A quelques heures de la déclaration de politique générale, François Bayrou et ses ministres ont multiplié les négociations avec le Parti socialiste pour tenter de décrocher un accord de non-censure. Avec au coeur des discussions, encore et toujours, la réforme des retraites, sans signe d’ouverture majeure.L’équation reste toujours aussi délicate pour le Premier ministre, engagé dans des tractations avec la gauche non-mélenchoniste, sans pour autant braquer ses alliés LR et même macronistes, qui haussent le ton face à un possible retour en arrière sur les retraites.Cela a donné lieu à longue chorégraphie de pourparlers lundi, notamment à Matignon où François Bayrou a accueilli une délégation socialiste en fin d’après-midi, après s’être entretenu avec les présidents des deux chambres du Parlement, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet.Alors que le Premier ministre doit prononcer mardi à 15H00 devant l’Assemblée sa déclaration de politique générale, l’attention de l’exécutif se concentre sur le parti d’Olivier Faure et les gages à lui donner pour obtenir un accord de non-censure. Déjà reçus dans l’après-midi par les ministres Catherine Vautrin (Travail et Santé), Eric Lombard (Economie) et Amélie de Montchalin (Comptes publics), les négociateurs socialistes ont déploré qu’on leur présente une copie budgétaire “inacceptable en l’état”. Surtout, de même source, les ministres auraient fermé la porte à une suspension de la réforme des retraites, pourtant réclamée à cor et à cri par la gauche. “Au moment où on parle, il n’y a pas de big deal. C’est assez fâcheux parce que la semaine dernière on a vécu un moment inédit (…): on avait un gouvernement qui acceptait de négocier”, a regretté sur France 5 le député socialiste Jérôme Guedj.La réception à Matignon a-t-elle permis d’ouvrir le jeu ? Les représentants du parti à la rose, dont Olivier Faure et Boris Vallaud attendus dans des émissions matinales mardi, se sont murés dans le silence à la sortie.Les Insoumis, qui ne participent pas aux négociations, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils déposeraient une motion de censure, qui sera examinée jeudi ou vendredi. Faute de soutien du RN à cette motion, le gouvernement ne devrait de toute façon pas tomber cette semaine. – Un “gage” qui divise -Les socialistes réclament que cette suspension soit effective dès le début de la renégociation de la réforme envisagée pour six mois avec les partenaires sociaux, et non pas uniquement en cas de succès de celle-ci. “La suspension c’est le gage donné à une discussion qui ne peut pas être un enfumage”, soutient Olivier Faure dans Libération.Si cette pause était techniquement faisable, cela voudrait dire que les personnes nées en 1963 pourraient partir à 62 ans et 6 mois (avec une durée de cotisation de 42 ans et un trimestre) au lieu de 62 ans et 9 mois (avec une durée de 42,5 ans) comme prévu.Mais cette suspension divise le camp présidentiel.Certains semblent prêts à l’accepter, comme prix de la stabilité politique, à l’instar de Yaël Braun-Pivet qui a affirmé “ne pas être opposée par principe” au fait d'”arrêter” brièvement la réforme des retraites pour en “rediscuter”.D’autres en revanche s’y opposent, faisant valoir son coût, estimé autour de 3 milliards d’euros pour la seule année 2025. “Suspendre c’est abroger, il faut arrêter de jouer sur les mots. On ne peut pas se permettre de détricoter la réforme des retraites”, a prévenu le député macroniste Mathieu Lefèvre sur RMC.”Ca n’est jamais mauvais de discuter (…) Mais revenir en arrière, perdre du temps (et) placer la France dans une situation financière plus critique me paraît une mauvaise idée”, a également mis en garde Edouard Philippe depuis sa ville du Havre.- “Sauter dans le vide” -Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a, lui, jugé qu'”il y a des choses qu’on peut négocier à nouveau”, notamment sur “l’usure professionnelle” et “l’emploi des seniors”.Mais “c’est une réforme qui est systémique et si demain on atteignait le cœur du réacteur en termes de rendement budgétaire de cette réforme, alors on mettrait la France, pour le plaisir de la gauche, en danger, notamment budgétaire et financier”, a-t-il aussi averti lundi soir.Le PS propose de financer cette suspension par le Fonds de réserve des retraites, créé à la fin des années 90, mais “ce n’est pas une cagnotte”, a prévenu la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet sur Radio J.La droite menace de son côté de quitter le gouvernement si François Bayrou fait trop de concessions à la gauche.Dans un entretien accordé au Parisien, le patron des députés LR Laurent Wauquiez a estimé que “suspendre (la réforme) sans scénario alternatif” reviendrait à “sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la Droite républicaine !”.Les échanges vont donc se poursuivre, avec jamais loin de M. Bayrou l’ombre du président de la République, dont le bilan est étroitement lié à la réforme des retraites.