L’ancien Premier ministre Gabriel Attal, accusé d’avoir contribué à fragiliser Michel Barnier à qui il n’avait voulu délivrer aucun “chèque en blanc”, ne met cette fois-ci aucune “ligne rouge” au gouvernement de François Bayrou, s’astreignant à un relatif silence.Reçu à Matignon lundi comme les autres responsables politiques, le président de Renaissance et chef des députés macronistes ne s’est pas exprimé. Il ne l’avait pas fait davantage la semaine dernière en sortant d’une réunion avec ses homologues à l’Elysée.Un mutisme qui étonne: “C’est fou, il joue au roi du silence”, ironise une source au sein du groupe socialiste à l’Assemblée, qui aimerait bien l’entendre sur plusieurs points chauds des négociations autour d’un éventuel accord de non-censure, qu’il s’agisse de la réforme des retraites ou d’une nouvelle loi immigration.Dans l’entourage du député des Hauts-de-Seine, cette cure de silence est assumée: “On a fait le choix de ne pas imposer de lignes rouges, d’être une force facilitatrice. On ne fait pas de commentaires sur les ministères, on laisse les autres exposer leurs exigences sans qu’on n’y prenne part. On ne peut pas être plus aidants”.- “Moins d’esbroufe” -Vendredi, à l’occasion d’un déplacement à Colmar, Gabriel Attal a apporté un franc soutien à François Bayrou, estimant qu’il était “la bonne personne, au bon moment, au bon endroit” et que tous devaient se ranger derrière lui “sans chercher à tirer la couverture à soi”.”C’est ce qu’attendent les Français, moins de manœuvres, moins de posture, moins d’esbroufe”, a insisté comme dans un mea culpa celui qui a pu être accusé de beaucoup sacrifier à la communication lors de son passage à Matignon, et de se comporter en chef de clan depuis qu’il a pris les rênes du groupe macroniste en juillet.Après la chute du gouvernement Barnier, plusieurs poids lourds du “socle commun” se montrent sévères vis-à-vis du député de 35 ans, renvoyé à sa jeunesse et à son inexpérience.Un ténor estime ainsi qu’il a commis un “paquet” d’erreurs, pointant son attitude lors de la passation avec Michel Barnier à Matignon, ou lors de la déclaration de politique générale de ce dernier, et regrettant les attaques en provenance d’Ensemble pour la République (EPR) relayés dans la presse. “Cela participe d’une météo qui favorise la censure”, a taclé cette source.Pour une députée macroniste, Gabriel Attal a été “en soutien de Barnier le dernier jour, pour mieux le flinguer matin, midi et soir”. “Il y avait des interférences sur la ligne”, grince un député LR, tandis qu’un autre pointe un “côté agressif” et “donneur de leçon”.Même son de cloche dans l’entourage de Marine Le Pen: “Gabriel Attal a été un des artisans de la chute de Barnier”, tranche un conseiller.Une source proche de M. Attal admet une certaine maladresse: “on a appris en faisant”, Michel Barnier “a dit dès le début, +je ne fonctionnerai pas avec les partis, les groupes+ (…) Nous on s’est dit qu’on allait fonctionner (…) avec nos lignes de parti et de groupe”, concède-t-elle.- Une Assemblée qui “abîme” -Non sans pointer du doigt le président du groupe LR, Laurent Wauquiez, accusé d’avoir lui aussi voulu jouer sa propre carte, en allant notamment sur TF1 faire valoir ses gains, ou en refusant de participer à un intergroupe du “socle commun”.Pour Gabriel Attal et son groupe, la bonne posture était sans doute difficile à trouver. Comment être à la fois comptable du bilan d’Emmanuel Macron, et solidaire des remèdes amers administrés par Michel Barnier pour combler un “trou” budgétaire inattendu ?”On ne peut pas prendre et le bilan, et une chute économique sur un programme économique qui n’est pas le nôtre”, tempêtait fin novembre un pilier du groupe EPR.Plus généralement, l’Assemblée divisée en trois blocs est un chaudron qui “abîme”, entre primauté aux “jeux tactiques” et risque d’impuissance, soulignent des responsables politiques.Gabriel Attal pourrait-il quitter la présidence du groupe, après avoir été élu à la tête du parti Renaissance ? Pour un ancien ministre macroniste, “ce serait une excellente nouvelle”, que MM. Attal et Wauquiez prennent leur distance.Mais une telle hypothèse “n’est pas d’actualité”, répond un proche de M. Attal.