Braun-Pivet au gouvernement: “il ne faut pas avoir peur de l’Assemblée nationale”

Alors que l’Assemblée nationale sortie des urnes après la dissolution s’apprête à fêter son premier anniversaire, sa présidente Yaël Braun-Pivet (Renaissance) dresse un bilan “nuancé” de son travail, et invite le gouvernement à ne “pas avoir peur” de lui présenter des projets de loi.Elle met aussi en garde le Premier ministre François Bayrou sur le fait de légiférer sur la proportionnelle sans le soutien de son socle politique, LR compris.Q: Quel bilan faites-vous du travail mené durant cette XVIIe législature ?Je dresse un bilan nuancé. J’ai une Assemblée qui tourne, qui n’est pas bloquée. Une assemblée bloquée, je l’ai vécu en 2018 (le gouvernement avait dû retirer sa réforme constitutionnelle face à la paralysie de l’Assemblée suite à l’affaire Benalla, NDLR).Elle a adopté un certain nombre de textes, notamment des propositions de loi transpartisanes (émanant de parlementaires, ndlr), sur la lutte contre le narcotrafic, la fin de vie, la définition pénale du viol ou la parité aux élections locales. 90 textes ont été définitivement adoptés sous la XVIIe législature, dont 39 propositions de loi, 20 projets de loi et 31 propositions de résolution.En revanche, il y un constat très factuel, c’est qu’effectivement je n’ai quasiment pas vu de projet de loi de ce gouvernement qui n’ait pas été initié par ses prédécesseurs.Je le dis au gouvernement: il ne faut pas avoir peur de l’Assemblée nationale. En revanche il faut travailler différemment. Il faut construire les projets de loi avec les parlementaires, créer des groupes de travail, donner de la visibilité.Q: On a pu voir l’Assemblée voter des motions de rejet pour enjamber les débats et accélérer le processus législatif. Qu’en pensez-vous ?Je souhaiterais toujours qu’il y ait un débat à l’Assemblée sur chacun des thèmes.Mais lorsqu’il y a une obstruction importante, elle empêche ce débat. Et donc chacun peut utiliser les armes qui sont les siennes, on peut répondre par un certain nombre d’outils.Ce sont les règles du jeu, et quand on est parlementaire on accepte toutes les règles.Q: Le Premier ministre a affirmé dimanche son souhait de présenter un texte sur la proportionnelle en fin d’année ou début d’année prochaine. Qu’en pensez-vous ?Je considère que le Premier ministre ne doit pas présenter un texte sur la proportionnelle s’il n’a pas le soutien de son socle politique. Je suis favorable à la proportionnelle, mais je déconseille à François Bayrou de faire adopter la proportionnelle avec les voix de l’extrême gauche et de l’extrême droite contre son propre camp.On parle quand même du mode d’élection des députés. Sur ce sujet, venir contre l’avis des députés qui le soutiennent au quotidien et dont il a besoin, je pense que ça n’est pas une bonne idée. Je le lui ai dit quand il a commencé ses consultations.Q: La dissolution sera de nouveau possible à partir du 8 juillet. La redoutez-vous ?La prochaine dissolution je n’y pense pas. Aujourd’hui, on a cette Assemblée, il faut faire ce qu’on peut avec elle. J’entends bien les fantasmes de ceux qui viennent nous expliquer qu’ils ne peuvent gouverner que s’ils ont la majorité absolue, que la majorité absolue c’est la panacée.Je préside une Assemblée nationale sans majorité. Et je ne suis pas sûre que de nouvelles élections législatives, qu’elle interviennent demain ou en 2027, changent radicalement la donne.Q: Certains députés – et François Bayrou – souhaitent modifier le règlement de l’Assemblée pour améliorer son travail. Qu’en pensez-vous ?J’ai sondé les présidents de groupe sur le fait d’organiser les votes sur les textes le mardi après les Questions au gouvernement. La majorité d’entre eux ne le souhaitent pas, car ils ne veulent pas dissocier les explications de vote du vote.Je leur ai proposé de créer un groupe de travail sur le règlement, avec des mesures que l’on pourrait appliquer immédiatement et d’autres qui entreraient en vigueur pour la prochaine mandature. Par exemple, on pourrait augmenter le nombre de députés nécessaires pour créer un groupe politique. Cela peut être 25 ou 30 (contre 15 actuellement hors apparentés, NDLR).Propos recueillis par l’équipe parlementaire de l’AFP