Eglises en péril: Dati propose de faire payer l’entrée de Notre-Dame et relance le débat

En suggérant de faire payer l’entrée de Notre-Dame aux touristes, la ministre de la Culture Rachida Dati entend financer la restauration d’autres édifices religieux en s’inspirant de l’Italie, ce qui se heurte à la législation et a été jusqu’à présent refusé par l’Eglise en France.A quelques semaines de la fin du chantier de restauration de la cathédrale, ravagée par un incendie en 2019, Mme Dati a avancé cette proposition mercredi soir dans Le Figaro, alors que l’édifice est l’un des plus visités en Europe, avec “14 à 15 millions” de personnes attendues par le diocèse après la réouverture prévue le 7 décembre.”Partout en Europe, l’accès aux édifices religieux les plus remarquables est payant”, a souligné la ministre, également maire du 7e arrondissement de la capitale.Elle a précisé avoir “proposé à l’archevêque de Paris une idée simple: mettre en place un tarif symbolique pour toutes les visites touristiques de Notre-Dame et consacrer totalement cet argent à un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux”.En faisant payer “5 euros seulement par visiteur, on récolterait 75 millions d’euros par an”, a-t-elle avancé.Le Diocèse a rappelé jeudi “le principe de gratuité du droit d’entrée dans les églises et les cathédrales”, en soulignant que la “mission” de l’Eglise catholique est d'”accueillir de façon inconditionnelle tout homme et toute femme”. “À Notre-Dame, a-t-il ajouté, pèlerins et visiteurs n’ont jamais été distingués: les offices sont célébrés pendant les visites, et les visites se poursuivent durant les offices”.Selon Mme Dati, “les visiteurs hors UE” devraient aussi payer “davantage leur billet d’entrée” dans les musées, afin de “financer la rénovation du patrimoine national”.Le ministre de l’Intérieur chargé des cultes, Bruno Retailleau, a soutenu l’idée jeudi sur France Inter, prenant l’exemple de l’Espagne où il a “visité la Sagrada Familia, (où) on paye”.- Loi de 1905 -Si cette pratique est aussi courante en Italie notamment à la basilique Saint-Marc de Venise, la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat en France interdit en principe toute “taxe” ou “redevance” sur l’entrée des édifices religieux.La fondation du patrimoine, qui collecte des fonds pour la restauration du patrimoine en péril, s’est félicité de la proposition de Mme Dati qui ouvre “un débat sur les modes de financement disponibles”, en insistant pour que “toutes les ressources financières possibles, y compris innovantes, soient mobilisées pour venir au secours de ce patrimoine en péril”, même si le cas de la France est spécifique en raison de la Loi de 1905.L’animateur Stéphane Bern qui s’est vu confier une mission pour la sauvegarde du patrimoine par Emmanuel Macron en 2017 et est à la tête du “Loto du patrimoine”, qui permet chaque année de récolter des fonds à cette fin, avait déjà avancé l’idée d’une entrée payante dans les édifices religieux.”D’un côté, je pense que c’est bien pour payer l’entretien de ce monument qui coûte une fortune mais en même temps c’est un lieu de culte, un bien commun qui doit rester gratuit”, a estimé Marius Boulesteix, 32 ans, Français et paysagiste installé à Marrakech depuis 5 ans.”Personnellement, ça ne me choquerait pas de payer parce que plein d’autre monuments comme la Sainte-Chapelle sont payants”, a-t-il ajouté, interrogé par l’AFP avec d’autres passants jeudi.Roger Gillmann, Allemand de 59 ans et enseignant, estime en tant que “chrétien” qu’on “ne doit pas payer pour aller dans une église”, la question étant de savoir si on y vient pour son intérêt muséal ou pour le culte.Avant l’incendie, seules les tours de Notre-Dame et la crypte archéologique étaient payantes au même titre que la nécropole des rois de France à la Basilique Saint-Denis, selon le Centre des monuments nationaux.En France, 5.000 édifices religieux – sur environ 50.000 lieux de culte recensés – sont en très mauvais état et nécessitent une intervention urgente, avait rappelé Emmanuel Macron lors du lancement d’une souscription nationale en septembre 2023.Cette souscription doit permettre de “mobiliser 200 millions d’euros sur quatre ans” afin d’aider les petites communes à préserver leurs édifices religieux.Au printemps, l’exposition payante (3 euros) d’un chef d’oeuvre de Raphaël à la basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) avait permis de recueillir des fonds “conséquents” destinés à la restauration de l’édifice, selon les initiateurs privés de la démarche dont le propriétaire du tableau.