La Cour suprême d’Israël a suspendu vendredi la décision inédite du gouvernement de limoger le chef du Shin Bet, Ronen Bar, dont l’annonce de la révocation a ravivé les profondes divisions de la société.La Cour a annoncé “une mesure provisoire suspendant” ce renvoi, le temps pour elle de tenir des audiences pour examiner, d’ici au 8 avril, cinq recours contre la décision, annoncée par l’exécutif dans la nuit, de révoquer M. Bar, chef de l’agence de la sécurité intérieure, une première dans l’histoire d’Israël.Dans une critique à peine voilée du limogeage de M. Bar, le président israélien Isaac Herzog a déploré jeudi certaines “initiatives controversées” créant “de profonds clivages au sein de (la) nation”.Et à son instar, une partie des Israéliens sont inquiets de ce qu’ils dénoncent comme une dérive autocratique de M. Netanyahu dont la décision de destituer M. Bar serait un nouvel avatar avant l’acte suivant: le lancement dimanche d’une procédure de destitution de la procureure générale du pays, Gali Baharav-Miara.Le gouvernement, un des plus à droite de l’histoire d’Israël, a acté dans la nuit de jeudi à vendredi le renvoi de Ronen Bar, en qui M. Netanyahu affirme ne plus avoir confiance, alors que des milliers d’Israéliens manifestaient à Jérusalem contre cette révocation.Un communiqué officiel laconique a annoncé que M. Bar quitterait ses fonctions au plus tard le 10 avril.- “Gouvernement qui décide” -Mme Baharav-Miara, qui joue aussi le rôle de conseillère juridique du gouvernement, a averti M. Netanyahu que la décision de la Cour suprême lui “interdit” temporairement de nommer un nouveau chef du Shin Bet. “L’Etat d’Israël est un Etat de droit et de par la loi, c’est le gouvernement qui décide qui sera le chef du Shin Bet”, a persisté M. Netanyahu sur son compte X.Le renvoi du chef du Shin Bet est “une décision illégale”, estime une des parties ayant saisi la Cour suprême, le Mouvement pour un gouvernement de qualité, ONG qui avait été en pointe dans le combat contre la réforme de la justice lancée début 2023 par le gouvernement de M. Netanyahu.Cette réforme, dénoncée par ses détracteurs comme un danger pour la démocratie et l’état de droit, a provoqué l’un des plus importants mouvements de contestation populaire de l’histoire d’Israël avant que l’exécutif n’annonce le retrait du projet après le déclenchement de la guerre provoquée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023. Autre requérant devant la Cour suprême, Yesh Atid, parti de centre droit du chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a dénoncé une “décision prise en raison d’un conflit d’intérêts flagrant du Premier ministre”.Le recours met en avant les deux éléments qui, selon les requérants, ont poussé M. Netanyahu à limoger M. Bar: l’affaire nommée “Qatargate” par les médias dans laquelle des proches du Premier ministre sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin en provenance du Qatar, et la mise en cause de l’exécutif dans le fiasco sécuritaire du 7 octobre 2023, jour le plus meurtrier de l’histoire d’Israël.- “Affirmations vagues” -La plainte souligne que la procédure de limogeage de M. Bar n’a été lancée qu’après la publication des conclusions d’un rapport d’enquête interne du Shin Bet reconnaissant son échec à empêcher le 7-Octobre mais mettant aussi en cause, sans le nommer, la politique d’apaisement vis-à-vis du Hamas prônée pendant des années par M. Netanyahu, dont le gouvernement refuse la mise en place d’une commission nationale d’enquête indépendante sur l’attaque ayant déclenché la guerre en cours avec le Hamas.M. Bar accuse M. Netanyahu de n’avoir pour seule motivation pour le renvoyer que son refus de se plier à ses demandes de “loyauté personnelle”.Mme Baharav-Miara, avait mis en garde, elle, contre le caractère potentiellement illégal de la procédure telle qu’elle était envisagée par M. Netanyahu.La procureure générale a recadré publiquement M. Netanyahu à plusieurs reprises et est dans la ligne de mire du Premier ministre pour ses avis juridiques qui l’indisposent.Le gouvernement est appelé à se prononcer sur son sort dimanche à l’occasion d’un “vote de défiance”, qui devrait lancer une longue procédure de destitution.Selon un sondage de la chaîne 12 de télévision israélienne, 51% des Israéliens sont opposés au limogeage M. Bar et 46% disent avoir plus confiance en lui qu’en M. Netanyahu (contre 32% d’avis contraire).
Fri, 21 Mar 2025 18:00:50 GMT
