A Rome, Darmanin justifie les prisons bunker pour affirmer “l’autorité de l’Etat”

Affirmer “l’autorité de l’Etat”: le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a justifié lundi à Rome la création de prisons de haute sécurité réservés aux plus dangereux narcotrafiquants incarcérés, en prenant en exemple le modèle italien antimafia.M. Darmanin a visité dans la matinée le Centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d’isolement et de surveillance particulièrement draconien.Grâce à leur “régime de détention particulier antimafia”, les Italiens “ont réussi à empêcher la continuité des activités criminelles”, a déclaré M. Darmanin lors d’un point-presse en fin de journée avant de s’entretenir avec son homologue Carlo Nordio.M. Darmanin a annoncé début janvier son intention de rassembler les “cent plus gros narcotrafiquants” incarcérés dans “une prison de haute sécurité”.Cet établissement sera “réalité” fin juillet, et deux autres d’ici deux ans, pour détenir “plus de 600” narcotrafiquants “particulièrement dangereux”, a-t-il par la suite précisé.Il souhaite priver ces détenus de moyens de contacter l’extérieur sans contrôle et de poursuivre leurs activités de narcotrafic depuis leur cellule.Très restrictif, le modèle italien de détention réservé aux condamnés les plus dangereux a fait ses preuves, selon M. Darminin qui souhaite s’en inspirer pour doter l’administration pénitentiaire de prisons bunker.- “La prison dure” -Le régime de détention italien connu sous le nom de 41-bis s’applique essentiellement à des prisonniers poursuivis pour crimes mafieux et terroristes.Régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits, il fait partie d’un arsenal législatif et pénitentiaire parfois désigné sous le nom de “prison dure”.Il a été créé en 1975 pour éviter des mutineries mais est passé à une plus grande échelle après la vague d’attentats et d’assassinats perpétrés par la mafia dans les années 1980 et 1990.Cet article du règlement pénitentiaire, qui suspend de fait les conditions habituelles de détention, peut être appliqué à d’autres crimes violents et au terrorisme. Selon des chiffres de février 2024, 725 détenus étaient soumis à ce régime carcéral, dont quatre terroristes, les autres appartenant aux principaux groupes mafieux et groupes criminels organisés de la péninsule.Le “41 bis” prévoit l’isolement total pour le prisonnier, sauf deux heures à l’air libre dans un groupe ne pouvant pas dépasser quatre détenus soigneusement choisis pour éviter plusieurs risques: d’un côté celui de la connivence avec d’autres personnes appartenant au même groupe criminel, de l’autre d’éventuels conflits avec un groupe criminel opposé.Ils ont en outre droit à un seul entretien par mois avec des membres de leur famille, derrière une paroi de verre, et cet entretien est enregistré par les autorités carcérales. Ceux qui ne profitent pas de ce droit ont, après au moins six mois de détention, le droit à un appel téléphonique par mois, d’une durée de dix minutes maximum, avec des membres de leur famille, le tout également enregistré.Les sommes d’argent et autres biens que ces détenus peuvent recevoir sont par ailleurs limités.- La taille des casseroles -Ils occupent des sections dédiées des prisons et sont surveillés par des gardes appartenant à un groupe spécial de la police pénitentiaire.Dans un récent rapport, l’ONG Antigone, qui s’occupe des conditions des détenus en Italie, a dénoncé “certaines restrictions dont l’objectif semble être de harceler davantage plutôt que de garantir la sécurité: par exemple la taille des casseroles autorisées ou le nombre et la taille des photos et livres pouvant être gardés dans la cellule”.Le trafic de drogues en Italie pèse environ 16 milliards d’euros par an, selon l’Institut national de la statistique, en hausse régulière, alimenté pour une bonne part par la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, qui règne sur la distribution de cocaïne en Europe.L’impact de ce régime carcéral sur le narcotrafic est difficile à mesurer. Mais selon Gérald Darmanin “le plus important c’est que l’autorité de l’Etat soit respectée”.”Les Français ne comprennent pas qu’il y ait des téléphones portables en prison” ou qu’on puisse “s’évader de prison et exécuter de sang-froid deux agents pénitentiaires”, a-t-il dit en référence à l’évasion du multirécidiviste Mohamed Amra dans laquelle deux agents pénitentiaires avaient été tués en mai 2024.Enfin le régime italien est aussi conçu pour “rendre la prison très difficile” aux détenus dont certains choisissent, pour y mettre fin, de collaborer avec la justice sous le statut de “repenti”, a par ailleurs relevé M. Darmanin qui souhaite introduire un statut semblable en France.