolaire, le soutien à la parentalité et à assurer l’effectivité des cours d’enseignement moral et civique.