Un gouvernement “d’expérience” pour “réconcilier” les Français: François Bayrou a convoqué des poids lourds, dont les anciens Premiers ministres Élisabeth Borne et Manuel Valls, pour former une équipe sans grande ouverture à gauche et attendue de pied ferme dans une Assemblée nationale sans majorité.Le nouveau Premier ministre s’est dit “fier” d’un “collectif d’expérience pour réconcilier et renouer la confiance avec tous les Français”, dix jours après son arrivée à Matignon.Lundi soir sur BFMTV, il s’est montré “persuadé” que ce gouvernement et “l’action” qu’il entend mener “feront que nous ne serons pas censurés”.Il ne sollicitera pas la confiance de l’Assemblée sur sa déclaration de politique générale le 14 janvier, renvoyant à la motion de censure déjà annoncée par La France insoumise. “CQFD”, a réagi Jean-Luc Mélenchon.Il a par ailleurs refusé de suspendre la réforme des retraites comme le réclame la gauche, après avoir proposé jeudi de rouvrir une discussions sur cette réforme pendant neuf, voire “six mois”.L’équipe gouvernementale compte 35 membres, moins nombreuse que le gouvernement Barnier (42) mais moins resserrée qu’envisagé, et quasiment paritaire avec 18 femmes et 17 hommes. Et marquée par une certaine continuité avec 19 ministres conservés dans la nouvelle équipe. Qui suscite déjà une avalanche de critiques des oppositions.Un gouvernement de “droite extrême” en forme de “provocation”, a jugé le patron du PS Olivier Faure. Une équipe “rempli(e) de gens désavoués dans les urnes et qui ont contribué à couler notre pays”, a renchéri la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.Le Rassemblement national, lui, manie l’ironie: “heureusement que le ridicule ne tue pas” car “François Bayrou a réuni la coalition de l’échec”, a jugé le président du parti d’extrême droite Jordan Bardella.Côté LR, Laurent Wauquiez a déclaré lundi soir devant ses députés que le soutien au gouvernement sera “très exigeant” et pourrait être “retiré” en fonction du cap affiché. Il critique le poids en baisse des LR dans le gouvernement, qui accueille cependant de nouveau membres de son groupe, comme Yannick Neuder (Santé) ou Véronique Louwagie (Commerce et Artisanat)Le premier Conseil des ministres de cette nouvelle équipe est programmé le 3 janvier.-Aucune “influence” du RN-Le nouveau Premier ministre avait de longue date clamé sa capacité à nommer un gouvernement de large ouverture, à droite comme à gauche. Sans surprise, l’équipe annoncée lundi ne comporte cependant aucun membre de l’alliance de gauche Nouveau Front populaire (NFP).L’équipe comporte quatre ministres d’État, dont deux anciens locataires de Matignon en charge de priorités lourdes: Élisabeth Borne prend en charge l’Éducation nationale, tandis que Manuel Valls hérite du dossier explosif de l’Outre-mer, avec comme urgence la situation à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, et avec rang de numéro 3 du gouvernement.Trois mois après son départ de l’Intérieur, Gérald Darmanin revient aussi au gouvernement, avec lui aussi rang de ministre d’État: il hérite de la Justice, poste initialement proposé à Xavier Bertrand, qui a fait savoir peu avant l’annonce du gouvernement qu’il refusait d’intégrer une équipe composée “avec l’aval de Marine Le Pen”.M. Bayrou a réfuté toute “influence” du RN sur la composition de son gouvernement, et a expliqué que Xavier Bertrand avait une “démarche” jugée “violente” qui n’était pas la sienne pour ce poste.M. Darmanin, qui lorgnait les Affaires étrangères, agira en tandem avec Bruno Retailleau, conforté Place Beauvau avec rang de ministre d’État.”La grande majorité des Français pensent que nous sommes dans un pays d’insécurité”, a estimé le Premier ministre.M. Bayrou a cependant averti, après, dit-il, en avoir discuté avec M. Retailleau: “pas de grande loi destinée à faire, en fait, de la communication”.Parmi les nouveaux entrants, Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et qualifié d’homme de gauche par François Bayrou, est nommé ministre de l’Économie. François Rebsamen, ancien ministre de François Hollande ayant apporté un soutien critique à Emmanuel Macron depuis 2022, hérite de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation.Autre ex-PS, Juliette Méadel a été nommée ministre déléguée chargée de la ville.-Priorité au budget-Parmi les 19 ministres reconduits figurent Sébastien Lecornu (Défense), Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères), Annie Genevard (Agriculture) ou encore Rachida Dati (Culture), Astrid Panosyan-Bouvet (Travail et Emploi) et Valérie Létard (Logement).Des ministres sortants changent de portefeuille, comme Catherine Vautrin, qui retrouve un grand ministère de la Santé et du Travail. Ou encore Laurent Saint-Martin, qui cède les Comptes Publics à une revenante macroniste, Amélie de Montchalin, et récupère le Commerce extérieur.Laurent Marcangeli, le président des députés Horizons, le parti d’Édouard Philippe, hérite de la Fonction publique, tandis que François Bayrou a confié le poste stratégique des Relations avec le Parlement à un proche, le MoDem Patrick Mignola.Le socle gouvernemental du centriste serait finalement assez proche de celui du LR Michel Barnier, renversé le 4 décembre par une motion de censure de l’Assemblée nationale, après trois mois en poste.Alors que François Bayrou ambitionnait d’annoncer son équipe pendant le week-end, celle-ci est finalement tombée lundi, décrété journée de deuil national par le président Emmanuel Macron pour l’archipel dévasté par le cyclone Chido. Une minute de silence été observée dans tout le pays à 11H00 en hommage aux victimes de la catastrophe, dont le bilan provisoire s’élève à 35 morts et 2.500 blessés.L’une des premières tâches de ce gouvernement, le quatrième de l’année 2024, sera de faire adopter un budget, alors que le gouvernement de Michel Barnier a été renversé par l’Assemblée sur le premier gros texte financier, le budget de la Sécurité sociale.Sur le sujet épineux du Budget, il a dit vouloir parvenir à un “équilibre” autour de 5% ou “un peu plus de 5%” de déficit public en 2025. En prenant ses fonctions, le nouveau ministre de l’Economie Eric Lombard a appelé à “traité” le déficit qu’il a qualifié de “mal endémique”.Jeudi, sur France 2, François Bayrou avait dit espérer l’adoption d’un budget “à la mi-février”, sans être “sûr d’y arriver”. Il a alors précisé qu’il repartirait de “la copie qui a été votée” au Parlement avant la censure du gouvernement Barnier.