Norvège: premier tir d’un engin orbital lancé depuis l’Europe continentale
Une start-up allemande espère procéder lundi depuis la base spatiale norvégienne d’Andøya, au-dessus du cercle polaire arctique, à un vol test de sa fusée Spectrum, une première dans une Europe qui tient à conserver un accès indépendant à l’espace.Prévu entre 12H30 et 15H30 (entre 11H30 et 14H30 GMT) si la météo le permet, ce tir sera le premier lancement vertical d’un véhicule orbital sur le continent européen, hors Russie.Faisant 28 mètres de haut pour deux mètres de diamètre avec une capacité d’emport d’une tonne, le mini-lanceur Spectrum ne transportera pas de cargaison pour l’occasion et ne devrait pas non plus atteindre une distance orbitale.”Chaque seconde de vol est précieuse, car elle nous permet de recueillir des données et de gagner en expérience. Trente secondes de vol seraient déjà un vrai succès”, explique Daniel Metzler, cofondateur et patron d’Isar Aerospace, le constructeur de la fusée.”Nous ne nous attendons pas à atteindre l’orbite avec ce test. En réalité, aucune entreprise n’a encore réussi à placer son tout premier lanceur orbital en orbite. SpaceX (du milliardaire Elon Musk, ndlr) a eu besoin de quatre tentatives, mais nous voulons aller plus vite”, a-t-il ajouté dans un courriel à l’AFP.L’espace occupe une place importante dans le rapport Draghi, publié l’an dernier, sur la compétitivité de l’Union européenne.Privée d’accès aux cosmodromes et aux lanceurs russes à cause des graves tensions avec Moscou, l’Europe a connu une mauvaise passe à cause des retards dans le développement de la fusée Ariane 6 et une suspension du lanceur Vega-C après un accident.Ce n’est que le 6 mars, avec le premier vol commercial d’une Ariane 6 depuis Kourou en Guyane français, qu’elle a retrouvé sa souveraineté spatiale après plusieurs mois sans accès indépendant à l’espace.- Course de vitesse -Moins chers, les micro et mini-lanceurs comme Spectrum, généralement développés par des acteurs privés, représentent un complément bienvenu pour la mise en orbite de constellations de satellites miniaturisés destinés par exemple à l’observation de la Terre ou à la couverture internet.”L’essor de ces nouveaux acteurs et des nouveaux services de lancement européens s’inscrit dans un objectif commun: garantir un accès indépendant et souverain à l’espace. Leur rôle devrait se renforcer dans les années à venir”, affirme Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l’Agence spatiale européenne (ESA).Sur un marché européen qui cherche à rattraper son retard sur les américains SpaceX et Blue Origin (Jeff Bezos), Isar Aerospace, ses compatriotes HyImpulse et Rocket Factory Augsburg (RFA), les français Latitude et MaiaSpace (filiale d’Arianegroup) ou encore l’espagnol PLD Space sont engagés dans une course de vitesse pour s’imposer comme des acteurs incontournables du secteur.Parallèlement, des Açores portugaises aux Shetland britanniques en passant par Andøya ou Esrange en Suède voisine, de multiples projets européens de ports spatiaux prennent forment, souvent déterminés à tirer les premiers.En Grande-Bretagne, la société Virgin Orbit du milliardaire Richard Branson, qui utilisait un Boeing 747 pour faire décoller une fusée en altitude, a mis fin à ses activités après l’échec début 2023 de son premier lancement depuis “Spaceport Cornwall” dans le sud-ouest de l’Angleterre.Le vol prévu lundi par Isar Aerospace sera le premier tir vertical d’un véhicule orbital sur le continent européen, où ces lancements ne concernaient jusqu’alors que des fusées suborbitales.”Quel que soit le résultat, le lancement de Spectrum marquera une étape importante, puisqu’il s’agit du premier lancement d’un lanceur européen entièrement sous responsabilité privée. Nous soutenons pleinement cette dynamique”, souligne M. Tolker-Nielsen.Fondée en 2018, la start-up munichoise se targue d’avoir développé son lanceur de deux étages quasi intégralement en interne. Elle a d’ores et déjà signé un contrat avec l’agence spatiale norvégienne pour la mise en orbite d’ici 2028 de deux satellites de surveillance maritime.Se présentant comme “le premier port spatial opérationnel d’Europe continentale”, la base d’Andøya vante de son côté son emplacement dans l’Arctique, idéal pour le lancement de satellites polaires ou héliosynchrones, c’est-à -dire qui passent au-dessus de n’importe quel point de la planète à la même heure solaire locale chaque jour.