Parfois bousculé, toujours avidement lu à tous les âges, le magazine Elle, qui fête ses 80 ans, a suivi l’histoire des femmes et entend rester “un miroir” et “un aiguillon” pour la société.Conjuguant “légèreté” et “engagement”, à l’image du titre depuis 1945, un numéro anniversaire sera en kiosque jeudi, pour quinze jours.Au choix en Une: l’influenceuse Lena Situations, l’actrice Sophie Marceau ou Inès de la Fressange, figure de la mode apparue dans l’hebdomadaire dès 1975.”Ce sont trois égéries, trois générations de femmes” auxquelles s’adresse Elle, dit sa directrice Véronique Philipponnat.Le magazine, propriété du groupe CMI France, s’écoule à quelque 230.000 exemplaires en moyenne (papier et en ligne), un chiffre qui décroît, comme l’ensemble de la presse féminine.Le secteur, qui compte 25 titres, a connu un recul des ventes de 5% entre 2023 et 2024, selon l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias). Pour toucher de nouvelles audiences, la marque Elle se déploie sur les réseaux sociaux, en podcasts et encore dans l’organisation d’événements.Sa lectrice type est plutôt urbaine et qualifiée, mais il s’agit bien de parler “au plus grand nombre”. “Quand Hélène Lazareff a fondé Elle, il y avait encore le rationnement, c’était un peu l’école de la débrouille. On a gardé cette idée: simplifier, aider la vie des femmes”, fait valoir sa dirigeante à l’AFP. Chaque semaine, on trouve toujours les rubriques mode et beauté, les fiches cuisine et horoscopes, ainsi que des grands reportages. Dans ses dernières éditions, on peut lire un sondage sur “couple et consentement”, ou un article préconisant “tu seras féministe, mon fils”. Un lecteur sur cinq est un homme, souvent curieux de mieux comprendre les femmes.”Il faut être à la fois dans l’air du temps, en même temps un peu en avance, mais pas trop non plus. Il faut se placer toujours du point de vue des femmes”, plaide Véronique Philipponnat. – Moins de retouches -Pour l’historienne Claire Blandin, “Elle n’est pas un journal féministe” et d’ailleurs, “aucun annonceur ne voudrait être associé à un discours militant”. Le titre “entérine plutôt les évolutions de la société française”, estime-t-elle auprès de l’AFP. Ne pas être un journal féministe, “c’est ce qui lui est reproché par les mouvements de défense des droits des femmes” dès les années 1970, rappelle une autre universitaire spécialiste, Karine Grandpierre, dans le documentaire “Elle et nous” que diffusera la chaîne T18 (groupe CMI France également) lundi. La directrice de la rédaction nuance: “On est à la fois le miroir de la société et parfois l’aiguillon”. Pour preuve, ces manchettes en 2017 sur les “violences conjugales, tolérance zéro”, ou les enquêtes sur les accusations de violences sexuelles visant le psychanalyste Gérard Miller ou le chef étoilé Jean Imbert, dans la lignée du mouvement MeToo.Suivre l’évolution de la société, c’est aussi ne plus présenter sur les Unes de papier glacé des femmes objets ou hyper sexualisées, ou des tailles 36 pour un numéro spécial “Perdez 3, 7 ou 10 kilos avant l’été”. Aujourd’hui “les femmes ont envie que ça leur ressemble” et aussi “que ce soit un peu mieux qu’elles-mêmes”, selon Véronique Philipponnat.Elle s’attache à présenter “des femmes de tous les âges” – “ça ne se faisait pas dans les années 2000″. Il y a trois ans, le mot ménopause est aussi apparu sur une couverture.”Je me bats avec les photographes, et les actrices parfois, pour que les photos ne soient pas trop retouchées”, dit-elle encore, préconisant “davantage de rides” et également des “sourires”.Il n’est plus question d’ajouter d'”injonction au corps parfait” à toutes les injonctions, parfois contradictoires, faites aux femmes.Le magazine se passe de mère en fille, avec autour d’un tiers des lectrices ayant moins de 35 ans. La moyenne est de 46 ans, quand le lectorat de Madame Figaro ou Femme Actuelle est plus âgé.Et Véronique Philipponnat de plaider: “La radicalité parfois des jeunes filles nous apporte un regard” sur la société et “le journal se doit d’accueillir toutes ces paroles”, voire les “réconcilier”.
