Décryptage | Qu’est-ce que le délestage et que peut apprendre l’Europe de l’Afrique du Sud ?

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L’Afrique du Sud est habituée au délestage, terme utilisé pour décrire les coupures de courant électrique, qui existe depuis 2008. Mais avec l’hiver en Europe et après près d’un an d’offensive russe en Ukraine, les prix du pétrole ont considérablement augmenté et ont forcé l’Union européenne à reconsidérer sa relation avec les gazoducs russes, si bien que des avertissements précoces ont été émis quant au risque de coupures de courant.

Alors, qu’est-ce que le délestage, comment affecte-t-il la vie quotidienne, et que peuvent apprendre les Européens des Sud-Africains qui viennent d’entrer dans leur quinzième année de vie avec les coupures de courant ?

Nous vous proposons ci-dessous une brève explication.

Quand cela a-t-il commencé ?
Le terme “délestage” est apparu en 2007, lorsqu’Eskom, la compagnie d’électricité publique sud-africaine, a annoncé qu’elle ne pourrait pas fournir suffisamment d’électricité à l’ensemble du pays en une seule fois. En 2008, Eskom a mis en place des programmes de délestage, qui déterminent où, quand et pendant combien de temps l’approvisionnement en électricité sera interrompu en fonction de la phase de délestage mise en œuvre.

La phase 1 est la moins sévère, tandis qu’Eskom a prévu d’aller jusqu’à la phase 8, qui serait la plus sévère et entraînerait jusqu’à 12 heures de délestage par cycle de 24 heures. Jusqu’à présent, Eskom n’a jamais eu à dépasser la phase 6 des coupures de courant.

Quels sont les effets économiques ?
La crise énergétique est devenue si grave qu’elle a eu un impact sur la croissance économique déjà limitée de l’Afrique du Sud. D’ici à 2021, la croissance économique aura été réduite de 3 % et coûtera au pays environ 350 000 nouveaux emplois potentiels pour cette seule année.

L’année dernière, la compagnie d’assurance Sanlam a déclaré que les surtensions causaient tellement de dommages aux appareils ménagers qu’elle recevait plus de demandes d’indemnisation de la part de ses clients pour remplacer des appareils que pour des cambriolages.

En 2022, le cabinet d’analyse commerciale Intellidex a estimé qu’il en coûterait à l’Afrique du Sud pas moins de 28 milliards de dollars pour résoudre sa crise énergétique au cours des trois prochaines années, ce qui représente environ 500 milliards de rands. Pendant ce temps, Eskom a accumulé une dette de près de 400 milliards de rands et se bat pour rembourser le fardeau de sa dette tout en ayant désespérément besoin d’argent pour la modernisation des infrastructures, la transition écologique et les travaux de maintenance.

En janvier 2023, le régulateur sud-africain chargé de déterminer dans quelle mesure Eskom est autorisé à augmenter ses tarifs d’électricité, a autorisé la compagnie d’électricité à augmenter ses prix de l’électricité de plus de 18 % en 2023/24 et de plus de 12 % en 2024/25. L’augmentation des prix aggravera la situation déjà difficile de l’économie sud-africaine, tandis que certains consommateurs pourraient devoir choisir entre payer leur loyer, acheter de la nourriture ou payer l’électricité, ont averti certains analystes.

Comment vivre avec les délestages ?
La plupart des Sud-Africains se sont déjà familiarisés avec les délestages, qui font désormais partie de la vie quotidienne du pays. Les ménages planifient leurs repas en fonction des horaires de délestage et s’assurent de cuisiner lorsqu’il y a du courant. Nombreux sont ceux qui ont acheté des générateurs pour alimenter quelques lampes et petits appareils en cas de coupure de courant, tandis que les onduleurs sont devenus des articles de consommation courante pour faire fonctionner le routeur Wifi pendant les délestages.

Les entreprises qui peuvent se permettre d’acheter des générateurs et des onduleurs y ont investi afin de pouvoir continuer à fonctionner pendant les délestages, tandis que celles qui ne le peuvent pas ferment simplement leurs portes pendant les délestages ou essaient de fonctionner sans électricité. Les petites entreprises sont de plus en plus durement touchées et nombre d’entre elles sont contraintes de fermer définitivement leurs portes en raison des délestages. La dernière hausse des tarifs de l’électricité ne fera qu’étouffer davantage les entreprises et le chômage.

Article original paru sur Squid Saccess (en anglais).