En suggérant de faire payer l’entrée de Notre-Dame aux touristes, la ministre de la Culture, Rachida Dati, entend financer la restauration d’autres édifices religieux en s’inspirant notamment de l’Italie, ce qui se heurte à la législation et a été jusqu’à présent refusé par l’Eglise en France.A quelques semaines de la fin du chantier de restauration de la cathédrale, ravagée par un incendie en 2019, Mme Dati a avancé cette proposition mercredi soir dans Le Figaro, alors que l’édifice est l’un des plus visités en Europe, avec 12 millions de personnes en 2017 et “14 à 15 millions” attendues par le Diocèse après la réouverture prévue le 7 décembre.”Partout en Europe, l’accès aux édifices religieux les plus remarquables est payant”, a souligné la ministre, également maire du 7e arrondissement de la capitale.Elle a précisé avoir “proposé à l’archevêque de Paris une idée simple: mettre en place un tarif symbolique pour toutes les visites touristiques de Notre-Dame et consacrer totalement cet argent à un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux”. En faisant payer “5 euros seulement par visiteur, on récolterait 75 millions d’euros par an”, a-t-elle avancé.Selon elle, “les visiteurs hors UE” devraient aussi payer “davantage leur billet d’entrée” dans les musées, afin de “financer la rénovation du patrimoine national”.Le ministre de l’Intérieur chargé des cultes, Bruno Retailleau, a soutenu l’idée jeudi sur France Inter, prenant l’exemple de l’Espagne où il a “visité la Sagrada Familia, (où) on paye”.- Loi de 1905 -Si cette pratique est aussi courante en Italie, notamment à la basilique Saint-Marc de Venise réputée pour ses chefs-d’oeuvre en mosaïques sur fond doré, en France, la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat interdit en principe toute “taxe” ou “redevance” sur l’entrée des édifices religieux.”On pourrait imaginer, certes, de changer cette loi. Mais, compte tenu du caractère délicat d’un texte qui régit les rapports entre le culte et l’État, cela semble peu probable. D’autant que de manière constante l’Église, affectataire, s’est opposée à l’instauration d’une entrée payante, notamment par la voix de la Conférence des Églises de France en 2017 lorsque celle-ci avait été évoquée par Stéphane Bern”, estime Didier Rykner, patron de la Tribune de l’Art dans un article posté jeudi sur son site.Stéphane Bern, animateur de télévision populaire, passionné d’histoire, s’est vu confier une mission pour la sauvegarde du patrimoine par Emmanuel Macron en 2017. A la tête du “Loto du patrimoine”, qui permet chaque année de récolter des dons pour la restauration de ce patrimoine, il a également défendu l’idée de faire payer une entrée, même symbolique, afin d’en financer la restauration.Interrogé par l’AFP, le ministère de la Culture n’avait pas répondu dans l’immédiat.”Une église est un lieu qui doit rester ouvert à tous et les oeuvres d’art doivent rester accessibles”, oppose M. Rykner, interrogé par l’AFP.Il suggère plutôt “une taxe de 1,8% sur toutes les mises de la Française des Jeux et une augmentation d’un euro par nuitée de la taxe de séjour”, ce qui “diminuerait un peu les 70% redistribués aux joueurs” et “permettrait de rapporter 500 millions d’euros par an en plus”.En France, 5.000 édifices religieux – sur environ 50.000 lieux de culte recensés – sont dans un état qui fait craindre pour leur pérennité et nécessite une intervention urgente, avait rappelé Emmanuel Macron lors du lancement d’une souscription nationale en septembre 2023.Cette souscription doit permettre de “mobiliser 200 millions d’euros sur quatre ans” afin d’aider les petites communes de moins de 10.000 habitants (et de moins de 20.000 habitants en outre-mer) à préserver leurs édifices religieux.Au printemps, l’exposition payante, au tarif de trois euros par personne, d’un chef-d’oeuvre de Raphaël représentant un portrait de Marie-Madeleine daté de 1505, à la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), avait attiré nombre de visiteurs et permis de recueillir des fonds “conséquents” pour soutenir sa restauration, selon les particuliers, dont son propriétaire, à l’initiative de cette démarche.