Faut-il assouplir les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols? Le Sénat a commencé mercredi l’examen d’un texte pour revoir certains principes du “zéro artificialisation nette” (ZAN), régulièrement ciblé par la droite et dont la remise en cause inquiète la gauche et une partie de la macronie.Les débats, qui continueront jeudi et s’étireront jusqu’à un vote solennel prévu mardi, s’annoncent assez animés à la chambre haute sur l’un des chevaux de bataille de la majorité sénatoriale, une alliance entre Les Républicains et les centristes.Ces derniers ne cessent de fustiger les contraintes pesant sur les élus locaux dans le cadre du ZAN, qui fixe un objectif très ambitieux depuis la loi Climat de 2021: stopper l’étalement urbain d’ici 2050. A cette date, toute nouvelle surface urbanisée devra ainsi être compensée par la renaturation d’une surface équivalente.”Une logique planificatrice et dirigiste des gouvernements successifs”, s’alarme le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc, qui a appelé en ouverture des débats à “changer de méthode, changer cette planification descendante”.Avec le centriste Guislain Cambier, il porte une proposition de loi pour suggérer divers aménagements, après de premiers assouplissements déjà votés en 2023.La mesure phare du texte entend revenir sur un objectif intermédiaire fixé à 2031, qui prévoit de diviser par deux le rythme d’artificialisation au cours de la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente (2011-2021). Sans remettre en cause néanmoins l’échéance de 2050 et l’objectif du “zéro artificialisation nette”.”Il faut assouplir, donner de la respiration et surtout donner la main aux territoires pour qu’ils décident eux-mêmes de leur propre trajectoire”, a expliqué la rapporteure centriste Amel Gacquerre.- “Trace” après “ZAN” -Pour lutter contre une loi jugée “descendante” et “désasphyxier” les collectivités, les sénateurs entendent aussi repousser les calendriers prévus par la loi, pour intégrer les objectifs de sobriété foncière dans les documents d’urbanisme, et donner plus de pouvoir aux élus locaux pour contraindre la région à revoir ses objectifs de désartificialisation.Ils souhaitent également exclure du décompte du ZAN, jusqu’en 2036, les implantations industrielles, les infrastructures de production d’énergie renouvelable et les constructions de logements sociaux dans les communes qui en sont déficitaires.Plus symbolique, les sénateurs proposent de supprimer l’appellation du ZAN – “devenue un repoussoir” selon eux – au profit de l’acronyme “Trace”, pour “Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux”.Autant d’aménagements qui inquiètent au plus haut point une partie de la gauche, et notamment le groupe écologiste, qui a tenu mardi une conférence de presse pour dénoncer une “loi de détricotage complet du ZAN”.”Nous dénonçons cette capitulation par rapport aux enjeux essentiels de sobriété foncière”, a fustigé le sénateur de Paris Yannick Jadot.- Objectif intermédiaire en 2034 ? -Si le gouvernement partage de son côté l’ambition “d’assouplir autant que possible” le dispositif, le ministre de l’Aménagement du territoire François Rebsamen a rappelé dans la soirée son opposition à certains objectifs du Sénat, craignant qu’ils soient “contreproductifs”.Un amendement gouvernemental propose ainsi de rétablir l’objectif intermédiaire d’une artificialisation réduite de moitié, mais en le repoussant de trois années, à 2034. “Il me semble indispensable de pouvoir essayer d’évaluer objectivement cette avancée, d’identifier les écarts et se donner la possibilité d’atteintre l’objectif en 2050 pour ceux qui seraient en retard”, a insisté le ministre.Le Sénat devrait rejeter la proposition gouvernementale, au profit d’un dispositif moins contraignant imposant aux collectivités de se fixer un objectif certes “crédible” pour 2034, mais dont le chiffrage sera à la main des territoires.L’initiative du Sénat va rapidement être éclairée par une mission parlementaire de l’Assemblée nationale, menée par la députée Renaissance Sandrine Le Feur et dont les conclusions, attendues fin mars, “s’opposeront à la proposition de loi du Sénat”, selon l’entourage de la présidente de la commission Développement durable de l’Assemblée. Les associations d’élus aussi accueillent diversement cette initiative. “Changer toutes les règles alors que tout le monde s’est mis au travail, recréer de l’incertitude chez les élus, je ne sais pas si c’est la meilleure des choses”, s’est interrogé mercredi Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France.
